Au Vè siècle, après l'immigration venue d'outre-manche, l'organisation du pays breton se met en place, les paroisses se regroupent sous l'autorité d'un chef portant le titre de mac'htiern. Ces groupes appelés "pou" étant eux-même réunis pour former des "broioù". A la fin du siècle, des hordes germaniques encore sauvages, celles de Francs, déferlent sur les territoires gallo-romains. Mais à l'ouest, elles s'arrêtent à l'entrée de la péninsule armoricaine. Les pays de Rennes, Nantes et Vannes, passent des accords de "bon voisinage" avec Clovis (roi des Francs de 482 à 511), les autres l'ignorent superbement.
Cependant, les rapports avec nos voisins de l'est vont devenir pour le moins tumultueux, avec sans doute une accalmie sous le règne de Dagobert (roi des Francs de 629 à 639).
La situation changea considérablement avec la prise de pouvoir d'un certain Pépin, dit "Le Bref" (roi de751 à 768). L'ambitieux personnage rêvait en effet de soumettre à sa domination tous les peuples voisins. Il attaqua la Bretagne par le sud, mais devant une résistance farouche des troupes bretonnes, il se retira assez précipitamment. En 786, Charlemagne (roi de 768 à 814), fils de Pépin, expédia en Bretagne le sénéchal Audulf, à la tête de forces considérables. Les envahisseurs pillèrent et ravagèrent le pays, puis se retirèrent en emmenant des otages et en proclamant que les Bretons étaient définitivement soumis. Mais ceux-ci continuèrent de refuser de payer le tribut qui avait été instauré par Pépin. Le "Grand" Charlemagne lança d'autres expéditions, dont celle de 811 à laquelle il participait lui-même. Cependant, le succès de celles-ci se révéla nul et jusqu'à sa mort la Bretagne Armoricaine resta en dehors de l'Empire.
Le fils de Charlemagne, qui lui avait succédé sur le trône impérial, Louis Le Débonnaire ou Le Pieux, se jura de réussir là où son illustre père avait échoué.
Morvan Lez Breizh
Les rudes combats qu'il leur avait fallu soutenir pour défendre leur liberté avaient rendu évident aux yeux des Bretons que s'ils continuaient à combattre en ordre dispersé, ils succomberaient les uns après les autres. Ils décidèrent d'élire un chef commun, leur choix de porta sur le roi de Léon, Morvan, à qui l'histoire devait attribuer le surnom de Lez Breizh, "Hanche (c'est-à-dire soutien de la Bretagne).
Louis Le Débonnaire décide d'envoyer auprès de Morvan un représentant des Francs, afin de "l'avertir par cette démarche, sur le sort qui le menace". C'est l'abbé Witchaire, un "homme proble, habile et d'une sagesse éprouvée" qui sera chargé de négocier avec le roi des Bretons, d'exiger de lui notamment le paiement du "juste tribut".
Witchaire se rend dans sa résidence royale bretonne de Roc'h Morvan : "Un endroit qu'entoure d'un côté des forêts, de l'autre un fleuve tranquille, et que défendent des haies, des ravins et un vaste marais. Au milieu est une riche habitation. De toutes parts, les Bretons y accouraient en armes, et peut-être alors était-elle remplie de nombreux soldats. Morvan le préférait à tout autre, et y trouvait tout ce qui pouvait lui garantir un repos assuré". C'est ainsi qu'Ermold le Noir, le chroniqueur franc de l'époque décrit le château et son environnement.
Dans la grande salle de la demeure, les deux hommes se saluent, s'assoient et font éloigner tous ceux qui les entourent. Witchaire exige le tribut, seul moyen d'obtenir "la fidèle amitié du Franc et la protection de ses armes". Alors que Morvan hésite, son épouse "sort de la chambre nuptiale et vient solliciter les embrassements accoutumés de son époux". Elle souffle à son mari de demander à l'abbé d'attendre sa réponse jusqu'au lendemain matin. Après une nuit de mûre réflexion, Morvan déclare à l'envoyé du souverain franc : "Hâte-toi de reporter ces paroles à ton roi ; les champs que je cultive ne sont pas les siens, et je n'entends point recevoir ses lois. Qu'il gouverne les Francs ; Morvan commande à juste titre aux Bretons, et refuse tous cens et tout tribut."
La guerre est inévitable : l'armée franque se rassemble à Vannes et l'empereur commande lui-même ses troupes, auxquelles se sont joints des milliers de mercenaires. Une ultime tentative de conciliation, mais Morvan se montre aussi déterminé que précédemment.
Les combats sont déclenchés, chaque armée ayant sa technique propre. Les Francs dans un premier temps semblent l'emporter, pratiquant la technique de la terre brûlée. "Partout, ils recherchent les approvisionnements cachés... Hommes, boeufs, brebis, tout devient la proie malheureuse du vainqueur. Nul marais ne peut offrir un asile aux Bretons ; nulle forêt n'a de retraite assez sûre pour les sauver. ... Les églises sont respectées, mais tous les autres bâtiments sont livrés aux flammes dévorantes."
Face à l'offensive franque, la technique bretonne, du fait d'un nombre de soldats moins important, est celle de l'effacement, de l'évitement, du refus de tout combat frontal. Ce refus apparent du combat est en fait une technique éprouvée : celle de la guérilla. A mesure que les armées franques s'avancent dans les terres bretonnes, les soldats de Morvan les harcèlent, fondent avec rapidité et par surprise sur les éléments les plus faibles de l'armée. "Bientôt Morvan s'élance, prompt comme l'éclair, sur les ennemis qu'il rencontre, les attaque par derrière, et plonge son épée dans leurs larges poitrines ; il porte la fureur de ses armes tantôt sur un point, tantôt sur l'autre, et, fidèle à la manière de combattre de ses ancêtres, il fuit un instant pour revenir sur le champ". Nombre d'attaques se déroulent la nuit, où les Bretons sont d'autant plus efficients qu'ils sont vêtus de noir et teignent leurs boucliers ronds, au dire d'Ermold qui évoque "les noires armées".
Nous sommes en 818 et Morvan est tué par un Franc d'humble origine : "On présente sur le champ cette tête que le glaive vient de séparer du corps ; elle est souillée de sang et dans un horrible désordre. On appelle Witchaire. Il lave à l'instant même cette tête dans une onde pure, à l'aide d'un peigne en arrange la chevelure, reconnaît promptement la vérité du fait sur lequel on lui ordonne de se prononcer et s'écrie : 'Cette tête est celle de Morvan !' ".
La suite : Guyomarc'h Ier et Nevenoe
Ainsi périt Morvan et avec lui semblait s'évanouir le dernier espoir d'indépendance du peuple breton ; mais l'histoire continue.
Gwyomarc'h 1er, comte de Léon et roi des bretons, comme l'avait été Morvan, dont on le croit fils, essaya de réparer les désastres qu'avait amenés la perte du héros breton et de secouer le joug des Francs. Informés de ses desseins, ils fondirent inopinément sur ses états, afin de s'emparer d'un chef si audacieux (822). Guyomarc'h leur échappa par la fuite, mais il ne put épargner à ses vassaux les ravages d'un ennemi furieux. Bientôt il reprit l'offensive et remporta divers avantages sur les oppresseurs de sa nation. Louis le Débonnaire crut alors devoir se mêler une seconde fois à cette lutte, et, pour frapper un coup terrible, il s'avança dans le pays, accompagné de trois corps d'armée. A la vue d'un déploiement de forces si nombreuses, plusieurs des chefs écoutèrent les conseils de la prudence et ne laissèrent plus à Guyomarc'h d'autre partie que celui de la soumission.
Mandé avec les autres seigneurs de sa nation pour renouveler son allégeance devant les grands du royaume, à l'assemblée générale d'Aix-la-Chapelle, en 825, il y reçut un accueil distingué. Mais ces honneurs ne lui rendirent pas plus supportable la domination d'un prince étranger ; il reprit les armes et attaqua encore les Francs. Lambert, comte des Marches, s'étant mis à sa poursuite, le surprit dans un de ses châteaux et, persuadé qu'il n'y avait rien à obtenir d'une nature si indomptable, il le fit périr en 825. (source Biogaphie Bretonne)
Ce château serait le château de Brezal, d'après notre érudit Daniel Miorcec de Kerdannet.
Etymologie de Brezal (source site Internet de Plouneventer). Il y en a deux :
BREIZ, hauteur - AL, autre : "autre hauteur".
C'est l'étymologie donnée par Daniel Miorcec de Kerdannet dans son livre "Etymologie des noms bretons, gallois et celtiques". Le Roi Morvan habitait le château de La Roche et fît demeurer son fils sur une autre hauteur qui serait Brézal.
De Kerdannet avance une autre version.
Une ancienne chanson bretonne apprend qu'au 9ème siècle le Roi Morvan avait tenu un siège dans son château de La Roche contre un lieutenant de Louis Le Débonnaire qui s'était retranché derrière le château de Brézal, dans un lieu nommé "Camp Loïs". Un grand nombre de Bretons ayant déserté leur prince pour passer à l'ennemi, on donna au château le nom de "Breiz-all" Bretagne opposée. Après la mort du Roi Morvan, en 818, les Bretons élurent pour Roi Viomarc'h, prince de Léon, qui fit une guerre acharnée à la France, fut pris et massacré dans son château de Brézal, en 825. Fermer X
Vingt ans plus plus tard, le mac'htiernNominoé (ou Nevenoe en langue bretonne), à qui le monarque frank avait confié le gouvernement du pays, reprit en mains l'oeuvre d'affranchissement vainement tentée par Morvan et Guyomarc'h et la mena à bonne fin.
Tant que Louis le Débonnaire vécut, Nominoé lui garda la foi jurée et n'ambitionna d'autre titre que celui d'envoyé de l'empereur ; mais lorsqu'à la mort du vieux souverain, il vit ses fils s'entre-déchirer dans une lutte fratricide et saper par la base l'empire de Charlemagne, il jugea le moment venu pour proclamer l'indépendance de sa patrie.
Le vainqueur de Fontenoy, Charles le Chauve, à qui venait d'échoir en partage le royaume de France, s'apprêta, il est vrai, à tourner contre les Bretons ses armes victorieuses ; mais Nominoé, mis au courant de ses funestes dessins, ne lui laissa pas le temps de les mettre à exécution. Au lieu d'attendre tranquillement, l'arme au poing, l'agression de son puissant adversaire, il s'empressa de porter la guerre dans ses propres Etats. Une rencontre définitive eut lieu dans la plaine marécageuse de Ballon, entre l'Oust et la Vilaine, le 22 novembre 845, et la victoire remportée par les Bretons assura l'indépendance de leur pays pendant plus de six siècles.
Morvan et Nominoé devinrent, comme bien l'on pense, le sujet de nombreux chants populaires et patriotiques ; mais, pour le peuple breton qui a toujours plus admiré le courage qui succombe que l'habileté qui triomphe, le plus sympathique de ces deux héros de la défense nationale, c'est Morvan, à qui, dans son langage imagé et expressif, il a donné le glorieux surnom de Lez-Breiz, c'est-à-dire l'appui (littéralement la hanche) de la Bretagne.
Nomenoe, premier roi des Bretons
Oui, bien que nos historiens aient parfois qualifié Morvan de roi , comme on l'a vu plus haut la tradition bretonne ne lui a pas retenu ce titre. Dans la tradition populaire, c'est Nomenoe (ou Nevenoe) le premier roi des Bretons.
Morvan a été placé par nos historiens au nombre des rois bretons. On peut se faire une idée du caractère de ce grand guerrier et des moeurs de ce temps dans les vers d'Ermold Le Noir, poète contemporain qui a célébré les événements mémorables de la vie de Louis-le-Débonnaire. ... D'Argentré, organe des traditions, écrit que Morvan "était issu des comtes de Léon et de la race, comme on disait de Conan" (source Biographie Bretonne).
De La Villemarqué indique dans son Barzhaz Breizh : "Regnante domino imperatore Hludovic, anno XXII regni ejus, Morman Machtiern... Cartularium Redonense, ad ann, 800 ; Ap. de Courson. Cf. D. Morice, preuves, t. I, col. 263."
Hludovic, c'est Louis Le Débonnaire, la 22è année de son règne, c'est 836 !
Mac'htiern : anciennement aristocrate, chef de tribu, puis riche propriétaire ayant des fonctions judiciaires héréditaires chez les anciens Bretons jusqu'aux invasions normandes, cf C. Redon (Frañsez Favereau).
Penntiern est fort probablement le niveau supérieur, Tiern est le nom générique. Fermer X
Le château de Morvan à La Roche-Maurice ?
Morvan est regardé comme le fondateur du château de La Roche-Maurice, près de Landerneau. Ce château portait encore le nom de la Roche-Morvan au XIIIè siècle. (Preuves de l'Histoire de Bretagne, t. Ier, col. 989) La poésie lui avait donné un autre nom qui dépeint sa situation sur un rocher abrupte et élevé, en l'appelant Roc'h-an-Tron ou la Roche-aux-Aigles (source Biographie Bretonne).
Plus généralement, les historiens se sont accordés pour dire que le château de La Roche-Maurice était celui de Morvan.
Mais quand les connaissances sont bien assises, il existe toujours un nouvel érudit, ou prétendu tel, qui arrive pour contredire tous les autres.
On trouve dans Wikipedia, la phrase suivante : Le château de Morvan, "aujourd'hui disparu se trouvait probablement sur la colline de Minez Morvan dans la contrée de Le Faouët-Langonnet. Cette zone a d'ailleurs adopté de nos jours l'appellation touristique de Pays du Roi Morvan.
Par ailleurs, j'avais lu (je viens de retrouver mes sources ) que la raison pour laquelle ce ne pouvait pas être La Roche-Maurice, c'est qu'à La Roche il n'y a jamais eu de marais près du château, et que le fleuve ne pouvait entourer même partiellement la forteresse. Référence à la description d'Ermold Le Noir, plus haut : "Un endroit qu'entoure d'un côté des forêts, de l'autre un fleuve tranquille, et que défendent des haies, des ravins et un vaste marais".
Bien malin qui pourrait affirmer qu'il n'y avait pas de marais au pied du château de La Roche-Maurice en 818. Je pense, au contraire, qu'à cette rude époque, le châtelain de La Roche ne pouvait, pour sa protection et celle de ses sujets, que tirer partie de la confluence de l'Elorn et du Morbic. Et pour faire monter le niveau des eaux, pourquoi n'aurait-il pas construit un barrage bas, un peu en aval de ce confluent. Barrage qui pouvait peut-être déjà exister, peu ou prou, de façon naturelle. La montée du niveau des eaux aurait permis un encerclement partiel du château et rendu automatiquement le bas de la vallée du Morbic quelque peu marécageuse.
Voici les sources en question, un texte de Charles de Keranflec'h :
" M. de Kerdanet n'a pas hésité à admettre que c'est en ce lieu [La Roche-Maurice] que se passa en 814 la fameuse scène entre le moine Frank Wilchaire et le comte de Léon Morvan Ier, roi suprême des Bretons. Il fonde son assertion sur le passage tant de fois cité du poème d'Ermold-le-Noir, dans lequel est racontée l'expédition que Louis-le-Débonnaire fit en Bretagne pour réduire nos ancêtres, qui avaient poussé le cri de liberté et secoué le joug que Charlemagne leur avait imposé. Il y est dit que le moine envoyé par l'empereur pour amener le prince breton à payer le tribut accoutumé le trouva dans une forteresse décrite en ces termes : « Est locus hinc sylvis, hinc flumine cinctus amaeno, Sepibus et sulcis atque palude situs. Intus opima domus, hinc inde recurserat amnis, Forte repletus erat milite seu vario. Haec loca praecipue semper Murmanus amabat ; Illi certa quies, et locus aptus erat ». [Note : Je donne ce texte d'après M. A. de Courson, HISTOIRE DES PEUPLES BRETONS].
M. de Kerdanet ayant lu à la fin du troisième vers "armis" au lien de "amnis", a traduit ce passage d'une manière inexacte 1, et a cru qu'il pouvait s'appliquer à la position de la Roche-Maurice. Je crois que le véritable sens est celui-ci : Il est un lieu fortifié par des haies (sepibus), des fossés (sulcis) et un marécage qu'entourent d'un côté une forêt, de l'autre un beau fleuve. A l'intérieur s'élève une riche habitation que le fleuve, revenant sur lui-même, enveloppe dans son repli ; elle était remplie de soldats de toutes armes. Morvan avait une prédilection particulière pour ce lieu, où il trouvait une demeure commode et un asile assuré.
Cette description convient admirablement à nombre de forteresses en terre dont on voit les restes en différentes parties du territoire occupé par les Bretons dès les premières années du IXème siècle ; je citerai particulièrement celles de Castennec et de Castel-Finans dans le Morbihan, mentionnées l'une et l'autre par Cayot-Délandre (articles Bieuzy et saint Aignan) ; mais il est impossible d'y reconnaître la Roche-Maurice ou la Roche Morvan. La constitution géologique du terrain sur lequel est assis ce château ne permet pas, en effet, d'admettre qu'il ait jamais pu être entouré par un repli de l'Elorn ni défendu par aucun marais. On est donc obligé de renoncer à y placer l'entrevue de Morvan et de Wilchaire, qui au reste a fort bien pu avoir lieu partout ailleurs dans le pays des Bretons". (Charles de Keranflec'h).
1 Voici la traduction de Kerdanet dans une note explicative incluse dans l'ouvrage d'Albert Le Grand Les vies des Saints de la Bretagne Armoricaine : "Non loin est un endroit, qu'entourent, d'un côté, des forêts, un fleuve tranquille, et que défendent des haies, des ravins et un vaste marais ; au milieu est une vaste habitation. De toutes parts les Bretons y accourent en armes, et peut-être est-elle toujours remplie de nombreux soldats. Ce lieu, Morvan le préféroit à tout autre, et y trouvoit tout ce qui pouvoit lui garantir le repos le plus doux".
Que Kerdanet ait lu "armis" au lieu du mot "amnis" n'a strictement, qu'on on le voit en lisant les deux textes, aucune importance pour notre sujet.
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Mon hypothèse est-elle farfelue ? Non, je ne le crois pas, car l'endroit que je situe s'appelle aujourd'hui Stangolc'h. Sur le cadastre napoléonien de 1811, il est nommé Stang a loch (voir parcelles 18 et 19). Nous n'insisterons pas sur le qualificatif du STANG (golc'h, loch ou loc'h), qui ne semble pas important pour la démonstration, ni sur les problèmes d'orthographe du fonctionnaire qui a rédigé l'inventaire des parcelles.
Le mot STANK identifie un ETANG et même un BARRAGE.
Notons aussi que les parcelles un peu plus en amont de Stangolc'h (21 et 22) sont appelées "Ar yeun" = "Le marais". C.Q.F.D.
D'après certains auteurs, un autre Morvan est candidat pour avoir donné son nom à notre château. Il s'agirait de Morvan, vicomte du Faou au XIè siècle. Ce Morvan aurait été, peut-être, aussi vicomte de Léon, en même temps Guyomarc'h. Pas clair toute cette histoire ! Nous nous en tiendrons à la précédente. Celle-ci en est antérieure et n'est donc pas contradictoire avec la suivante.
Les poèmes épiques du Barzhaz Breizh
Marche de Lez Breizh :
Lez-Breiz :
Le poème épique de "Lez-Breiz" comporte 261 strophes de deux vers.
C'est donc un chant particulièrement long. Il est divisé en plusieurs chapitres :
Le départ : Encore jeune enfant, Lez-Breiz rencontre dans un bois un beau chevalier fièrement harnaché. Impressionné, il décide de le suivre et de quitter sa mère. Lire en breton...Lire en français...
Ar c'himiad
- I -
Pa oa paotr Lez-Breizh e ti e vamm
En devoe bet ur pebez estlamm (bis)
Ur marc'heg o tonet gant ar c'hoad
Hag eñ penn-da-benn harneset mat
Hag ar paotr Lez-Breizh 'dal m'e welas
Arvariñ oa Sant Mikel a reas
Ha war e zaoulin en em strinkas
Hag en em groazañ prim a reas
"Aotrou Sant Mikel, en an' Doue
Na it ket da ober droug din-me !
- An Aotrou Sant Mikel ned on ket
Nag un drougoberour kennebeut
Sant Mikel, avat, me n'emaon ket
Marc'heg urzhet ne lavaran ket
- Gwelet marc'heg biskoazh n'am eus graet
Na komzet anezho kennebeut
- Un den eveldon an hini eo
Gwelas-te unan o vont e-biou ?
- Leveret-hu din-me da gentañ
Petra zo, na petra rit gantañ ?
- Pezh am eus c'hoant a dizhan gantañ
Ur goaf a leverer anezhañ
- Gwell eo ganin, gwell eo va fenn-bazh
Na eer ket en e arbenn hep lazh
Na petra an diskell koueveur-mañ
A zouget-hu dioc'h ho prec'h amañ ?
- Ned eo ket, mab, un diskell koueveur
Ur tarzhian-gwenneg e c'halver
- Aotrou marc'heg, n'am goapeet ket
Meur a wenneg tarzhet 'm eus gwelet
Derc'hel e rafe unan em dorn
Kel ledan hemañ hag ur mein-forn
- Na peseurt dilhad a zo ganeoc'h
Ken pounner hag houarn, pounneroc'h
- Ul lereg houarnet eo ivez
D'am difenniñ deus taolioù kleze
- Ma ve 'n heized evel-se sternet
Diaesoc'h e vezent da dizhet
Hogen, aotrou, leveret din-me
Ha ganet emaoc'h bet evel-se ?"
Ar marc'heg kozh, evel m'e glevas
A-walc'h e galon c'hoarzhin a reas
"Piv an diaoul 'ta en deus ho sternet
Ma ned oc'h bet evel-se ganet ?
- An hini en deus gwir da ober
Hennezh en deus graet, ma mabig ker
- Ha piv 'neus bremañ gwir da ober ?
- Den nemet an aotrou kont Kemper
Lavar ivez an taol-mañ din-me :
Gwelas-te un den eveldon-me ?
- Un den eveldoc'h am eus gwelet
Ha dre-se tre, aotrou, emañ aet"
- II -
Hag ar paotr d'ar gêr en ur redek
Ha war varlenn e vamm, ha prezek :
"Ma mammig, ma mamm, na ouzoc'h ket ?
Biskoazh tra ker brav n'am boa gwelet
Biskoazh tra ker brav na welis
Hag am eus gwelet hiziv-an-deiz
Bravoc'h den hag an aotrou Mikel
A zo en hon iliz, an arc'hel !
- N'eus den, ma mab, bravoc'h koulskoude
Bravoc'h evit aelez hon Doue
- Salokras, ma mamm, gwelet a reer
Marc'heien, emint-i, o anver
Ha me a fell din monet ganto
Ha monet da varc'heg evelto"
An itron gaezh, evel pa glevas
Teir gwech d'an douar a fatigas
Ha paotr Lez-Breizh, hep sellet a-dreñv
E-barzh ar marchosi ez eas tre
Hag ur c'hozh inkane a gavas
Ha prim war he c'horre a bignas
Hag eñ kuit da heul ar marc'heg ken
Kuit, ha timat, hep kimiadañ den
Da heul ar marc'heg ken da Gemper
Ha kuitaat a eure ar maner Fermer X
Le départ
- I -
Quand l'enfant Lez-Breiz était chez sa mère,
Il eut un jour une grande suprise ; (bis)
Un chevalier s'avançait dans le bois
Et il était armé de toutes pièces
Et l'enfant Lez-Breiz, en le voyant,
Pensa que c'était saint Michel
Et il se jeta à deux genoux
Et il fit vite le signe de croix
"Seigneur saint Michel, au nom de Dieu
Ne me faites point de mal !
- Je ne suis pas plus le seigneur saint Michel
Que je ne suis un malfaiteur
Je ne suis pas saint Michel, non vraiment
Chevalier ordonné, je ne dis pas
- Je n'ai jamais vu de chevaliers,
Pas plus que je n'ai entendu parler d'eux
- Un chevalier, c'est quelqu'un comme moi
En as-tu vu passer un ?
- Répondez-moi d'abord vous-même
Qu'est-ce que ceci ? et qu'en faites vous ?
- J'en blesse tout ce que je veux ;
Cela s'appelle une lance.
- Mieux vaut,bien mieux vaut mon casse-tête
On ne l'affronte pas sans mourir
Et qu'est ce que ce plat de cuivre-ci
Que vous portez au bras ?
- Ce n'est pont un plat de cuivre, mon enfant
C'est un blanc-bouclier. [un écu]
- Seigneur chevalier, ne raillez pas
J'ai vu plus d'une fois des blancs monnoyés [écus monnaie]
J'en tiendrais un dans ma main
Tandis que celui-ci est large comme la pierre d'un four
- Mais quelle espèce d'habit portez-vous ?
C'est lourd comme du fer, plus lourd même.
- Aussi est-ce une cuirasse de fer
Pour me défendre contre les coups d'épée.
- Si les biches étaient ainsi harnachées
Il serait plus malaisé de les tuer
Mais, dites-moi, seigneur,
Etes-vous né comme cela ?"
Le vieux chevalier à ces mots,
Parti d'un grand éclat de rire
"Qui diable vous a habillé,
Si vous n'êtes pas né comme cela ?
- Celui qui en a le droit,
C'est celui-là, mon cher enfant.
- Mais alors qui en a le droit ?
- Personne que le seigneur Comte de Quimper
Maintenant, réponds-moi à ton tour :
As-tu vu passer un homme comme moi ?
- J'ai vu passer un homme comme vous,
Et c'est par ce chemin qu'il est allé, seigneur"
- II -
Et l'enfant de revenir en courant à la maison
De sauter sur les genoux de sa mère, et de babiller :
"Ma mère,ma petite mère, vous ne savez pas ?
Je n'avais rien vu d'aussi beau
Jamais je n'ai rien vu d'aussi beau
Que ce que j'ai vu aujourd'hui :
Un plus bel homme que le seigneur Michel
L'archange qui est dans notre église !
- Il n'y a pas d'homme plus beau pourtant,
Plus beau, mon fils, que les anges de notre Dieu.
- Sauf votre grâce, ma mère, on en voit
Ils s'appellent, disent-ils, chevaliers
Et moi, je veux aller avec eux
Et devenir chevalier comme eux"
La pauvre dame, à ces mots,
Tomba trois fois à terre sans connaissance.
Et l'enfant Lez-Breiz, sans détourner la tête
Entra dans l'écurie
Il y trouva une méchante haquenée,
Et il monta vite sur son dos
Et il partit, courant après le beau chevalier,
En toute hâte, sans dire adieu à personne
Courant après le beau chevalier vers Quimper,
Et il quitta le manoir. Fermer X
Le retour :
Dix plus tard, Lez-Breiz, devenu fameux guerrier, revient au manoir de sa mère qui est morte de chagrin. Le manoir est délabré. Il rencontre sa soeur qui ne le reconnaît pas et lui demande de s'identifier : "Morvan, fils de Konan, est mon nom, et Lez-Breiz, mon surnom, ma soeur". Lire en breton...Lire en français...
An distro
Marc'heg Lez-Breizh oa souezhet bras
Da vaner e vamm pa zistroas
Pa zistroas a-benn dek vloaz krenn
Ken vrudet e-touez ar varc'heien
Marc'heg Lez-Breizh a oe souezhet
E porzh ar maner pa oe digoue'et
O welout eno drein o kreskiñ
Hag al linad e toull dor an ti
Hag ar mogerioù hanter-gouezhet
Hag a iliav hanter goloet
An aotrou Lez-Breizh, o klask mont tre,
Ur c'hwragezig dall a zigore
"Leveret-hu din-me, va mamm-gozh,
Ha degemer a gavfen henoz ?
- Degemer a-walc'h c'hwi a gavo
Naren, aotrou, dimeus ar re vrav
Aet eo an tiegezh-mañ da goll
Abaoe 'mañ aet ar mab en e roll"
Ne oa ket he c'homz peurachuet
Ur plac'h yaouank a zo diskennet
Ha damsellet outañ a reas
Ha da ouelañ druz en em lakaas
"Plac'hig yaouank, din-me leveret
Petra c'hoarvez ganeoc'h pa ouelet ?
- Aotrou marc'heg, deoc'h a larin-me
Petra c'hoarv' ganin pa ouelan-me
Ur breur en oad ganeoc'h am eus bet
Dek vloaz zo da varc'heg emañ aet
Ha kel lies gwech marc'heg 'welan
Kel lies gwech, va aotrou, ouelan
Kel lies gwech, siwazh din, ouelan,
Gant koun eus ma breurig paour her gran !
- Va merc'hig koant din-me leveret
Na breur all, na mamm n'hoc'h eus-hu ket ?
- Breur all war an douar n'em eus ket
Er baradoz, ne lavaran ket
Ha ma mamm baour ivez ivez ez aet di
Nemet on gant magerez en ti
Mont a reas kuit gant ar c'hlac'har
Pa eas va breur da varc'heg, m'her goar
He gwele c'hoazh en tu all d'an nor
Hag e korn an oaled he c'hador
Ha ganin-me he c'hroaz benniget
Frealz am c'halon baour war ar bed"
An aotrou Lez-Breizh a hirvoude
Ken a lavaras ar plac'h goude :
"Ho mamm ivez hoc'h eus kollet
O selaou ac'hanon pa ouelet ?
- Ya ! va mamm ivez am eus kollet
Ha me ma-eeun am eus hi lazhet
- An' Doue ! aotrou, ma'c'h eus her graet
Piv oc'h, ha penaos oc'h anvet ?
- Morvan, ap-Konan, eo va anv
Ha Lez-Breizh, va c'hoar, va lesanv"
Ken souezhet a oe ar plac'hig
Ken na fiche na lavare grik
Ken souezhet a oe ar plac'hig
Ken a vennas ganti mervel mik
Ken e zivrec'h d'he goug a daolas
Hag e veg d'he begig a lakaas
Hag e vriata hi a reas
Hag en he daeloù hi e veuzas
"Doue en devoa da bellaet
Ha Doue en deus da dostaet !
Ra vezo, ma breur, meulet Doue
Truez en deus bet ac'hanon-me" Fermer X
Le retour
Le chevalier Lez-Breizh fut bien surpris
Quand il revient au manoir de sa mère
Quand il revint au bout de dix ans révolus
déjà fameux entre les guerriers
Le chevalier Lez-Breizh fut surpris
En entrant dans la cour du manoir
En y voyant pousser les ronces et l'ortie,
Au seuil de sa maison,
Et les murs à demi ruinés
Et à demi couverts de lierre.
Le seigneur Lez-Breizh, voulant entrer,
Une pauvre vieille femme aveugle lui ouvrit.
"Dites-moi, ma grand-mère,
Peut-on me donner l'hospitalité pour la nuit ?
- On vous donnera assez volontiers l'hospitalité,
Mais elle ne sera pas, seigneur, très brillante
Cette maison est allée à sa perte
Depuis que l'enfant l'a quittée pour faire à sa tête"
Elle avait à peine fini de parler,
Qu'une jeune demoiselle descendit.
Et elle le regarda en dessous,
Et se mit à pleurer.
"Dites-moi, jeune fille,
Qu'avez-vous à pleurer ?
- Seigneur chevalier, je vous dirai bien volontiers
Ce qui me fait pleurer :
J'avais un frère de votre âge,
Voilà dix ans qu'il est parti pour sa vie de chevalier
Et aussi souvent que je vois un chevalier
Aussi souvent je pleure, seigneur.
Ausi souvent, malheureuse que je suis !
Je pleure en pensant à mon pauvre petit frère !
- Belle enfant, dites-moi, n'avez-vous pas d'autre frère ?
N'avez-vous point de mère ?
- D'autre frère ! je n'en ai point sur la terre ;
Dans le ciel, je ne dis pas ;
Et ma pauvre mère, elle aussi y est montée ;
Plus personne que moi et ma nourrice dans la maison
Elle s'en alla de chagrin, quand mon frère
Partit pour devenir chevalier, je le sais.
Voilà encore son lit de l'autre côté de la porte
Et son fauteuil près du foyer
Et j'ai sur moi sa croix bénite
Consolation de mon pauvre coeur en ce monde."
Le seigneur Lez-Breizh poussa un gémissement,
Tellement que la jeune fille lui dit :
"Votre mère l'auriez-vous aussi perdue,
Que vous pleurez en m'écoutant ?
- Oui ! j'ai aussi perdu ma mère
Et c'est moi-même qui l'ai tuée !
- Au nom du ciel, seigneur, si vous avez fait cela
Qui êtes-vous ? Comment vous nommez-vous ?
- Morvan, fils de Konan, est mon nom
Et Lez-Breizh, mon surnom, ma soeur. "
La jeune fille fut si interdite,
Qu'elle resta sans mouvement et sans voix
La jeune fille fut si interdite,
Qu'elle crut qu'elle allait mourir.
Tant qu'à la fin, il lui ses deux bras autour du cou
Et approcha sa bouche de sa petite bouche
Et elle le serra dans ses bras,
Et elle l'arrosa de ses larmes :
"Dieu t'avait éloigné,
Et Dieu t'a ramené !
Dieu soit béni, mon frère,
Il a eu pitié de moi"Fermer X
Le chevalier du Roi : Le chevalier Lorgnez, est mandaté par le roi frank pour tuer le Breton. Il vient accompagné de ses guerriers : ils sont dix, et dix et puis dix encore ! Lez-Breiz est seul avec son écuyer. Seul ? Non, Sainte Anne, la mère des Bretons, est avec eux. Lorgnez est tué par Lez-Breiz, ainsi que 13 autres soldats. L'écuyer en tue autant, les autres ont pris la fuite. Lire en breton...Lire en français...
Entre Lorgnez et le chevalier Lez-Breizh
A été convenu un combat en règle.
Que Dieu donne la victoire au Breton
Et de bonnes nouvelles à ceux qui sont au pays !
Le seigneur Lez-Breiz disait
A son jeune écuyer un jour :
"Eveille-toi, mon écuyer, et lève-toi de là
Va me fourbir mon épée
Mon casque, ma lance et mon bouclier
Que je les rougisse dans le sang des Franks.
Avec l'aide de Dieu et de mes deux bras
Je les ferai sauter encore aujourd'hui !
- Mon bon seigneur, dites-moi :
N'irai-je pas au combat à votre suite ?
- Que dirait ta pauvre mère,
Si tu ne revenais pas à la maison ?
Si ton sang venait à couler sur la terre
Qui mettrait un terme à sa douleur ?
- Au nom de Dieu ! seigneur, si vous m'aimez
Vous me laisserez aller au combat
Je n'ai pas peur des Franks
Mon coeur est dur, tranchant mon acier
Qu'on y trouve à redire ou non
Où vous irez, j'irai moi-même
Où vous irez, j'irai moi-même
Où vous combattrez, je combattrai."
- II -
Lez-Breizh allait au combat
Avec son jeune page seulement
Passant près de l'église de Sainte Anne
D'Armor, il y entra
"O Sainte Anne, dame bénie,
Je viens bien jeune vous rendre visite
Je n'avais pas vingt ans encore,
Et j'avais été à vingt combats
Nous les avons tous gagnés
Par votre assistance, ô dame bénie !
Si je reviens encore au pays
Mère Sainte Anne, je vous ferai un présent
Je vous donnerai un cordon de cire
Qui fera trois fois le tour de vos murs
Et de votre église, de votre cimetière
Et de votre terre, quand je serai de retour
Et une bannière en velours et satin blanc
Avec un support d'ivoire poli
Je vous donnerai, en outre, sept cloches d'argent
Qui chanteront gaiement, nuit et jour, sur votre tête
J'irai trois fois, à genoux,
Puiser de l'eau pour votre bénitier.
- Va au combat, va, chevalier Lez-Breizh,
J'y vais avec toi."
- III -
"Entendez-vous ? Voilà Lez-Breizh qui arrive
Il est suivi sans doute d'une armée bardée de fer !
Tiens ! il monte un petit âne blanc
Dont la bride est un licou de chanvre
Il a pour toute suite un petit écuyer
Mais, de lui, on dit que c'est un homme terrible"
Le jeune écuyer voyant les Franks
Se serra plus près de son maître
"Voyez-vous ! C'est Lorgnez qui vient !
Une troupe de chevaliers devant lui
Une troupe de chevaliers derrière lui
Ils dont dix, et dix autres, et puis dix encore !
Les voilà qui arrivent au bois de châtaigniers :
Nous aurons, pauvre maître, du mal à nous défendre
- Tu iras voir combien ils sont
Quand ils auront goûté à mon acier
Frappe ton épée, écuyer, contre la mienne
Et marchons contre eux"
- IV -
"Hé ! bonjour à toi, chevalier Lez-Breizh
- Hé ! bonjour à toi, chevalier Lorgnez
- Est-ce que tu es venu seul au combat ?
- Je ne suis pas venu tout seul
Au combat je ne viens pas seul
Sainte Anne est avec moi
- Moi, je viens de la part du Roi
Pour t'ôter la vie
- Retourne sur tes pas ! Va dire à ton roi
Que je me moque de lui comme de toi
Que je me moque de lui comme de toi
Comme de ton épée, comme des tiens.
Retourne à Paris, au milieu des femmes
Y porter des habits dorés
Autrement je rendrai ton sang aussi froid
Que le fer ou la pierre
- Chevalier Lez-Breizh, dites-moi,
En quel bois avez-vous été mis au jour ?
Le dernier valet de ma suite
Vous enlèverait le casque de la tête"
A ces mots, Lez-Breizh,
Tira sa grande épée
"Si tu n'a pas connu le père
Je te ferai connaître le fils !"
- V -
Le vieil ermite du bois, debout au seuil de sa cabane
Parlait doucement à l'écuyer de Lez-Breizh
"Vous courez bien vite à travers bois !
Votre armure est souillée de fange et de sang.
Venez, mon enfant, dans mon ermitage
Venez vous reposer et vous laver
- Ce n'est pas le moment de se reposer et de se laver
Mais, certes, de trouver une fontaine
Trouver de l'eau ici pour mon jeune maître
Tombé au combat, épuisé de fatigue
Treize soldats tués sous lui
Le chevalier Lorgnez tué le premier !
Et moi j'en ai abattu autant
Les autres ont pris la fuite."
- VI -
Il n'eût pas été Breton dans son coeur
Celui qui n'aurait pas ri de bon coeur
En voyant l'herbe verte
Rougie du sang des Franks maudits
Le seigneur Lez-Breizh, assis,
Se reposant, les regardait
Il n'eût pas été chrétien dans son coeur
Celui qui n'eût pas pleuré à Sainte-Anne
En voyant l'église mouillée des larmes
Qui tombaient des yeux de Lez-Breiz
De Lez-Breizh pleurant, à genoux,
Remerciant la vraie patronne de la Bretagne
"Grâces vous soient rendues, ô mère sainte Anne !
C'est vous qui avez remporté cette victoire !"
- VII -
En bon souvenir de ce combat
Ce chant a été composé
Qu'il soit chanté par les gens de Bretagne
En l'honneur du bon seigneur Lez-Breizh !
Qu'il soit longtemps chanté au loin à la ronde
Pour réjouir tous ceux du pays !" Fermer X
Le More du Roi : Chevauchant son beau cheval noir, Lez-Breiz affronte le "More" en combat chevaleresque devant les nobles franks et le roi, assis sur son trône. Leurs armes jetaient des étincelles... et, puis le Breton enfonçe son épée dans le coeur du géant... en retirant son épée, il lui coupe la tête et l'attache au pommeau de sa selle. Lire en breton...Lire en français...
Le Roi : Ce jour-là, Lez-Breiz marche à la rencontre du roi lui-même, qui est accompagné de 5.000 hommes à cheval. La lutte est décrite sous forme d'allégorie : le combat du cheval blanc de mer contre le serpent monstrueux et ses petits... la lutte est inégale. "Qu'il y ait des Franks par milliers, je ne fuis pas devant la mort ! " Il n'avait pas fini de parler qu'il était déjà loin, bien loin de sa demeure.
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Ar Roue
An aotrou Lez-Breizh, un deiz a oe
A yae en arbenn d'ar roue
En arbenn d'ar roue d'an emgann
Pemp mil marc'heg mat a-du gantañ
Hag endra ma oa o kimiadañ
Tan an taran, tan ar foeltrusañ !
Hag e floc'h klouar 'dal m'arvestas
Prederiañ en droug a reas :
"En an' Doue ! mestr, chomet er gêr
Ur gwall zevezh hiziv a gejer !
- Chom er gêr, va floc'h, ne c'hallan ket
Pa'm eus lâret mont, renkan monet !
Ha monet a rin tra vo buhez
Buhez enaouet e-barzh am c'hreiz
Ken a zalc'hin kalon roue 'n argoad
Etre an douar ha sol va zroad"
C'hoar Lez-Breizh, kerkent ha m'her gwelas
Gant kabestr marc'h he breur a sailhas :
"Va breur, va breur ker, ma em c'haret
Dan emgann hiziv na eot ket
Nemet d'ar marv na afac'h se !
Ha petra vo a'nomp goude-se ?
Morvarc'h gwenn war an aod a welan
Un naer vras divent en-dro dezhañ
En-dro d'e zivsker dreñv daou skoulm gwall
Ha en-dro d'e voueloù tri skoulm all
Daou en-dro d'e zivsker ha d'e c'houg
Hed e vrusk 'n em stlej, hen gor, hen moug
Ken a sav war e dried ar marc'h kaezh
Hag a-dreuz penn, e tant chig ar gouez
Hi a vadailh, a dreflemm ruz gwad
Ha dibunañ 'ra o c'hwibanat
Ken a glev he naered, hag e lamm
Te'h kuit, dispar, unik ! tec'h dinamm !
"Bez a C'hallaoued pezh a garo !
Me na derc'han ket raok ar marv !"
Ne oa ket peurlavaret e c'her
Ha pa oa pellik, pell eus ar gêr
L'ermite : Lez-Breiz erre dans le bois de Brekilien et vient demander le secours d'un ermite. Celui-ci aperçoit devant sa porte un spectre tenant sa tête dans ses deux mains, les yeux pleins de sang et de feu. "Le seigneur Dieu a permis aux Franks de me décapiter pour un temps, et maintenant il vous permet de replacer ma tête". Par la vertu de l'eau bénite le fantôme redevient un homme. Au bout de sept ans de pénitence, Sainte Anne lui accorde le repos éternel. Enfin, son écuyer retrouve la tombe de Morvan dans le bois : "Si j'ai tué son meurtrier, je n'en ai pas moins perdu mon cher seigneur ! C'est Lez-Breiz qui dort en ce lieu ; tant que durera la Bretagne, il sera renommé ; il va s'éveiller tout à l'heure en criant, et va donner la chasse aux Franks ! "
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Nevenoe poursuivit l'oeuvre de délivrance de sa patrie ; il feignit de soumettre à la domination étrangère, et cette tactique lui réussit pour arrêter un ennemi dix fois supérieur en nombre. Quand vint le moment d'agir, Nevenoe jeta le masque ; il chassa les Franks au-delà des rivières de l'Oust et de la Vilaine, et recula jusqu'au Poitou les frontières de la Bretagne. Quant au tribut que les Bretons payaient aux Franks : il les en délivre, voilà le fait réel... Le poème, lui, est très imagé.
Un vieil homme se lamente sur la mort de son fils, tué par l'intendant des Franks alors qu'il venait porter le tribut des Bretons ; comme il manquait trois livres dans un des sacs, le Frank lui avait tranché la tête pour faire le poids.
Le vieil homme descend de ses monts d'Arrée et va trouver le roi Nominoé, qui promet de le venger
Le roi amasse des pierres dans trois sacs et va se présenter à Rennes, avec ce qu'il annonce être le tribut. L'intendant pèse les sacs ; au troisième, comme le poids n'y est pas, il essaie d'ouvrir le sac. Nominoé dégaine son épée comme pour trancher les liens, mais c'est la tête de l'intendant qu'il tranche.
L'herbe d'or est fauchée, Il a bruiné tout à coup.
- Bataille !
Il a bruiné tout à coup.
Il bruine, disait le grand chef de famille
Du sommet des monts d'Arez
- Bataille !
Du sommet des monts d'Arez
Il bruine depuis trois semaines, de plus en plus,
De plus en plus, du côté du pays des Franks
Si bien que je ne puis en aucune façon
Voir mon fils revenir vers moi
"Bon marchand, qui court le pays,
Sais-tu des nouvelles de mon fils Karo ?
- Peut-être, vieux père d'Arez,
Mais comment est-il, et que fait-il ?
- C'est un homme de bon sens et de coeur
C'est lui qui est allé conduire les chariots à Rennes
Conduire à Rennes les chariots traînés
par des chevaux attelés trois par trois,
Lesquels portent sans fraude le tribut
de la Bretagne, divisé entre eux
- Si c'est votre fils le porteur du tribut,
C'est vain que vous l'attendrez :
Quand on est allé peser l'argent,
Il manquait trois livres sur cent
Et l'intendant a dit :
"Ta tête, vassal, fera le poids"
Et, tirant son épée,
Il a coupé la tête de votre fils.
Puis il l'a prise par les cheveux,
Et il l'a jetée dans la balance"
Le vieux chef de famille, à ces mots,
Pensa s'évanouir
Sur le rocher il tomba rudement
En cachant son visage avec ses cheveux blancs
Et, la tête dans la main, il s'écria en gémissant :
"Karo, mon fils, mon pauvre cher fils !"
- II -
Le grand chef de famille chemine,
Suivi de sa parenté
Le grand chef de famille approche,
Il approche de la maison forte de Noménoé
"Dites-moi, chef des portiers,
Le maître est-il à la maison ?
- Qu'il y soit ou qu'il n'y soit pas,
Que dieu le garde en bonne santé !"
Comme il disait ces mots,
Le seigneur rentra au logis
Revenant de la chasse, précédé par
Ses grands chiens folâtres
Il tenait son arc à la main,
Et portait un sanglier sur l'épaule
Et le sang frais, tout vivant, coulait
Sur sa main blanche, de la gueule de l'animal
"Bonjour ! bonjour à vous, honnêtes montagnards
A vous d'abord, grand chef de famille
Qu'y a-t-il de nouveau ?
Que voulez-vous de moi ?
- Nous venons vous demander s'il y a une justice,
S'il est un Dieu au ciel, et un chef en Bretagne.
- Il est un Dieu au ciel, je le crois,
Et un chef en Bretagne, si je le puis.
- Celui qui veut, celui-là peut ;
Celui qui peut, chasse le Frank
Chasse le Frank, défend son pays,
Et le venge et le vengera !
Il vengera vivants et morts
Et moi, et Karo, mon enfant,
Mon pauvre fils Karo décapité
Par le Frank excommunié
Décapité dans sa fleur, et sa tête, blonde comme du mil
A été jetée dans la balance pour faire le poids !"
Et le vieillard de pleurer, et se faisant
Ses larmes coulaient le long de sa barbe grise
Et elles brillaient comme la rosée sur un lys
Sur un lys, au lever du soleil
Quand le seigneur vit cela,
Il fit un serment terrible et sanglant :
"Je jure par la tête de ce sanglier,
Et par la flèche qui l'a percée
Avant que je lave le sang de ma main droite
J'aurai lavé la plaie du pays !"
- III -
Noménoé a fait ce qu'aucun
chef au monde ne fit jamais :
Il est allé au bord de la mer avec des sacs
Pour y ramasser des caillox,
Des cailloux à offrir en tribut
à l'intendant du roi chauve
Noménoé a fait ce qu'aucun
chef au monde ne fit jamais :
Il a ferré d'argent poli son cheval,
Et il l'a ferré à rebours
Noménoé a fait ce qu'aucun
chef au monde ne fera jamais :
Il est allé payer le tribut
En personne, tout prince qu'il est.
"Ouvrez à deux battants les portes de Rennes
Que je fasse mon entrée dans la ville
C'est Noménoé qui est ici
Avec des chariots pleins d'argent.
- Descendez, seigneur ; entrez au château
Et laissez vos chariots dans la remise.
Laissez votre cheval blanc entre les mains des écuyer
Et venez souper là-haut.
Venez souper, et tout d'abord, laver
Voilà que l'on corne l'eau, entendez-vous ?
- Je me laverai dans un moment, seigneur,
Quand le tribut sera pesé."
Le premier sac que l'on porta
Il était bien ficelé
Le premier sac qu'on apporta,
On y trouva le poids
Le second sac qu'on apporta,
On y trouva aussi le poids
Le troisième sac que l'on pesa : "Hola !
Hola ! hola ! le poids n'y est pas !"
Lorsque l'intendant vit cela,
Il étendit la main sur le sac
Il saisit vivement les liens
S'efforçant de les dénouer
"Attends, attends,seigneur intendant,
Je vais les couper avec mon épée !"
A peine il achevait ces mots
Que son épée sortait du fourreau
Qu'elle frappait au ras des épaules
La tête du frank courbé en deux
Et qu'elle coupait chair et nerfs
Et une chaîne de la balance en plus
La tête tomba dans le bassin
Et le poids y fut bien ainsi
Mais voilà la ville en rumeur :
"Arrête l'assassin ! arrête l'assassin !
Il fuit, il fuit ! aportez des torches !
Courons vite après lui !
- Apportez des torches, vous ferez bien
La nuit est noire et le chemin glacé
Mais je crains fort que vous n'usiez vos chaussures
A me poursuivre ainsi
Vos chaussures de cuir bleu doré,
Quant à vos balances, vous ne les userez plus
Vous n'userez plus vos balances d'or
En pesant les pierres des Bretons !" Fermer X
Musiques :
Lez-Breizh
Le tribut de Noménoé
Annexe
Kenta difennourien Breiz Vihan
Kenta Breizad a rankas stourm ouz ar franked eo Gwerog, roue Bro Werog ; etre ar bloaz 577 hag ar bloaz 594 e rankas brezelekaat, koulz lavaret bep bloaz, evit miret outo da lakat o zreid war douar Breiz.
Judikael, roue an Domnone, a stourmas outo kement all ; er bloaz 636, e teuas a-benn d'en em glevet gant Dagobert hag ar Franked a lezas ar Vretoned e peoc'h.
Pignet war tron er bloaz 615, Judikael a roas an dilez eus e garg er bloaz 640, evit mont da vanac'h.
Un den santel e oa ; eun dervez e treizas an aotrou Doue e-unan dindan stumm eun den lor, en devoa goulennet outan e lakat da dreuzi an dour ; al lorgnez a zo eur c'hlenved donjerus a laka an den da vreina war e dreid. An dud lor n'eo ket brao eta tostât outo en aoun da dapa o c'hlenved.
Judikael, hep donjer, a zougas ar paour a c'houlenne sikour digantan ; digouezet e penn an treiz e welas e oa ar paour-ze an Aotrou Doue e-unan hag e stouas dirazan betek an douar.
Brudeta roue Bro Gerne eo Morvan, leshanvet Lez-Breiz ; d'ar manac'h Witcar, kannad ar Franked a glaske e c'hounit dre gaer hag e lakat da baea gwiriou bras d'e vestr e lavare :
" Distro da gaout da impalaer pa giri ha lavar d'ezan n'emaoun ket war e zouar ha ne blegin ket d'e lezenn ; ma c'hoanta brezel e kavo : divrec'h hon eus ha gouzout ha raimp o lakat da dalvezout ".
Lazet e voe, dam-goude, war Menez-Morvan, harp e abati Langonnet, er bloaz 818 a greiz m'edo o stourm, en e wir wella, ouz Loeiz, mab Charlez, impalaer bras ar Franked.
Marvet e oa evel m'en devoa c'hoant da vervel : evid Breiz, haera maro !
Feiz ha Breiz - Genver 1934.
* * * * * *
Les premiers défenseurs de la Petite Bretagne
Le premier Breton qui dut combattre les Francs, ce fut Gwerog, roi du pays Gwerog ; entre 577 et 594 il dut guerroyer, pour ainsi dire chaque année, pour les empêcher de mettre le pied sur la terre de Bretagne.
Judikael, roi de Domnonée, lutta contre eux avec autant de vigueur ; en 636, il arriva à s'entendre avec Dagobert et les Francs laissèrent les Bretons en paix.
Monté sur le trône en 615, Judikael abandonna sa charge en 640, pour se faire moine.
C'était un saint homme ; un jour il rencontra le Bon Dieu lui-même sous l'apparence d'un lépreux, qui lui demanda de l'aider à traverser la rivière ; la lèpre est une maladie contagieuse qui fait que l'homme qui en est atteint pourrit sur pied. Il n'est donc pas prudent de s'approcher des lépreux au risque d'attraper leur maladie.
Judikael, sans crainte ni répugnance, transporta le pauvre homme qui lui demandait de l'aide ; arrivé au bout de sa traversée, il vit que ce pauvre homme était Dieu en personne et il s'inclina devant lui jusqu'à terre.
Le plus célèbre roi de Cornouaille, c'est Morvan, surnommé Lez-Breiz ; quand le moine Witchar, légat des Francs, chercha à attirer ses faveurs tout en l'obligeant à payer, à son maître, un tribut immense, il répondit :
" Retourne voir ton empereur quand tu voudras et dis-lui que je ne suis pas sur ses terres et que je ne me plierai pas à sa loi ; s'il veut la guerre il l'aura : nous avons tous deux bras et nous saurons nous en servir ".
Il fut tué, peu après, sur la montagne appelée Menez-Morvan, près de l'abbaye de Langonnet, en 818, quand il combattait, pour son bon droit, contre Louis, fils de Charles, grand empereur des Francs.
Il mourut, comme il voulait mourir : pour la Bretagne, quelle belle mort !
Feiz ha Breiz - Janvier 1934.
* * * * * *
Sources des informations
Histoire de la Bretagne par Yann Brekilien - Ed. Hachette - 1977
Histoire de la Bretagne et des Bretons par Joël Cornette - Ed. Seuil - 2005
Presse ancienne : La Dépêche de Brest des 16/12/1890, 21/12/1890 et 22/12/1890 : La Roche-Maurice - Le penntiern Morvan et son château par H. Urscheller
Barzaz Breiz par Hersart de la Villemarqué - Ed. Librairie Académique Perrin - 1963
Biographie bretonne par Prosper Levot
Site Internet de Plouneventer
https://fr.wikipedia.org/wiki/Morvan_Lez-Breizh
Dessin de Marc Mosnier.
Dessins de Xavier de Langlais (Langleiz).
Cadastre napoléonien de 1811
La revue Feiz ha Breiz 1934
Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonnes, Volume 2, p. 204, C. K., 1858
André Croguennec - Page créée le 30/4/2020, mise à jour le 24/5/2020.