Le moulin à papier de Brezal |
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Le moulin à papier de Brezal se trouvait sur l'Elorn. Le plan ci-contre montre la situation de cet ancien moulin par rapport :
Le 3è moulin de Brezal, celui dit de Brezal-Constançou, se trouve à la limite nord de Plouneventer, sur la rivière La Flèche.
Le moulin à papier se trouvait au lieu qui s'appelle
aujourd'hui "La Fonderie" (cf vue aérienne)
car c'est une fonderie qui l'a remplacé.
Le moulin à papier de Brezal sur l'Elorn près de Pont-Christ - plan du cadastre napoléonien de la commune de Plouneventer - section F
Cadastre napoléonien de Plouneventer : matrice des propriétés foncières - table alphabétique des propriétaires - 29/12/1829 (ADQ 3 P 205 / 4)
Propriétaire | Section | N° du plan | Lieu | Nom des parcelles | Nature |
Le Hideux Nicolas à Brest puis Le Hideux Philibert Augustin à Brézal 1849-1850 | F | 86 | Moulin à papier | Garenne du serpent | Lande |
F | 87 | Moulin à papier | Bois de Toulgrall | Taillis | |
F | 89 | Moulin à papier | La prairie des grandes pales | Pâture | |
F | 90 | Moulin à papier | La prairie des grandes pales | Pré | |
F | 91 | Moulin à papier | La petite prairie | Pré | |
F | 92 | Moulin à papier | Ilette | Pâture | |
F | 93 | Moulin à papier | Allée d'ormeaux | Pâture | |
F | 94 | Moulin à papier | Allée d'ormeaux | Pâture | |
F | 95 | Moulin à papier | Papeterie | ||
F | 96 | Moulin à papier | Maison Sol Bâtiments ruraux | ||
F | 96 | Moulin à papier | cour et aire | ||
F | 97 | Moulin à papier | Champ de l'aire | Terre labourable | |
F | 98 | Moulin à papier | Bois de l'île | Taillis | |
F | 99 | Moulin à papier | Champ du marronnier | Futaie | |
F | 100 | Moulin à papier | Champ du marronnier | Terre labourable | |
F | 101 | Moulin à papier | Champ de la pêcherie | Terre labourable | |
F | 102 | Moulin à papier | Champ de la pêcherie | Futaie |
Ce dessin provient de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert et montre le principe de fonctionnement d'un moulin à papier.
La "matière première", c'est le chiffon de chanvre, de coton ou de lin. Après avoir été débarrassée de toute impureté (boutons, élastiques, etc), elle est découpée en fines bandes au "dérompoir", puis subit un "pourrissage" durant quelques semaines, afin d'amollir les fibres. Ensuite, elle va être transformée en pâte à papier par les piles à maillet.
Ces bandes de chiffons, mélangées à de l'eau, vont passer successivement dans chacune des "piles", subissant une lente transformation.
Sur le dessin de l'encyclopédie, on voit très bien l'arbre à cames actionné par la roue du moulin, les cames soulevant progressivement tous les maillets. Pour chaque maillet il y a plusieurs cames. Tout le long de l'arbre, ces ergots sont disposés de façon à ce que tous les maillets ne se lèvent pas ensemble. Dans chaque pile, ils frappent l'un après l'autre, ce qui permet à la pâte d'être brassée. De plus, le maillet n'est pas tout à fait perpendiculaire à son manche, ainsi lorsqu'il frappe il imprime à la bouillie de chiffons une rotation pour rendre la pâte homogène.
En 1768 à Brezal, il y avait cinq piles. En 1776, il y en avait 4 ou 5 selon les archives consultées. Mais combien de maillets y avait-il par pile ? Sur le dessin de l'encyclopédie, on voit 4 maillets par pile, tandis que sur la photo qui suit, prise dans le moulin de Vallis Clausa à Fontaine-de-Vaucluse, il y en a 3.
Dans la pile la circulation d'eau est continuelle. Pour cela, elle est munie de différents trous et d'une sorte de bonde qui permet l'évacuation des eaux de lavage des chiffons.
Pour être plus précis, disons que c'est surtout dans la première pile que l'eau circule en abondance pour laver les chiffons, dans la deuxième, il y a moins d'eau. Dans les dernières piles, il n'y a pas de circulation d'eau.
Les piles possèdent d'autres trous pour recevoir des bras de force pour le transport.
On peut voir, plus bas, une pile en granit du moulin de la Sée à Brouains (Manche).
Pour réaliser du papier de qualité, il faut une eau pure. Qu'en était-il de celle de l'Elorn ?
Voici ce qu'en disait l'intendant de Bretagne autrefois, le 10/11/1776 : "Outre les rivières du pays de Fougères et d'Antrain, les eaux les plus réputées pour la fabrication du papier fin, propre à l'écriture et à l'imprimerie, sont celles de la Sèvre qui coule à Clisson, du Gouet à Saint-Brieuc, de l'Elorn ou rivière de Landerneau." (cf Hervé Du Halgouet, Coup d'oeil sur l'industrie rurale du papier dans la province de Bretagne et Archives Départementales d'Ille-et-Vilaine, dossier C.1504). Et, à l'appui de cet avis, on peut rappeler qu'il existait un autre moulin à papier sur la rivière, entre Sizun et Landivisiau, celui de Penn-ar-fers en Ploudiry. Il dépendait aussi de la seigneurie de Brezal. De plus, en 1772, les papetiers Joseph Gigant et François-Joseph Gigant, son neveu, projetèrent de créer, près de La Roche-Maurice sur l'Elorn, une grosse usine qui aurait largement dépassé les capacités de production des moulins existants. Malheureusement, ils ne purent réunir les capitaux nécessaires pour créer la société par actions de 40.000 livres qu'ils projetaient.
Remarque sur l'iconographie : Le moulin à papier a été mis en vente en 1879 et transformé en fonderie l'année suivante. Plus tard, il fut démoli après la cessation d'activité de la fonderie : il fallait bien chercher des illustrations ailleurs !
Sur le terrain, aujourd'hui, on trouve quand même quelques vestiges et quelques traces du moulin. Merci Danielle et Jean-Marc pour votre accueil sympathique.
Disséminées dans le parc du domaine, et renversées, on trouve encore de nombreuses piles à maillets. Leur poids, assez considérable, a permis leur conservation. Il serait intéressant de les retourner pour en examiner l'intérieur.
La pile sous la statuette mesure 0,60 x 1,30 m.
En 1809, le propriétaire du moulin est François Paul Gauchelet, imprimeur à Brest (cf le chapitre sur les propriétaires), qui fait faillite. Le moulin passe aux mains de Jean-Etienne Perrin, qui fait faillite aussi. Ces événéments successifs sont l'occasion de décrire et d'estimer la valeur du moulin par plusieurs inventaires. Voici un extrait que l'on trouve dans "la saisie immobilière des biens de Gauchelet, datée du 21/1/1809 :
... duquel moulin et dépendances la consistance suit, savoir :
- une maison manale construite en moëlon et couverte de genêts, ayant sa porte et deux fenêtres au midy et son pignon au couchant (A)
- au levant de la même maison dans le même alignement et sous la même couverture, un etre (*) appellé la salle qui n'en est séparé que par un mur de refend et a sa porte et une fenêtre au midy (A)
- au-dessus desdites maison et salle, il y a un grenier qui est éclairé par une fenêtre donnant sur la cour aussi du côté du midy (A)
- au couchant de la cour un édifice (B) appellé le moulin (*), construit en moëlon et couvert en ardoises, ayant ses deux pignons l'un au midy et l'autre au nord et consistant en trois parties principales, savoir :
1. l'ouvreu (*),
2. le moulin proprement dit dont la porte donne sur la cour,
chacune desquelles parties est éclairée par trois jours ou fenêtres et
3. l'étendeur (*) dans lequel, au bout du midy, il y a une petite chambre éclairée par une fenêtre du côté du couchant ; cet étendeur est fréquenté par un escalier extérieur qui conduit à sa porte pratiquée dans le pignon du midy
- au midy de ladite cour, vis à vis ledit moulin, est une écurie (C) aussi construite en moëlon et couverte de genêts ayant ses deux pignons l'un au levant et l'autre au couchant & sa porte et une fenêtre au midy
- au bout du levant de la dite écurie, un vieux hangard (D) sous pareille couverture de genêts
- au midy de ladite écurie et faisant face au jardin dont il va être fait mention, un bâtiment neuf appellé le fournil (E), construit en moëlon et couvert d'ardoises ayant sa porte et une fenêtre au couchant, deux ouvertures dans son pignon du nord & un jour dans sa cotière du levant
- le fonds sous lesdits édifices et cour contient 12 ares 15 centiares
- au couchant du moulin et de la cour, un jardin contenant 24 ares
- au nord dudit jardin et séparé de lui par le biais, une petite pièce de terre chaude (*) contenant 13 ares
- au levant de la salle, une aire contenant un are 80 centiares
- au levant de ladite aire, une petite pièce de terre chaude contenant 10 ares
- au levant de cette dernière pièce, autre pièce de terre chaude contenant 11 ares
Ces deux pièces sont bornées au midy par le biais qui conduit l'eau au moulin et les sépare des trois pièces qui suivent
- au levant de la partie inférieure de la cour, un champ terre chaude contenant 45 ares
- au levant de cette dernière pièce, autre champ aussi terre chaude contenant 42 ares
- au levant de ce dernier champ, une petite pièce de terre en partie froide et en autre partie marécageuse contenant 10 ares
- à l'extrémité otientale de la pièce qui précède les trois dernières, un pré fauchable contenant 20 ares
Lesdits édifices, cour, aire, jardin et terres s'entrejoignent et sont bornés au levant et midy par la rivière d'Elorn et aux couchant et nord par le chemin qui conduit du bourg de Pont-Christ et du château de Brezal en ladite commune de Plouneventer au passage de La Roche qui est sur le grand chemin de Landivisiau à Landerneau.
Les meubles et ustensiles d'attache dudit moulin hypothéqués avec lui par l'acte susdaté consistent en ce qui suit, savoir :
- dans l'ouvreu (*), une cuve en bois garnie de deux cercles de fer et d'un pistolet (*) de cuivre, un cuveau garni de quatre cercles de fer, une cacque (*) garnie de trois cercles de fer, une presse complète, deux bois de lit
- dans le moulin, un marbre (*) avec sa roue, quatre pilles ferrées et une à fleuret (*) avec leur trémiages et maillet, une cacque de pierre et les goutières
- dans la salle, une presse et un lissoir (*)
- enfin, dans le fournil, un fourneau avec sa chaudière de cuivre rouge, une presse et une scelle à mouille (*)
- plus, la vanne et cinq fausses vannes sur le biais, en mauvais état.
Remarque : les termes suivis d'un astéristique trouvent leur explication dans le lexique plus bas, avec des compléments concernant notre moulin.
D'autres documents, "scellés suite à la faillite de Perrin" du 8/6/1810 et un "autre inventaire" du 17/4/1811, apportent des précisions supplémentaires pour établir la description suivante :
Le moulin est le seul bâtiment de la papeterie qui soit couvert d'ardoises. On comprend cette priorité de bien protéger l'instrument de travail, ainsi que les produits, car c'est dans l'étendeur qu'est stockée la production, les rames de papier :
" Dans l'étendeur ou séchoir, un grand banc, une chaise en bois, un arrosoir fer blanc, une échelle, deux grandes futailles dont l'une pleine de colle et l'autre vuide,
12 piles de papier blanc petit raisin feuilles ouvertes donnant par réduction 20,849 mètres de hauteur,
8 piles de papier bleu petit raisin donnant feuilles ouvertes par réduction 14,591 mètres de hauteur,
3 piles de papier griffon bleu feuilles ouvertes donnant par réduction 5,522 mètres de hauteur,
2 petites piles de papier d'étoupe et de rebut donnant par réduction 1,624 mètre de hauteur,
8 paires de formes à papier, 27 portées de cordages servant à sécher le papier, c'est-à-dire 15 dans l'étendeur et 12 dans le grenier, 9 fertets (*) en bois, plusieurs tas de chiffons tant dans l'étendeur que dans le grenier, deux pelles en fer servant à curer, un râteau à dents de fer, une petite roue à brouette garnie de son cercle de fer, une masse de fer, une vis à pressoir, 9 sous-toile d'emballage, un batin (?), un mauvais drap de lit, deux morceaux de toile à voile, un doubleau bois de hêtre, une paire de ballance en bois avec corde et balancier de fer et un certain nombre de poids réglés au kilogramme" (document du 8/6/1810).
Le même document précise l'aménagement de la petite chambre à l'étage :
" Dans le cabinet pratiqué dans l'étendeur, un bois de lit composé de deux matelas de crin, un oreiller de plume, traversier de balle, deux draps de lit et deux couvertures de laine blanche, une table, trois chaises paillées, un tabouret, un petit coffre, 16 bouteilles de verre, une paire de forme à papier, une soupière terre brune avec son couvercle, une douzaine assietes terre de Quimper, deux plats ronds, deux idem ovales aussi terre de Quimper, un saladier fayance blanche, six cuillers d'étain, une fourchette de fer, une idem de cuivre jaune, une pile de feutres (*) de la hauteur de 1,290 mètre, un tas de chiffons et un chandelier de composition. "
B - en 1845 :
On connaît le type de roue qui faisait fonctionner le moulin et sa dimension par un document produit le 4/6/1845 pour la construction de la minoterie de La Roche-Blanche par les frères Huyot. Il fallait que la nouvelle minoterie ne gêne pas le fonctionnement du moulin à papier situé tout près en amont :
"...la roue à pales du moulin Le Hideux qui a 3,00 m de diamètre, pales comprises, et dont l'extrémité du diamètre vertical est à 0,24 m en contrehaut du radier..."
C - dans les années 1870 :
Voici un document, trouvé dans les archives notariales, qui décrit le moulin et le domaine. Il n'est pas daté mais on peut estimer l'année où il a été produit, par déduction à partir de son contenu. Le moulin n'était plus en activité et son propriétaire, Auguste Le Hideux, voulait donc le vendre. On en déduit qu'il a été écrit entre 1866, dernier recensement avec des papetiers, et 1878, par ou sous la dictée de Auguste Le Hideux qui est mort au moulin le 27/8/1878.
C'est presque le même texte qu'on retrouve dans le journal "Le Finistère" en février 1879 pour sa mise en vente par ses héritiers.
Vente de gré à gré
Le moulin à papier de Brezal et dépendances en Plouneventer à 5 km de la gare de Landerneau
Cette propriété située sur la rivière l'Elorn borde la route impériale N° 12 de Paris à Brest, offre par sa belle position et une communication facile tous les avantages pour y établir une grande industrie. Sa contenance d'après le cadastre est de 15 ha en taillis, prairie et terre labourable d'un seul tenant. On pourrait ajouter quelques hectares en plus qui sont à 2 km de l'usine.
L'usine se trouve placée sur un plateau formant l'îlot ayant 2 ha de superficie en terre labourable de 1ère classe et plantation de belles veines. Sur ce plateau on peut construire toutes espèces d'édifices et jardin. Derrière le moulin un très grand jardin couvert d'arbres fruitiers de rapport et une pépinière. Tout ce terrain borde la rivière et la route impériale sur une longueur de plus de 500 mètres. Bon pays de pêche et de chasse, on y prend du saumon. Il y a sur la propriété beaucoup d'arbres de différentes espèces et une grande quantité de jeunes arbres et plants et pépinière.
Le propriétaire ne s'occupant plus d'affaire peut livrer immédiatement une grande partie de la propriété et donner toutes facilités de paiement. Le notaire qui trouvera un acquéreur fera l'acte de vente. S'adresser pour visiter les lieux au propriétaire y demeurant.
Le matériel du moulin à papier étant usé ne sera compté par lui dans le prix de vente.
(source archives de Me Pellan - ADQ 156 J 96)
On lira ce qui les concerne dans un chapitre spécifique (cf le lien ici à droite) qui a pour objet :
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Voir chapitre suivant. |
CUVE ou CUVEAU : voir plus haut, au sujet des "cacques"
ETENDEUR ou SECHOIR (source Moulins à papier et familles papetières de Bretagne) :
ETRE : vu l'emploi de ce mot dans les différents textes, concernant le moulin à papier de Brezal, notamment de la façon suivante "les différents etres dudit moulin", je pense qu'il faut l'interpréter comme "les salles ou les pièces" d'un bâtiment.
FERTET (ou FERLET ?) :
FLEURET :
FEUTRE : C'est sur feutre que le coucheur retourne la feuille qui vient d'être fraîchement réalisée par l'ouvreur dans la forme. Le feutre devient le séparateur des feuilles dans la porse.
LISSOIR : Dispositif permettant de lisser le papier. Le lissage doit rendre le papier parfaitement lisse à l'aide d'une pierre.
MARBRE :
MOULIN :
OUVREU : une partie du moulin (voir MOULIN)
PISTOLET : voir CUVE
POTIN (source wikipedia) :
PRESSE ou PRESSOIR :
QUARTAUT ou QUARTEAU (source encyclopédie Diderot) :
RAME : Elle comprend généralement 500 feuilles, soit 5 porses.
SCELLE A MOUILLE ou PRESSOIR à MOUILLER :
TERRE CHAUDE : terre cultivée
TERRE FROIDE : terre en friche ou cultivée par intermittence
TREMIAGE :
André J. Croguennec - Page créée le 3/12/2013, mise à jour le 13/9/2016. | |