blason de La Roche

La Roche-Maurice dans la littérature

accueil

(à suivre)

Falc'hun par Yves Elléouet - 1976

Falc'hun, éditions Gallimard 1976, est le deuxième et dernier roman d'Elléouet, écrit après Le livre des Rois de Bretagne. Toujours aussi surréaliste que le premier, il commence à La Roche, en voici les deux premières pages. L'auteur y mêle, de façon confuse, les souvenirs d'une fille qu'il a connue avec la description du château de Roc'h-Morvan :
 

D'abord c'est la route et ses chevaux entre les haies froides. Parfois un geai traverse, neige, ébène et turquoise sur un flocon de fumée. Collines baleines bossues.
Les fermes apparaissent, palais de paille au fond de cours à purin encombrées de poules. Et l'hermine noire sur fond vert signale le débit de boisson encastré dans la pierre grimaçante.
Un petit, un moyen, un grand ?
Mon Dieu tu étais là, toi, jolie, sous ta chevelure sombre. Tu étais là, un peu maigre comme je t'ai connue jadis.
Un petit ? Un moyen ? Un grand ?

Un peu noiraude, oui, c'est le mot. Un peu petite et jolie comme un brugnon. Effectivement. Tu étais, dis-je, affectueusement. Tu étais. Je dis bien : affectueusement. Tu étais. Je me rappelle ton cou, long, ton visage aux lèvres épaisses posé tout là-haut. Au-dessus de tout ça. Affectueusement. Oui, je m'en souviens, et aussi du balancement léger de tes hanches, pareil à ta tête au-dessus de ton corps ; tout cela était couronné par les ruines de l'immense château de Morvan-lez-Breiz avec toute la solitude de ses pierres. Il avançait proue sans âge dans les nuages. On aurait dit un lourd bateau de pierraille suspendu au coeur du village et semblable à un oiseau inquiet. Il se dressait gigantesque chambre d'échos au-delà de la mer et des terres blondes et vertes. Certes, il était un grand oiseau, triste et de pierre.  Il se défaisait le long des rues. Vieux mort barbare il croulait peu à peu sur cette route montante qui ressemble à une échine de porc. On pouvait l'entendre se désagréger. Parfois, la nuit, tel bloc dont le temps avait presque effacé toute trace de stéréotomie dégringolait le long de ses flancs grincheux et rebondissait contre la route, la blessant d'une écorchure.

Toi, ton visage ensoleillé. Avec ce rouge sur tes lèvres épaisses et cette taille si fine surmontant tes hanches minces. Et les petites fesses de jeune fille sage. Et puis sans doute je ne sais quel grain de beauté peut-être sur ta cuisse entre le bas tiré par la jarretelle et le bord de la culotte. Tu devais être pointillée de grains de beauté sur lesquels j'aurais posé ma bouche et même si c'est une affaire d'imagination je les vois ces minuscules fruits sombres sur tes cuisses et j'y pose ma bouche en baisers en lèche sur l'un et l'autre et ainsi j'avance à l'intérieur de ton corps. Alors tu t'ouvres comme une route branchue, une plaine si douce je la vois maintenant de loin, ta tête perdue, un peu effacée, le menton, montagne se dissolvant dans l'air et tout ton corps tatoué d'une tunique bariolée de bois et de taillis, quelque part.
C'est ainsi que je l'ai voulu et tu l'ignores.

Autre extrait de Falc'hun,
la garde-barrières... de La Roche, bien sûr !

" ... au-delà ... montait une route vers la gare, lointaine mais visible, et dont le toit était parcouru en toutes saisons par les potiches redondantes et frémissantes de pigeons paons. Ils se perdaient en courbette et pirouettaient sur les ardoises qu'ils conchiaient à longueur de jour. La garde-barrière aux cheveux gris : poisson séché dans des blouses étriquées rapiécées aux coudes, sortait de la maisonnette du côté de la route et fichait ses fesses pointues dans la toile d'une chaise pliante. Ses doigts agiles tricotaient les mailles de quelque chandail sans couleur. Ses doigts très rapides faisaient cliqueter les aiguilles de fer mouchetées de demi-bouchons de liège. A cette vue, les présomptueux volatiles cessaient de se rengorger et de tournicoter sur le toit ; ils le quittaient en une blanche volée et venaient s'abattre sur les épaules et dans le giron de la tricoteuse.

Rituellement, l'un des oiseaux se posait sur la tête aux cheveux parcimonieux, tirés et roulés à l'arrière du crâne pour y former une boule insignifiante. Dans ce chignon maigre luisaient des épingles que l'occupant des régions pariétales s'ingéniait à ôter de la construction capillaire : il y parvenait toujours. La femme dodelinait du chef, se réjouissant de cet intermède prévu, quotidien, qui attirait autour d'elle l'admiration babillarde de voisines désoeuvrées, témoins de longue date du numéro exécuté par le social granivore.

Quand le chignon s'était enfin défait pour se réduire à une indigente queue pendant sur le cou, un murmure d'approbation montait en bourdonnant à l'oreille de la femme au tricot dont la blouse s'était, entre-temps, étoilée de fientes blanchâtres. "Comme il est bien dressé ! C'est vous qui lui avez appris ce tour !", etc. La garde-barrière repoussait les oiseaux d'un geste brusque, accompagné d'un chuintement sonore qui, effectivement, les éloignait, et du même coup annonçait aux spectatrices présentes que la représentation était terminée. On ramassait dans la poussière les épingles de cuivre que l'on portait d'abord à sa bouche, tandis que les deux mains s'affairaient sur la nuque à recomposer le tortillon aboli par les soins habiles du roucouleur. Les voisines satisfaites, disparaissaient à l'horizon. On entendait grelotter le téléphone de la gare annonçant l'arrivée imminente d'un train de marchandises dont le vacarme ébranlait déjà les collines à quelques kilomètres de là. Mme Ael, la garde-barrière, rentrait pour prendre la communication ; elle mettait en branle (je suppose) une puissante sonnerie, puis ressortait aussitôt afin de procéder à la fermeture du passage à niveau. Elle bénéficiait alors de l'aide du nain Pierrik ; lequel promenait une tête d'hydrocéphale sur un corps robuste, quoique d'une brièveté caractéristique, et laissait pousser contre ses oreilles les ondulations clairsemées de favoris en 'pattes de lapin'. "

Autre extrait de Falc'hun,
Hervelina T.

L'aurore-aux-doigts-de-rose, fille du matin venait d'apparaître, et la mer bruissait intensément, verte et froide, d'où naissait une brume composée de cristaux de gel imperceptibles : une buée glacée issue de milliers de bouches expirant dans l'air de l'hiver. Les chemins étaient secs, et les cailloux heurtés d'un sabot faisaient sonner les clous de la semelle comme le bord d'un verre de cristal qu'on pince entre deux ongles. Les maisons de pierre étaient basses et grises, les rues s'allumaient d'une clarté jaune et glaciale, et dans l'ombre des murs l'humidité se condensait en plaques noirâtres et croûteuses. Peu à peu l'air se réchaufferait. La brume serait graduellement aspirée par le soleil. La place était traversée par des formes dont la marche claquait, en rendant un son creux.

Dans sa chambre, Hervelina T. en peignoir de tissu-éponge s'attardait avant de se vêtir, devant le miroir - la psyché - de sa coiffeuse. Elle enduisait ses mains d'une crème "adoucissante" contre les engelures. Ses mains glissaient l'une contre l'autre, les doigts s'entrelaçant puis se déprenant ; massant la peau lubrifiée en remontant vers les poignets minces sur lesquels une montre et un bracelet de jade avaient marqué deux légères dépressions rosâtres. Hervelina elle-même était une demoiselle incolore : je veux dire qu'elle semblait faite de meringue, à l'exception des joues dont elle dissimulait la légère couperose sous une pellicule de poudre étalée à l'aide d'une houppette : elle se passait le disque mou sur tout le visage y compris les oreilles, déposant cette poussière parfumée sur l'arête du nez (qu'elle devait empêcher de luire - surtout par ce froid), au-dessus de la bouche (là où poussait un duvet, tendant à devenir poil avec l'âge), le long du cou strié de plis et jusqu'à l'échancrure de la chemise de nuit (plus bas, la peau nue reprenait ses droits). Elle était revenue deux fois sur le front, haut et marqué lui aussi d'un fin réseau de rides, sous les cheveux mousseux d'un blond-gris, léger, léger, sur les paupières fripées bordées de cils albinos - deux yeux pâles, un peu bovins, bougeaient là-dessous : des yeux d'alcoolique ; encore que les excès d'Hervelina dans ce domaine fussent modestes, dissimulés ; résultant d'un état quasi chronique de psychomanie dépressive dû à sa condition de femme sans homme, et dont les crises la précipitaient parfois dans le secret de sa chambre en compagnie d'une bouteille.

Sous sa fenêtre, les poules leghorns, sur leurs pattes jaunes, déambulaient.

Elles ressemblaient à des morceaux de lait caillé. C'est du moins ainsi que le jeune Falc'hun voyait la chose. Je veux dire qu'il voyait le tout : Hervelina dans sa chambre par ce matin d'hiver. En bas, les poules. (Elles avaient fini par s'ouvrir un passage dans le grillage de leur volière, et elles s'en allaient gratter un peu partout, et même jusque sur le seuil de la maison dont on devait les chasser à coups de balai). Mlle Hervelina T. élevait les leghorns, pour les oeufs : ce sont d'excellentes pondeuses ; c'est ainsi que je vois la chose. Je vois le jeune Eliézer voir Hervelina T. Maintenant il est apaisé ; c'est pourquoi, d'ailleurs, il n'en voit plus que les défauts. Cependant, tout à l'heure, son imagination s'émouvait à l'évocation du corps d'Hervelina. C'est vrai qu'elle est bien faite, cette femme. Quel gâchis ! Personne ne la baise, c'est certain. Ça doit la démanger. Eliézer, dans la chaleur du lit, avait relevé la chemise de nuit d'Hervelina sur ses chairs pâles. Il imaginait en s'aidant de la main. Il voyait Mlle T. enduisant ses paumes et ses doigts d'une substance liquide et tiède, devenue crème adoucissante, pour la vraisemblance. Elle "faisait" le catéchisme ; l'enseignait-elle ? Non. Elle se bornait à rassembler les enfants ; c'est ça : les filles à gauche, les garçons à droite, ... face à la grande ogive ... [C'est là qu'Yves Elleouet place une description du vitrail de La Roche] ... Une fois tout le monde assis, et en attendant l'arrivée du prêtre (on disait "recteur", dans ces régions), elle (Hervelina) disparaissait derrière le jubé sculpté sur lequel des médaillons ornés de masques grimaçants servaient de socle aux "douze" sculptés en bas-relief. Dans son tailleur et sous son chapeau également gris ardoise, elle faisait penser à une nonne qui se fût retirée des ordres sans pour autant être retournée à la vie laïque. Cette apparence qui était la sienne prêtait à équivoque. On pouvait se demander si elle ne portait pas quelque uniforme : l'uniforme de la chasteté, sans doute. Non, certes, d'une chastetée voulue, délibérée, vécue comme l'exaltation d'une vertu dont le parfum serait particulièrement agréable au dieu, mais une continence imposée par les "événements", ou plutôt par leur absence notable. Vie faite d'habitudes quotidiennes ; vie rétrécie, existence racornie et mesquine entre les soins à donner aux leghorns à cette proliférante volaille grattant partout et conchiant toute la surface d'une cour pourtant immense, à la suite d'escapades hors de cette volière dont il a déjà été dit qu'un trou (jamais bouché) dans le grillage était l'exutoire ; ...





A propos d'Yves Elleouet :

Il était le neveu de Mme Birac qui a tenu un restaurant à Pont-Christ.
On pourra lire un résumé de sa biographie dans un des chapitres
consacrés à notre village. Voir aussi sur un site externe.

Dédicace

aux rois oubliés fumées vapeurs et soufres
aux troupeaux repus dans la brûlure des champs
à la nuit élastique et sein bleu boule d'odeurs
au jour dans le verre de la lampe
à ce qui ne parle pas dans les prairies fauves
à ma vie
au chevalier sans nez sans casque
à son sourire sous les ardoises du cloître
à la comtesse marie de kerguezec "endormie dans le seigneur"
aux cloches et aux clochers d'août
à ces voix éparses
à ces silences
à toi.La proue de la table, 1967.

La légende du Dourdoun

Histoire du dragon qui terrorisait la région, le suicide raté du seigneur Elorn dans la rivière, les "saints" chevaliers qui vinrent à son secours et la capture du dragon par Riok, fils d'Elorn.

 

Racontée par Albert le Grand :

Elle est racontée par Albert Le Grand dans un chapitre dédié à Pont-Christ : Eh oui ! Nos chevaliers, Derrien et Neventer, sont passés par Pont-Christ pour arriver à La Roche.

"Il estoit long de cinq toises, et gros par le corps comme un cheval, la teste faite comme un Coq, retirant fort au basilicq, tout couvert de dures écailles, la gueule si grande que, d'un seul morceau, il avaloit une brebis, la veuë si pernicieuse, que, de son seul regard, il tuoit les hommes". (Albert Le Grand)

Racontée par Yves Elléouet :

On trouvera aussi, au même endroit, sous la plume de notre écrivain rochois, sa vision de la légende du dragon de la Roche, extraite du Livre des rois de Bretagne. Attention, ça décoiffe !

La suite de l'histoire par Auguste Soubigou :

Dans son Histoire manuscrite de Plouneventer, écrite avant 1910, Auguste Soubigou, ancien maire de la commune, retranscrit le texte d'Albert Le Grand. Cependant, il apporte deux éléments supplémentaires particulièrement intéressants : 1° Des extraits d'une "gwerz" en langue bretonne et 2° la suite de l'histoire à Plouneventer. Ils pourront être lus après avoir pris connaissance de l'histoire originale, racontée par Albert Le Grand :

Des extraits du poème en breton :

Cette "gwerz" était encore chantée en 1860 et Auguste Soubigou en a récupéré les extraits suivants dans les écrits de Miorcec de Kerdanet.

On voit que l'orthographe est très ancienne. Aussi pour une lecture plus facile, ai-je ajouté une traduction en vulgaire et vernaculaire langage français.

Premier extrait : Elorn explique pourquoi il s'est jeté dans le "Dourdoun"
Ar sort zo quelliez cuezet
E bars em zi, n'en deus restet
Euz a guement den a meus bet
Nemet va mab a va fried
O velet e ranquen rei
Va mab dezan da zevori
Quer braz e bet va disesper
M'oun en em strinket er rivier
Le sort est si souvent tombé
Sur ma maison, qu'il ne m'est resté
De tous mes gens si nombreux
Que mon fils et mon épouse
En voyant que je devais donner
Mon fils pour qu'il soit mangé
Si grand fut mon désespoir
Que je me suis jeté dans la rivière
Deuxième extrait : Quand Elorn veut donner des terres aux deux chevaliers en échange de leur aide
Sant Derrien, gant e douçder vraz,
D'ar prinç Elorn a lavaras :
N'on deus quet affer o madou
Guel e gan-eomp caout ilizou
Saint Derrien avec sa grande douceur
Dit au prince Elorn
Nous n'avons pas besoin de vos biens
Il est mieux pour nous de posséder des églises
Troisième extrait : Le dragon est décrit ainsi :
Bez en doa éveuz red,
Ervez ar scritur, pemp goured ;
E gorf a yoa da viana
Quément ag er marc'h brassa
Oc'h ar bazilic oa evel,
Ag er zel dezan quen cruel,
Ma lazé an dud eb tarda
O selet outo ep quen tra.
E gorf a yoa goloet
Eveuz ascant calet meurbet,
En eur guer, quen terrupla
Ar bet oll a grené raza.
Il mesurait de long
Selon les écrits, cinq toises
Son corps avait au moins
La taille du plus grand cheval
Il était semblable au basilic
Et sa vue si cruelle
Qu'il tuait les gens sans tarder
En les regardant seulement
Son corps était couvert
D'écailles très dures
En un mot, si terrible
Que le monde entier tremblait devant lui
Quatrième extrait : en route pour Pontusval. La "gwerz" bretonne les fait partir de Brest :
Ac'hano e sortijont prest
Da vont er meas eus a Vrest  
Evit monet da Bondusval
Eno e veusjont an aneval
Ar plas-se zo en eur barres
Hanvet brema Plouneour-Trez
En dioces a Leoun
Cetu aze fin an dragoun
De là, ils sortirent rapidement
Pour quitter la ville de Brest
Afin d'aller à Pontusval
Où ils noyèrent l'animal
Ce lieu se trouve dans la paroisse
Appelée maintenant Plouneour-Trez
En diocèse de Léon
Voilà la fin du dragon
Cinquième extrait : la construction de l'église débuta sur la montagne du Reun en Saint-Servais :
Lavaret a reur communamant
Voue commencet ar batimant
Dre eun ordrenanç exprès
Er Menez ar Reun e Sant-Servez
Pa oue commencet batissa
Er plaç-se ma felle deza,
Dre viracl oue transportet
Ar materiou da Varguet
On dit en général
Qu'on commença le bâtiment
Par une ordonnance spéciale
A Menez-ar-Reun en Saint-Servais
Quand on commença à bâtir
Où il [Elorn] le voulait
Par miracle furent transportés
Les matériaux à Barguet
Sixième extrait : la construction de l'église fut achevée à la place où on la voit maintenant
Da ben eun nebeut goude,
Voué e Breiz-Izel roué
Ag a laqueas er batissa
Er plaç mar e gueleur brema
Peu après
Il y eu en Bretagne un roi
Qui la construisit
Au lieu où on la voit maintenant

La suite de l'histoire :

Auguste Soubigou poursuit ainsi : "Voilà d'après Albert le Grand l'origine de l'église de Plouneventer et par conséquent du bourg paroissial ; la tradition locale encore vivace dans le pays ajoute divers détails tenant toujours du fabuleux. Il est fort probable que Barguet était un beau pays de chasse et qu'à Menez-ar-Reun, il n'y avait pas grand'chose. Cette butte est située entre Saint-Servais et Plouneventer, à un kilomètre de Saint-Servais, et le vieil Elorn l'aurait proposée à Saint Neventer qui ne la trouva pas à sa convenance,

et il aurait piqué des deux éperons son cheval, qui fit un bond de trois kilomètres jusqu'au bois de Barguet et là le chevalier saisissant un marteau le jeta à tour de bras pour tomber à l'endroit où devait se bâtir l'église à 200 mètres environ du point où le cheval avait terminé le bond. Ce dernier aurait posé le pied sur une pierre où une empreinte de pied de cheval est encore visible. Une autre pierre se trouvait aussi à côté, et la tradition rapporte que le cheval butta et creusa de ses genoux cette pierre ou bien que saint Neventer se mit à prier sur celle-ci.

Ces deux pierres ont été l'objet de la vénération publique et sont aujourd'hui conservées près du bourg de Plouneventer : l'une à l'endroit même où la légende place le point où se termina le bond. L'empreinte du pied du cheval a été de nouveau gravée en 1898 à l'endroit ancien. Par leur usure et leur polissage, ces pierres démontrent qu'elles ont dû être visitées et piétinées par plusieurs générations. Il est probable que les pierres furent posées en cet endroit pour rappeler cet épisode et qu'elles furent travaillées de main d'homme.

La tradition rapporte aussi que Saint Derrien n'ayant plus de cheval demanda à Saint Neventer de lui prêter le sien pendant son sommeil, pour voir le pays et choisir encore un emplacement, et c'est ainsi que le bourg de Saint Derrien, et que tout le teritoire qu'il parcourut pendant ce somme lui échut, ce qui explique l'étendue du terrain de la commune de Saint-Derrien.

Dans la chapelle de Saint-Derrien existe une statue représentant Saint Derrien terrassant le dragon. Dans la magnifique verrière de Plouneour-Trez, on voit le jeune Riok conduire le dragon à Pontusval au moyen de l'écharpe qui lui fut passée au col, suivi de Saint Neventer à cheval.
 

Le Finistère en 1836 par Emile Souvestre

... le château de La Roche-Maurice, situé à une lieue de Landerneau.

Cette ruine est une des plus belles du Finistère. Du haut des décombres qui ont comblé la principale tour, le regard plonge dans une campagne délicieuse toute bordée de prairies, de bocages et de champs cultivés. On suit au milieu de la vallée tous les contours de l'Elorn, à demi voilé par les osiers et les saules. Le murmure rieur des cascades, le traquet des moulins, le frémissement du feuillage, forment une rumeur mélodieuse et confuse qui monte du vallon jusqu'à vous ; tandis que la cloche tinte, derrière, dans la tour aérienne, et mêle à toutes ces harmonies sa voix frêle et mélancolique.

La chapelle de La Roche-Maurice mérite d'être visitée pour son clocher tailladé à jour et son portail orné de pampres et de figures en kersanton assez correctement exécutées. On voit dans l'intérieur un jubé en bois fort habilement sculpté, et qui serait encore plus beau si le pinceau du barbouilleur ne l'avait point défiguré. Dans le choeur, des deux côtés du lutrin, se trouvent d'immenses coffres qui servent de bancs 1, mais qui n'appartiennent pas à la chapelle actuelle, et qui doivent remonter au premier temps du christianisme, si l'on en juge d'après leur forme fruste et massive.

Le reliquaire de l'église de La Roche est un édifice d'ordre corinthien et d'un travail très soigné. On aperçoit sous le soubassement dix compartimens dans lesquels se trouvent des figures représentant les diverses professions de la vie. Du côté gauche de la façade se trouve un bénitier, au-dessus duquel on a sculpté la mort tenant une flèche à la main. Elle semble menacer tous les personnages sculptés à sa suite, et au-dessous du squelette terrible on lit ces mots : je vous tue tous. On voit que cette série de figures forme un véritable poème : c'est un abrégé de la fameuse danse macabre. ...


1 Les stalles : voir ici des photos du 19è siècle, avec le lutrin, et d'autres photos plus récentes.
La description de Souvestre n'est-elle pas exagérée ?

Le texte ci-dessus est tiré d'un complément qu'Emile Souvestre a écrit pour compléter une nouvelle édition de
l'ouvrage de Cambry Voyage dans le finistère en 1794. Il est accompagné de deux illustrations

X

Illustrations de l'ouvrage Le Finistère en 1836 par Emile Souvestre

Cette vision du château et du pont de La Roche me paraît un peu grossière.

 

Par les champs et par les grèves de Gustave Flaubert - 1847

Par les champs et par les grèves est un récit de voyage écrit par Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, lors d'une "excursion" en Bretagne à partir de mai 1847. L'ouvrage est écrit par les deux amis et composé de douze chapitres, Du Camp rédigea les chapitres pairs et Flaubert, les chapitres impairs.

Extrait

" Le château de la Roche-Morice était un vrai château de Burgrave, un nid de vautour au sommet d'un mont. On y atteint par une pente presqu'à pic, le long de laquelle des blocs de maçonnerie éboulés servent de marches. Tout en haut, par un pan de mur fait de quartiers plats, posés l'un sur l'autre, et où tiennent encore de larges arcs de fenêtres, on voit toute la campagne : des bois, des champs, la rivière qui coule vers la mer, le ruban blanc de la route qui s'allonge, les montagnes dentelant leurs crêtes inégales, et la grande prairie qui les sépare en se répandant au milieu". ...

Voir ICI pour un extrait plus important.

La botte de paille par Hippolyte Violeau - 1856

Hippolyte Violeau, né à Brest le 13 juin 1818 et mort à Lambézellec le 24 avril 1892, est un homme de lettres, auteur de contes, de poésies édifiantes et d'études littéraires bretonnes. Employé au bureau des hypothèques, puis bibliothécaire-archiviste à la bibliothèque de Brest en 1843, Violeau se retire quelque temps plus tard à Morlaix pour poursuivre son oeuvre littéraire. Son Livre des mères et ses Soirées de l'ouvrier sont couronnés par l'Académie française en 1848 et 1850.

Dans Paraboles et légendes, poésies dédiées à la jeunesse (1856) il publie un poème intitulé "La botte de paille".

Hippolyte Violeau a publié dans le journal L'Armoricain de Brest à partir de 1841, ainsi que l'explique le périodique : "Il y a quelques années qu'un jeune homme à l'apparence timide et modeste vint nous présenter, en s'excusant avec embarras de la liberté grande qu'il osait prendre, quelques essais poétiques qu'il eût été heureux, disait-il, de voir figurer en feuilleton dans l'Armoricain. Obligés très souvent à des refus d'autant plus difficiles à adoucir que les jeunes poètes du jour (les barbus surtout) paraissent moins s'y attendre, nous trouvâmes d'un bon augure cette modestie que de mémoire de journaliste on ne rencontre plus dans ce siècle de prétendus génies incompris, ... Lire la suite

La botte de paille

Un soir, à La Roche-Maurice,
Nid d'aigle ou de vautour grandement redouté,
Arrivés sous la neige et dans l'obscurité,
Deux pauvres pèlerins, revenant de Galice,

Demandaient l'hospitalité.
Ils en avaient besoin : des lambeaux de chaussure
Gênaient sans les couvrir leurs pieds endoloris ;
Et du givre glacé la cruelle morsure
Ensanglantait leurs mains, leurs visages meurtris.

- "Hélas !", disait la Châtelaine
Aux pieux voyageurs, "je voudrais vous loger,
Devant un feu brillant vous servir à manger,
Ecouter vos récits tout en filant ma laine.

Je le voudrais !... le Comte, mon époux,
Qui commande au château hait la robe de bure ;

Un bourdon le met en courroux,
Il vous outragerait. Tenez, reposez-vous

Sous le toit de cette masure.
Je redoute le Comte... Adieu, priez pour moi,

Pour lui surtout qui n'est pas charitable !
Votre maître et le mien me juge : il sait pourquoi
Je n'offre à des chrétiens que l'abri d'une étable. "
La dame après ces mots revint près du foyer

Le coeur triste, silencieuse,

Et l'époux : - "Azénor, vous êtes soucieuse,
Et j'ai vu dans vos yeux une larme briller.
Qu'avez-vous ? - Je n'ai rien. - Allons point de mystère,

Au lieu d'éviter mes regards,
Parlez sans crainte. - Eh bien ! je pense à deux vieillards
Qui sont là dans l'étable étendus sur la terre.

Nous voici devant un bon feu :
Ces malheureux ont froid ; et, près de la muraille
Si l'on jetait pour eux une botte de paille,
Ils se réchaufferaient, et dormiraient un peu.
- "Une botte de paille ! eh ! mon dieu, je la donne !"
Dit le Comte attendri pour la première fois,

Et trouvant lui-même à sa voix
Un accent de pitié qui le trouble et l'étonne.
Or, dans la même salle, en longs habits de deuil,

Un an plus tard, au jour anniversaire
Du soir où sa requête eut un si bon accueil,

Azénor disait son rosaire.

Veuve, à son époux regretté
Et dont les longs écarts la remplissaient de crainte,
Elle adressait encore une larme, une plainte,

Tribut de sa fidélité.
Perdre un être chéri, dans la fosse cruelle
Avec lui déposer son terrestre bonheur,
N'est point la pire épreuve ; il faut une douleur

Qui redoute là-haut une absence éternelle,
Pour comprendre la mort dans toute son horreur !
La pieuse Azénor endurait ce supplice
Depuis trois mois entiers, et, ce soir, en priant,
Elle avait demandé quelque signe propice
Qui rassurât son coeur malade, défaillant.

L'Angelus tintait au village :
La dame vit alors (la légende le dit)
A la porte du ciel, sur un sombre nuage,
L'âme de son époux et l'archange maudit.
Terrible, et dans sa main tenant une balance,
L'ange de la Justice est assis devant eux
Et pèse lentement, à regret, en silence,
Quelques rares vertus et des vices nombreux.
Satan va triompher, la différence est forte :
Le pécheur est jugé, le pécheur est banni !
Non ! saint Jacques paraît, la paille qu'il apporte
Et qu'il jette au plateau si haut, si peu garni,
Ebranle ce bassin qui s'abaisse et l'emporte.
L'âme échappe au Démon, un choeur mélodieux
Célèbre le pardon que le Seigneur accorde :
" Heureux, chante le ciel, oh ! quatre fois heureux
" Les coeurs compatissants, miséricordieux,
" Car il leur sera fait aussi miséricorde !"

A travers la Bretagne par Max Radiguet - 1865

Max Radiguet, né à Landerneau le 17 janvier 1816 et mort à Brest le 7 janvier 1899, est un voyageur, romancier (écrivain mondain), auteur de poésies et illustrateur français. Il fut aussi secrétaire de l'amiral Dupetit-Thouars.
Il a donné à la plupart des journaux et des grandes revues, des articles de littérature et des relations de voyage sous son véritable nom Maximilien-René Radiguet aussi bien que sous les pseudonymes René de Kérilian, Stéphan Rénal, Saint-Rénal. Il signe cependant le plus souvent sous le nom « Max Radiguet ».


LXII

L'auteur se déplace de Landerneau vers La Roche : " ... je suis bientôt distrait par le ravissant tableau que l'on découvre d'un tournant de la route. - C'est au premier plan, la rivière qui, à l'ombre des saules et des ormeaux, roule en cascade à travers les cailloux d'un barrage ; plus loin, sur un entassement de rochers dont la mousse et les broussailles tapissent les anfractuosités, se dressent revêtus de cette fourrure de lierre fidèle aux ruines les débris du château de Roc'h-Morvan. Tout à côté s'élance légère, percée à jour, dentelée aux arêtes, la flèche de granit d'une église. Des chênes, des sapins, des mélèzes revêtent les collines environnantes, où apparaissent, çà et là, le clocheton d'une chapelle, le pignon d'une métairie et quelques rochers blancs semblables à des blocs de neige oubliés par le dégel. Une sorte de brouillard azuré apaise la vigueur des tons et des contours des lointains de la vallée, de façon à laisser un peu de champ libre au regard de l'imagination. Tel est, vu de la route de Brest à Paris, l'aspect des ruines et du paysage de Roc'h-Morvan. ... ... ..."

LXIII

" Je viens de traverser la rivière sur un pont placé au point où se croisent l'ancienne et la nouvelle route. L'une gravit sans hésiter comme toujours la montagne aride ; l'autre continue à courir dans la vallée en remontant la rive droite de l'Elorn. Le bourg de La Roche-Morice est perché sur une hauteur de la rive gauche ; on ne peut l'apercevoir du chemin à cause de l'épaisseur des feuillages, mais il détache sur la voie publique une demi-douzaine de maisons, de cabarets, veux-je dire, qui sans doute pour amadouer le pélerin vertueux ou pour bercer d'illusions les débauchés, se mettent invariablement sous l'innocent patronage du bon pêcheur, du bon cultivateur, du bon pasteur, etc.

Une route et un sentier conduisent au bourg. Par le premier qui est ardu et raboteux, l'on monte : l'on peut même arriver en voiture ; par le second qui semble le lit d'un torrent desséché, l'on grimpe : il n'est donc accessible qu'aux piétons. J'ai pris celui-ci, non pas tout exprès parce qu'il est le plus difficile, mais parce qu'il est le plus court, le plus pittoresque, le plus ombragé. Ombragé ! hélas ! demain on ne parlera plus de ses ombrages qu'au passé indéfini ; en effet, à peine avais-je commencé mon ascension sous la fraîche voûte de verdure, que j'ai dû appeler à mon secours toute ma gymnastique pour enjamber les troncs d'arbres couchés au milieu du ravin, tandis que dans l'air éclatait le bruit sonore de la hache des bucherons, accompagné du râle des scies. C'était vraiment un chose lamentable de voir tomber ces vieux hêtres et ces chênes, derniers vestiges des forêts qui entouraient au temps de sa puissance le château de Roc'h-Morvan, comme le constate ainsi la chronique d'Arnold-le-Noir : Est locus hinc sylvis, hinc flumine cinctus amaeno, / Sepibus et dulcis atque palude situs / Intùs opima domus ...

LXIV

J'ai contourné un énorme rocher qui, dressé au milieu du passage sur sa base étroite et la tête toute ceinte de lierre, toute empanachée d'arbustes, surplombe cette gorge rapide d'une façon aussi pittoresque que menaçante, et je suis arrivé sur la place de La Roche-Morice. Une abominable odeur d'écurie et d'étable m'a révélé tout d'abord chez l'autorité municipale du lieu des moeurs très tolérantes et l'examen de ce qui m'entoure confirme de la façon la plus irrécusable ce premier jugement. Si ce bourg s'est imposé la tâche d'offrir au touriste un spécimen de la misère et de la célèbre malpropreté des villages bretons, je dois déclarer qu'il s'en acquitte consciencieusement. Partout le pied fait gémir, en y enfonçant jusqu'à la cheville, une épaisse litière de détritus végétaux en fermentation, et sur ce tapis moelleux se roulent en familiarité avec les porcs, les canards, les poules, un essaim de marmots déguenillés et barbouillés aussi de façon à réjouir Brahma. - Un boulevard de fumier protège la façade de toute les maisons jusqu'à la hauteur des fenêtres du rez-de-chaussée. Quelques unes de ces demeures, en général pitoyablement délabrées, ont un étage où l'on arrive par un escalier extérieur qu'abrite un toit démantibulé. Les défroques hideuses et les haillons impurs étalés sur la rampe indiquent que les habitants font de cet escalier une sorte de séchoir. Ne vous imaginez pourtant pas que la fièvre, la misère et le désespoir ont élu domicile dans ces bouges infects : le bouquet de lierre qui les décore annonce qu'on y paie patente de cabaretier, ce qui n'a pas une médiocre signification dans un bourg où se tiennent douze grands marchés de bestiaux par an. - J'allais oublier de vous dire qu'au bon temps des routes tracées d'un clocher à un autre comme par les ricochets d'un boulet de canon, ce bourg placé dans les conditions les plus favorables déchaînait après les voitures toute une meute d'écloppés et de malingreux qui les suivaient le long des côtes, geignant les uns, chantant les autres le refrain populaire : An ini coz e va douç, etc. Mais depuis la rectification des routes, la commune du Ponthou, à l'extrémité du département du côté de Paris, reste le dernier repaire de la geuserie bretonne et semble avoir conservé seule la spécialité d'en faire aux voyageurs la triste exhibition.

LXV

Je me suis dirigé vers l'église. - Autour du clocher tourbillonnait, toute pleine de joyeux caquetages, une nuée de corneilles : autour du sanctuaire, pieds nus, à travers les tombes, s'éparpillait, à la sortie du catéchisme, un essaim non moins bruyant de petits campagnards - garçons et filles. Avec ce tendre sentiment de charité fraternelle qui nous environne de bonne heure et ne nous fait pas faute durant la vie, la plupart de ces gamins rustiques huaient ceux de leurs camarades qui n'ayant pas su leurs leçons avaient dû s'agenouiller sur les dalles au bas de la nef pendant la durée de l'instruction religieuse. Les infortunés s'enfuyaient poursuivis, harcelés, ahuris par la clameur de haro usitée en pareille circonstance et que résume le mot breton : Bigornic. - Je n'en ai jamais bien compris la signification, mais je l'ai toujours soupçonné d'être l'équivalent du mot Cancre, appliqué d'ordinaire aux paresseux. - Des petites paysannes s'enfuyaient aussi avec des cris aigus, pour se soustraire aux niches d'un espiègle qui leur donnait la chasse, sans se douter dans le feu de sa poursuite, que sur ses talons marchait le bras tendu, l'index et le pouce ouverts et déjà tout prêts à lui pincer l'oreille, une providene en soutane et en rabat, - M. le curé lui-même. ... ...

Dans le chapitre LXVI, l'auteur décrit l'église de La Roche, puis dans le chapitre LXVII l'ossuaire,
les chapitres LXVIII à LXXII, sont consacrés au château, sa légende (celle du dragon), son histoire ... etc.
Dans le chapitre LXXIII, l'auteur continue sa balade vers Pont-Christ et Brezal.

L'ossuaire, poème de Lionel Heuzé

A la porte du cimetière
Où reposent nos trépassés
A côté de la croix de pierre
Qui domine le grand calvaire
Que nos pères ont élevé
Se dresse jauni par les ans
Tout recouvert de pariétaires
Au bourg de La Roche-Morvan
Battu par la pluie et le vent
Un lugubre et triste ossuaire
Au bénitier près de la porte
Un squelette brandit son dard
"Je vous tue tous" et peu importe
Et votre rang et votre escorte
Moine ou roi, je vais au hasard,
Et dans la nuit épaisse et sombre
On croit entendre ce cri
Qui semble sortir de l'ombre
Dans le voisinage des tombes
Un mort se lamente et gémit :
"Aujourd'hui le trépas m'enlève
Mes amis ne m'oubliez pas
Car la triste mort qui se lève
Viendra bientôt clore vos lèvres
Et dès demain vous frappera
Homme puisque tu n'es que cendre
En cendre tu retourneras
Des joies ! il n'en faut point attendre
Car hélas ! il faudra te rendre
Là-bas d'où l'on ne revient pas
Si mes os sont dans l'ossuaire
Il t'y faudra bientôt rentrer
Pendant que tu es sur la terre
Ah, dis au moins une prière
Pour l'ami qu'on vient d'enterrer"
Et dans le clocher solitaire
Quand tristement tinte le glas
Le Breton met genoux à terre
En murmurant une prière
Pour les morts qui l'attendent... là-bas.

Lionel Heuzé, architecte (1878-1970)

Ce poème s'inspire des textes en latin gravés sur les murs de l'ossuaire :
Memor esto judicii mei : Sic erit et tuum mihi hodie tibi cras = Mémorise mon jugement : Ainsi sera le tien, à moi aujourd'hui, à toi demain.
Memento homo, quia pulvis es = Souviens-toi, homme, que tu n'es que poussière.
Il commente une planche de dessins que l'architecte a réalisés sur l'ossuaire de La Roche (source Musée de Bretagne).

 

Voyage en France - Bretagne (6è partie) par Ardouin-Dumazet - 1910

p. 255. venant de Morlaix ...

... on juge des beautés de ce pays lorsque le chemin de fer est descendu dans la vallée de l'Elorn, si fraîche et verte. Sur les rochers couverts de lierre, entre de grands arbres, apparaissent les belles ruines de La Roche-Maurice. Le train s'arrête un instant ici, les gamins du village sont rangés le long de la voie ; ils chantent en choeur une complainte bretonne, des portières on leur lance un sou, et c'est alors une bataille ardente. Ils n'ont pas fini leurs mêlée, le train repart et bientôt on est en gare de Landerneau.

 

p. 286. venant du Bas-Léon ...

... Les horizons grandissent lorsqu'on descend à l'Elorn ; la vallée se creuse, très profonde, entre les collines de hauteur régulière, jalonnées de clochers. Ce grand tableau s'efface un instant la ligne descend dans un vallon de prairies bien irrigées et soignées, chose peu commune en Léonnais. Le vallon, enfermé entre de petites hêtraies, atteint une grâce parfaite aux abords de Landerneau.

Il participe du charme profond de cette vallée de l'Elorn à laquelle il faudrait seulement plus de limpidité dans la lumière et des journées de soleil moins interrompues, pour être un des plus admirables paysages de notre France. Mais l'air manque de transparence ; même dans les journées les plus radieuses, ces beaux sites se voilent de mélancolie, une mélancolie très douce et enveloppante qui pourtant séduit. Je n'ai jamais mieux compris le charme particulier de ces paysages qu'en remontant l'Elorn jusqu'à La Roche-Maurice.

 

Le fleuve, que la marée ne gonfle ni ne souille en amont de Landerneau, coule clair, rapide, abondant dans un lit encombré de rochers autour desquels se jouent les truites. Malgré les routes et le chemin de fer qui courent au long des rives, malgré le ruban blanc de la chaussée qui monte vers Sizun et les monts d'Arrée, cela reste délicieusement sauvage. Le rocher hérisse les pentes, les landes sont jaunes de l'or des genêts ou roses des bruyères. Sur un monticule abrupt où le granit apparaît en larges parois, les ruines féodales surgissent entre les hêtres. C'est l'antique forterresse de La Roche-Maurice, détruite au temps où Anne de Bretagne soutenait contre la France la lutte qui devait se terminer par son mariage avec le roi Charles VIII, faisant d'elle la souveraine des deux couronnes.

Le paysage est de grande allure ; à côté des ruines, le village occupe une pente, sa flèche ajourée semble jaillir. L'église dont le clocher est l'ornement est elle-même des plus remarquables, même à côté de tant de splendides édifices du Léon. Les vitraux, le jubé en bois sculpté, retiennent l'attention. L'ossuaire voisin est d'une extrême richesse architecturale. Ce genre de monuments particuliers à la Bretagne est partout inspiré de l'art classique ; à La Roche-Maurice, le style corinthien a été adopté ; on n'y reconnaîtrait pas une oeuvre chrétienne sans une Danse des morts sculptée dans le soubassement.

La Roche-Maurice est le plus beau site de cette vallée de l'Elorn, joyau du Léon intérieur et, aussi un peu, de la Cornouaille. Au dessous de Landerneau, en effet, la jolie rivière, devenue large fleuve grâce à la marée, sépare les deux pays bas-bretons. A la Cornouaille appartiennent Plougastel et Daoulas, mais la région de Ploudiry et de Sizun c'est encore le pays de Léon, un Léonnais plus âpre et sauvage.

Ed. Berger-Levrault - 1910

 

La légende de Katell Gollet

 Katell Gollet à Guimiliau

Variante de la version :
Katell Gollet était une ravissante jeune femme qui ne vivait que pour le plaisir et la débauche. De peu de vertu, elle collectionnait de multiples amants. Un jour, l'un d'entre eux, lui demanda de voler une hostie dans le sanctuaire de Dieu. La jeune femme, désireuse de lui plaire, satisfit sa demande. Malheureusement, c'était Satan en personne qui avait revêtu les apparences de l'amoureux et Katell fut condamnée aux tourments éternels de l'enfer.


Katell Gollet dans la gueule du diable à Plougastel

Katell Gollet était une belle jeune fille de 16 ans qui vivait dans le château de son oncle, le comte Morvan, à la Roche-Maurice.

Sa beauté, malheureusement, n'avait d'égale que la perversité de son esprit. Le comte, voulant se décharger de cette lourde tutelle, espérait bien pourtant lui trouver un mari qui prendrait soin de la raisonner. Néanmoins, la belle préférait se livrer aux plaisirs de la danse et de la fête plutôt que de songer au mariage.

Pour contrer son oncle, elle usa d'un subterfuge, lui faisant déclarer qu'elle épouserait tout homme capable de la faire danser douze heures d'affilée. Nombreux furent les jeunes gens du comté à tenter leur chance. Mais elle les épuisait tant que certains, morts de fatigue, ne voyaient pas le jour suivant.

L'hécatombe était telle que son oncle l'enferma dans une des tours du château. Mais Katell s'en échappa et se rendit au pardon de la Martyre accompagné d'un nouveau cavalier. Gavottes, plinns, jabadaos s'enchaînèrent, les deux danseurs s'en donnant à coeur joie. Mais le jeune homme non plus ne résista pas à l'infatigable Katell qui, prise dans le feu de la danse et de l'alcool, invoqua les puissances de l'enfer demandant de nouveaux musiciens.

C'est ainsi que le diable l'entraîna dans une gigue infernale et lui fit ainsi franchir les portes du royaume des damnés.


Katell Gollet (Catherine perdue) est représentée sur les
calvaires de Guimiliau et de Plougastel-Daoulas
cf les deux photos plus haut.

On montrait jadis, près du château de La Roche-Morvan, un lieu où l'herbe ne poussait pas, une aire à danser qui portait "l'empreinte de pieds larges et fourchus". (Ernest du Laurens de la Barre, "Katell Kollet" dans Fantômes bretons, 1879)

Fall-i-tro

1

 1 

Dans ce temps-là, le diable n'était pas si vieux et aimait à se divertir sur la terre. Alors, il y avait près du pont de l'Elorn, dans la belle ville de Landerneau, un vieux moulin, habité par un renégat nommé Fall-i-tro, ou Mal-y-tourne en français. C'était un Pagan (païen) sans foi ni loi. Son moulin chômait presque depuis que l'on avait établi un autre moulin au bourg de La Roche-Maurice, à une lieue plus haut sur la rivière de Dour-Doun.

Fall-i-tro avait en vérité une mine de sacripant : sa large face, mal blanchie par la farine, était ornée d'un nez rouge colossal, lequel accusait les nombreuses chopines que le coquin avait goûtées pendant cinquante à soixante ans. En outre, il possédait une panse énorme, et, par bonheur pour une malheureuse quelconque, il était garçon. Voilà notre homme. Un jour qu'il regardait l'eau couler sous le pont, vu qu'il n'avait plus d'argent pour aller au cabaret du coin, il s'écria :

- Que le diable me brûle si je ne vais à La Roche mettre le feu au moulin neuf !

Tout à coup il vit paraître dans la brume, au-dessus de l'eau, un grand personnage vêtu d'un long manteau jaune-rouge, à peu près de la couleur de l'habit du meunier, qui jadis avait été bleu.

- Pas besoin, mon fils, lui dit le personnage d'une voix pareille à un soufflet de forge, pas besoin de mettre le feu à l'autre moulin. Si tu veux seulement me prendre pour valet pendant trois mois, nous ferons de la farrrine et du pain capables d'achalander ton moulin pour toujourrre ...

- Çà me va, compère, répondit Fall-i-tro, en remuant son nez rouge.

- C'est bon, mon joli garçon ; pour lorrss, mets ta main dans la mienne.

- Oh là ! ho ! cria le Pagan ; tes griffes brûlent autant que braise ; on dirait que...

- Je suis le diable ! interrompit l'autre ; ainsi, tu renonces ?

- Pas du tout, farceur... j'ai topé ; commençons tout de suite. Il n'y a plus de blé au moulin, et il m'en faut pour la prochaine foire de Guipavas. Mais comment te nommes-tu ?

- Fistiloup, pour te servirrre.

- Un joli nom de meunier : en route.

- En rroute, répèta un écho infernal.

Une heure moins le quart après, Mal-y-tourne se tenait dans la cave de son moulin, auprès de la gueule du four, où il jetait des brassées de lande (car il était meunier et fournier en même temps) ; tout à coup, une voix de tonnerre qui cassa l'unique vitre du soupirail lui commanda d'ouvrir.

 2 

Fall-i-tro étonné ouvrit le soupirail ; la grosse voix dit : " Maigres ou gras, les voilà ! " Et au même instant, un corps tomba dans la cave, puis un autre, et un autre encore. Et trois pour commencer la fournée.

Ensuite le grand valet se mit à fourrer les trois corps dans le four rouge, et le moulin de tourner rondement, car les eaux étaient grandes. Le four ronflait terriblement sous le souffle formidable de Fistiloup, si bien qu'au bout de cinq minutes il trouva la chose cuite à point, l'enleva proprement avec sa fourche et roula le tout sur les meules. Ah ! ah ! on n'a pas vu souvent pareils meuniers dans le pays !

C'est bon !... La farine était superbe, et le pain de Mal-y-tourne eut bientôt dans les environs une réputation telle que tous les autres mitrons en séchaient de misère et de dépit.

Il est bon de vous dire aussi jusqu'où allait le pouvoir du grand Fistiloup, qui n'était autre qu'un meunier de l'enfer, où il y en a beaucoup, à ce qu'on dit, vu qu'il faut pas mal de pain de la sorte pour nourrir tant de compagnie. Donc, le pouvoir de ce grand démon était borné comme toute chose soumise à la volonté de Dieu...

Ainsi, il avait le pouvoir de s'emparer des corps de tous ceux qui mouraient en état de péché mortel et de les réduire en pâte : mais s'il lui arrivait un jour de jeter au four le corps d'un juste, pris par erreur, alors adieu la boutique... Vous verrez plus tard.

Tous les soirs donc, à la brume, comme le pont était désert (et dans ce temps-là il n'y avait pas beaucoup de flâneurs à Landerneau), la voix formidable criait : " Maigres ou gras, les voilà ! " Les corps tombaient un à un dans la cave ; le four ronflait, et les meules... les meules broyaient les os ! C'était affreux, mais ça faisait, m'a-t-on assuré, du bon pain au levain de bière.

Vous saurez, de plus, que nos compères avaient un autre genre de distraction tout à fait gentil. Fistiloup, pour s'amuser, avait appris de jolis tours en enfer avec un Parisien récemment débarqué. Un soir que la récolte avait été mauvaise, – car les coquins commençaient à diminuer dans le pays, et c’est pourquoi il n’y a plus que d’honnêtes gens à Landerneau –, un soir donc, Fistiloup, qui n’apportait rien de plus, tira de dessous son manteau une veste usée qu’il jeta par terre.

– Pourquoi faire ça ? dit Fall-i-tro.

– Pour nous vengerre, répondit le grand valet.

– De qui ou de quoi ? reprit le meunier.

 3 

– D’un coquin de tailleur de La Roche-Maurice que tu connais bien. Le particulier allait mourir d’ivresse, quand il m’a glissé comme une anguille entre les grrriffes, en me laissant sa méchante veste.

– Oh ! tu t’es laissé refaire, mon Fisty !

– Oui, et c’est dommage pour toi, car le brrrigand te réclame dix écus pour ton dernier habit.

– Bah ! c’est un voleur ; mais que veux-tu faire de cette veste percée ?

– Tu vas voirrre...

Là-dessus, Fistiloup prit son gourdin endiablé et se mit à taper à tour de bras sur la veste en disant : " Passe-lui ça, passe-lui ça. " Après une douzaine de coups, il dit au meunier :

– Si tu veux payer ton tailleur, rends-toi chez lui sans argent ; alorrss, tu lui diras de te donner quittance ; s’il refuse, le reste me regarde. Tu comprends ?

– Ma foi, non.

– C’est pas malin, pourtant. Moi je dauberai ici sur la veste du tailleur, en disant : Passe-lui ça, et mes coups tomberont là-bas sur ses épaules... Comprends-tu, maintenant ?

– Oui, à peu près... D’ailleurs, mon Fisty, tu es cousin germain du diable, et ça me suffit...

Voilà donc le Pagan en route avec sa grosse panse pour aller trouver le tailleur de La Roche. Le gros mal blanchi suait avant d’arriver et n’avait pas l’humeur trop tendre. Gare au tailleur ! À peine entré dans la maison, Fall-i-tro lui dit qu’il venait savoir des nouvelles de sa santé et demanda un coup à boire.

– Tu ferais mieux de me payer, failli Pagan ! répondit l’autre en se frottant les reins.

– Patience, mon vieux, reprit le meunier en remuant son nez, ça va venir tout à l’heure, et je te paierai en bonne monnaie...

Aïe, aïe, fit aussitôt le tailleur en se retournant, voilà que ça recommence : c’est donc toi, voleur ? Holà ! holà ! finiras-tu, Fall-i-tro ; ce sont de vilaines plaisanteries, et tu tapes comme un sourd.

– Moi, regarde donc, j’ai les deux mains dans mes poches.

– Possible, mais tu cognes trop dur tout de même. Holà ! ho !...

 4 

Et le tailleur de beugler comme un veau, et l’autre de rire à se rompre la panse.

Enfin, quand le couturier eut reçu une bonne rossée du gourdin invisible, son débiteur lui dit :

– À présent, si tu es content de la recette, donne-moi quittance de dix écus que je ne crois pas te devoir pour un mauvais habit tout usé.

– Quittance répliqua le tailleur, mais tu ne m’as pas payé !... Aïe ! aïe ! voilà que ça tombe sur ma tête, à présent... Holà ! là ! j’y vois trente-six chandelles...

– Donneras-tu quittance, double voleur ?

– Je ne puis, en vérité... Holà, holà, assez oui, oui, je te donne quittance, et va-t-en à tous les diables ! s’écria le tailleur en tombant éreinté sur la terre boueuse de son taudis.

Le Pagan lui mit une plume dans les mains, écrivit sur un chiffon sale : Quittance de dix écus pour l’habit bleu de Fall-i-tro, et le tailleur fit son paraphe. Après quoi le meunier satisfait le laissa se frotter les reins tout à son aise. Chemin faisant, il se disait : " Tout de même, voilà une jolie manière de payer ses dettes ! " – Qu’en pense-t-on par ici ?... Y a-t-il, par le temps qui court, des gens qui paient de même ? Les uns disent : oui ; d’autres : non. Là-dessus, que chacun pense comme il voudra, et voyons la fin de l’aventure.

Le meunier rendit compte à Fistiloup de son expédition, et le valet fut si content qu’il embrassa Mal-y-tourne sur les deux joues si fort que le gros farinier portait ensuite deux belles cloches bleues de chaque côté de sa face blanche.

– Par tous les diables ! tu as tort, Fisty, d’embrasser les amis quand tu as si chaud.

– C’est la chaleurre de l’amitié, fit l’autre en grimaçant.

C’est bon. Le commerce allait si bien que nos boulangers ne pouvaient suffire à fournir du pain au levain de bière à leurs nombreuses pratiques. À force de coups de bâton, avec la recette de passe-lui ça, Fall-i-tro qui, auparavant, était dans la débine, avait déjà payé toutes ses dettes. Il lui suffisait de se procurer, par un moyen quelconque, les guenilles de ses créanciers ; Fistiloup daubait dessus, comme vous savez, et le tour était joué.

2

 5 

Pourtant les meilleures ruses ne tournent pas toujours bien en ce pauvre monde. Le tailleur, payé en monnaie de trique, était aussi un rusé compère. Il avait flairé la mèche, et s’en vint un soir rôder sur le pont, autour du vieux moulin. Nos deux complices, tout fins qu’ils étaient (mais on sait qu’un tailleur est souvent plus fin que le diable), nos complices, ce soir-là comme les autres, avaient bu un coup de trop et, sans se douter de rien, ils s’amusaient à faire le joli tour de passe-lui ça au profit du bedeau de Saint-Houardon, dont ils avaient volé la vieille soutane.

Et ils s’en donnaient de cogner sur le pauvre roi d’église, de rire et de boire, si bien qu’à la fin ils roulèrent côte à côte et ronflèrent bientôt à réveiller les morts. Notre tailleur, qui avait compris la recette, entra doucement dans le moulin, s’empara du bâton de Fistiloup et de la veste de Fall-i-tro ; puis il s’en retourna chez lui. Ce qu’il fit, vous le devinez bien : il étendit la défroque par terre et se mit à piler dessus en disant le passe-lui ça nécessaire.

Ah ! ah ! c’est dans le moulin que cela était comique de voir le réveil du gros mal blanchi, qui sautait, courait, tombait, hurlait et cherchait dispute à son ami Fisty en lui disant :

– C’est toi qui as volé ma veste, scélérat, oh ! là ! oh !... là !... et tu fais taper dessus.

– Moi ? Allons donc, répondait le valet avec une grimace de damné ; moi, je dormais, et tu étais si soûl que tu auras jeté veste et bâton par la lucarrrne.

– Ce n’est pas vrai ! Tu mens, brigand !... Oh ! là ! assez... tu es un traître...

– Possible, ce sont là les vertus qu’on estime chez nous... Allons, tais-toi, ne braille pas si fort, c’est fini ; je m’en vais voirrre là-bas.

Et voilà le grand diable en route pour La Roche, où il trouva le tailleur en train de se rafraîchir au cabaret. Fistiloup, déguisé en marchand de cochons (sauf votre respect), entra aussi et paya tant de chopines au tailleur que notre ivrogne roula bientôt sous la table, et de là dans la grande poche du diable, qui l’emporta.

Comme il passait sur le bord de la rivière, il faisait déjà nuit noire ; la grêle craquait sur les pierres, le vent sifflait dans les vieux arbres et l’eau débordée tourmentait les rochers avec un bruit sinistre... Fistiloup crut entendre crier à quelque distance ; il pressa le pas et vit alors, au milieu du courant rapide, un corps blanc que l’eau emportait.

 6 

– C’est bon, se dit-il, en allongeant ses grands bras pour harponner le cadavre, c’est sans doute quelque ivrogne que des voleurs ont dévalisé et jeté dans la rivière. Maigres ou gras, en voilà deux.

Oui, en voilà deux sans doute, maître démon ! mais non pas de même pâte. Non, non, car le dernier était ni plus ni moins que le sire de La Roche-Maurice, un saint homme que des routiers avaient volé, dépouillé et jeté dans la Dour-Doun.

Le démon, aveuglé par la volonté de Celui dont la patience est longue, mais se lasse à la fin, le démon, trompé à son tour, arriva auprès du moulin avec sa capture.

– Maigres ou gras, cria la voix formidable à la lucarne de la cave où Fall-i-tro attendait...

Ah ! ah ! mes amis, il y eut alors un changement que personne ne pourrait vous raconter : un grand coup de vent semblable au tonnerre, un tremblement, une odeur de brûlé, de soufre et de salpêtre, et le vieux moulin... cherchez, cherchez bien : le vieux moulin avait sombré dans la rivière...

Sur le bord, le sire de La Roche priait tranquillement à genoux. Enfin, il faut bien vous dire ce qui se passa à cinq cent mille pieds sous terre, juste au-dessous du moulin maudit, sous le pont de Landerneau : la lucarne de l’enfer s’ouvrit toute grande ; la voix, plus formidable encore, hurla pour cette fois : – Gros et gras, le voilà ! – Et un corps, un corps si ventru que tous les démons s’en donnèrent de rire, tomba dans le gouffre infernal.

C’était Mal-y-tourne que Fistiloup, pour se consoler, jetait dans la gueule du four suprême, où il servit à faire une belle miche aux damnés.

E. DU LAURENS DE LA BARRE,
Les veillées de l’Armor, 1842.
Recueilli dans Contes populaires et légendes de Bretagne,
textes rassemblés par Nathalie Bernard
et Laurence Guillaume, 1976.

Dans le journal L'illustration de 1857

Le Château de Roc'h-Morvan (Basse-Bretagne)
L'Illustration, journal universel, n° 749 du 4 juillet 1857
§ I.

... Il faut à tout prix que je vous parle de la Bretagne et du castel de Roc'h-Morvan, un vieux nid de vautour qui couronne le sommet d'un rocher, comme le château des Ardennes de la ballade de Cazotte l'illuminé. Que votre volonté soit faite à défaut de la mienne. Je vais donc, avec l'extrême grâce de l'homme qui fait contre [mauvaise] fortune bon coeur, franchir les kilomètres qui me séparent du susdit château ; tout en cheminant, j'essayerai de vous décrire le paysage, et je tenterai d'arracher à ma mémoire ce qu'elle a conservé de souvenirs relatifs à la ruine qui nous préoccupe.

Permettez-moi d'abord de vous dire où votre lettre m'est venue trouver ; cela n'est pas sans rapport, comme vous le verrez plus tard, avec le sujet que vous me priez de traiter. - J'habite actuellement sur la rive gauche du bras de mer qui s'étend de la rade Brest vers le port de Landerneau. Mon modeste gîte de chasseur est situé à deux portées de fusil des ruines de la Joyeuse Garde, où vécurent Lancelot du Lac et Iseult aux blanches mains, où tint aussi sa cour Artus, et d'où sortirent la plupart des romans de la Table Ronde ; romans qui, vous le savez peut-être, furent écrits en celto-breton, dans la Bretagne-Armorique, et, tout porte à le croire, vers le 6è siècle ; composés par les bardes, ils sont de véritables histoires quant au fond ; seulement les siècles et la poésie ont donné une couleur fabuleuse à des personnages, à des faits et à des lieux forts réels.

Si vous mettez le pied sur cette campagne du Finistère, vous touchez en effet à une terre "sainte et poétique", comme le dit Emile Souvestre dans son annexe au voyage de Cambry. - Le castel de Joyeuse-Garde, dont vous n'apercevez plus que le portail couvert de lierre, fut le berceau de la chevalerie. Dans ces routes ombreuses que vous parcourez a retenti le cliquetis des armes des compagnons d'Artus ; c'est au milieu de cette forêt rapetissée maintenant comme les souvenirs qu'elle rappelle, et qui rampe en humble taillis, que l'on vit un soir passer comme une vision, au galop de son palefroi de guerre, un chevalier aux armures noires, tenant entre ses bras une jeune femme tremblante qui murmurait des paroles d'amour ; et, le lendemain, le roi Artus chevauchait furieux sur les traces de Tristan le Léonnais, redemandant sa chère Iseult qui lui avait été enlevée. Toute la poésie du moyen-âge est ici, je la respire dans l'air, on la lit sur les feuilles, on l'entend dans les brises. Le murmure de l'Elorn au bas de la colline, la clochette du cheval qui va trottant le long des coulées, le chant du pâtre qui se perd dans les rochers lointains ; tout semble vous parler de ces temps de poésie primitive, tout vous rappelle les romanesques aventures ; et, palpitant de souvenirs au milieu de cette nature sauvage, vous marchez, rêveur, le coeur gonflé d'émotions et tout enivré des parfums du passé.

Sous cette voûte enguirlandée, unique vestige de la demeure de Lancelot, "le meilleur des bons", comme le dit Laurent Pichat dans une de ses plus charmantes Chroniques rimées, ont passé maintes fois, Tristan, Ivan le Preux, Caravis au bras court, Eric le Franc, Iseult aux blanches mains, Guennevera, et tant d'autres valeureux paladins, et tant de nobles dames ; les sentiers que je foule chaque jour ont retenti sous le sabot des fiers destriers et des dociles haquenées. Aussi plus d'une fois, durant ces heures de rêveries qui sauvent au pêcheur à la ligne et au chasseur à l'affût le sentiment de sa ridicule situation, j'ai évoqué le souvenir de l'épouse infidèle d'Artus, de la blonde Iseult : - "Le blond c'est la couleur fatale", dit encore le poète, "la couleur des plus saintes vertus et des plus doux péchés !" - Si d'aventure retentissait alors, comme un tonnerre dans le chemin creux, le galop d'un cheval effarouché, je tressaillais comme si je me fusse attendu à voir passer courbés sur leur palefroi, les lèvres soudées par un long baiser d'amour, ainsi que dans le tableau de la fuite d'Alfred de Dreux, Tristan le Léonnais et la perfide mais blonde Iseult, fuyant la fureur jalouse de l'époux outragé qui les suit jetant feu et flammes. - Combien de réflexions sinistres et antimatrimoniales n'ai-je point fait, du fond de mon célibat, en songeant à ce roi, à ce roi des preux, francboisé (pardon pour ce néologisme en faveur de la circonstance) comme le plus simple militaire, - accablé de besogne !

Le vallon qui s'étend de l'ouest à l'est, de la rade de Brest au château de Roc'h-Morvan est l'un des plus charmants vallons du Finistère, ce qui n'est pas peu dire. Ses collines se présentent sous les aspects les plus variés. Ce sont tantôt des crêtes de rochers qui percent le sol aride et à peine couvert d'une végétation roussâtre ; et, tout auprès, des terrains noirs que zèbrent les lignes vertes et parallèles des cultures de légumes ; plus loin en allant vers l'est, sous l'ombrage frais et noir des hêtres et des ormes, un clocher pousse sa pyramide aigüe et droite, comme l'aigrette d'un palmiste, hors d'un massif de feuillage ; des maisons d'un aimable aspect - ne trouvez-vous pas que les maisons ont une physionomie comme les visages ? - jettent du milieu de leur jardin, aussi fleuris que des reposoirs, un regard hospitalier au passant ; et l'on rencontre bientôt de longues avenues d'ormeaux que la ville de Landerneau étend sur la campagne à sa sortie occidentale. Faut-il vous dire que cette ville est à la tête de l'industrie en Bretagne, qu'elle est placée dans une situation charmante, qu'elle est claire et gaie, que ses habitants sont actifs et affairés, et qu'ils seraient, on l'assure, les plus agréables gens du monde si un sentiment de touchante et fraternelle sollicitude ne les portaient à s'intéresser beaucoup, sans y être conviés, aux affaires de leur prochain, et à ne laisser jamais échapper l'occasion de lui faire un compliment... de condoléance. Je vous livre sous toute réserve une opinion qui n'est pas la mienne, et j'espère qu'il ne me sera point donné d'en vérifier l'exactitude à mes dépens.

La sortie orientale de la ville est bordée par des clôtues que domine l'impériale de la diligence (il y a encore des diligences en Bretagne !) ; dans un de ces coches (?) qui renferment les demeures les plus confortables de la localité, j'eus la fortune d'apercevoir, le jour de mon arrivée, un essaim folâtre de jeunes filles, au nombre desquelles s'en trouvait une blonde, pâle et grave, avec un de ces profils chastes et purs qu'Ary Scheffer prête à sa Marguerite. Ceci vaut bien la peine d'être noté, et vous intéressera sans doute d'apprendre qu'on fabrique dans la ville du fil, des toiles, de la chandelle et de la bougie, ornée du nom de stéarine ; qu'on y tanne des peaux, etc, etc... Un guide des voyageurs où seraient consignées des indications de cette nature, et même un peu moins vagues, trouverait, je gage, auprès des touristes qui l'achètent - ceux-ci ne sont jamais positifs - un crédit profitable à l'éditeur. Je livre généreusement cette idée à celui qui voudra la mettre à profit.

En allant vers La Roche-Maurice - c'est ainsi qu'on appelle communément le château de Roc'h-Morvan - la route impériale longe de grasses prairies, au milieu desquelles court, sous les osiers et les trembles au feuillage étamé, une petite rivière nommée l'Elorn, qui vient s'unir, dans le port de Landerneau, avec le flot de la marée montante. Bientôt l'on rencontre une station pieuse placée au bord du chemin, sous l'ombre de quelques ormes. C'est un calvaire de granit noir, contre lequel des crampons retiennent une vaste boîte accostée de lanternes. Le pélerin peut y voir, sous le vitrail cruciforme, la sainte vierge éplorée tenant sur ses genoux le cadavre du Divin supplicié. - Le banc de pierre qui forme le socle de la croix est, depuis un temps immémorial, consacré à un singulier usage. C'est là que les nourrices apportent les marmots dont elles veulent essayer les jambes encore fléchissantes. Une offrande déposée dans le tronc voisin, une patenôtre à la sainte Vierge, opèrent - le fait est avéré - des miracles. Il n'est pas d'exemple, en effet, qu'après des séances illimitées de cet exercice, assaisonnées de nombreuses chutes, les bébés de la localité n'aient pas manifesté la toute-puissance d'une pratique que votre journal orthodoxe traitera sans doute de superstitieuse.

Je laisse au bord du chemin une vaste filature, d'où sortent des fracas de foudre et de torrent, et aux fenêtres de laquelle apparaissent de charmants visages d'Anglaises aux yeux bleus comme le ciel, aux cheveux blonds comme le lin ; je m'en vais côtoyant un étang hanté par des poules d'eau d'une prudence que je ne saurais blâmer, et je m'arrête bientôt contempler un pêcheur de sangsues qui, dans l'eau jusqu'au ventre, piétine le limon pour troubler le repos des voraces annélides ; ceux-ci viennent, farouches, se coller sur l'objet mouvant qui contrarie leurs habitudes ; le pêcheur, averti par le coup d'aiguillon, plonge incontinent les mains sous l'eau, cueille l'animal sur le corps du délit, et le fait passer dans la bouteille qui d'ordinaire décore sa poitrine.

On pêche avec succès dans cette rivière d'excellents poissons ; on y trouve même une grosse moule perlière ; seulement un millier de coquilles recèle à peine cinq à six perles tout au plus grosses comme une graine de chanvre, et presque aussi plombées. Il en est pourtant qui ont une grosseur recommandable et tout l'orient des perles de Panama ; mais je n'en conseillerai la recherche à un spéculateur que s'il est millionnaire et qu'il désire perdre son temps".

STEPHAN.

Le Château de Roc'h-Morvan (Basse-Bretagne)
L'Illustration, journal universel, n° 767 du 7 novembre 1857
§ II.

La vallée où serpente l'Elorn est verte comme l'émeraude ; dans son cours joyeux, la rivière forme de petites cascades blanchissantes sous l'ombrage des saules, et s'ouvre parfois en étangs limpides et bleus, comme la prunelle des Anglaises de la filature dont j'ai parlé. La route impériale en suit à peu près les sinuosités jusqu'au bourg de La Roche-Morice, perdu parmi les arbres d'une hauteur voisine. Seule la flèche de granit de l'église montre ses arêtes élégamment dentelées au-dessus de la sombre verdure qui l'environne. Tout auprès, sur un entassemenent de rochers dont la mousse et les broussailles tapissent les anfractuosités, se dressent, revêtus de cette fourrure de lierre fidèle aux ruines, les derniers vestiges du château de Roc'h-Morvan.

"Il est assez difficile, dit M. de Fréminville, de juger quel a été l'ensemble du plan de cette forteresse : des pans de murs à demi-écroulés, des massifs de maçonnerie qui se voient çà et là sur le flan de rocher du côté de l'est, semblent indiquer qu'il y avait une enceinte extérieure, et que toute la bâtisse placée au sommet n'était que le donjon ou réduit principal du château. Ce donjon consiste en une figure à peu près triangulaire, et dont le mur, formé de larges quartiers de granit et de schiste, a huit pieds d'épaisseur. Du côté du sud est une grosse tour carrée, dans laquelle se remarquent les restes d'une salle avec sa cheminée. On voit encore dans cette salle la partie inférieure de la retombée des voûtes qui soutenaient la plateforme ; l'escalier par lequel on y montait est pratiqué dans l'épaisseur du mur. Ce même escalier se prolongeait inférieurement et descendait dans un souterrain creusé dans le roc vif, et que l'on a comblé il y a une vingtaine d'années. A l'angle opposé de cette tour, on en voit une autre qui est de forme triangulaire, et qui est comme suspendue sur la partie la plus à pic du rocher. Une troisième tour, de figure carrée, présente ses débris sur un monticule attenant au rocher ; elle paraît avoir fait partie de l'enceinte extérieure, dont on voit les restes bien marqués du côté qui donne sur le village de La Roche-Morice ; on y remarque les bases de deux énormes tours rondes qui défendaient le portail."

Tels sont les débris de la place forte qu'occupait, sous Louis Le Débonnaire, le chef armoricain qui lui a laissé son nom : Morvan, roi de Cornouailles, célèbre dans la lutte où il succomba après avoir vaillamment combattu contre le roi de France.

Une tradition qui remonte au 4è siècle fait déjà mention d'un château bâti au même endroit, et a donné à la rivière le nom d'Elorn, autre petit roi breton, prédécesseur de Morvan. Voici à quel propos :
... ... ... ... (*)


Signé : STEPHAN


Lien vers les deux numéros de l'Illustration.

(*) Ici l'auteur de l'article, un nommé Stephan donc, nous résume l'histoire telle qu'elle a déjà été racontée par Albert Le Grand.
Ce résumé est accompagné de l'illustration ci-contre. Je ne le reproduis pas dans ce chapitre, car on pourra lire ailleurs le texte d'Albert Le Grand.

Roc'h Morvan - Teir barvenn aour baro an diaoul

Cette histoire se passe au temps de la splendeur du château de Roc'h Morvan, elle raconte les aventures d'un jeune garçon de La Roche-Maurice. Fils du meunier du moulin de La Roche, il est malmené par le duc de Rohan, seigneur du lieu et d'ailleurs, qui veut se débarrasser de lui. Mais l'histoire se terminera bien... pour le jeune homme.

Le récit provient de la revue Feiz-ha-Breiz de 1931 et il est signé G. P. C'est la signature de Louis Le Guennec selon les dires de Yann Vari Perrot, le directeur de la revue à l'époque. Je pense que le "G" vaut pour Louis Le Guennec qui a écrit le texte en français, et le "P" pour Yann-Vari Perrot qui l'a traduit en breton... et je l'ai retraduit, ici, en français pour les non-bretonnants !

 1 
 Les 3 poils d'or
de la barbe du diable
Teir barvenn aour
baro an diaoul

Gwechall, breman 'z eus pell amzer,
D'ar c'houlz m'o devoa dent ar yer,

ha p'edo kastell ar Roc'h-Morvan en e gaer, Duk Rohan hag e bried a oa o chom ennan. Houman a c'hanas eur verc'h vihan hag a voe graet enoriou bras d'ezi da zeiz he badeziant ; p'edod o vont ganti er maez eus an iliz, edo miliner milin Ar Roc'h, o tont ebarz da lakat badezi ivez eur paotr bihan a oa bet ganet d'ezan en deiz-se ; an duk a dosteas ouz ar vagerez a zouge mab ar miliner, a reas eur zell ouz an hini bihan, hag a ginigas e wella gourc'hemennou d'e dad : "Aotrou Duk, eme heman o vousc'hoarzin, n'ouzon ket petra a zo kiriek da-ze, met un dra bennak a lavar din e timezo va mab d'ho merc'h eun deiz pe zeiz ! "

An aotrou Rohan-ze a oa eus a ouenn noblans brasa Breiz ha lorc'hus kenan e oa gand an dra-ze. Dizoare e kavas komzou ar miliner ha trei a eure e gein d'ezan gant fae. Ar gomz-ze, koulskoude, a jomas da rodella war e spered ; pa dremene ebiou ar vilin e c'houlenne kelou eus ar bugel ha pa gleve lavaret e oa seder, krenv, speredok ha koant e gounar ne rae nemet kreski gwasoc'h gwas. Eun dervez e c'halvas ar miliner d'e gastell : " Selaou aman ganen ; da vab a zo o vont da veza daouzek vloaz ; eur paotr kaer eo ha spered en deus ; pec'hed eo d'it e lezel dre aze da goll e amzer o sellet ouz rodou da vilin da drei ; mar keres me her c'haso d'eur skol vras d'an Naoned hag a baeo evitan e skol eno ; deski a ray al latin, mont a ray da veleg ha lakat a rin an Aotrou 'n Eskob d'hen henvel en unan eus gwella parreziou Bro-Leon.

 2 

Ar miliner doust m'en devoa diegi a welet e vab o tec'het dioutan ne gavas ket mat enebi ouz an aotrou en aoun da ober gaou ouz e vugel. Eginer, - an hano-ze eo an hini a oa bet roet d'ezan da zeiz e vadeziant, - a yeas eta d'an Naoned, war eul lestr hag a yea di eus da Landerne. Met an Aotrou Rohan en devoa roet urz da gabiten al lestr da lakaat ar paotr, dal m'en em gavje en Naoned, war eul lestr all hag a vije o vont d'an Amerik pe d'An Indez ha gwella-ze ma ne c'hellje ket kaout ken an hent da zistrei d'ar gêr.

Eginer a voe roet eta evel mous da gabiten al lestr hag a oa o vont d'ar Brezil ; evel ma ouele dourek o welet ar pez a raet d'ezan goude komzou kaer an Aotrou Rohan, perc'hen al lestr hag a oa unan eus marc'hadourien pinvidika an Naoned, a gemeras truez outan hag a c'houlennas digantan : " N'es ket da gaout doan, paotrig bihan ; ne 'z i ket ac'han ; chom a ri ganen ha savet e vezi evel ma vijes bet va mab ; pa vezi bras e c'helli dizrei daved da dad. "

Betek e ugent vloaz an den yaouank a jomas e ti e vadoberour ; savet ha skoliet e voe evel ma vez savet ha skoliet ar vugale pinvidika. Hogen eun dervez an Aotrou Rohan a deuas d'an Naoned hag a reas e ziskenn e ti ar marc'hadour pinvidik evit prena gwin digantan ; eno e tigouezas gantan en em gaout gant Eginer hag o welet an doare vat en devoa e reas e c'hourc'hemennou d'e vignon o kredi e oa ar paotr yaouank mab d'ezan : " Eginer n'eo ket mab d'in, tamm ebet, eme an Naonedad ; Eginer zo eur paour kaez paotr am eus kemeret aman breman ez eus eiz vloaz, kentoc'h eged e lezel da vont d'en em goll, en eur vro bell, d'an oad en devoa !" hag e kontas an istor penn-da-benn, d'an Duk a welas ervat eo mab ar miliner eo a oa adarre dirazan. Kement-se a lakeas eur barrad kounnar ennan : " Ret eo d'in, emezan, outan e-unan, en em zizober eus an den yaouank-se n'eus ket da lavaret nann ; ne c'hellin ket beza dinec'h keit ha ma vezo e buhez ! " Goulenn a reas neuze ouz ar marc'hadour fiziout ennan e baotr yaouank epad eun nebeud derveziou hag her c'hasas da gas eul lizer da c'houarner Joslin ; set aman eun divera eus ar pez a oa war al lizer-se : "Dal m'ho pezo lennet ar skrid-man e stlapoc'h, e toull dounna an tour teoa e vogeriou, an den yaouank en devezo her c'haset deoc'h hag e vevo eno diwar bara ha dour ken na varvo ! ".

Ar paour kaez Eginer a yeas war varc'h etrezek Joslin hep gouzout netra eus an digemer spontus en devoa gourc'hemennet an Duk ober d'ezan p'en em gavje e penn e hent. Diouz an noz, e tiskennas en eun ostaleri hag e koanias eno gand eun dijentil a zoare a c'houlennas outan ober eur pennadig c'hoari ar c'hartou gantan. En em lakaat a eure da c'hoari hag evel ma ne ouie ket hen ober gwall vat e kollas kement gwenneg a oa gantan. Eginer, a bignas d'e gambr, dies e benn, a en em lakas en e wele hag a en em roas da gousket.

 3 

[Evit an dijentil,] ar gounideg a deuas keuz d'ezan : " Mont a ran, emezan, da gas d'am mignon, hep ma ouesfe, ar skouedou en deus kollet ! Pec'hed eo d'in gounit kement-se, diwar e goust, pa 'z eo ker yaouank ha pa ne oar ket c'hoari ! " An dijentil madelezus a reas ar pez a oa war e spered hag e lakas e arc'hant da Eginer, war e daol, heb e zihuna. Edo o vont en dro pa welas lizer an Duk war gorn an daol. Hag hen d'hen digeri ; strafuilhet holl e voe ouz e lenn : " N'oun ket gouest, emezan, da lezel ar paour kaez paotr yaouank-se, da goueza evelse e toull an Ankou ; dont a rankan war e sikour ! " hag e rogas lizer an Duk hag e reas eul lizer nevez, o lakat e skritur da veza henvela ma c'helle ouz skritur an Duk hag el lizer-ze e lavare : " Gourc'hemenn a ran d'eoc'h digemeret gand ar brasa enor hini a gaso d'eoc'h al lizer-man, rak, hep ma ouesfe, ema va sonj rei d'ezan va merc'h da bried ! "

Antronoz, Eginer a roas eta ar skrid-ze da gabiten Joslin a reas ar pez a oa en e c'halloud evit digemeret brao an den yaouank. Nebeud goude e voe gwelet an dukez hag he merc'h o tont d'ar c'hastell. Kavout a rejont eno mab ar miliner a reas o dudi dre ma ouie beva evel an dudchentil vrasa ha marvailhat evel eur barz-baleer. Eur miz goude, an daou zen yaouank a oa ken troet an eil ouz egile ma lavare ar verc'h yaouank d'he vamm e varvje gand ar rann-galon ma n'hel lesje ket da zimezi gand Eginer.

 4 

Pa deuas an duk, d'e dro, e chomas mantret o kaout dirazan, ker seder ha tra, mab ar miliner hag a gave d'ezan a oa o tizec'ha war e dreid e dounna toull a oa dindan touriou e gastell ; mantretoc'h e voe c'hoaz pa lavaras e verc'h d'ezan e felle d'ezi e gaout da bried. Karout a rae e verc'h met ken lorc'hus e oa, ma oa laket nec'het pis ! Mont a eure da gaout eur sorser koz a oa o chom en unan eus touriou ar c'hastell hag a lavaras d'ezan : " Livirit d'ho merc'h n'he lezoc'h da zimezi gant an den-ze nemet degas a rafe d'eoc'h an teir barvenn aour a zo e baro an diaoul ; mervel a ray pe fallgaloni, hep dont a-benn eus e daol, hag eur wech aet eus ar vro ne glevoc'h ket hano anezan ken.

Eginer a voe laket gwall nec'het pa lavaras hano an Duk d'ezan eus an hevelep tra : " Penaos e c'hellin-me biken tenna teir barvenn evelse eus a douez baro an diaoul ? " Koulskoude, evel ma kare kals merc'h an Duk, ec'h en em lakeas en hent, en eur vale atao etrezek an hanter noz. Goude beza redet hentchou hir ha dispignet arc'hant bras, en aner, ec'h en em gavas, eun abardaez, e traon eur menez uhel e weled, war e gern, eur pikol kastell du. Chom a eure, a-zav, da ziskuiza, e kichen eur feunteun hag e welas eur vaouez koz o tont da gerc'hat dour gand eur zailh koat, met ar zailh a oa ker skarnibet gand an heol, ma ne jome ket eur berad dour ennan a-benn ma veze en em gavet an hini goz gantan e beg ar c'hastell. Ha neuze e veze gwelet o tiskenn adarre d'ar feunteun heb en em glemm hag hep fallgaloni morse.

- " Mamm goz, eme Eginer, biken ne deuoc'h a-benn da gas dour d'an nec'h gand ar c'hoz sailh-ze ken laosk all ha m'eo deuet an tufennou da veza ennan. Gortozit. Mont a ran da welet ha me c'hello her renka d'eoc'h ! " Kemeret a eure tamm truilhou, geot ha pri prad hag e stankas ker mat ar zailh ma ne vere ket kouls lavaret ken.

- Va bennoz d'it, va mab, eme an hini goz, laouen bras ; ouspenn kant vloaz a zo emaoun o klask kas dour d'an nec'h, hep gellout dont a-benn eus va zaol. Met, da ober petra e teues-te, dre aman ?

- Me a zo deuet, dre aman, mamm goz, da glask an diaoul.

- N'helles ket en em gaout gwelloc'h, rak me eo mamm an diaoul hag er c'hastell a weles aze d'an nec'h eo ema o chom. Petra 'z peus da c'houlenn digantan ?

- Me garfe kaout an teir barven aour a zo en e varo. Tad ar verc'h yaouank a garan en deus lavaret d'in e ranker kas an teir barvenn-ze d'ezan araok ma roje d'in e verc'h ha deuet oun aman d'o c'hlask. Ma ne c'hellan ket o c'haout, n'hon eus netra da ober, va dous ha me, nemet mont d'en em grouga.

- N'es ket da fallgaloni, evelse, va mab. Eur paotrig yaouank eveldout hag a zo bet ker mat evidon ne jomo ket heb e c'hoprou. Arabad eo d'it goulenn netra ouz va mab ; lez an afer ganen ha deus d'ar c'hoz-kastell.

P'en em gavas er gegin, an hini goz a en em lakeas da ober krampouez d'an diaoul a dlee en em gaout dizale. Ne veze ket pell evit leda he c'haot war ar billig a oa ker bras hag eur maen milin ha dizale e oa eur bern war an daol, ken uhel ma 'stoke ouz an treustou. Klevet e voe neuze eun trouz bras.

- Taol evez, eme an hini goz ; setu aze va mab o tont d'ar gêr. Sell, diskenn er c'houfre-se buan. Ma 'z kwel aman eo gouest d'az lonka ez veo, kement a naon en devez pa vez bet oc'h ober eun dro dre ar bed !

 5 

A vec'h m'en devoa gellet Eginer en em guzat, ma teuas an diaoul en ti ; en em deurel a eure war ar c'houfr a oa ouz an daol : " Naon am eus, mamm, naon du ! " Hag ec'h en em lakeas da zebri krampouez, en dra c'helle ; a zousennou ez aent gantan ; eur wech an amzer e ranke ehana da denna e halan pe da eva eur skudellad chistr. Pa voe torred e naon, eun tamm, e c'houesaas en dro d'ezan hag e lavaras d'an hini goz :

- Sebezus eo, met me gred e klevan c'houez ar c'hristen.

- Ya da ! oc'h hunvreal emaout, va mab. Penaos a gav d'it e c'hellfe kristenien pignat betek aman ; debr krampouez, leiz da gof, 'zo gwelloc'h d'it ; n'o c'haves ket mat ?

- Mat kenan int mamm ; met, m'hen asur d'eoc'h c'houez ar c'hristen a glevan er gegin-man. Ma kavan unan hel lounkan raktal hag en hent-se, da vihanan, e kargin va c'hof. Mont a ran d'e glask.

Hag ec'h en em lakeas da glask a-gleiz hag a-zehou hep kaout den rak an hini goz a oa azezet war ar c'houfr hag an diaoul ne gredas ket he direnka.

Ar bennherez o c'hortoz Eginer da zistrei

 6 

Skuiz o welet ne gave netra, an diaoul a en em lakeas da zislevi-gen ha da asten e zivrec'h.

- Koll a ran va amzer, emezan ; gwell eo d'in mont da gousket rak skuiz maro oun !

Hag hen d'e wele ha diou vunutenn goude e roc'he ker krenv ma krene ar c'hastell gantan.

An hini goz a zigoras neuze ar c'houfr hag Eginer a lammas er maez ; mont a eure a kampr he mab ha klask hag e chachas hag e teuas gant unan eus an teir barven aour. An diaoul a skrabas e elgez, met ne zihunas ket. Eur pennadig goude, an hini goz a ziframmas an eil barvenn. An diaoul a droas en e wele ha ne zaleas ket da jom adarre en habaskder. Neuze, klak ! an hini goz a dennas an trede barvenn ; an diaoul, en taol-ze, evelato, a zihunas hag a en em lakeas war e goanzez :

- Mamm, n'oun ket evit kousket aman kement e krog ar c'houenn ennoun ; unan deo a dle beza dreist holl hag he deus flemmet va elgez d'in a benn teir gwech ; mont a ran da c'hourvez d'ar marchosi.

- Ya ! Ya ! va mab, kae 'ta. Neuze an hini goz a zastumas, en eun tamm lien an teir barvenn aour, o devoa peb a zaou droatad pep hini anezo hag a boueze ouspenn eul lur pep hini, hag o roas da Eginer.

- Ha breman, va faotr, kerz ac'han dillo rak warc'hoaz va mab ne zigounnaro ket pa welo en devezo kollet e deir barvenn aour. N'ouzon ket petra en deus c'hoant da dad kaer da zont da ober ganto, met, en e lec'h, me 'm befe difizians eus traou evelse.

Ar paotr yaouank ne jomas ket pell da zale, dre eno ; kaout a eure e varc'h e traon ar menez, had e tizroas buana ma c'hellas da gastell Joslin. An Aotrou Rohan n'en devoa klevet kelou ebet anezan, c'houec'h miz a oa a zonje ne zizroje ket ken ; p'her gwelas e ruzias gand e gounnar.

- A ! al lampon zo 'nezan, emezan ; ret eo d'in kaout an tu d'en em zizober anezan, en eur c'hiz pe c'hiz ! An Aotrou Rohan, pinvidika Aotrou a zo e Breiz, n'ema ket c'hoaz o vont da rei e verc'h da vab eur miliner !

Eur stultenn a deuas en e benn hag e lavaras da Eginer :

- Teir barrenn aour a ziskouezes d'in aze, met petra lavar d'in eo an teir barrenn-ze teir barvenn eus baro an diaoul. Me rank kaout eun testeni all bennak abarz kredi : anez n'eus marc'had graet ebet.

En eur lavaret ar geriou-ze e kemeras an teir barvenn a ginige an den yaouank d'ezan. Met, a vec'h m'en devoa kroget enno ma lezas eur youc'hadenn spontus ; ar barrinier-ze ha ne raen droug ebet d'eur c'hristen mat, evel Eginer, a oa gwalinier hag a gastize a re a oa e stad a bec'hed marvel ; o steki outo hepken e oa bet devet dourn he brec'h zehou an Duk betek e skoaz ; o koueza d'an douar e lakjont an tan e leur ar gampr hag e kouesjont er c'hav el lec'h ma ne gredas den ebet mont d'o c'hlask. Da gredi eo, e oant dizroet, dre eno, d'en em spega adarre ouz elgez o mestr ; ar c'hastell a voe dare d'ezan beza devet ha poan a voe o vouga an tan. An Duk a varvas en noz warlerc'h goude beza anavezet e bec'hejou hag o fallagriez e kenver Eginer. Henman, tri miz goude-ze, a zimezas gand merc'h ar c'hastell ; daoust d'ar c'hanv e voe eur pred ha ne oa ket fall beza ennan. Mamm gunv va mamm-you a oa keginerez ha ganti eo em eus klevet ar marvailh koant-man.

ha n'eus ket ennan eur ger gaou
met marteze unan pe zaou !

G. P.  

Le conte de Jeanne et d'Hervé par Amélie Salaün et Karel Léon

C'est l'histoire d'Hervé VIII de Léon et de sa soeur Jeanne, racontée bien joliment à partir des rares documents que les archives ont conservés. Hervé est né en 1341 dans le château de La Roche-Maurice, en pleine guerre de succession de Bretagne, Jeanne a épousé Jean 1er de Rohan.

Le conte a été publié sur Internet et fut à l'origine de la création d'une fresque géante et collaborative apposée sur mur de la maison du patrimoine le 18 juin 2022, jour de la Saint-Hervé. Pour plus d'informations et pour lire le texte du conte, voir le résumé de cette journée de fête.

Terre d'embruns - Les aînés ruraux racontent - Ed. Cheminements, gens d'ici - 2005.

O pourmen dre Vreiz-Izel gant Visant Seite - Emgleo Breiz - 1998.

Cet ouvrage en deux tomes et en langue bretonne fait le tour de notre région en décrivant ses lieux et ses personnages remarquables. Il est constitué de plus de 250 courts chapitres sur des sujets divers et sous forme de dialogue entre Visant Seite et Soazig Paogamm. Les illustrations sont de J.P. Guirriec.

Concernant La Roche, l'auteur se demande comment "Ar Roc'h Morvan" a bien pu devenir "La Roche-Maurice" en français : "Maurice", rien à voir. Encore un mauvais coup de la culture importée. Puis, il rappelle l'histoire de Morvan à travers quelques extraits du Barzhaz Breizh.

Ar Roh Morvan

Soazig : Setu m'emaom hirio er Roh Morvan. Perag e lavarer e galleg La Roche-Maurice ? Ar gér kenta a gomprenan mad, peo-gwir ez eus amañ eur roh vraz. Med an eil ano ne welan ket penaoz eo deuet da veza Maurice.

Visant : Gwir eo, Maurice n'e-neus netra da weled gant Morvan. Hemañ eo an ano kosa. Eun ano brezoneg eo, douget gant an hini a zavas, pe a zo bet savet en enor dezañ, ar hastell kenta war ar roh vraz, a welom dirazom. Teir roh vrudet a zo evel-se e Breiz. Ouspenn houmañ, ar Roh-Derhen e-kichenn Landreger hag ar Roh-Bernez war ar Ster-Wilen.

Soazig : Ha n'eo ket euz ar Morvan-mañ eo ez eus ano e Istor Breiz ?

Visant : Eo, just !... Anezañ e komz ive Kervarker en e Varzaz Breiz dindan al lesano a Lez Breiz. Ha ma kanfes deom eur houblad bennag eus ar werz hir-ze ?

Soazig :

An Aotrou Lez-Breiz a lavare
D'e flohig yaouank, eun deiz e oe :    
- Dihun, va flohig, sav alese
Ha kee da spura din va hleze
Va zok houarn, va goaf ha va skoed
D'o ruzia e gwad ar Hallaoued.

Visant : Morvan a oa eur Mahtiern pe eur mestr brezelour, euz a Vro-Leon a lavar lod, euz a Vro-Gerne, a lavar lod all. Ne varhatas ket dirag kannad roue ar Franked, Louis Le Débonnaire e ano, deuet beteg ennañ da glask ober aon dezañ.

Soazig : Ha petra 'respontas Morvan d'ar hannad-se ?

Visant : Distro daved da roue. Lavar dezañ em-eus nerz-kalon ha divreh kreñv ha ne dlean dezañ netra. M'e-neus klezeier, me 'm-eus ivez. M'e-neus soudarded dispont, me 'm-eus ivez. Ma 'oar brezeli, me 'oar ivez kemend all... Hag ez eas Morvan d'ar brezel ouz Roue ar Franked.

Soazig : Siwaz a-vad ! ne zeuas ket dezañ an treh ! ha gwasa 'zo, koueza reas war an dachenn, beuzet en e wad.

Visant : Ya, marvet eo e-kreiz ar brezel 'vid difenn e vro. Med hervez ar gredenn e savo eun deiz euz e véz, hag e roio da Vreiz he frankiz. Evid echui, kan deom ar houblad diweza euz ar werz.

Soazig :

Ozah koz, kleo, o tond d'ar feunteun,    
Ha piou a gousk dindan ar vodenn ?
- Lez Breiz 'zo dindanni kousket,
Tra vezo Breiz e vezo brudet.
Ha ray, emberr 'n eur youhal,
Hag e ray stal ouz re Vro-Hall.

Visant Seité (1908-1993), né à Cléder, était frère de Ploërmel et instituteur dans l'enseignement catholique. Professeur de breton, auteur de nombreux ouvrages d'enseignement de la langue bretonne, fondateur du cours de breton par correspondance Ar Skol dre Lizer, il a été secrétaire général du Bleun-Brug de 1951 à 1964.

Jean-Pierre Guirriec, peintre illustrateur, est né en 1934 à Saint-Pol-de-Léon, c'est un artiste qui aime mettre en relation la peinture et l'écriture. Depuis longtemps déjà, il apprécie de mettre en valeur les textes de ses amis poètes.

La porte du Léon par Alain Le Roux - 2014.

L'acrostiche, c'est une pièce de vers composée de telle sorte que les premières lettres de chaque vers mises bout à bout forme un mot, dans ce cas le nom de la commune. Une manière originale de faire découvrir les 113 communes du Léon. Le poète Alain Le Roux a effectué un travail d'une année pour créer un acrostiche sur toutes les communes. Il a voulu donner à chacune son trait de caractère avec parfois une certaine élégance.

Les communes sont présentées par ordre alphabétique. Cet ouvrage peut être utile aux communes et au lecteur curieux. En partant de Brest, la rade, nous allons prendre la route pour rejoindre Bourg-Blanc, Plouguerneau, Guisseny, Plouescat, en y faisant une halte vers Trémaouézan... Finir le tour du Léon en visitant les 113 communes et en incluant Plougastel Daoulas.

Voir d'autres acrostiches du même ouvrage, pour les communes proches de La Roche, sous couvert du petit livre vert  . Il faudra peut-être que le poète nous fasse une petite explication de texte.

Alain Le Roux est un poète et critique de poésie, celte breton. Né le 12 avril 1949 à Trémaouézan dans le Léon (Finistère), il était chargé de formation continue à la DRH dans un grand ministère. Il est aussi sociétaire des poètes français, sociétaire de la SCAM (Société civile des auteurs multimedia), sociétaire des écrivains bretons, membre de la société des gens de lettres de France, et a obtenu le premier prix à l'académie du disque de poésie à Paris en 1973, laurier d'argent (président du jury : Philippe Soupault). Il est le fondateur de l'association « Rencontre des poètes et artistes en Bretagne » (1985) et a été pendant douze ans président de la revue poétique « An Amzer » et de l'association « Peal ». Ses poèmes sont publiés dans cent-vingt revues françaises et étrangères.

La Roche-Maurice
Le temps
Apporte
Recours
Ouvert
Contre
Haut
Encore
Malgré
Avide
Unifié
Ruisselant
Impropre
Contre
Eveil

Au passage du train
Le chemin se dégage
wagon du soleil

Ploudiry
Papiers
Lumineux
Ombrages
Une
Dimension
Inavouée
Recherchée
Yttrium

L'animal observe
Fixe et regarde le talus  
De genêts d'or
La Martyre
Luzule
Abondante
Malgré
Accorte
Rebelle
Tendre
Yang
Redoutable
Eristique

Sur La Martyre
Des squelettes retiennent
L'attention des fleurs
Plouedern
Population
Libre
Obtusangle
Usage
Etabli
Des
Enfants
Rognés
Nominativement

Ente Pet P
Les champs de couleurs se déguisent  
Et jaune et verdure
Plouneventer
Plus
Loin
On
Utilise
Nombreux
Eléments
Voulant
Entretenir
Nids
Tout
En
Reliefs

Sur le grand chemin
De terre et de foin dorés  
L'odeur grise
Saint-Servais
Sentier
Aménagée
Immobile
Nasillant
Tout
Sur
Entrée
Revue
Venue
Avec
Ichtyocolle
Sentant

Avec les saints tendus
Devant la place ouvertement
Blanche de tendresse
X
Bodilis
Bourg
Ouvert
Dessus,
Il
Laisse,
Il
S'éclaire

Le bourg se glisse
Sur le chemin de laine
A l'approche vert
Plouzane
Pays
Lointain
Oublié
Un par un par le
Zanni
Au rire
Nullement
Engagé
Brest
Bonheur
Rencontrer
En la rue de
Siam le
Touriste

Ville ouverte
Sur le paysage marin
Palette bleue

Des livrets-jeux pour les jeunes visiteurs

On pourrait compléter ce style de livret pour La Roche avec quelques jeux :


logo André Croguennec
 André J. Croguennec - Page créée le 15/4/2019, mise à jour le 25/6/2023.

  ...  GA  ...