La chapelle de Brezal |
Surmonté d'un ravissant clocher avec une galerie, l'édifice, de plan rectangulaire, comprend un chevet à pans coupés. C'est une chapelle moderne, dédiée à Saint Guillaume et Sainte Claire, dont la représentation orne les deux vitraux du chevet.
Le saint lieu abrite les tombeaux des constructeurs du nouveau château de Brézal. Guillaume Le Roux, élu conseiller général en 1845, acquiert Brézal en 1847 1, et démolit les restes de l'ancien manoir pour construire la riche demeure et la chapelle actuelles en 1861. Mort en 1868, il est inhumé dans la chapelle ainsi que Clara Bazil, sa femme, et presque tous ses enfants (voir plus bas).
Son fils Albert 2, par contre, décédé le 11/9/1912 au château de Brezal, sera enterré à Morlaix dans le caveau familial de son épouse, mais lors de ses obsèques une première cérémonie se déroulera dans la chapelle de Brezal, la seconde aura lieu à St-Martin de Morlaix. Voici un extrait de l'article publié à l'occasion par "Le courrier du Finistère" :
"Il s'est éteint à 74 ans, pleuré de tout un pays. Aussi ses obsèques furent-elles imposantes. L'évêque du diocèse, Mgr Duparc, présidait, assisté de MM. les chanoines Peyron et Queinnec. Parmi le clergé, on a reconnu M. Treussier, curé archiprêtre de Saint-Pol de Léon ; Kerbiriou, curé de Saint-Sauveur (Brest) ; Corre, curé de Ploudiry ; Berthou, curé de Landivisiau ; Moënner, principal du collège de Lesneven ; Ollivier, surveillant général de l'école N.-D. de Bon-Secours de Brest ; Mazé, directeur de l'école libre de Landivisiau ; Riou et Pouliquen, professeurs au collège de Saint-Pol, etc.
Le deuil était conduit par M. de Penanster, neveu du défunt, dont le frère Léon n'avait pu arriver à cause de la gravité de son état. Venaient ensuite M. le comte A. de Mun, député ; M. le maire de Plouneventer, les maires des communes avoisinantes, entre autres M. Boucher, de Lampaul-Guimiliau et M. Pouliquen, de Landivisiau. Puis un long défilé de peuple de toute condition et de tout âge, accouru pour rendre un dernier hommage au bienfaiteur de toute la région.
Au chant du Miserere, le cortège gravit lentement la colline qui sépare le château de Brezal de la chapelle assise sur un rocher, en plein bois. De cette terrasse, la vue découvre un panorama magnifique. Les habitants des environs se rangent à leurs places habituelles, d'où si souvent, dans le sanctuaire ou alentours, ils ont entendu la Sainte Messe, rempli les obligations de la Portioncule 3, ou assisté à ces réunions du mois de Marie, que Mlle Augustine Bussonnière 4 avait réussi à rendre si pieuses et si fréquentées."
1 Guillaume avait acheté le domaine de Brezal et les fermes environnantes à Louis-Désiré Véron. Ce parisien, qui fut successivement médecin, journaliste, directeur de l'opéra, voulut se présenter à la députation dans la circonscription de Brest "extra-muros" en 1837. Il acheta donc Brezal, mais repartit à Paris, après son échec électoral.
2 Pierre Edouard Guillaume "Albert" Le Roux
Cet homme était réputé pour sa bonté : "A la fin du 19ème et au tout début du 20ème siècle, le Monsieur Le Roux qui possédait Brezal et que dans le pays on appelait "Aotrou Rous" payait des habits neufs aux enfants pauvres des paroisses voisines au moment de leur communion. C'est ce que j'ai entendu dire dans ma famille", raconte un érudit d'histoire locale dont les grand-parents maternels habitaient Keryven en St-Servais.
"La question des écoles chrétiennes, à tous les degrés, lui tenait à coeur. Nombre de jeunes gens lui sont redevables de leurs études secondaires, préparatoires au Grand Séminaire ; d'autres lui doivent leur entrée dans maintes carrières libérales : sa générosité était loin d'être exclusive, à condition de trouver des garanties du côté chrétien" (source Le Courier du Finistère du 21/9/1912).
3 La Portioncule (Porziúncola en italien - de piccola porzione, « petite partie [de la terre] ») est une petite église d'Assise en Ombrie, datant du VIè siècle. Réparée par les soins de saint François d'Assise au XIIIè siècle, elle a la particularité d'être aujourd'hui entièrement englobée dans la Basilique Sainte-Marie-des-Anges construite entre 1569 et 1679. Dans cette même Portioncule, entre autres, Sainte Claire renonça au monde pour adopter un mode de vie religieuse inspiré de celui de Saint François. - Les obligations de la portioncule sont, pour l'ensemble des fidèles, de respecter les règles édictées par St-François, concernant les exigences de la vie chrétienne, et, notamment au niveau des sacrements, de se confesser et de communier ensuite.
Monseigneur Henri Valleau, évêque de Quimper de 1893 à 1898, a accordé 40 jours d'indulgence à toute personne visitant cette chapelle, et l'indulgence plénière de la portioncule y est aussi attachée. Il faut pour la gagner la visiter à partir des premières vêpres du 1er août jusqu'au coucher du soleil du jour suivant.
Dimanche, 15 Juillet 1894, avait lieu, à Landivisiau, la fête patronale de saint Thuriau, coïncidant avec la bénédiction solennelle d'une cloche et Sa Grandeur avait accepté — pour la troisième fois en 15 jours - de faire en personne cette cérémonie réservée, comme on le sait, à l'Evêque. ... La messe a été chantée par un enfant de Landivisiau, M. le chanoine Queinnec, secrétaire général de l'Evêché. On y regrettait malheureusement l'absence du grand bienfaiteur du pays, à qui la paroisse doit encore la belle cloche, bénite le matin. C'est ce que Monseigneur rappela dans son discours, en se faisant l'interprète de la reconnaissance des paroissiens au généreux donateur, auquel - le sachant retenu par une indisposition. — il avait tenu à faire visite, la veille, à son château de Brézal. (source SRQL du 20/7/1894).
C'est peut-être à cette occasion que Mgr Valleau a accordé les indulgences à la chapelle de Brezal.
4 Mlle Joséphine Augustine Marie Bussonnière était l'employée d'Albert Le Roux. Elle apparaît dans les recensements dès 1886, elle est qualifiée d'institutrice et, après la mort d'Albert, de gérante. Elle était originaire de Châtillon dans les Deux-Sèvres et décèdera à Brezal le 30/07/1925 à l'âge de 82 ans. Avant d'arriver à Brezal, elle était préceptrice des enfants de Léon d'Audibert de Lavillasse au château du Pontois à La Roche.
En 1869, le diocèse réalise une enquête sur les chapelles présentes dans les paroisses. Voici les réponses de Plouneventer, données par le recteur Kerbiriou :
- Quelles sont les chapelles domestiques ou oratoires privés de votre paroisse, où l'on dit la Sainte-Messe, en vertu d'un Indult Pontifical ? Brezal
- Quelle est la date de l'Indult ? 20/10/1866
- Quelle est la personne au nom de laquelle il a été accordé ? M. Le Roux
- Ces oratoires sont-ils pourvus d'ornements convenables et de toutes les couleurs liturgiques ? à Brezal, seulement deux ornements.
(source AEQ en ligne)
En droit canonique, l'indult (en latin : indultum) est une dérogation à la loi, accordée par le pape ou le Saint-Siège, qui dispense du droit commun de l'Église catholique, soit à une communauté de fidèles, soit à un particulier.
En 1903, l'évêché réalise une autre enquête sur les chapelles et voici la réponse de la paroisse de Plounéventer pour Brezal :
N.D. de Brezal : petite chapelle funéraire construite vers 1860 par M. G. Le Roux habitant au château de Brezal, dans l'intérieur de son parc.
M. A. Le Roux, maladif et peu capable de se rendre régulièrement à la messe de l'église paroissiale éloignée de 5 à 6 kilomètres, fait habituellement quand il est à Brezal, célébrer la messe pour les défunts les dimanches et fêtes avec l'autorisation de l'évêque, depuis une vingtaine d'années. Quelques voisins profitent de la messe dans cette petite chapelle qui en dehors de l'autel mesure près de 4 mètres sur cinq.
M. A Le Roux possède dans l'intérieur de son château un oratoire où se trouve la sainte réserve. Tout est en règle en ce qui concerne cette chapelle privée.
JM. Kermaïdic, recteur de Plouneventer
(source AEQ en ligne)
C'était donc la chapelle privée du château de Brézal. Mais, comme on le voit dans les textes précédents, à cette époque, elle était ouverte à tous les chrétiens du voisinage qui assistaient régulièrement à la messe. Cette messe dominicale, la messe basse, tôt le matin, se célèbrait encore jusque dans les années 1960. Elle était assurée à cette époque par l'abbé Yves Palaux, aumonier de Kerlys. Précédement la chapelle fut desservie par les moines de Kerbeneat.
Précédemment encore, au temps d'Albert Le Roux, des vicaires de Plouneventer, furent nommés "chapelain de Notre-Dame de Brezal" par le recteur de Plouneventer à la demande de Le Roux. On peut citer quelques noms : Pennors ; Berrou ; Kermaïdic ; Allain, jeune prêtre arrivant de St-Pol-de-Léon (1905) ...
A cette époque, la chapelle était fréquentée aussi par les habitants de Saint-Servais pour la raison suivante : on sait que dans les exploitations agricoles une partie des personnes se rendaient à la messe-basse pour permettre aux autres d'assister à la Grand-Messe et ainsi garder la ferme sous surveillance continue. La messe basse ne se disait pas à St-Servais mais à Brezal. Voir la lettre du recteur de Plouneventer à Albert Le Roux.
Le 22 mai 1903.
Mon cher Monsieur Le Roux, je m'empresse de vous donner la réponse de Monsieur le Recteur de St-Servais au sujet de la messe de la chapelle N.D. de Brezal. J'ai constaté, dit-il, que plusieurs de mes paroissiens arrivent en retard à la messe parce que la messe à Brezal se dit trop tard.
J'ai alors demandé à M. le Recteur de St-Servais combien de temps il faudrait aux personnes qui iraient à la messe à Brezal pour permettre à celles qui seraient de Grand-Messe à St-Servais d'entendre la messe entière. M. le recteur m'a répondu qu'il leur faudrait deux heures, c'est-à-dire qu'il faudrait deux heures entre le commencement de la messe à Brezal et celui de la Grand-Messe à St-Servais pour obvier à l'inconvénient constaté. Il faudrait donc faire en sorte que lorsque la Grand-Messe aura lieu à 9 heures à St-Servais la messe à Brezal se dise à 7 heures.
Mon cher Monsieur Le Roux, nous pourrions plus tard causer plus au long de cette question. En attendant je vous prie d'agréer l'expression de meilleurs sentiments de votre tout dévoué recteur. J.L.M. Simon.
C'est là que j'ai fait ma communion privée, vers 1957. C'est pour entendre la messe dans cette chapelle que mes parents, Aline, la garde-barrières de Pont-Christ, et Job, son mari, cheminot, partaient tous les dimanches matins du PN 289, et ceci jusqu'en 1957. Quittant le passage à niveau de Pont-Christ, nous prenions à droite du colombier, près de l'étang, et suivant un sentier forestier, bien entretenu à cette époque, nous arrivions au portail en fer qui délimitait le parc du château du côté sud. Puis, nous rentrions dans le parc pour accéder à la chapelle par le nord. Cet accès n'est plus praticable actuellement.
En 1979, Huon de Penanster, successeur et héritier de Guillaume Le Roux, a vendu la chapelle, ainsi que les bois qui l'entourent, à Charles Berregar, de Runpoulzic. Tandis que le reste du domaine, le lot comprenant le château et ses écuries, le parc, l'étang, le colombier, ainsi que le moulin, a été acquis par la Société Gourlaouen, restaurateur à Landerneau.
Voici quelques vues de l'intérieur de la chapelle empruntées à l'ancien site internet de Plouneventer :
Saint-Guillaume et Sainte-Claire | |||||||||||||||||
Noms inscrits sur la pierre tombale :
|
La statue de sainte Anne
Devant la chapelle, dominant la vallée de l'Elorn, se trouvait une très belle statue de Sainte Anne avec la vierge Marie. On voit la mère de Marie, assise, un livre sur les genoux, qui dispense à sa fille l'éducation qui lui sera nécessaire. La vierge, jeune fille déjà, debout à sa droite, suit attentivement l'enseignement de sa mère. Je trouve cette représentation particulièrement attendrissante. Je ne sais pas quel artiste a été son créateur.
Cette statue nous la devons à Albert Le Roux, qui l'a faite réaliser et placer en 1897 près de la chapelle (correspondance Le Roux - ADQ 269 J 1).
Cette information nous est fournie par deux lettres de Jean Louis Simon, recteur de Plouneventer, à Albert Le Roux :
Plouneventer, le 2/8/1897.
Très cher Monsieur Le Roux, je vous fait savoir que je suis autorisé à bénir la nouvelle statue de Ste Anne et vous dire que je suis à votre disposition pour cette petite cérémonie. ...
Plouneventer, le 22/8/1897.
Très cher Monsieur Le Roux, jeudi prochain serait le jour le plus commode pour nous, pour la bénédiction de la nouvelle statue de Ste Anne. Nous acceptons avec plaisir votre aimable invitation de dîner à Brezal à cette occasion. La bénédiction se ferait à 4 heures 1/2. Veuillez agréer, cher M. Le Roux pour vous et pour Mademoiselle Augustine le plus profond respect de votre tout dévoué et reconnaissant J.L. Simon, recteur de Plounéventer.
La photo de la statue a été prise le 13/4/1980. Malheureusement aujourd'hui 10/11/2012, la statue a disparu !!! tout comme les ornements sculptés dans la pierre de la fontaine près de l'étang.
Mais où sont donc parties ces oeuvres d'art ? "C'est un secret de Polichinelle" a dit Mme Berregar de Runpoulzic. "Elles sont parties en Morbihan". D'où, je conclus, si je comprends bien, qu'elles ont quitté Brezal vers 1982. Pauvre Albert Le Roux sa statue ne sera pas restée en place plus de 85 ans.
Dans l'église de La Roche, on trouve aussi une représentation de sainte Anne qui fait l'éducation de sa fille. Mais dans un style tout à fait différent.
Voir d'autres photos du site et la vue sur la vallée de l'Elorn et suivant ce lien.
Descendants de Guillaume LE ROUX jusqu'aux arrière-petits-enfants pour identifier les personnes inhumées dans la chapelle.
Guillaume LE ROUX, né le 1er janvier 1794, Landivisiau, décédé le 9 octobre 1868, Château de Brezal, Plouneventer (à l'âge de 74 ans), fabricant, associé de la Société Linière de Landerneau.
Marié le 2 février 1835, St-Segal, avec Marie-Gabrielle Clara BAZIL, née le 3 octobre 1810, Port-Launay, décédée le 25 septembre 1891, Lourdes (à 80 ans), dont
Avant la chapelle actuelle, il existait déjà une chapelle à Brezal. En effet, alors qu'habituellement les baptêmes et mariages des châtelains et apparentés se faisaient en l'église tréviale de Pont-Christ, voire dans l'église paroissiale de Plouneventer, on trouve dans les B.M.S. quelques baptêmes et mariages dans la chapelle du château.
Baptêmes :
Mariages :
Enterrements et sépultures :
Le vieux château de Brezal possédait donc une chapelle privée, située tout près des bâtiments seigneuriaux. Elle était toujours en bon état en 1735, la description de son mobilier apparaît dans l'inventaire après décès du marquis Joseph de Brezal. C'est elle que l'on voit partiellement, à droite dans l'ombre, sur le tableau présenté dans la page dédiée au château de Brezal et ici dans cette reproduction du tableau réalisée par Louis Le Guennec.
Ce même Louis Le Guennec, dans "Le Finistère monumental, tome II : Brest et sa région" nous avait présenté un dessin d'une chapelle en ruine, dessin qu'il sous-titrait "Chapelle près Pont-Christ, dessin d'après Mayer, 1832". "Il est fort probable qu'il s'agisse de l'ancienne chapelle de Brezal", disait-il.
En fait, il s"agissait de la chapelle de Pont-Christ en Plounevez-Lochrist.
Lorsque Guillaume Le Roux fit démolir cet ancien château, au milieu du 19è siècle, pour le remplacer par celui que l'on connaît aujourd'hui, il fut sollicité par un "julot" de Guimiliau qui lui offrit d'acquérir le clocheton et la cloche de l'antique chapelle.
Les Bourles, fabricants de toile à Guimiliau, employaient une nombreuse main-d'oeuvre salariée. Ils avaient six buanderies sur la Penzé, d'où la nécessité d'une cloche pour marquer les horaires de travail et l'idée d'Hervé Bourles (de Kerizella à Ros-an-Cloarec) de racheter à Guillaume Le Roux, la cloche de Brezal. Celle-ci est toujours à Kerizella chez Louis Bourles (décédé le 13 avril 2014). "Le clocheton qui agrémente ma maison provient de l'ancien château de Brezal, démoli en 1852", écrit-il le 18 février 1989. En voici plus bas quelques photos. Il apparaît que ce clocheton était très modeste. En allait-il de même pour la chapelle ? Cela est problable.
Le clocheton de l'ancienne chapelle de Brezal à Kerizella en Guimiliau
André J. Croguennec - Page créée le 19/11/2012, mise à jour le 20/7/2024. | |