Le château de Brezal au début du 19è siècle |
L'ancien château de Brezal : les 800 mendiants remplaceront-ils les coquettes bourgeoises ?
Nous sommes au début du 19è siècle. Les riches nobles, anciens propriétaires du château, les Tinténiac, ont été chassés par la Révolution. Le domaine a été vendu comme bien national, et depuis lors, plusieurs propriétaires se sont succédés. Jean-Maurice Pouliquen, négociant et ancien maire de Brest, est le nouveau maître des lieux depuis 1802 . Le tableau représente le château vers 1770, mais il n'a pas changé et reste identique en ces années 1800.
Jean-Maurice Pouliquen veut certainement se défaire du domaine de Brezal, si l'on en juge par deux acquéreurs potentiels qui se manifestent :
1 - La mendicité en France et en Finistère au début du 19è siècle
La mendicité était encore importante en France au début du siècle. Aussi Napoléon entreprit de la faire cesser, et par un décret impérial daté de Bayonne, le 5 juillet 1808, il décida que la mendicité serait défendue dans toute l'étendue de l'Empire ; que les mendiants de chaque département seraient arrêtés et conduits dans des établissements auxquels il donnait le nom de Dépôts de mendicité, aussitôt que ces dépôts seraient établis. On devait en créer un dans chaque département.
En conséquence de ce décret, 77 dépôts de mendicité furent successivement organisés pendant les années 1809 à 1813. Tous ces dépôts étaient institués sur le même plan. Un règlement commun, en date du 27 octobre 1808, déterminait en détail le régime économique, industriel et moral de ces maisons de répression.
Suite à l'injonction impériale le préfet du Finistère, Honoré-Gabriel de Miollis (portrait ci-contre), va tout mettre en oeuvre pour créer un dépôt dans le département. Le 6/11/1809, il rédigera un rapport, destiné au ministre de l'intérieur, "sur les moyens de pourvoir aux dépenses de différente nature nécessaires pour l'établissement du dépôt de mendicité de ce département, lesdites dépenses calculées sur la réclusion présumée de 800 mendians" (AN F/16/1084).
La situation de la mendicité dans le Finistère, vue par le préfet dans son rapport (cf photo : début du manuscrit) :
"De tous les départemens de l'ouest, le Finistère est sans contredit celui où l'extinction de la mendicité présente le plus de difficulté. Cette lèpre sociale y a étendu sa contagion sur plus de 15.000 individus & il ne faut rien moins que la volonté sage et ferme du gouvernement pour en arrêter les progrès effrayans. L'existence & la propagation de ce fléau ont plusieurs causes. Les principales sont :
1° Le défaut de débouché des produits agricoles qui remplissent les greniers des propriétaires. Cette accumulation de richesses territoriales, peu profitables pour le moment à ceux qui les possèdent, ralentit le goût pour l'agriculture, empêche conséquemment d'employer des bras jadis laborieux & ajoute à tout ce que la misère a de pénible le regret qu'éprouve le journalier de n'avoir pu en prévenir les atteintes, en utilisant son amour pour le travail.
2° L'habitude de s'enivrer d'eau de vie qu'ont depuis long-tems les Finistériens, habitude qui a pris un nouveau degré d'extension depuis la Révolution, à raison du relâchement des moeurs & de la suppression des anciens droits établis en Bretagne sur les liqueurs fortes. Cette insobriété qui cause la mort de tant de personnes des deux sexes a occasionné l'oisiveté & les vices qui l'accompagnent. Le produit du travail et les économies des hommes livrés à ce funeste penchant sont employés à le satisfaire & des famillles entières sont plongées dans toutes les horreurs du besoin .
3° Enfin, le manque de manufactures importantes & d'ateliers de charité".
Sur ce point, Guy Haudebourg (cf bibliographie en fin de page), qui a consacré un long chapitre aux causes de la mendicité, conclut ainsi : "Si l'alcoolisme est une réalité indéniable, et pas seulement en Bretagne, il semble cependant difficile d'admettre qu'il soit à l'origine de l'indigence et de la mendicité ; il est plus probablement un accompagnement et un effet de la misère. Naturellement, pour les bien-pensants, c'est le vice qui est à l'origine de la situation sociale, explication commode qui a le mérite d'éviter de poser les véritables questions." Fermer X
2 - Le rapport du préfet
Honoré-Gabriel de Miollis se base sur le règlement du 27 octobre 1808 pour déterminer le fonctionnement du dépôt finistérien et en déduire les coûts d'installation et de fonctionnement. Le rapport est volumineux et, outre l'exposé de son point de vue sur trois sites potientiels, il traite des points suivants :
- mobilier
- habillement pour les hommes, les femmes (hiver et été), les enfants
- accessoires de l'habillement (mouchoirs, ...)
- ustensiles de cuisine et divers... jusqu'au vase de nuit
- ustensiles de boulangerie, de boucherie, de buanderie
- écuries, pharmacie, nourriture (volume)
- administration (personnel pour s'ocuper des mendiants)
- dépenses de chauffage, blanchissage, ...
- art. 29 du titre 5 du règlement : Le préfet a quelques idées personnelles sur l'accueil
des mendiants
- ateliers à établir dans le dépôt
- menus : déjeuners, dîners, soupers
- prix des journées, payé à l'entreprise qui gèrera le dépôt
- ...
"En adaptant, dit-il, la proposition de l'entreprise par économie que fait Monsieur Pouliquen, Sa Majesté applanirait bien des difficultés et allègerait considérablement la charge qui va résulter pour le département de la formation du dépôt".
Administration :
1 | directeur aux appointements | 3.000,00 fr | Soit 62 individus dont la nourriture est évaluée - pour 14 à 1,50 fr. par jour, pour l'année ... 7.665,00 fr. - pour 48 à 0,65 fr. par jour, pour l'année ... 11.388,00 fr. A cette nomenclature d'employés, il convient d'ajouter un boucher et un boulanger dont ne parlent point les instructions & dont le traitement peut-être évalué à 400 fr. pour chacun, plus la nourriture à 0,65 fr. En tout par an 1.274,50 fr. |
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1 | receveur | 2.400,00 fr | |||
1 | chef d'atelier | 1.500,00 fr | |||
1 | garde de magasin en chef | 1.500,00 fr | |||
1 | commis aux réceptions | 1.200,00 fr | |||
1 | architecte | 1.800,00 fr | |||
1 | médecin | 2.000,00 fr | |||
1 | chirurgien en chef | 1.800,00 fr | |||
1 | pharmacien | 1.500,00 fr | |||
2 | portiers à 400 fr | 800,00 fr | |||
1 | dépensier | 600,00 fr | |||
1 | préposé pour le combustible et le combustible | 600,00 fr | |||
1 | idem pour la lingerie | 600,00 fr | |||
1 | cuisinier | 600,00 fr | |||
2 | voituriers | 800,00 fr | |||
1 | fossoyeur | 400,00 fr | |||
42 | infirmiers, dont 32 pour les salles et 10 pour les malades, à 15 fr. par mois | 7.650,00 fr | |||
1 | chef d'infirmerie | 360,00 fr | |||
1 | aumonier | 1.000,00 fr | Fermer X |
Art. 29 du titre 5 du règlement. Quant aux vêtements dont les mendians sont pourvu en entrant, que l'on recommande de paqueter et de numéroter (dans le règlement) pour les placer dans un lieu de dépôt, comme ces effets sont communément remplis de vermine & imprégnés des sueurs de maladies souvent contagieuses, il conviendrait, je crois, pour éviter les suites fâcheuses qui pourraient résulter de leur conservation, de les brûler ou de les employer de suite à la papeterie (on voit que le préfet pense fortement à Brezal), à l'exception du linge dont on peut tirer un parti quelcoque, après l'avoir passé à la lessive de chaux.
En prenant les précautions indiquées à la sortie de chaque mendiant, il lui serait donné un vêtement autre que celui qu'il aurait porté dans la maison, ce dernier devant êtres estampillé, comme tous les autres effets, afin d'avoir la facilité de les reconnaître en cas de vol.
Le vêtement qui serait donné serait désigné d'été ou d'hyver & l'inventaire en serait déchargé. Si le mendiant avait quelques réserves de fonds, on lui en retiendrait la valeur.
En conseillant de brûler ou d'employer à la papeterie les effets des mendians entrans, l'on ne fait que suivre la marche depuis longtemps établie à l'arrivée des condamnés à la chaîne ; les comités de salubrité s'étant fortement prononcés contre la conservation de ces vêtements dans les magasins.
Il est impossible de statuer sur ce que l'on pourra retirer du travail des mendians pendant les trois premières années étant presque certain que l'achat des matières premières, les métiers, ustenciles de fabrication, traitement des chefs d'atelier et rétribution des travailleurs surpasseront les produits des matières confectionnées. X
Ateliers à établir dans le dépôt : On doit, selon moi, les réduire, pour le moment à la fabrication de la toile de chanvre et de lin ; on pourrait aussi en créer une de grosses étoffes en laine inconnue jusqu'ici dans le département.
Il serait avantageux d'établir des métiers de bonneterie fine et de moyenne qualité, en coton, conformément à l'usage reçu en Picardie où beaucoup de cultivateurs se livrent à ce genre d'industrie pendant la cessation des travaux champêtres. Je pense qu'on pourrait aisément décider quelques ouvriers de ce pays à se fixer dans le département du Finistère, en leur assurant une honnête existence. Ces ouvriers habitent particulièrement les campagnes de l'arrondissement de Mondidier, Royes et Mesles, département de la Somme.
Les prix des métiers varient de 200 à 500 fr., suivant la finesse des ouvrages auxquels on les destine, et suivant qu'ils sont établis à la façon anglaise.
Les bas drapés et les bonnets à l'usage des habitans de nos campagnes se fabriquent à St-Maxent, département des Deux-Sèvres, et dans presque toutes les campagnes de la Bauce. Je crois qu'on pourrait employer à la fabrication de ces articles quelques laines du Finistère. Malgré leur infériorité, en ayant soin de trier les toisons, jusqu'à ce que l'amélioration des races de nos moutons permit de les y employer uniquement.
Comme le coton sera nécessairement très cher pendant la guerre avec l'Angleterre, on pourrait y suppléer en employant les ouvriers Picards à la fabrication de bas de fil de lin & de chanvre, productions abondantes du sol breton.
La filature au fuseau devant occuper une partie des pauvres femmes de la campagne, on emploirait avec avantage, un fuseau de nouvelle invention qui a eu l'approbation du gouvernement & dont le modèle est déposé au Conservatoire des Arts et Métiers sous la direction de Mr Molard.
La paix avec l'Angleterre offrirait le moyen d'introduire dans le dépôt de mendicité, un genre de fabrication dont le produit couvrirait une grande partie des dépenses. C'est celle des Basins & Siamoises, telles qu'on les confectionne dans la maison de répression de Rennes sous la direction de l'entrepreneur, produits d'industrie manufacturière qui ont été perfectionnés au poinr de concourir pour les prix à la dernière exposition des produits de l'industrie française. Le débit en est considérable en Bretagne et en Normandie ; l'entrepreneur ne peut suffire à toutes les demandes qui lui sont faites des villes principales de ces deux anciennes provinces. la concurrence sous ce rapport serait donc avantageuse au Finistère, sans nuire aux spéculations particulières de l'entrepreneur de la maison de répression de Rennes. On pourrait tirer quelques ouvriers intelligents de cet établissement pour les faire entrer dans le dépôt à l'effet de monter les métiers et de mettre cette importance & lucrative fabrication en pleine activité. On évalue à 8 ou 900 fr. chaque métier complet. X
En 1809, trois établissements ont été retenus pour être candidats à devenir le "dépôt de mendicité" du Finistère. Ils sont présentés dans le rapport que le préfet a rédigé à l'intention du ministre de l'Intérieur. Ce sont :
L'hospice civil de Recouvrance, n'était déjà plus dans la liste, "son insuffisance étant reconnue et devant entraîner d'ailleurs, d'après l'opinion de l'ingénieur, une dépense de plus de 500.000 francs pour le mettre en état de recevoir de cinq à six cents mendians".
4 - L'examen du château de Brezal par Thierry, l'architecte de Paris
En octobre 1809, le ministre de l'intérieur mandata l'architecte Thierry, pour visiter le château de Brezal et la grande manufacture de tabac à Morlaix, afin "de déterminer leur valeur réelle, d'en faire des plans exacts et détaillés, de disposer ce dépôt pour recevoir cinq à six cents mendians, de dresser le devis des réparations et constructions à faire pour les y placer. Et dire aussi quel nombre de reclus, le château de Brezal peut recevoir dans les bâtimens existants, sans qu'il soit besoin de se livrer à des dépenses excessives".
L'architecte réalisa un rapport extrêmement long et précis pour estimer la valeur du château de Brezal. Il détermina, par catégorie d'objets, la valeur de ceux-ci :
Catégorie maçonnerie : pierres de taille en granit, escalier d'angle, manteaux de cheminées, murs des bâtiments et murs de clôture, etc.
Catégorie charpente : poutres et fermes, ... etc
Catégorie couvertures : toitures en plomb ou en ardoises.
Catégorie menuiserie : lambris, parquet, bibliothèque, ... etc
Catégorie vitrerie : nombre de carreaux et leur dimension.
Même si pour chaque catégorie (cf ci-contre l'orangerie et la chapelle dans la catégorie "menuiserie"), il y a une indication pour identifier où cela se trouve, elle est souvent trop grossière. Et, ce document ne nous apporte pas beaucoup d'informations supplémentaires sur le château. D'autant plus que les plans, réalisés par Thierry, ne sont pas dans le dossier des archives nationales. Sont-ils ailleurs ?
Heureusement, sa synthèse est plus lisible : "La construction est mauvaise, dans la plus grande partie. Elle est faite souvent en terre et moelon schisteux, notamment celle des bâtimens en aile, des écuries, remises, murs de terrasse et d'enceinte ; il faudrait en démolir et reconstruire la presque totalité. Les planchers qui ne sont formés que par des poutres ou filets de charpente espacés de plus de trois pieds et dont les intervalles ne sont remplis que par de faibles et rares soliveaux sans assemblage, recouverts par des planches de sapin, sans aire ni carreaux au-dessus, devroient être changés et reconstruits d'une manière plus solide et surtout plus rassurante par rapport aux dangers du feu. Les lambris, les plafonds, faits en bois de sapin, présentent les mêmes inconvéniens et les mêmes dangers. La couverture demande de grandes réparations. Les plombs ont été enlevés dans la plus grande partie. Les fers, les vitres, les croisées sont dans le même cas.
La distribution des bâtimens et leur état actuel ne permettent pas d'y placer des reclus, il faudroit absolument la changer tout à fait et reconstruire sur un nouveau plan.
J'ajouterai, Monseigneur, que le sol de ce château est 166 pieds plus élevé que le niveau de la rivière (53,92 m.) et qu'il n'existe dans son enceinte qu'un seul puits de 73 cm (27) de diamètre dont l'eau est 7,79 m (24 pieds) plus bas."
5 - Le choix du couvent du Calvaire à Quimper
Au total, une douzaine de locaux furent examinés ...
En 1813, le département du Finistère se rendit acquéreur de l'ancien couvent des Dames-du-Calvaire pour y établir son dépôt de mendicité. Cette acquisition, au prix de 75.000 francs, fut soldé, en partie sur les ressources départementales et en partie par la commune de Quimper. Mais, la vétusté des bâtiments était est telle qu'il resta encore pour 32.515 fr. à dépenser en travaux d'appropriation et de réparation.
Finalement, le dépôt de mendicité ne vit pas le jour et aux termes d'une ordonnance royale du 22 février 1816, le lieu fut mis à la disposition de l'évêque pour l'établissement du Séminaire diocésain en échange de celui que la Révolution lui avait enlevé.
6 - Conclusion
Il n'y eut pas de "dépôt de mendicité" en Finistère. Cette institution, née de la volonté de Napoléon, ne devait pas lui survivre ; car en 1816 on ne comptait plus en France que cinq dépôts de mendicité, même si plus tard leur nombre s'est un peu relevé.
Aux problèmes financiers s'ajoutèrent des raisons idéologiques. On estima que "les dépôts de mendicité ne sont pas des établissements que l'Etat doive soutenir parce que les asiles ouverts à la mendicité tendent moins à la détruire qu'à la constituer". Le dépôt, "cet expédient qui punit la pauvreté à l'égal d'un délit ne remédie à rien. La population indigente ne diminue pas, elle est seulement casernée. Dans le dépôt, l'indigent perd le peu de respect de lui-même qu'il pouvait encore conserver en mendiant".
Heureusement, par la suite, on vit se créer dans les communes des bureaux de bienfaisance, qui accordaient des aides aux personnes en difficulté.
Au début du 19è siècle, on trouvait dans le château de Kerouzéré en Sibiril, une école ouverte au moins depuis 1800 ou 1801. Joachim Poulzot y enseignait. Il était né le 29/10/1772 à Morlaix (Saint-Martin) et avait fait ses études au collège du Kreisker à Saint-Pol-de-Léon. Sa vocation sacerdotale avait été contrariée par la Révolution, mais l'évêque de Quimper, Pierre-Vincent Dombidau de Crouseilhes, qui manquait cruellement de prêtres à cette époque, s'intéressa de près à lui. A ce "sujet de qualité qui dirigeait un établissement dont l'un des mérites était d'exister déjà avant que le collège de Saint-Pol ne fût rétabli. On précipita son entrée dans les ordres". Il fut ordonné prêtre le 9 août 1807, à l'âge de 25 ans. Un ecclésiastique se trouvait donc à la tête du pensionnat de Kerouzéré. Soutenu par l'évêque, bien qu'elle fut, dans une certaine mesure, concurrentielle du très voisin collège de Saint-Pol, l'école, prit un essor rapide.
En 1808, Kerouzéré rassemblait 6 élèves de 4è, 4 de 5è, 10 de 6è, 16 de 7è et une quinzaine de commençants répartis en deux divisions. On y enseignait le latin, la grammaire française et la Religion. En Quatrième, intervenait au surplus, des notions de géographie, le traité de la Sphère et l'abrégé de l'histoire de France - en fait, on n'apprenait pas celui-ci, mais "la manière de l'étudier".
En mars 1810, Poulzot pouvait se féliciter que Dieu eût multiplier les élèves au-delà de ses espérances : le nombre de ses pensionnaires était alors de 50. Cette multiplication des écoliers fit mieux sentir l'incommodité et l'étroitesse de Kerouzéré, dont Poulzot n'occupait d'ailleurs qu'une partie. Au surplus, la propriétaire se refusait à en renouveler le bail, qui s'acheva à la Saint-Michel de 1810.
2 - Les lieux à examiner
Encouragé par l'évêque, l'abbé Poulzot se mit à la recherche d'un nouveau lieu pour implanter son école. Sur la liste, il y avait au moins deux châteaux : le château de Brezal et celui de Penmarc'h en St-Frégant, au nord-ouest de Lesneven. Un dossier présent aux archives diocésaines, le dossier Kerouzéré-Penmarc'h, pourrait nous en dire plus.
Selon Louis Le Guennec (cf son article intitulé Les korrigans de Brezal), "vers 1808, on avait offert à l'évêque de Quimper d'acquérir le château de Brézal pour y installer un séminaire, mais M. de Prunelé estimait que les constructions étaient mauvaises". C'est vrai qu'à cette époque, Mgr Dombidau de Crouseilhes, recherchait des locaux, non seulement pour l'école de Joachim Poulzot, mais aussi pour le Grand et le Petit Séminaire.
3 - Conclusion
Après avoir balancé entre les châteaux de Brézal et de Penmarch, Poulzot pouvait informer Mgr Crouzeilhes en janvier 1811 qu'il avait pris le second à bail de 9 ans. L'institution Poulzot se transporta du château de Kerouzéré à celui de Penmarch après Pâques de 1811 (source Y. Le Gallo).
Le vieux château ne sera donc pas retenu, ni pour le "dépôt de mendicité", ni pour le collège. Sans doute, pour des raisons de vétusté, si l'on se réfère au diagnostic de l'architecte Thierry ou à celui de M. de Prunelé.
Il sera vendu en 1814 par la veuve de Jean-Maurice Pouliquen à un autre Brestois, Joseph Malin, capitaine de vaisseau. Joséphine, la fille de ce dernier, après avoir épousé Louis Dodin-Dubreuil, le vendra à un parisien nommé Louis Désiré Véron. Puis, en 1847, il fut acheté par Guillaume Le Roux, alors négociant à Landivisiau.
C'est Guillaume Le Roux qui détruisit le vieux château, en 1852, pour construire la grande maison bourgeoise que l'on voit ici. La chapelle était comprise dans la démolition, mais Guillaume offrit son clocheton à un ami de Guimiliau et fit bâtir une nouvelle chapelle.
Son fils, Albert, décida la reconstruction des écuries de Brezal, où ses initiales apparaissent en médaillon. Bien plus tard, à la fin du 20è siècle, Robert Gourlaouen transformera ces écuries en restaurant... Et l'histoire continue.
Château de Bresal. De tous les emplacemens, Bresal est celui où il me paraît le plus avantageux de fonder cet établissement. Cette terre, située entre Landerneau et Landivisiau, est à des distances rapprochées des divers chefs-lieux du département. On y arrive aisément n'étant qu'à environ 600 mètres de la grande route. Elle appartient à Mr Pouliquen, négociant à Brest, ex-maire de cette ville & membre actuel du Conseil Général du département. Elle réunit, sous le rapport du site, tous les agréments possibles. Elle est située sur le penchant d'un côteau exposé à l'est & garni de plantations nouvelles que le propriétaire a substitué aux anciennes. L'air y est très salubre.
Au pied de ce côteau règne un étang considérable puisqu'il couvre une surface de terrain de 10 à 12 journaux. Il fait tourner été & hyver un moulin à trois tounants qui serait précieux pour l'établissement. A 50 pas au sud du moulin, coule la rivière d'Elorne, sous un pont de 4 arches de neuf à dix mètres d'ouverture ensemble. Sur la rive gauche de la rivière est l'église de Pont-Christ.
La maison est excellente pour la couverture, la charpente & les murailles. Les fenêtres seules sont généralement mauvaises & à refaire. Elle peut contenir de 300 à 330 lits. Les emplacements pour de nouvelles constructions ne manquent pas, puisque l'enclos qui cerne les édifices présente une superficie de 8 journaux environ.
Les terres dépendantes du château & formant son poulpry, consistent en prairies qui donnent annuellement de 70 à 80 milliers de foin ; en 40 à 50 journaux (mesures anciennes) de belles tailles en bois ; en 5 ou 6 journaux de terres chaudes & 40 journaux de terres froides susceptibles d'être mises en bon rapport.
Vous voyez, Monseigneur, que ce local, à l'étendue des édifices près qu'on ne trouvera nulle part suffisante, offre tous les avantages, toutes les commodités qu'on peut désirer. Il est situé au milieu d'un pays de fabrique de toiles, à proximité des marchés de Landivisiau, de Morlaix et de Landerneau.
Les eaux abondantes de l'étang et de la rivière d'Elorne fourniraient des moyens d'économiser l'oeuvre de main. L'église de Pont-christ et la chapelle même du château rendraient les exercices du culte faciles pour les habitans du dépôt. Les jardins et les vergers offriraient des promenoirs et des emplacemens de corderie qui seraient d'un revenu considérable à raison de la proximité du port de Brest.
Les prairies fournissent une assez grande quantité de foin pour nourrir un bétail considérable qui procurerait du fumier pour le défrichement des terres incultes. Les champs de terre chaude fourniraient des légumes. Les tailles suffiraient à peu près aux besoins de la maison. Les bois sont d'ailleurs abondants dans le canton.
Le moulin serait précieux. Il est affermé aujourd'huy 1.500 fr. L'étang pourrait fournir du poisson. La rivière était autrefois d'un grand produit. On y avait établi une pêcherie de saumons qui est tombée en ruine, mais qu'on pourrait rétablir.
Au château sont jointes quatre fermes qui ne nuiraient peut-être pas à l'établissement qui se suffirait alors à lui-même & trouverait probablement, dans son sein, des bras en nombre suffisant pour récolter tout le bled qu'il consommerait, ou au moins une grande partie. Ces fermes sont
- celle de Becavel, affermée 150 fr. plus les contributions
- celle du Penhoat, affermée 150 fr.
- celle de Bresalou, affermée 420 fr, soit au total 1.125 fr.
Ajoutez à cela le prix du moulin 1.500 fr,
et le château qui, d'après les détails que je viens de donner, ne serait pas trop cher, avec les dépendances à 1.500 fr,
on aura pour la totalité du revenu 4.125 fr.
La première mise dehors seroit donc de 80.000 francs ou environ, mais aussi quelle économie n'obtiendrait-on pas sur les dépenses annuelles. Si on ne voulait pas acheter les fermes, la somme se réduirait de beaucoup, et bien plus encore si on renonçait à l'acquisition du moulin, mais je regarde la réunion de tout cet assemblage comme infiniment précieux.
La réparation des édifices existans sont estimées pouvoir s'élever de 10 à 12.000 francs ; les additionnant à faire pour porter à 800 le nombre des individus à revevoir dans ce dépôt, on les évalue de 40 à 45.000 francs.
Tel est le calcul approximatif que m'a fourni Mr Goury, ingénieur de l'arrondissement de Landerneau qui est d'avis, comme moi, qu'aucun local ne peut entrer en concurrence avec Bresal pour l'établissement du dépôt de mendicité.
Si le gouvernement se décide à porter ses vues sur cette propriété, il pourra la faire estimer & ordonner qu'on en fasse l'acquisition, si mieux il n'aime entrer dans les projets des soumissions dont je vais avoir l'honneur de vous faire part, au nom de Mr Pouliquen, après avoir traité du chapitre des dépenses résultantes du règlement de votre Excellence.
Extrait d'un dossier envoyé par le préfet Miolis au ministre de l'Intérieur (Dépôt de mendicité - 6/11/1809 - AN F/16/1084)
Lettre adressée au préfet du Finistère
Monsieur,
Par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, vous me donnez connaissance des instructions de S. E. le ministre de l'Intérieur : Vous êtes chargé de lever le plan du lieu qui vous paraîtra le plus convenable, d'examiner la manufacture de Morlaix & ma terre de Brezal, locaux désignés pour servir de dépôt de mendicité ; vous me demandez des renseignements sur cette dernière propriété, je me fais un vrai plaisir de satisfaire à vos désirs.
Elle est distante de 4 lieues de Lesneven, de 2 de Landerneau, de 6 de Morlaix & également de 6 de Brest ; elle est située sur une élévation ; la rivière de Landerneau en baigne une grande partie ; l'air y est vif et pur. Il me seroit difficile de vous remettre la note exacte de l'étendue de cette propriété. Je me borne à vous donner un précis des fermes qui en dépendent & des terres que je fais valoir moi-même.
Moulin de Brezal & dépendances | affermé à Paul, Jacob & Jean Marie Caer, suivant bail du 6 juillet 1807, au rapport de Le Guen, notaire à Landerneau, & en jouir pendant 9 ans & payer par an chacun ... | 1.500 fr. |
Grande métairie : | affermée à Guillaume Parc & Marie Cleguer, suivant bail du 9 nivose an 10, au rapport de Le Ferrec, notaire à Landerneau (!), pour en jouir pendant 9 annnées & payer par chacune... | 405 fr. |
Métairie de Brezalou : | affermée à Hervé Donval & Françoise Le Guen, par bail du 2 nivose an 10, au rapport de la Ferrec, notaire à Landivisiau pendant 9 années & payer par chacune... | 420 fr. |
Ferme de Becavel : | affermée à Yves Berthelé par bail sous seing privé du 5 mars 1806 et enregistré, pour 9 années et payer par chacune ... | 150 fr. |
Ferme de Penhoat : | affermée à Le Bras et femme par bail du 9 floréal an 11, au rapport de Renaud, notaire à Landerneau, pour 9 années et payer par chacune ... | 150 fr. |
Ces 4 dernières fermes donnent une commission à chaque renouvellement de bail, égale au revenu annuel de chacune d'elle, ce qui donne 1.125 fr., qui arrêtés offrent... 125,00. Soit un total de 2.750 fr.
Bâtimens & terre non affermés et que je fais valoir :
- le château dit manoir & ses dépendances
- un vaste jardin, clos de mur, contenant sous fonds 8 arpens
- la grande prairie contenant sous fonds 10 arpens
- autre prairie contenant sous fonds 3 arpens
- autre prairie conrenant sous fonds 1/4 arpent
- deux autres prairies nouvelles, à la queue de l'étang, contenant sous fonds 9 arpens.
Il n'est pas parlé de cet étang qui est de 10 arpens, en ce qu'il est attaché à la ferme du moulin ;
Au nord du manoir
- un verger nommé Poul-an-Arch contenant sous fonds 3/4 d'arpent
- un champ, terre chaude, au nord du dernier, nommé ar Verny-huella, contenant sous fonds 3/4 d'arpent
- autre champ, terre chaude, au nord du dernier, nommé ar Verny-isella, contenant sous fonds 3/4 d'arpent
- autre champ, terre chaude, nommé Parc-ar-Prat, contenant sos fonds 1,5 arpent
- autre champ, terre chaude, nommé Parc-ar-Veur, contenant sous fonds 3/4 d'arpent
- un verger au couchant du manoir nommé Parc-ar-mail, contenant sous-fonds 1 1/8 arpent
- une garrenne nommée K/tanguy, contenant sous fonds 12,5 arpens
- autre garenne nommée Trobel, contenant sous fonds 4 arpens
- un endroit marécageux entre les deux dernières garennes, contenant sous fonds 1 arpent
- la taille de la Pêcherie contenant sous fonds 3 arpens
- la taille de l'Etang, contenant sous fonds 14 arpens
- un petit bois de sapin, contenant sous fonds un arpent
- le bois dit du Mail, contenant sous fonds 4 arpens
- la garenne du Mail contenant sous fonds 6 arpens
- la taille de K/adoret contenant sous fonds 1,25 arpent
- la taille de la Papeterie contenant sous fonds 9 arpens
- le Grand Bois, contenant sous fonds 10,5 arpens
- le bois du Cout contenant sous fonds 1,25 arpent.
Au levant de la vieille garenne
- un bois de sapin conteant sous fonds 1 arpent
- un petit semis, au nord du mail, contenant sous fonds 3/4 arpent.
Dans la désignation de ces terres qui sont toutes d'une étendue plus considérable que celle portée ici, je ne parle pas des vastes avenues & placitres. Si le revenu de ce qui affermé s'élève à 2.750,00 fr., on peut sans exagération porter celui des biens que je fais valoir moi-même à semblable somme, ce qui présenteroit une vente de 5.500,00 francs.
Je ne comprends point non plus de 10.000 plans au moins, de l'âge de 10 & 15 ans, que j'ai fait mettre en terre depuis 4 ou 5 ans, & qui ont une valeur de 12 ou 15.000 francs. Je ne fais pas également mention du rapport que peuvent présenter les tailles, par leur âge. Il s'en trouve cependant de bonnes à exploiter. Cette valeur est à considérer.
Lorsqu'on a appprécié cette terre & porté son évaluation à 80.000 francs seulement, il y a eu une erreur manifeste ou méchanceté, ce qu'il ne m'appartient pas d'appronfondir, mais vous avez été à même de juger de ce que peut valoir cette propriété vaste & conséquente, pendant le séjour que vous y avez fait & vous détruirez, sans doute, l'évaluation erronée qu'on lui a donnée, en demandant au gouvernement 120.000 francs pour le tout. Je crois cette demande juste.
Si l'intention de S.E. est d'y établir le dépôt de mendicité & de porter à 800 le nombre des mendians, la dépense des bâtimens accessoires pour loger ce nombre d'individus peut être évaluée à environ 250.000 francs, qui joins aux 120.000 de l'achat principal, donneront un total de 370.000 fr. Dans ce cas, le gouvernement n'est point nécessité à conserver l'étendue de cet immense terrain & il pourroit s'en faire un revenu de 4.000,00 fr. qui au denier 20 présenteroient un capital de 80.000 qu'on peur déduire des 370.000 fr. Il resteroit donc 290.000, débours réel du local & des terres réservées pour recevoir les 800 mendians.
La réunion des avantages qu'offre Brezal doit, selon moi, avoir une préférence, dans l'intérêt du gouvernement, sur le local qui lui est opposé & pour lequel on demande 300.000 francs & une dépense d'au moins 100.000, sans aucune jouissance de jardins, ni promenoirs. Tout ce que je pourrais vous dire en faveur de Brezal ne peut rien ajouter à ce que vous avez pu voir & apprécier vous-même.
Agréez, Monsieur, l'assurance de mon sincère devouement.
Pouliquen
P.S. Je joins ici un état estimatif de la valeur des matériaux, tel que vous l'avez demandé à Messieurs Huyot et Billard, entrepreneurs.
Source Dépôt de mendicité - AN F/16/1084)
André Croguennec - Page créée le 7/12/2016, mise à jour le 9/12/2016. | |