La révolution de 1789 à Pont-Christ Brezal |
1 - Les premières manifestations :
Les évènements qui ont conduit à la Révolution française sont de nature diverse, à la fois sociale, économique et politique. La société d’ordres - clergé, noblesse, Tiers Etat - est de plus en plus critiquée. Elle est inégalitaire tant devant la répartition des richesses (situation qui s'aggrave avec la dégradation économique en-cours), que devant la pression fiscale.
Un autre problème particulièrement crucial en Bretagne concerne la représentation des députés. Le Tiers Etat est très largement sous représenté et le mode de vote l'empêche de peser dans les réformes : avec le vote par ordre, les deux voix de l'Eglise et de la noblesse l'emportent sur celle du troisième ordre. L'Eglise et la noblesse voudraient que la représentation bretonne aux Etats généraux soit désignée dans le cadre des Etats de la province, alors que le Tiers exige que la Bretagne soit soumise à la même réglementation que l'ensemble du royaume. Dès la fin 1788, Louis XVI avait tranché, dans le sens du tiers état, la question de la représentation bretonne aux Etats Généraux, mais le désaccord persiste. La révolte gronde.
La révolution radicale, celle qui met aux prises la noblesse et le tiers état, a commencé en Bretagne, par les affrontements violents qui se sont déroulés à Rennes les 26 et 27 janvier 1789. Les affrontements de Rennes opposent la noblesse à l'avant-garde « patriote » de la bourgeoisie bretonne, principalement des étudiants en droit conduits par Jean-Victor Moreau, né à Morlaix, futur prestigieux général de la République.
Une bataille confuse, à laquelle le jeune Chateaubriand fut mêlé, s’engagea sur la place. Les coups tombèrent, les carabines claquèrent. Un garçon boucher et deux aristocrates restèrent sur le pavé. Le 28 janvier, des centaines de jeunes «patriotes» affluèrent de toute la Bretagne à la rescousse de leurs « frères » de Rennes. Mais le grand face-à-face n’eut jamais lieu : les 400 grenadiers et chasseurs déployés sur la place du parlement avaient déjà contribué à calmer les esprits.
A ce moment-là, le châtelain de Brezal, Hyacinthe Joseph de Tinténiac, se trouvait à Rennes, où il était officier supérieur des chevaux légers de la garde. Il eut vraisemblablement à intervenir dangereusement dans ces affrontements, comme en témoigne une lettre de son épouse, Marie Yvonne Guillemette Xaverine de Kersauson, écrite à Brezal, deux mois après les émeutes :
Les dangers que mon mari a courus à Rennes, dans cette malheureuse journée du 27, ainsi que tous nos parents et amis qui y étaient, m'ont bien affectée. Que de grâces, j'ay à rendre à Dieu que mon pauvre mari ait échappé à la mort ! et de la protection dont il fut environné, dans tous les dangers qu'il a courus ce jour-là !
Vous avez bien raison, Madame, nous vivons dans un temps bien malheureux, et qui sait ce qui nous attend dans peu de temps ? Voilà comment cette philosophie, qui est plutôt l'erreur de l'esprit humain que sa consolation, soulève tout et bouleverse tout ! Rien n'est respecté : ni l'Eglise, ni le Roi, ni la magistrature ! L'égalité, la liberté : voilà le système malheureux. Que deviendra tout ceci ? Il n'y a que le bon Dieu qui le sache et qui puisse nous aider car il y a bien à craindre que l'orage n'éclate. Enfin ! prions le bon Dieu de nous donner la paix. Il faut espérer un temps plus heureux, et donnons à nos enfants de bons principes de religion, d'honneur et de probité pour que, dans la suite, ils puissent être de quelques secours à leur patrie.
(Lettre écrite de Brézal, le 23 mars 1789, à Mme du Laz)
2 - Ecriture des cahiers de doléances :
Les cahiers correspondent à une première étape dans la préparation des Etats généraux. Celui de Pont-Christ est rédigé le 29 mars 1789. Il constitue une version originale par rapport aux cahiers des autres paroisses. Ses spécificités méritent d'être mises en évidence. A lire dans un chapitre dédié. Pour comparaison, on pourra lire aussi le cahier de doléances de La Roche.
3 - Synthèse des cahiers de la Sénéchaussée de Lesneven :
Une réunion des délégués des paroisses était prévue, à Lesneven le 1er avril 1789, par le sénéchal M. Cosson de Kervodies.
Jacques Larras, du bourg de Pont-Christ, et Alain Richou, du Bali-Cloître, sont délégués pour y porter le cahier et défendre les revendications de la trève. Malheureusement, celles-ci ne figureront pas dans le cahier du baillage rédigé à Lesneven.
4 - Les états généraux :
Ils s'ouvrent le 5 mai 1789. C'est Guy Le Guen de Kerangall, marchand de toile et de vin à Landivisiau, qui est élu député par la sénéchaussée de Lesneven aux États généraux. Il se fit remarquer par son discours pour l'abolition des privilèges seigneuriaux dans son discours de la nuit du 4 août, intervention sans doute décisive. Mais cela fut rendu possible par la combativité des députés bretons, qui furent les plus acharnés à refuser dès le 5 mai le vote par ordre, puis à obtenir le ralliement du bas clergé. Leur dynamisme est à l'origine du premier "Club" patriote, le "Club breton", qui était installé rue des Jacobins.
1 - Nationalisation des biens de l'Eglise :
Les biens de l'Eglise furent confisqués, en vertu du décret du 2 novembre 1789. Puis, ceux-ci sont vendus via un processus d'aliénation, décidé par la loi du 9 juillet 1790, pour résoudre la crise financière qui a causé la Révolution. Les aliénations ont commencé à la fin de 1790 et se sont achevées à l'automne 1795, date fixée pour leur suspension.
On pourra lire dans un autre chapitre la liste des biens immobiliers appartenant à la fabrique ou chapellenie de Pont-Christ qui ont été vendus (la liste n'est peut-être pas exhaustive). Elle provient d'une liste plus générale de biens vendus par les révolutionnaires.
Cependant, il n'y a pas que les biens immobiliers qui furent vendus. "Le 6 mai 1793, le conseil municipal de Ploudiry envoie au district de Landerneau pour être livrés à l'état, venant de Pont-Christ : un encensoir en argent et une croix d'argent ; venant de l'église de Ploudiry, ... etc" (source H. Perennes).
La Révolution, avec cette spoliation des biens de la fabrique et la suppression des prêtres desservants, est la cause principale, mais pas la seule hélas , qui a mené à la ruine de l'église que l'on constate aujourd'hui. L'édifice a probablement subi aussi des actes de vandalisme suscités par l'oppositon des révolutionnaires à la religion et aux symboles de la noblesse (blasons et autres droits honorifiques).
On vu que la fabrique de La Roche a su mettre le grappin sur les revenus et les biens de la fabrique de Pont-Christ, et ceci dès les premières décennies du 19è siècle. Lire, par exemple, ici.
2 - La Constitution civile du clergé :
La confiscation des biens de l'Eglise lui ont enlevé ses revenus, il était donc nécessaire de réorganiser son fonctionnement. Le 12 juillet 1790, à Paris, l'Assemblée constituante adopte la « Constitution civile du clergé » et ordonne à tous les prêtres, fonctionnaires publics, de faire un serment, dont voici la formule : « Je jure de remplir mes fonctions avec exactitude, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi ». Elle réorganisait unilatéralement le clergé séculier français, instituant une nouvelle Église, l'Église constitutionnelle. Cette réorganisation fut condamnée par le pape Pie VI, le 10 mars 1791, ce qui provoqua la division du clergé français en clergé constitutionnel (les jureurs) et clergé réfractaire.
A Pont-Christ, en cette période troublée, il y eut deux curés : l'un était un curé constitutionnel, Ursin Le Gall, et l'autre un curé réfractaire, Bernard Marie Caroff. Dit aussi insermenté : il avait refusé de prêter serment à la "constitution civile du clergé".
Le curé précédent, Joseph Marie Bouroullec, qui n'était plus à Pont-Christ au moment de la révolution, car il avait été nommé à Plouedern, était lui aussi insermenté.
Voir le chapitre consacré aux ecclésiastiques de Pont-Christ.
3 - Mesures contre le clergé non signataire de la "constitution civile du clergé" :
Un grand nombre d'ecclésiastiques du Finistère refusèrent de faire le serment. Ils furent recherchés par les forces de l'ordre pour être emprisonnés, dans des conditions épouvantables, jusqu'à l'épuisement et la mort. Ils se cachèrent tant qu'ils le purent pour essayer d'échapper à la prison et célébrer le culte. Certains s'enfuirent à l'étranger.
- Bernard Marie Caroff, curé de Pont-Christ, emprisonné, est mort dans la citadelle de l'île de Ré.
- Joseph Marie Bouroullec, ex-curé de Pont-Christ, partit pour l'Angleterre.
On notera que le recteur de La Roche, insermenté lui aussi, fut détenu au château de Brest, puis déporté en Espagne, il y mourut, dans la province de Galice, le 14 Août 1802.
L'évêque de Léon, Monseigneur Jean-François de La Marche, s'exila à Londres, et y décéda en 1806. Il put donc venir en aide à de nombreux émigrés dont la famille Tinteniac de Brezal.
En raison des troubles révolutionnaires et ceci dès le lendemain du 14 juillet 1789 et la prise de la Bastille. Les fidèles de leur religion et de l'institution monarchique craignent pour ces dernières, et la tournure violente des évènements les fait craindre aussi pour leur propre intégrité physique. Et nombreux sont ceux qui abandonnent leurs biens pour quitter clandestinement le pays.
1 - Emigration des châtelains de Brezal
M. de Tinténiac, propriétaire du château de Brézal, suivant l'exemple d'un très grand nombre d'officiers et de nobles, commit la sottise de partir en émigration, laissant après lui à l'abandon son beau château de Brézal, ses terres, métairies et fermes si nombreuses, tous ses biens.
En 1792, retenu à Brézal par la santé de sa femme, sur le point d'être mère, il fit partir d'abord sa fille aînée Marie Jeanne Françoise, dite "Jenny", sous la conduite d'un vieux serviteur nommé Robin. Elle s'embarqua à Saint-Malo. Il lui arriva les pires mésaventures qu'on pourra lire ici.
Quand M. de Tinténiac partit, il emmena avec lui en Angleterre sa femme, six de leurs enfants, encore bien jeunes pourtant, laissant à Brézal la dernière-née Marie-Eugénie qui n'avait encore que deux ans et demi, et qui fut confiée à la garde de sa nourrice, Marguerite Guillou, veuve Rolland.
Ils traversèrent la Manche pour arriver à Londres. Là, ils trouvèrent l'évêque de leur pays de Léon qu'ils connaissaient bien : Mgr de La Marche, en effet, avait assisté au contrat de mariage des deux époux. Or, l'évêque de Léon, émigré lui aussi, avait fondé à Londres un comité de secours pour venir en aide à ses compatriotes en détresse. Pour se procurer des ressources, il organisait des souscriptions et le peuple anglais qui avait d'abord vu de très mauvais oeil l'arrivée de ces Français - "leurs ennemis héréditaires" - revint peu à peu à de meilleurs sentiments à leur égard.
Le comité français de Mgr de La Marche aida donc la famille Tinténiac, mais les réfugiés étaient si nombreux qu'il ne pouvait accorder à chacun d'entre eux qu'une somme infime incapable d'assurer leur subsistance. Et les émigrés en âge de travailler furent obligés de chercher un emploi pour gagner le pain de chaque jour. L'on vit ainsi de grands seigneurs français, riches autrefois chez eux, et qui avaient connu "la douceur de vivre", se faire tailleurs, horlogers, commis de magasins,commerçants, parfois professeurs de français dans les riches familles anglaises.
La situation de la famille Tinteniac en Angleterre n'était pas brillante. Les quelques pièces d'or et d'argent qu'ils avaient pu emporter de France furent bien vite dépensées, et ils se trouvèrent bientôt sans ressources. Leur ancien receveur des rentes et agent d'affaires, Me Ollivier, notaire à Landerneau ne leur envoyait plus rien : la plupart des fermes et métairies, ayant été confisquées par le gouvernement révolutionnaire et vendues nationalement, le prix de fermage était naturellement versé aux nouveaux propriétaires. Le gouvernement, d'autre part, interdisait tout envoi de numéraire vers l'Angleterre, la Hollande et l'Allemagne, de sorte que les malheureux émigrés se trouvèrent réduits à une extrême misère.
Les privations furent si grandes que M. de Tinténiac tomba malade, si malade qu'on le crut proche de la mort, et son fils aîné, souffrant des yeux, devait peu après perdre la vue et devenir aveugle. Ils durent chercher asile dans un hôpital fondé à Londres par l'Evêque de Léon, à l'intention des émigrés malades et sans ressources.
2 - Vente des biens des émigrés
Les émigrés sont considérés comme des traîtres et des déserteurs, le gouvernement met rapidement en place un arsenal juridique destiné à punir ceux qui ont pris la fuite. Dès l'été 1791, des états des personnes absentes de leur domicile sont dressés conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1791.
Puis, le 30 mars 1792, la notion de bien national est étendue aux biens des émigrés et des suspects. Ces biens sont confisqués à partir du 30 mars 1792, puis vendus après le décret du 27 juillet. L'un des objectifs est de représenter une caution pour les assignats.
Il fallait bien inventorier les biens des émigrés pour les confisquer et les vendre. Voici l'opération qui a touché les biens présents
à Pont-Christ. Donc au sud de l'Elorn exclusivement. D'autres inventaires ont concerné Brezal et les autres lieux...
27 7bre 1792 - Etat des biens des Emigrés et procès-verbal des séquestres desdits biens - commune de Pont-Christ
dans la liasse : Déclarations des biens des émigrés faites par les municipalités, canton de Landerneau (ADQ 1 Q 93)
L'an mil sept cent quatre vingt douze et premier de légalité le vingt sept septembre soussigné Guillaume Adam, citoyen de Landerneau, et commissaire nommé par arrêté du directoire du district de Landerneau, département du Finistère, en datte des trente et un août dernier et premier septembre présuit mois, à l'effet de former des états des biens des émigrés, et d'apposer le séquestre sur lesdits biens certifie m'être en conséquence transporté au bourg de Pont-Christ, après avoir préalablement compulsé l'état des sections de la ditte commune où étant rendu j'y ais trouvé le sieur Hervé Le Fur l'un des officiers municipaux d'icelle auquel j'ay communiqué mes pouvoirs après quoi je me suis transporté en sa compagnie successivement dans toutes les métairies comme suit, savoir :
Biens de M. Tinténiac | ||
au lieu de Kerfaven | métairie manoeuvrée par Claude Le Rest dudit lieu pour en payer par année suivant sa déclaration cent quatre vingt livre ... doit la courante | 180 |
au lieu de Kerfaven | métairie manoeuvrée par Laurent Toullec pour en payer par année suivant sa déclaration cent soixante dix sept livres ... doit la courante | 177 |
au même lieu | un pré manoeuvré par le propriétaire et estimé de revenu ... | 24 |
au Frout | métairie manoeuvrée par Jacques Cren fermier pour en payer par année quatre vingt dix livres en espèces et quatre boisseaux d'avoine mesure de Bresal, doit la courante | 90 |
au même lieu | métairie manoeuvrée par Jean Corcuff dudit lieu pour en payer par année quarante huit livres doit la courante | 48 |
au même lieu | métairie manoeuvrée par Allain Le Roux pour en payer par année quarante sep livres doit la courante | 47 |
au bourg | un pré manoeuvré par Michel Le Naour estimé | 20 |
au bourg | métairie manoeuvrée par Jean Cochard pour en payer par année soixante et huit livres dix sols | 68 10 |
au même bourg | métairie manoeuvrée par Marie Quée | 20 |
au Guérant | terre manoeuvrée par Yves Yvinec du Guérant en Pont-Christ pour en payer par année suivant sa déclaration quatre vingt dix livres doit la courante | 90 |
audit bourg | terre manoeuvrée par Hervé Le Fur pour en payer par année trente livres doit la courante | 30 |
Biens de Mlle K/danet | ||
au Frout | terre manoeuvrée par Hervé Cren dudit lieu pour en payer par année cinq livres cinq sols | 5 5 |
au bourg | terre manoeuvrée par Joachin Plantec dudit bourg pour en payer par année suivant sa déclaration vingt et une livres cinq sols doit deux années y compris la courante | 21 |
au bourg de Pont-Christ | métairie manoeuvrée par Yves Menez dudit bourg pour en payer par année suivant sa déclaration trente livres doit la courante | 30 |
au même bourg | métairie manoeuvrée par Jean Muzellec dudit bourg pour en payer par année cinquante quatre livres | 54 |
au même bourg | maison tenue en ferme par Marguerite Toullec veuve d'Yves K/doncuff pour en payer par année six livres doit deux années y compris la courante | 6 |
au même bourg | maison donnée à Marie Mest comme hospitalière |
Dettes par rapport aux émigrés - Pont-Christ
(déclassé aux ADQ - 1 Q 91)
Claude Le Rest | de K/faven fermier de M. Tinténiac du chato de bersal | 180 # |
Jean Toullec | de même lieu | 177 # |
Jacques Cren | du Frout | 810 # |
Jean Corcuff | du même lieu | 48 # |
Allain Le Roux | du même lieu | 50 # |
Yves Yvinec | de Guerant | 810 # |
Jean Cochart | du bourg de Pont-Christ | 610 # |
Marie Que | du même bourg | 40 # |
Jacques Larras | du même bourg | 54 # |
Michel Laour | du même bourg | 12 # |
Yves Menes | de Gorrequear | 33 # |
Herve Cren | du Frout | 30 # |
Jean Musellec | de Gorrequear | 54 # |
Et sont tous les biens situés dans la municipalité de Pont-Christ appartenant à des émigrés suivant la désignation nous en faite et les renseignements nous donnés par le sieur Hervé Le Fur officier municipal de ladite commune, sur lesquels nous susdit commissaire avons apposé le séquestre le 27 du présent mois, en présence dudit officier municipal et dans la forme qui suit :
Au nom de la loi, soussigné Guillaume Adam, demeurant à Landerneau, commissaire du district de Landerneau ai déclaré à Claude Le Rest de K/faven, à Laurent toullec du même lieu, à Jacques Cren du Frout, à Jean Corcuff du même lieu, à Allain Le Roux du même lieu, à Michel Naour de Pont-Christ, à Jean Cochard du même bourg, à Marie Quée d'idem, à Yves Yvinec du Guérant en Pont-Christ, à Hervé Le Fur dudit bourg, à Hervé Cren du Frout, à Joachin Plantec du bourg, à Yves Menez dudit bourg, à Jean Muzellec du même bourg, à Marguerite Toullec, veuve d'Yves K/doncuff, dudit bourg, tous en la municipalité de Pont-Christ paroisse de Ploudiry mettre sous la main de la nation et à leur garde respective, les maisons, terres et dépendances de leurs fermes, et rentes, chacun en droit soit appartenant à des émigrés ou réputés tels. Je déclare de plus auxdits fermiers et redevables qu'ils en payeront les fruits et redevances au préposé de la régie nationale, et qu'ils lui représenteront leurs baux, baillées et dernières quittances, et leurs avoirs à tous et chacun d'eux en particulier délivré copie du présent séquestre lesdits jour et an que devant. Auquel séquestre j'ai procédé le 27 septembre, non compris une journée, tant pour compulser l'état des sections que pour la rédaction du présent ; le tout sous seing le même jour et an. Signé G. Adam, commis.
Mlle de K/danet, s'appelait Marguerite de Kersauson, née à Kerdanet en Plouescat. Elle était venue s'installer à Brezal dans sa famille (Mme de Tinteniac était une Kersauson). Marguerite avait acheté des terres au Frout et à Gorrequer.
Voir les possessions des familles Tinteniac, Kersauson, Montbourcher,... vendues, dans la liste générale des biens vendus par les révolutionnaires.... et, plus spécialement pour les biens de Pont-Christ Brezal ou tout proches : Plouneventer, Pont-Christ, La Roche, Bodilis... mais pas que.
Plus précisément à Pont-Christ et Brezal, quelques biens vendus appartenant aux Tinteniac :
3 - Radiation de la liste des émigrés
Cependant, compte tenu du nombre important d'erreurs commises lors de la constitution à la hâte de ces listes, l'Assemblée législative institue dès 1792 un système de radiation destiné à rétablir dans leurs droits les prévenus d'émigration.
Le marquis de Tinteniac, Hyacinthe Joseph, et son épouse, née Marie Yvonne Guillemette Xaverine de Kersauson, figuraient sur ces listes, ainsi que les parents du marquis, François Hyacinthe et Anne Antoinette Françoise de Kersulguen . On trouve aux Archives Nationales les dossiers contenant les "demandes de radiation et de main-levée de séquestre" effectuées par les émigrés (ou prétendus tels).
Comme on le voit, Anne Josèphe, la soeur du marquis
avait aussi émigré à Londres.
Le 13 brumaire an 9, soit le 4/11/1800, Marie Yvonne Guillemette Xaverine de Kersauson, femme Tinteniac, fait sa demande de radiation au citoyen ministre de la police générale :
Marie Yvonne Xaverine Guillemette Kersauson, femme d'Hyacinthe Joseph Jacques Tinteniac, sollicite l'élimination de son nom de la liste des émigrés. Elle a deux motifs à fournir à l'apui de cette réclamation.
Le premier qu'elle n'est inscrite que sous le nom vague de Femme Tinteniac, sans nom, ni prénom.
Le segond que l'on ne peut lui oposer que son mari soit dans le cas des exceptions portées dans les articles 1. 2. 3. du titre deux de l'arrêté des consuls du 28 vendemiaire dernier, et que d'ailleurs il est en réclamation.
Salut et respect
Kersauson, femme Tinteniac
A Paris, 13 brumaire.
Le dossier de la citoyenne Kersauson cite aussi un mémoire, fait lors du mois de pluviose an 5, pour demander la "main-levée de séquestre par Kersauson, femme Tinteniac, tant en son nom qu'en ceux de son mari et de son beau-père".
D'après les autres pièces au dossier de la famille Tinteniac (voir sources plus bas), on peut conclure que
Mais alors, nos Tinténiac de Brezal n'auraient pas émigré ? Cette émigration ne fait aucun doute,
mais on sait que beaucoup de dossiers de demandes de radiation étaient des faux.
Ce certificat est un faux, fait à la demande du marquis pour obtenir sa radiation des listes d'émigrés
CERTIFICAT de résidence des Citoyens prévenus
d'émigration, prescrit par la Loi du 25 Brumaire, an troisième de la
République française, une et indivisible.
ADMINISTRATION MUNICIPALE DU CANTON DE St-Pierre-Montlimart
DEPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE
EXTRAIT du Registre des délibérations de l'Administration Municipale
de la commune du canton de St-Pierre-Montlimart.
Nous, maire de la commune de St-Pierre-Montlimart, certifions, sur l'attestation des Citoyens Pierre Verger, cultivateur, âgé de 45 ans, Pierre Bourcier, maçon, âgé de 43 ans, Pierre Beccavin, boulanger, âgé de 50 ans, Phillippe Bouchereau, tisserand, âgé de 28 ans, Pierre Billard, sabottier, âgé de 17 ans, François Chenoy, sergent, âgé de 40 ans, René Brebion, menuisier, âgé de 48 ans, Jean Brevet, tisserand, âgé de 50 ans, et Clément Assialle, propriétaire, âgé de 34 ans, tous domiciliés en cette commune,
que le citoyen Joseph Jacques Hyacinthe de Tinteniac, département du Finistère, âgé de 44 ans, profession de propriétaire, taille de cinq pieds trois pouces, cheveux châtains, sourcils idem, yeux gris, bouche moyenne, nez aquilain, menton oval, front petit, visage ordinaire légèrement marqué de petite vérole,
a résidé, sans interruption dans la commune de St-Pierre-Montlimart, maison appartenant au citoyen Gaugnier, depuis le 5 mars 1792 jusqu'au 19 fructidor an 5.
Certifions en outre que les citoyens attestants ne sont, à notre connaisssance et d'après leur affirmation, ni parens, alliés, agens, fermiers, créanciers ni débiteurs dudit certifié, ou employés à son service.
Fait en mairie de St-Pierre-Montlimart, le 11 vendémiaire an 9 de la République française, une et indivisible, en présence desdits attestants, lesquels ont signé avec nous, tant le registre de nos délibérations, que le présent extrait. P boursier - Billard - p. Becavin - C: assialle - J. Brevet - Bouchrau - f Chenoy - R. Brebion - p verger - Albert, maire - Martin
Attestation de publication et d'affiche du Certificat
Nous, maire de la commune de St-Pierre-Montlimart, attestons que le certificat ci-dessus a été publié pendant six jours dans cette commune, ainsi qu'il résulte de l'attestation de ladite administration municipale, déposée dans nos archives.
Fait en mairie de St-Pierre-Montlimart, le 19 vendémiaire an 9 de la République française, une et indivisible. Albert, maire - Martin.
4 - Conséquences de la radiation de la liste des émigrés
Le 27/8/1801, Marie Yvonne Xaverine Guillemette de Kersauson, a été radiée des listes d'émigrés : on trouve dans la liste des radiations n° 48 contenant 421 personnes dont "Tinteniac (femme) - Finistère" et "Tinteniac fe (de Plouneventer) - Finistère. Toujours aussi précis nos révolutionnaires, tant pour la radiation que pour l'inscription. Il est écrit à la fin de la liste :
Paris, le 9 fructidor an 9 de la République
Le ministre de la police générale. Fouché.
Nos anciens châtelains de Brezal ne pourront donc pas revenir dans leur château et s'installeront au 7, rue de la Perle à Paris.
Cependant, Mme de Tinteniac, étant radiée des listes, le Préfet du Finistère lui accorda, le 20/9/1801, mainlevée de tous séquestres établis sur ses biens invendus à l'exception de ceux visés par les arrêtés cités plus haut. Son mari fut amnistié en 1802. (source l'abbé Gueguen).
Que pourra-t-elle récupérer ? En tout cas, elle redevient propriétaire de la ferme de Kerfaven, qui pourtant avait été vendue, comme nous avons pu le constater dans l'étude de ce lieu.
5 - Le "milliard des émigrés"
Votée le 27 avril 1825, la loi sur l'indemnisation des émigrés a un double objectif : dédommager ceux qui ont été dépossédés de leurs biens sous la Révolution et rassurer les acquéreurs de biens nationaux. La mesure se veut apaisante, mais elle va néanmoins susciter de vives réactions au sein de la gauche parlementaire et de l'opinion publique. La valeur totale des propriétés dont on se propose de compenser la perte se monte à un milliard de francs. Et le "milliard des émigrés" va réveiller des passions qui couvent depuis la Révolution.
L'opinion s'émeut que le Trésor public soit amputé "au détriment de 29 millions de Français pour le profit de 50 000 personnes". En fin de compte, la France ne déboursera pas le fameux "milliard des émigrés", mais un capital de 630 millions de francs. Le pays est prospère, et le Trésor peut aisément supporter cet alourdissement de la dette publique. Cependant, l'indemnisation ne permet pas aux émigrés de retrouver leur fortune territoriale.
Les descendants du marquis et de la marquise de Tinténiac ont-ils bénéficié de cette loi ?
Sous l'ancien régime, les seigneurs avaient voulu montré leur puissance en apposant leur blasons en de nombreux endroits, gravés dans la pierre (sur des édifices : les églises, les manoirs, les moulins, les calvaires, ... etc) mais aussi peints sur les vitraux des églises et des chapelles. Nos seigneurs de Brezal, aussi, ont été soucieux de montrer leur puissance en affichant ces droits honorifiques.
La chute de la monarchie le 10 août 1792 entraîna une flambée de violence à l’encontre des symboles visibles de la féodalité, qu’un décret de l’Assemblée légitima le 14 août. Par ces actes de vandalisme, les révolutionnaires s’efforçaient de faire table rase du passé.
A Plouneventer, le 12 germinal an II (1/4/1794), des commissaires du district de Lesneven ayant constaté "avec la dernière indignation qu'il y subsistait tant dans l'extérieur que dans l'intérieur de l'église des signes de féodalité ... ont ordonné aux officiers municipaux, sous leur responsabilité personnelle et d'être punis conformément à la loy, de faire disparaître et enlever en totalité les dits signes de féodalité".
Ces commissaires donnent la liste de ces signes prohibés : des tombeaux qui servaient à inhumer les seigneurs ; des vitrages sur lesquelles il existe des armoiries légèrement masquées avec du blanc ; des croix de Malte aux confessionnaux ; le plafond d'une chapelle rempli de fleurs de lys ; les armoiries papales au-dessus d'un autel ; des tombes sépulcrales dans le cimetière, couvertes d'armoiries ; les bancs de distinction des seigneurs dans l'église.
Que pouvons nous constater aujourd'hui à Pont-Christ et Brezal, notamment dans les édifices anciens qui ont connu cette époque :
9 novembre 1792. ... Le vol de Brézal a été fait par deux membres du district de Lesneven ; un homme de Landerneau qui vit que l'on emportait des meubles qui n'avaient point été vendus, les arrêta, et il s'y trouva pour dix mille francs de meubles qui n'étaient point sur l'inventaire, et qui devaient former le profit de ces deux membres du district.
La dernière des petites Tinténiac, qui était avec sa marraine à Roscoff, est à Brézal depuis le commencement de cette indigne vente, pour y revendiquer au moins sa part du bien de ses père et mère qui sont vivants et qu'on vole si impunément.
Le tort qu'on fait à ces respectables maîtres de Brézal est d'autant plus odieux que les malheureux de tous les environs de Landerneau, de Landivisiau, de Lesneven, etc... peuvent rendre témoignage de tous les bienfaits qu'ils ont reçus de cette maison, qui employait une grande partie de sa fortune à secourir les pauvres, à soulager les infirmes ; en un mot, tout être affligé avait droit à la délicate compassion, à la noble générosité de M. et Mme de Tinténiac, et avant eux de M. et Mme de Kersauzon.
Mais, hélas ! c'est aujourd'hui le régime de l'ingratitude et de l'injustice : espérons que le siècle qui va bientôt venir sera plus heureux. (Extrait du "Journal fait par Anna-Louise du Parscau du Plessix pendant les années 1792-97 et 1800")
Pendant la Révolution Anne-Louise de Parscau du Plessix résidait avec sa mère, Marie-Anne de Parjean-Roy, veuve de Louis-Guillaume de Parscau, au château de Keryvon en St-Derrien. La Maison de Parscau est une des anciennes maisons de la noblesse de Basse-Bretagne. Elle a figuré aux réformations et aux montres de 1423 à 1534, dans les paroisses de Plouguerneau et de Kerlouan dont elle est originaire. A la réformation générale de la noblesse de 1669, elle a été déclarée noble d'ancienne extraction, ayant produit à cette époque, sept générations de noblesse. Armes : De sable à trois quintefeuilles d'argent posées 2 et 1. Devise : Amzeri, temporiser. Louis-Guillaume de Parscau, seigneur comte du Plessix, chef d'escadre des armées navales, Chevalier pensionné de Saint-Louis, membre fondateur de l'Ordre américain de Cincinatti, mourut en 1784.
Anne-Louise, née en 1769, vécut constamment près de sa mère, soit à Brest, soit à Keryvon. Sa mère étant morte en 1800, elle épousa en 1802, Denis Guimard de Coatidreux, qui fut un chef royaliste remarquable, et sera maire de La Roche-Maurice. Anne-Louise habitera avec son époux au château du Pontois. Elle mourut à Saint-Brieuc en 1846 chez sa fille Claire. Elle eut un fils Jérôme qui mourut jeune et deux filles : Denise, qui épousa Joseph d'Audibert de Lavillasse ; Claire qui épousa Bernard de Landais, et en secondes noces, Louis de Blois.
Le principal intérêt de son journal est de nous faire assister, par le menu, à la vie presque quotidienne des habitants d'une gentilhommière bretonne durant la tourmente révolutionnaire. Nul ne s'attendra à y trouver les allures ni l'importance de la grande histoire. Au surplus, on se souviendra que celle qui tenait la plume atteignait à peine son 23è printemps.
p. 156 : Cambry indique "la veuve K/sauson et l'émigré Tinténiac de Brézal en Plouneventer" au nombre de ceux dont les biens [livres] ont été portés à la bibliothèque de Lesneven.
Les réquisitions organisées par les révolutionaires n'ont pas concerné que les terres et le mobilier, mais aussi l'argenterie présente dans les églises et les châteaux. Le 23 janvier 1793 un lot "provenant de la maison de Brezal, appartenant au nommé Tinténiac, émigré", prend le chemin de la Monnaie de Nantes. Il comprend : six couverts, une cuillère à ragout, un calice avec sa patène, pesant 6 marcs, 6 onces, 2 gros" (environ 1.600 grammes). Cela paraît bien modeste pour Brezal. Sans doute est-ce là une participation symbolique pour essayer d'échapper aux réquisitions massives. Dès ce moment, les bruits concernant l'existence d'un trésor bien mis à l'abri ont commencé à courir.
Plus tard, Jean-Charles L'Heureux, qui avait été cocher du marquis de Tinténiac, à Brézal, et avait quitté le château quand ses maîtres avaient émigré, se retrouve dans un hôpital de Rouen. Quelques heures avant de mourir, le 20 avril 1794 (1er floréal de l'an II), il confie à son beau-frère, Jean-Gabriel L'Adam, avoir la connaissance d'un trésor caché chez son ancien maître, consistant en une "quantité considérable d'effets, comportant argenterie, canons, fusils, etc ...", enfouis "au milieu de la cuisine du château". Finalement le secret va se répandre et finir par arriver à Landerneau.
Le 2 juillet (15 messidor), les commissaires de Landerneau organisent l'inventaire et envoient, à la Commission des Revenus Nationaux, la copie certifiée du procès-verbal d'inventaire de "l'argenterie et autres effets spéciaux trouvés enfouis à Brézal". Le trésor existe donc réellement. Mais le procès-verbal ne fait mention ni de la pesée ni de la saisie.
Puis, il y aura des échanges pas clairs entre les officines de l'administration, à Landerneau, Quimper, Brest et Paris, qui ne vont que faire traîner l'affaire en longueur. Ce sont ces tractations qui nous font connaître, sinon la teneur du fameux trésor, du moins son poids. Estimé globalement à 105 marcs 7 onces d'argenterie (environ 26 kilos). Est-il là en totalité ? Il est difficile d'y répondre avec certitude. On peut penser que 105 marcs sont un poids appréciable, si l'on se réfère aux 160 marcs (40 kilos) saisis au château de Kerjean et envoyés, certainement ceux-là, à la Monnaie. Tinténiac était-il plus riche que la demoiselle de Coatanscours ? L'absence d'inventaire ne nous permet pas d'établir avec exactitude la composition du trésor.
A cette époque, Donzé-Verteuil était à Brest en qualité d'accusateur public. Il va y acquérir une triste célébrité, on parlera plus tard des crimes de l'ex-tribunal révolutionnaire de Brest... Donzé-Verteuil fait venir le trésor de Brezal à Brest au lieu de le faire envoyer directement à l'Hôtel des Monnaies de Paris ou à celui de Nantes. Quand Donzé-Verteuil sera arrêté et emprisonné au château de Brest, la Commission des Revenus Nationaux n'aura de cesse qu'elle n'aie retrouvé les traces du fameux trésor. La commission parisienne en arrive à la conclusion que ceux qu'il faut poursuivre se sont les membres du Tribunal Révolutionnaire "Donzé-Verteuil, ses collègues et ses associés ..."
Puisque, selon toute vraisemblance, le trésor de Brézal n'a pas gagné la Cour des Monnaies de Paris, il n'a point été fondu et il se pourrait qu'il existe toujours encore quelque part ... D'après Yves-Pascal Castel.
En tout cas, en 1837, Louis Désiré Véron acheta Brezal et dans le contrat de vente fait par Mme Dodin-Dubreuil, propriétaire précédent, figurait une clause très particulière, que Véron explique ainsi : "Le bruit était répandu dans les environs, que les Tinténiac, avant de partir pour l'émigration, avaient jeté, dans ce vaste étang, toute leur argenterie et tous leurs trésors. Il fut stipulé que, si un jour je faisais dessécher l'étang, et si j'y trouvais des richesses, je les partagerais par moitié avec mon vendeur. Je n'ai rien fait dessécher, et je n'ai découvert, dans tout Brézal, aucun trésor". Le trésor est donc peut-être toujours dans l'étang ? Légende ?
1788. La Révolution commence à Rennes (Le Télégramme du 7/8/2011)
En 1788 et au début de 1789, Rennes est secouée par des troubles en marge de la tenue des États de Bretagne qui détermine la politique fiscale de la province. La bourgeoisie des villes bretonnes réclame plus de pouvoir, ce que conteste l'aristocratie qui entend conserver ses privilèges. Une opposition qui préfigure les débuts de la Révolution française quelques mois plus tard.
L'Europe a connu une série d'hivers particulièrement rigoureux à la fin des années 1780, peut-être provoqués par l'irruption d'un volcan islandais. Les récoltes sont mauvaises, la famine touche de nombreuses régions, la révolte gronde... En ce mois de décembre 1788, le froid est particulièrement vif sur les bords de la Vilaine, à Rennes, où les délégués des États de Bretagne arrivent de toute la péninsule pour leur session. En France, Louis XVI avait annoncé la réunion des États généraux du royaume au printemps 1789, afin de répondre aux doléances de son peuple. La question de la représentativité des délégués - la noblesse et le clergé avaient plus de représentants que le Tiers État, c'est-à-dire de l'écrasante majorité de la population - était au coeur des débats. Elle se posait également pour les États de Bretagne et avait été soulevée dès le mois de mai 1788.
Des troupes pour maintenir l'ordre.
Le 10 mai 1788, en effet, le comte de Thiard, commandant des armées en Bretagne et l'intendant Bertrand de Moleville se rendent au parlement de Bretagne afin de faire enregistrer les ordres du roi rognant sur les prérogatives des institutions bretonnes. La résistance procédurale des conseillers du parlement dure sept heures, mais les édits royaux sont enregistrés. Une foule de plusieurs centaines de jeunes gens se rassemblent pour protéger les parlementaires. Ils sont menés par Jean Victor Moreau, un futur révolutionnaire. Dans les semaines qui suivent, les protestations se multiplient tant de la part de la noblesse que de la bourgeoisie. Le comte de Thiard fait venir plusieurs milliers d'hommes de troupes pour sécuriser Rennes. Il doit faire face à la démission des officiers du régiment de Penthièvre. Les membres du Parlement décident de se réunir malgré l'interdiction. Prévenus qu'ils seront arrêtés, le 2 juin à l'aube, les parlementaires s'échappent et se réunissent à l'Hôtel de Cuillé. Une foule importante se masse à proximité et s'en prend aux dragons et aux soldats venus arrêter les frondeurs. Estimant être en danger, l'intendant de Moleville regagne Versailles le 9 juillet. Thiard est remplacé par le maréchal de Stainville qui arrive à Rennes avec dix mille soldats. Des émeutes de la faim ont régulièrement lieu. Le roi cède. Le 8 octobre, les parlementaires regagnent leur palais sous les ovations de la foule.
Rôle croissant de la bourgeoisie
Comme lors de l'affaire Le Chalotais, cette agitation oppose avant tout l'aristocratie bretonne, qui se pose en garante des libertés de la Bretagne, et le pouvoir royal. Mais un nouvel acteur se pose en arbitre : le Tiers État. Les populations rurales en composent l'essentiel, mais la bourgeoisie urbaine prétend le représenter et peser politiquement. Elle va, peu à peu, jouer un rôle prépondérant. Le Tiers État demande en effet des réformes fiscales et une meilleure répartition des représentants aux États de Bretagne, convoqués pour le 29 décembre. Mais les nobles ne veulent rien céder. Fin décembre, noblesse et bourgeoisie rassemblent leurs partisans. L'agitation est à son comble. Après l'ouverture des États, les délégués du Tiers État pratiquent une politique d'obstruction afin de voir leurs revendications aboutir. Deux jours plus tard, la session est suspendue en attendant une décision du roi. Le 7 janvier, celui-ci ordonne une suspension d'un mois pour réunir de nouveaux cahiers des charges. Le lendemain, la noblesse proteste et refuse de siéger dans une assemblée modifiée. Avec le clergé, ils décident de continuer leurs travaux. Mais, à la fin janvier, des émeutes éclatent. Ce blocage n'est pas sans conséquences : c'est en effet pendant qu'ils se tiennent, qu'est déterminée la question des taxes et des contributions que doit verser la province au trésor royal. La Bretagne dispose en effet d'un statut fiscal particulier, héritier du duché, et qui permet à ses habitants de payer moins d'impôts. Le ministre de Louis XVI, Necker, avait reconnu qu'un laboureur breton payait ainsi moins de taxes que son équivalent dans les provinces limitrophes. Le 20 janvier, un arrêt royal semble donner raison aux bourgeois sur la question de la représentativité en octroyant autant de députés au Tiers État qu'aux deux autres ordres réunis. Mais les représentants du Tiers État restent fermes sur leurs autres revendications et refusent de revenir siéger. La situation se tend et les journées des 26 et 27 janvier voient la situation dégénérée dans Rennes.
La fin des États de Bretagne
Sur l'incitation du comte de Thiard, et afin de calmer les esprits, Louis XVI décide de suspendre indéfiniment les États de Bretagne. Des gentilshommes bretons se rendent alors à une réunion d'étudiants rennais et nantais afin de les supplier de convaincre le Tiers État de protester contre cette suspension. Mais ses représentants refusent de défendre une constitution et une institution qu'ils jugent trop favorables à l'aristocratie. Le 6 février 1789, les étudiants rennais et nantais signent un pacte d'entraide mutuelle. Il sera renouvelé l'année suivante, à Pontivy. La fracture entre l'aristocratie et le peuple semble alors consommée, annonçant les bouleversements qui allaient suivre dans les mois suivants avec la convocation des États généraux du royaume. D'une certaine manière, c'est bien à Rennes que la Révolution française a commencé.
Le déclin du château de Brezal par l'abbé Gueguen (Le Progrès de Cornouaille des 1 et 23/6/1957 - ADQ 4 MI 106/6)
M. de Tinténiac, propriétaire du château de Brézal, suivant l'exemple d'un très grand nombre d'officiers et de nobles, commit la sottise de partir en émigration, laissant après lui à l'abandon son beau château de Brézal, ses terres, métairies et fermes si nombreuses, tous ses biens. Il emmenait avec lui en Angleterre sa femme, six de leurs enfants, encore bien jeunes pourtant, laissant à Brézal la dernière-née Marie-Eugénie qui n'avait encore que deux ans et demi, et qui fut confiée à la garde de sa nourrice, Marguerite Guillou, veuve Rolland.
Il s'imaginait sans doute pouvoir revenir bientôt au pays de Bretagne. Hélas, son exil durera près de dix ans, et quand il reviendra en France, il se trouvera presque complètement ruiné. Une loi du gouvernement révolutionnaire ordonnait de confisquer les biens des émigrés et de les mettre sous séquestre.
Le 26 mars 1792, le Directoire du district de Lesneven charge la municipalité de Plouneventer de faire l'inventaire des biens mobiliers laissés à Brézal. Les conseillers municipaux refusent de marcher, prétextant qu'ils n'ont pas les connaissances nécessaires pour s'acquitter d'une pareille commission. Le directoire envoie alors le citoyen Brichet, de Lesneven, qui, accompagné du citoyen Castaignet comme secrétaire-adjoint, procède les 2, 3 et 4 mai 1792, au séquestre et annotation des effets et de tous les autres biens mobiliers.
Or, c'était un beau et grand château, richement meublé, M. de Kerdanet, qui l'a vu dans sa splendeur parle avec enthousiasme de cette "magnifique demeure, des belles avenues du temps jadis, plantées d'arbres séculaires, ce parc, ces charmilles, cette fontaine et l'ormeau qui l'ombrageait, ces jardins délicieux si vantés autrefois dans la Basse-Bretagne... ". Au début de cette année 1792, le personnel de Brézal, en comptant les domestiques, était de 34 personnes.
D'après l'inventaire fait par Brichet, il y avait 52 chambres, portant chacune un nom : Chambre du marquis, chambre des demoiselles, chambre des nourrices, etc... Parmi les objets annotés, nous trouvons des lits carrés ou à tombeaux, garnis de couettes de plume, des fauteuils rembourrés, un piano en bois des îles, un billard, un calice en argent, 5 chasubles et étoles et autres ornements qui servaient pour la messe dans la chapelle du château ou à l'église voisine de Pont-Christ. Argenterie : des girandoles d'argent, des bougeoirs avec bobèche en argent, 4 chandeliers ayant 4 bougeoirs argentés et dorés, sans compter les riches couverts d'argent et de cristal, qu'on avait cachés en terre mais qui seront par la suite tous découverts. En lingerie, Brichet a noté 84 douzaines de serviettes fines, 50 grandes nappes, 96 draps de toile. Dans la cave, il trouve 6 barriques de vin rouge, 3 barriques de vin blanc, 80 bouteilles de vin rouge d'entremets, 17 pintes et 13 bouteilles d'eau de vie et cognac. Puis il s'en va vers les commmuns et il y compte un étalon, cinq chevaux de carrosse, une jument, une pouliche, cinq vaches, deux boeufs, un porc, une truie ; au chenil, une meute de 29 chiens de chasse, qui servaient pour les chasse à courre, sangliers, cerfs et chevreuils dans grands bois de Kerfaven.
Furent chargés de la garde des objets séquestrés : Marguerite Guillou, François Cochard, Joseph Cam, Emmanuel Le Foll, René Martin, Charles Le Vézo, Anne Le Bras, Jean-Charles L'Heureux, cocher, tous domestiques de la maison de Brezal, Yves Lagadec, François Madec et Christophe Le Guen, ces trois derniers métayers et fermiers voisins du château. Voilà donc les domestiques chargés de la garde du château : mais qui les nourrira, qui les paiera ?
Bientôt, ils forment une pétition, et l'adressent à Me Ollivier l'aîné, de Landerneau, procureur et agent d'affaires de M. de Tinténiac. Me Ollivier leur répond : "tous mes attouchements sont suspendus ; je n'ai pas d'argent ; adressez-vous ailleurs".
La pétition est alors transmise au Directoire de Lesneven qui, à son tour, l'adresse aux citoyens Guillier et Poulain, administrateurs du département à Quimper, et "comme la chose est pressante, disent-ils, nous vous invitons instamment à nous faire parvenir une prompte décision". La décision ne tarda pas à arriver : "Vendez les chevaux, les bêtes à cornes et la meute de Brézal". (Lettre du 25 juin 1792).
La vente fut fixée au jeudi 5 juillet 1792 et annoncée par affiches apposées à Plouneventer et dans les communes voisines. Une autre chose pressante : on était en juillet, c'était la récolte des foins des prairies non affermées : "quant à cette récolte, disait M. Cren, procureur-syndic de Lesneven, je pense qu'il serait plus avantageux de les faire vendre sur pied, au plus offrant et dernier enchérisseur". Il fut ainsi décidé, et le citoyen Brichet fut de nouveau désigné pour aller à Brézal procéder à ces deux ventes. Après quoi, l'on put payer aux domestiques les salaires qui leur étaient dus, et leur donner de quoi se nourrir tant qu'ils resteraient au château.
Le mobilier, vendu en 1793, ne rapporta à l'Etat que la modique somme de 29.044 francs. Puis ce fut le tour du château et son poupris, parc, jardins et toutes autres appartenances et dépendances, le tout acheté, le 11 thermidor an 4 (31 juillet 1795) par Radiguet Etienne et Valentin Dominique, de Landerneau qui les revendirent, le 15 prairial an 6 (4 juin 1797) à un nommé Le Tom, de Paris, par l'entremise de Me Ollivier, notaire à Landerneau. Me Ollivier agissait au nom de M. Le Tom, ancien serviteur de de M. de Tinténiac, croyant que Le Tom, de son côté, acquérait au nom de M. de Tinténiac. Mais Le Tom acquérait pour lui-même, et eut même l'audace de venir habiter le château. Honni de tous, et conspué par tous les habitants du voisinage, il revendit Brézal le 27 ventôse an 10 (17 mars 1799). En 1808, Brézal, de nouveau vendu, fut acheté par M. Pouliquen, ancien maire de Brest, et revendu en 1814 par la veuve Pouliquen à M. Malin, capitaine de vaisseau, domicilié à Toulon dont la fille, épouse de M. Dodin du Breuil, le vend en 1837 à M. Denis Véron, directeur de l'Opéra, qui voulait devenir éligible dans ce pays pour la députation. N'ayant pas réussi, il se débarasse de Brézal en 1847 et le cède à M. Guillaume Le Roux, marchand de toile à Landivisiau.
EN EMIGRATION
Séquestre et vente de biens nationaux (source "Bretagne et Vendée" de Pitre-Chevalier)
... Déjà, le nouveau ministre de la justice, Danton, frappait à coups redoublés sur la France monarchique et religieuse, et particulièrement sur les provinces de l'Ouest.
- Il faut, disait-il, une convulsion nationale pour faire reculer les despotes, il faut que le peuple se porte en masse sur ses ennemis pour les écraser d'un coup. . . . .
On dressa la liste des émigrés, de leurs biens, de leurs enfants et de leurs proches. Leurs receveurs et leurs intendants, sous peine de se voir traités comme suspects, apportèrent leurs comptes aux comités de surveillance. Ce fut dans toute la Bretagne un bouleversement général de l'ancienne société, une immense hécatombe de propriétés séculaires.
- Vous avez chez vous quelques fusils de chasse et du plomb à giboyer ? - Suspect ! Rendez-vous avec votre famille au district. Et malheur à vous, si vous ne criez pas : Vive la Nation ! A bas la Monarchie !
- Vous êtes une femme dont le seul crime est de porter un beau nom, Madame de Coatanscours, de la Bretèche, ou même simplement madame de Tronjoly ? - Suspecte !
- Vous recevez vos amis à votre château ? - Conciliabule !
- Vos fermiers ne vont pas à la messe des jureurs ? Impiété !
- Vous relevez une tourelle croulante ! - Attentat à la sûreté publique.
On vous enlève de votre maison, on vous jette dans une chapelle ou dans un couvent gardé par les nationaux ; vos domestiques vous y apportent à manger, s'ils en ont le courage ou les moyens ; et trois fois par jour, vous devez répondre à l'appel de la municipalité. Mais si vous avez un fils, un frère, un parent quelconque sur la liste de l'émigration, vous n'en serez pas quitte à si bon marché. D'abord, vous devez à la Nation pour chaque absent deux hommes armés et équipés, ci : 1201 livres 14 sols par tête. Ensuite, vos biens seront inventoriés, séquestrés et vendus à bas prix à ceux qui vous les enviaient depuis des siècles.
Fussiez-vous, comme Anne Parscaux, dame de Keryvon, restée seule à la garde du manoir de famille, une troupe armée jusqu'aux dents viendra frapper à votre porte et la forcer, si vous hésitez à l'ouvrir. Les commissaires mettront votre mobilier sous la main de la Nation. Ils se feront servir à boire et à manger dans votre salle. Plus ils vous dépouillerons, plus il faudra vous montrer généreux. des gendarmes resteront la nuit à garder vos appartements. Ils fouilleront vos paillasses, vos cloisons, vos papiers et vos meubles les plus intimes. Après quoi, ils vous laisseront la garde de vos biens jusqu'au jour de leur vente, avec menace de mort, si vous en détournez un fétu !
"Mais plus triste encore, dit M. Duchâtellier, sera l'aspect de cette autre maison veuve de ses maîtres, et qui brillait naguère de tout le luxe de ses hôtes. Plus de fanfares retentissantes et d'aboiements prolongés, aux jours d'une chasse où la noblesse des environs se donnait rendez-vous. Brezal, dont les Tinténiac et les Kersauson firent longtemps les honneurs, laisse vainement apercevoir de loin ses longues cheminées et ses combles élancés, la hache aura bientôt déparé cette belle demeure de sa riche ceinture de verdure, et déjà ses cours et ses avenues ne voient plus ces coursiers qui les parcouraient naguère avec tant de légèreté. Il y a bien encore quelques gens de service répandus ça et là dans les cuisines et les salles basses du château : mais on peut voir, à ces croisées restées ouvertes, à ces jalousies sorties de leurs gonds, à ces portes d'avant-cour qui ne se ferment plus, et que les animaux domestiques souillent chaque jour de leurs ordures, que les maîtres sont loin ... Cette maison a passé aussi sous la main de la Nation, comme en témoigne un procès-verbal de 1792.
"Les maîtres viennent de partir précipitemment, car voilà leur toilette et ses essences, une valise et ses guêtres de route, qu'ils n'ont point eu le temps de prendre. Plus loin, dans la bibliothèque, un bougeoir, des cahiers de musique sur leur pupitre, violon et son archet renversés à terre, avec la chaise qui les supportait."
Et il faut voir sur les procès-verbaux les estimations de ces riches mobiliers ! Vingt-trois volumes de gravures pour l'Encyclopédie : 10 livres. Ingrate Révolution ! - Un vieux portrait, peut-être un Rigaud ou un Mignard, 6 livres. - Ensemble : un coffret à feuilles d'or, sur son tabouret, un prie-Dieu, six cadres dorés et leurs gravures, une écritoire et une table à pieds de biche, total : 10 livres ! Tout cela est vendu à l'encan, et non-seulement tout cela ! Mais le château, la chapelle, le jardin, les grands bois, les plaines fertiles et les belles métairies ! - Et qui achète à vil prix ces biens nationaux ? - Ceux qui en ont chassé les maîtres dans cet espoir. - Quelquefois, hélas ! le serviteur qui feignait de pleurer leur départ. - Quelquefois aussi, disons-le, un honnête homme qui feint de voler pour restituer un jour !
1 Saint-Pierre-Montlimart est une ancienne commune française située dans le département de Maine-et-Loire, devenue le 15/12/2015 une
commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Montrevault-sur-Èvre. Elle est située au sud de la Loire, entre Nantes et Angers.
André J. Croguennec - Page créée le 28/12/2021, mise à jour le 4/1/2022. | |