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Le Roc'h Morvan

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Voir aussi le chapitre :
Autour des ruines

 

Sur ce sujet pointu, je laisse parler les spécialistes, à l'exception de quelques remarques de ma part dans les encadrés verts, de liens vers d'autres pages de ce site... et de photos personnelles faites "in situ".

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Pour voir mes photos personnelles faites "in situ", cliquer sur les petits livres verts, présents dans les textes qui suivent.

Le château et son enceinte haute

Document réalisé à partir des textes et des dessins photographiés le 17/8/2010
sur le site du château lui-même et à l'exposition installée dans l'ossuaire de La Roche  (sauf encadrés verts).
Ces textes et dessins résultent des fouilles dirigées par Jocelyn Martineau de 2001 à 2007.

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Roc'h-Morvan. Entre archéologie et histoire (Le Télégramme du 06 avril 2009)

Jeudi, le maire, Jean-François Jaouanet, et les élus, ont inauguré l'exposition sur le château Roc'h-Morvan réalisée par Romain Fonteneau, Pierre-Mathieu Albert et Gaétan Quéléver, étudiants de l'IUP Métiers des patrimoines de Quimper. Classé monument historique en 1926, le château Roc'h-Morvan connaît une véritable renaissance. Propriété du conseil général depuis 1986, la demeure des seigneurs du Léon et des vicomtes de Rohan a été en partie redécouverte grâce aux recherches menées par l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques).

1.000 ans d'histoire : Les vestiges ont déjà été mis en valeur par l'association «Château et patrimoine rochois», au cours d'expositions sur Roc'h-Morvan et l'enclos paroissial. Les fouilles terminées, la municipalité a voulu permettre au public d'appréhender 1.000 ans d'histoire, le résultat de six années de recherche. Après huit mois de travail, trois étudiants de l'IUP Métiers des patrimoines de Quimper proposent une exposition qui se veut un outil de médiation entre les scientifiques et le public, la problématique restant la mise en lumière du travail conjoint et complémentaire de l'archéologue et de l'historien.

Le Roc'h Morvan : une forteresse féodale.

Le Roc'h Morvan est un roc'h, un rocher en breton, qui surplombe de 70 mètres la rivière Elorn. Ce promontoire escarpé procure naturellement un lieu de défense et une assise idéale pour une forteresse. Bâti et modifié par ses propriétaires successifs, il entre dans la catégorie des sites fortifiés de hauteur.

1 Les fouilles ultérieures de l'enceinte basse par Ronan Perennec donneront plus de précisions à cette date, entre 978 et 1027.

Avec ces dates, on se rapproche de l'année 818, date à laquelle Morvan Lez-Breizh luttait contre les Francs.

La présence d'une éminence rocheuse a dispensé ses constructeurs d'édifier un tertre de terre artificiel, une motte. Cependant, ils ont dû aplanir le sommet du rocher, combler des multiples anfractuosités par des murs de pierre et fortifier toutes les arêtes rocheuses par des murailles afin d'en renforcer les défenses naturelles.

Au XIè siècle, un dénommé Morvan, vicomte de Cornouaille 1, y érigea un château auquel il donna son nom. Le rocher a d'abord été nivelé pour servir de carrière de pierre. Puis, un premier château est édifié à l'emplacement de l'actuelle tour nord. Morvan cherche ainsi à protéger la Cornouaille des invasions des vicomtes de Léon, lesquels finiront, tout de même, par s'emparer de la place forte.

Les vicomtes de Léon s'en emparèrent vers le XIIè siècle ; un cadet de cette famille, Hervé Ier de Léon en fit alors la résidence des seigneurs de Léon, vers 1180. Au XIVè siècle, le château fut transmis par alliance aux vicomtes de Rohan qui y effectuèrent d'importants travaux avant de le délaisser au XVIè siècle. En 1987, un de leurs descendants, Josselin de Rohan, céda le château en ruine au département du Finistère. L'édifice a été inscrit au titre des Monuments Historiques en 1926.

 

I - Des origines à la redécouverte

Les bâtisseurs du château de La Roche-Maurice ont su profiter d'un exceptionnel site naturel pour y installer une fortification de hauteur. Le promontoire rocheux surplombe la confluence de l'Elorn et du ruisseau le Morbic d'une cinquantaine de mètres  . Ainsi l'édifice est naturellement défendu au nord et à l'ouest.

Les premières mentions du château, Rupe Morvan et Rocha Morvani datent de 1263 et 1281. Ces premières appellations, littéralement "rocher de Morvan", témoignent de l'importance de la situation topographique et nous livrent le nom probable du premier constructeur du château.

La ruine pittoresque qui domine le bourg de La Roche-Maurice était au Moyen-Age une imposante forteresse et la demeure d'un puissant seigneur.

Son abandon depuis le XVIIè siècle et le manque de documents historiques constituaient jusqu'alors un problème pour l'étude et la mise en valeur du site. Commencées en 2002 sur la partie supérieure du rocher, les fouilles archéologiques ont permis une meilleure compréhension du château. Grâce au travail commun et complémentaire des archéologues et des historiens, il est enfin possible de décrire l'évolution de son enceinte haute.

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Vue sur la vallée de l'Elorn depuis le château.

"Qu'elle était verte ma vallée !" ce 17 août 2010. Il avait bruiné quelque peu auparavant, c'est pour cela que l'on voit des gouttes de pluie sur le panneau donnant la chronologie des Léon, dans le paragraphe suivant.

 

II - Le château des Hervé de Léon

Légende du bandeau chronologique :

Les seigneurs et vicomtes de Léon, les deux branches de la famille,
et la descendance d'Herve Ier de LEON jusqu'à Josselin de ROHAN : voir ICI

 

L'installation des Léon

La surface du rocher était occupée au sud par le donjon et au nord par la tour triangulaire (phase 1). Entre ces deux ouvrages s'élevait un bâtiment mal connu pour les époques anciennes, comportant probablement des cuisines au rez-de-chaussée et des chambres à l'étage. Cet ensemble constituait le logis seigneurial, alliant aspects défensifs, domestiques et résidentiels.

Plusieurs indices révélés par les études stratigraphiques indiquent l'emplacement d'un espace résidentiel : des marques de feu au sol, un réseau d'évacuation d'eaux usées et la présence à proximité d'une glacière pour conserver les aliments.

Le logis était relativement petit, du fait de l'étroitesse du rocher. Un usage mixte des structures s'imposait, à l'image de la tour nord qui était à la fois un lieu de stockage au rez-de-chaussée et un habitat noble aux étages supérieurs. Sa forme triangulaire constituait aussi un bouclier contre les attaques ennemies.

 

En l'absence de données historiques précises, seules les fouilles archéologiques nous renseignent sur les deux premiers siècles de l'histoire du château. Le premier établissement fortifié, peut-être construit en bois, a été identifié à la surface du rocher et daté du XIè siècle par la méthode du carbone 14 mais on ne peut en proposer aucune restitution. La forteresse en pierre fut probablement construite vers la fin du XIIè siècle par Hervé Ier de Léon. Elle se composait d'une "salle à tour" orientée nord-sud, dans l'axe du rocher : le sol conserve encore la trace arasée du mur ouest de la salle et la paroi nord du donjon porte l'empreinte de l'ancienne toiture. La courtine ouest était bordée de deux petites tours semi-circulaires qui permettaient aux archers de tirer le long de la courtine. C'est la plus ancienne trace de flanquement médiéval qui a été observée en Bretagne occidentale. Elle témoigne d'une défense moderne dite "active", par opposition au système passif des siècles antérieurs : les défenseurs pouvaient ainsi repousser un assaut plus facilement.

Herve VIII de Léon naquit dans le château de Roc'h Morvan en 1341.

La demeure des Hervé de Léon (1180-1363)

Vers 1180, suite aux révoltes du vicomte de Léon Guyomarc'h contre le roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt, ses possessions sont partagées entre ses deux fils. Le cadet, Hervé Ier, s'établit dans la vallée de l'Elorn : il est le fondateur du lignage des seigneurs de Léon, tous prénommés Hervé. Son petit-fils, Hervé III, se révolte contre le duc Jean le Roux en 1241 : son château de La Roche-Maurice est semble-t-il pillé, Hervé III périt et son fief est temporairement confisqué par le duc. Ce n'est qu'en 1260 qu'Hervé IV de Léon fait sa soumission et entreprend sans doute la reconstruction de son château. Durant le siècle de paix qui suit, ses successeurs partagent leurs séjours entre La Roche-Maurice et le château de Joyeuse-Garde, édifié en lisière d'une forêt à l'ouest de Landerneau, leur "capitale". La guerre de succession de Bretagne, commencée en 1341, met fin à cette période de paix.

 

Le nouveau logis des Léon

Lorsque Hervé IV de Léon s'installe au château vers 1260, il le reconstruit à partir des structures existantes. On modifie le logis pour en faire une "salle à tour" (phase 2). Au nord du donjon, l'espace résidentiel est agrandi au détriment de l'espace ouest dont la largeur est diminuée. Il devient l'aula seigneuriale, une pièce de réception et de banquet. La lecture du bâti nous apprend aussi que le logis s'élève d'un niveau : l'empreinte de la toiture est encore visible sur la face nord du donjon.

La présence d'une cheminée à hotte conique  à l'étage de cette tour semble indiquer l'emplacement de la chambre seigneuriale.

Le château se caractérise donc par trois éléments distincts : le logis, le donjon et la porterie au sud, construite à cette époque pour en protéger l'accès.

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L'empreinte de la toiture est encore visible sur la face nord du donjon.

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La cheminée à hotte conique dans le donjon.

 

III - Un nouveau seigneur à La Roche-Maurice

Légende du bandeau chronologique :

Les Rohan ont-ils résidé souvent à La Roche-Maurice ?
Pas sûr. Ils y ont placé des capitaines pour garder le lieu.

Une forteresse ostentatoire (1363 - 1489)

En 1363, la seigneurie de Léon passe par mariage à Jean Ier de Rohan qui porte le titre de "seigneur de Léon" avant de le transmettre à son fils aîné. Ils résident à La Roche-Maurice à plusieurs occasions dans les années 1370 - 1380, quand le château sert de base arrière aux troupes franco-bretonnes qui assiègent les Anglais retranchés à Brest. Au XVè siècle, des impôts prélevés sur le commerce maritime à Landerneau sont affectés à la reconstruction du château de La Roche-Maurice, symbole de la prééminence des Rohan sur la vallée de L'Elorn. Leurs autres châteaux de Landerneau, Daoulas, Landivisiau et Coat-Méal devenus inutiles tombent alors en ruine.

Un logis plus confortable

Le logis, agrandi de deux étages, acquiert toute sa grandeur sous l'implusion des Rohan : il occupe alors toute la surface du rocher, sur trois niveaux (Phase 3 à 5).

Entre 1450 et 1460, deux cheminées accolées sont édifiées de part et d'autre du mur central du bâtiment. La cheminée sud, la plus imposante, révèle la présence de cuisines. Le rez-de-chaussée est entièrement réservé à un usage domestique. L'agencement de deux salles autour d'un mur de refend à deux cheminées adossées, disposition fréquente au bas Moyen-Age, doit se répéter dans les niveaux supérieurs d'habitat noble.

A l'est, on distingue encore les deux travées de fenêtres superposées qui éclairaient ces espaces au XIVè et au XVè siècles. La façade ouest ne conserve que celles du rez-de-chaussée, accessibles grâce à des gradins de pierre. Ces fenêtres étaient dotées de coussièges : un banc de pierre ménagé dans l'embrasure d'une fenêtre et intégré dans la maçonnerie.

La grande cheminée est celle de la cuisine du château, du temps des Rohan, comme l'évoque l'illustration ci-contre. Voir photo aujourd'hui  .

La fosse taillée dans le roc au pied de l'accès correspondrait à une glacière  , destinée à assurer la conservation de la viande, ou à une citerne, destinée à retenir l'eau de pluie. Elle était probablement obturée par une trappe.

Les deux meules à grains sont le témoignage d'une réutilisation du logis seigneurial au XVIè siècle.

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Les deux salles aujourd'hui.

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La glacière.

Le logis des Rohan :

Les vestiges des deux salles, qui subsistent en élévation, correspondent au logis édifié par les vicomtes de Rohan, suite à l'incendie du château des seigneurs de Léon, dans les années 1340. Elles prennent place entre le donjon et la tour nord de l'ancien logis et sont le fruit de deux campagnes de rénovation successives.

Les reprises de maçonnerie ont permis aux archéologues d'affirmer que la courtine qui s'était effondrée à l'est, fut rebâtie de fond en comble dans la seconde moitié du XIVè siècle. Un glacis incliné vint en outre renforcer la base nord du donjon. La grande salle primitive fut surélevée de deux étages et largement éclairée par deux travées de fenêtres, côté est.

Une deuxième grande phase de travaux fut engagée au milieu du XVè siècle, avec la construction d'un mur central auquel on adossa deux belles cheminées en granit. Ces travaux s'inscrivaient dans un contexte de rénovation de l'habitat de l'aristocratie bretonne, pendant le siècle de paix qui s'acheva avec les guerres d'indépendances de Bretagne, à la fin du XVè siècle.

 

IV - Aux origines de La Roche-Maurice

Aux XIè et XIIè siècles, la population augmente et les villages se multiplent. Quelquefois, les hommes s'installent à proximité d'un château afin de profiter de sa protection et des équipements seigneuriaux. C'est ainsi que naissent les bourgs castraux.

A La Roche-Maurice, un premier habitat existe à l'ouest du château, dans la basse-cour. A l'abri des murailles se dressent quelques maisons et dépendances, aujourd'hui enfouies sous des mètres d'éboulis. Les éléments caractéristiques d'un village n'apparaissent que plus tard, à l'emplacement du bourg actuel. Un oratoire dédié à saint Yves est attesté en 1363.

Sur le cadastre napoléonien le bourg possède déjà sa forme moderne : les maisons se sont multipliées et étendues sur une aire plus vaste. Cependant, la trame originelle et les éléments constitutifs du village médiéval sont encore bien identifiables. Le plan cadastral de 1811 témoigne de l'importance du château dans le développement de La Roche-Maurice. Le château est à l'origine de nombreuses installations marquantes du paysage urbain.

A partir de ce plan cadastral, des connaissances sur les bourgs castraux et de la toponymie, on peut proposer une reconstitution du plan du bourg de La Roche-Maurice vers la fin du Moyen-Age. Dans le haut-bourg, qui comptait peut-être dix à vingt maisons au XVè siècle, s'élevaient un four banal et un auditoire de justice et l'église. D'autres équipements existaient en contrebas du château, dans le bas-bourg : un moulin, un pont et un jardin seigneurial appelé "Le Verger".

 La Roche-Maurice, bourg castral

Aux XIè et XIIè siècles, les châteaux étaient parfois associés à un village. Le seigneur construisait alors une chapelle castrale pour y faire célébrer le culte. A La Roche-Maurice, un oratoire dédié à Saint-Yves est attesté en 1363 : il précède probablement l'église actuelle. Quelques clercs, des agents seigneuriaux, chargés de prélever des redevances sur les paysans des alentours, et des dépendants du seigneur s'installèrent à proximité. Le village s'élevait peut-ête initialement sur les pentes occidentales du château avant de s'établir à l'emplacement du bourg actuel où existaient un four banal et un auditoire de justice. En contrebas, le "bas-bourg" abritait quelques habitations, le moulin seigneurial et un jardin appelé "Le Verger". Le développement du bourg de La Roche, longtemps contrarié par le relief qui le surplombait au sud et par la proximité de Landerneau, a provoqué la disparition des défenses avancées du château, au niveau de la petite place qui accueillait autrefois plusieurs foires par an.

Le château entre la ruine et l'oubli

Le château, partiellement démantelé en 1489, est définitivement détruit lors des guerres de religion vers la fin du XVIè siècle. Dès 1641, des maisons sont élevées dans ses fossés et le village s'étend sur l'emplacement des ouvrages avancés au sud. En dépit des interdictions réitérés des propriétaires, le château est utilisé comme carrière de pierre jusqu'au milieu du XXè siècle et n'attire que quelques amateurs de curiosités. En 1926, la découverte d'une galerie et de salles souterraines près de l'entrée du château provoque une "chasse au trésor". Le château est alors inscrit au titre des Monuments Historiques. Ce n'est qu'à partir de son acquisition par le département du Finistère, en 1987, que d'importants travaux de consolidation sont entrepris.

 

V - Le Roc'h

Au XIè et XIIè siècles de nombreux seigneurs installent leurs châteaux sur un promontoire rocheux auquel ils donnent leur nom. En Bretagne, ces châteaux perchés prennent le nom de Roc'h : Roc'h-Helgomarc'h à Saint-Thois, La Roche-Derrien, La Roche-Bernard...

Les seigneurs de La Roche-Maurice disposent d'un site aisément défendable sur une hauteur escarpée, afin d'éviter la sape et l'échelade. L'enceinte est flanquée de tours semi-circulaires permettant de tirer des flèches au pied des murailles. Ces éléments défensifs peuvent rendre le siège de ce genre de forteresse long et indécis. Le donjon, deux fois plus élevé au XIIIè siècle que maintenant, est le symbole de la puissance des seigneurs de Léon sur toute la vallée de l'Elorn. depuis cette position, ils peuvent surveiller le pont en contrebas et le plateau du Léon vers le nord.

Le plan du château est caractéritique des fortifications perchées sur un relief. Les murs épousent le contour sinueux de l'éperon rocheux. Les fouilles ont permis de mettre au jour les vestiges de l'enceinte haute située sur le Roc'h. Cependant on peut estimer que 80 % des structures archéologiques sont encore enfouies sous la végétation et les éboulis : courtines, fossés, logis, porterie basse et caves.

La première enceinte

Au pied du rocher principal se dressaient d'autres bâtiments, adossés à une courtine aujourd'hui éboulée, dont on ne distingue plus que les deux extrémités. Une tour d'artillerie circulaire, implantée sur le rocher situé à l'est, défendait le pont-levis de l'enceinte basse du château à la fin du XVè siècle : ses murs étaient percés de canonnières. Elle pouvait ressembler à celles du château de Pontivy édifié par Jean II de Rohan à la même époque.

La basse-cour

C'est un enclos annexe qui s'étendait au Moyen-Age sur les pentes occidentales du rocher. On y observe encore quelques pans de murs corespondant à la muraille d'enceinte et à quelques vestiges de maisons déjà ruinées au XVIIè siècle. C'est peut-être là, sous des tonnes d'éboulis, que sommeille l'ancien village de La Roche-Maurice : les dépendances du château et les résidences des humbles, en contrebas de la haute-cour abritant le logis du seigneur.

Un "très bon chasteau fort"

C'est ainsi qu'est qualifié le château de La Roche-Maurice par son propriétaire, le vicomte de Rohan, en 1479. Le plan du château se développait autour du rocher le plus élevé qui servait d'assiette au donjon et à l'enceinte haute. La porterie haute se trouvait au sud-est tandis que le logis seigneurial était construit à l'abri de la tour, au nord. Une enceinte basse venait se greffer à l'est sur cet ensemble monumental fouillé de 2001 à 2007. Elle se raccordait à un second rocher moins élevé, où fut érigée une grosse tour circulaire vers la fin du XVè siècle.
Un important fossé, aujourd'hui presque complètement comblé, protégeait l'accès médidional de la place, du côté le plus vulnérable. A l'ouest, un enclos annexe était aménagé sur les pentes du rocher. Cette basse-cour, délimitée par une muraille, abritait peut-être le village primitif de La Roche-Maurice, très certainement enfoui sous des centaines de mètres cubes de déblais issus de la ruine du château.

Les pierres du château :

Les pierres du château ont bien souvent été extraites sur place, par mesure d'économie. Des schistes de couleur sombre assisés régulièrement et des blocs de quartzite de couleur grise, calés par des pierres plus petites, ont été utilisés dans les maçonneries. Seules les pierres des fenêtres, des portes et des angles du donjon sont en granit, un matériau extrait à quelques kilomètres au nord-ouest du château. La comparaison des divers appareillages nous renseigne sur les différentes techniques de construction.

Le château, l'archéologue et l'histoire :

En raison de la pauvreté des sources d'archives en Bretagne, le recours à l'archéologie a été indispensable pour étudier l'histoire du château de La Roche-Maurice. La fouille, l'étude du mobilier céramique, les méthodes de datation comme le carbone 14 et l'observation des murs en élévation ont permis de déterminer les grandes phases de construction avant et après 1263, date de sa première mention dans les textes. La Roche-Maurice est ainsi devenu un des jalons de l'étude des châteaux forts en Bretagne grâce à la collaboration entre archéologues et historiens. Elle permet en effet d'établir des correspondances entre les "archives du sous-sol" et les fragments d'histoire délivrés par les textes et ainsi redonner vie aux vestiges mis à jour.

 

VI - Les portes léonardes

L'analyse comparative :

L'archéologue doit toujours comparer les structures qu'il a mises au jour avec celles d'autres sites similaires. Ainsi, le type de défenses à poutres horizontales se trouve uniquement dans le Léon, au château de Joyeuse-Garde à La Forest-Landerneau ou de Trémazan en Landunvez. C'est ce qui nous permet aujourd'hui de parler de "portes léonardes".

Il est nécessaire de réaliser des croquis d'interprétation qui servent ensuite de base pour des modélisations en trois dimensions. Celles-ci rendent plus compréhensible une construction complexe comme la défense de la porterie.

La porterie haute : Les fouilles ont été l'occasion de mise au jour de la totalité de l'enceinte haute du château, notamment au sud, du côté le plus exposé de la place. La muraille y forme une sorte de bouclier défensif face à l'attaquant, en avant du donjon édifié vers la fin du XIIè siècle. Cette partie de l'ouvrage, appelée porterie, résulte d'aménagements successifs. Au XIIIè siècle, on accola dans l'angle sud-ouest du donjon une tour rectangulaire qui abritait trois rampes d'escaliers coudées donnant accès au logis seigneurial, au bourg castral et à la basse-cour du château. Elle fut très tôt renforcée par une muraille enserrant toute la partie sud du rocher avec une porte principale aménagée à l'est. Au dessus de cette dernière, les vicomtes de Rohan installèrent un logis rectangulaire, destiné à héberger le capitaine du château. Une tour circulaire flanquait l'extémité sud-est de cet ouvrage et en protégeait l'accès. Cette porterie fut démantelée en 1489, à l'issue du siège du château mené par l'armée du roi de France.

La porte est toujours l'élément le plus vulnérable du château : on y concentre donc un certain nombre d'éléments de défense. Habituellement une herse coulissant verticalement permet aisément d'en interdire l'accès. Elle est souvent associée à un assommoir qui permet de lâcher des pierres sur l'assaillant.

A La Roche-Maurice, des poutres en bois étaient encastrées horizontalement dans la maçonnerie  . En cas d'intrusion, elles pouvaient être rapidement tirées en travers des couloirs (voir ci-contre). Bloquées par des cales, elles permettaient de stopper l'avancée de l'assaillant.

Les assaillants étaient obligés de les détruire une à une pour progresser jusqu'au donjon. Des dispositifs similaires se retrouvent au château de Joyeuse-Garde, près de Landerneau, et au château de Trémazan en Landunvez. L'originalité de La Roche-Maurice tient dans le fait que ce dispositif est systématiquement associé à des chicanes qui devaient considérablement gêner l'attaque de la place. Il n'en subsiste plus aujourd'hui que les logements des poutres.

L'assaillant, qui serait parvenu à passer les herses du couloir menant au donjon, se retrouvait face à la porte d'accès au logis, au pied d'une nouvelle herse. Celle-ci était placée au milieu d'un escalier aménagé entre la paroi du donjon et une courtine, totalement éboulée de nos jours.

La porte du donjon s'ouvrait à plusieurs mètres de hauteur, comme c'était alors l'usage, et surplombait le couloir d'accès au logis.

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Des trous pour les poutres et une chicane.

 

VII - Le donjon

L'édifice le plus emblématique du château est le donjon  , dont la vocation est à la fois résidentielle, défensive et symbolique. La tour est en effet un signal fort du pouvoir seigneurial. Cela explique qu'elle ait été réparée de nombreuses fois, comme en attestent les multiples reprises de maçonnerie. L'étude archéologique des parements externes a permis d'identifier au moins cinq phases de construction différentes, entre le XIè et le XVè siècle. Le premier niveau, aveugle, est comblé sur environ 5 mètres d'épaisseur. Ces remblais non fouillés constituent une "réserve archéologique" qu'il est important de préserver pour les générations futures. Le deuxième niveau était accesible par la porte ouest, seul accès à la tour, logé en hauteur. La salle est ici agrémentée d'une cheminée à hotte conique qui indiquerait la présence d'une chambre ou d'une pièce d'apparât. Le troisième niveau était couvert par une voûte d'arête dont il ne reste plus que les retombées aux angles.

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A gauche, l'intérieur du donjon aujourd'hui, côté porte d'entrée et porte de l'escalier.      A droite, l'escalier pour monter à l'étage supérieur, vu d'en haut.

La cheminée à hotte conique se trouve sur le côté opposé (voir plus haut "le nouveau logis des Léon").

La tour maîtresse préservée :

Le donjon carré de la Roche-Maurice est un des rares édifices de ce genre conservé en Bretagne, avec ceux de Châteaubriant (44), de Hédé (35) et de Trémazan en Landunvez (29). Bien souvent ces tours ont été ruinées et exploitées comme carrière de pierre et seules leurs bases maçonnées ont été épargnées, comme au sommet des mottes léonardes de Lesquelen en Plabennec ou de Lamber en Ploumoguer. ici, la préservation de la tour est due aux vicomtes de Rohan qui ont pris soin d'empêcher sa démolition, en tant que témoin de l'ancienneté du lignage de Léon. Ces seigneurs prétendirent être les premiers barons de Bretagne au XVè siècle et revendiquèrent le titre de "princes de Léon" au XVIè siècle. Dans le même temps, ils faisaient travailler des historiens chargés d'établir leur généalogie et de la faire remonter au légendaire Conan Meriadec.

 

 

VIII - La tour nord

Dominant la confluence entre l'Elorn et le Morbic, une puissante tour en éperon se dressait au nord du château. Son volume intérieur de plan triangulaire permettait de disposer de trois petites pièces superposées. Un couloir permettait également d'accéder à une petite porte, une poterne. Elle donnait sur le chemin de ronde de la basse-cour, probablement pour faciliter le cheminement des gardes en charge du guet.

 

IX - Le trésor de La Roche-Maurice

Les fouilles ont permis de mettre au jour divers objets enfouis  dans les couches stratigraphiques. Un bon nombre correspond à la dernière période d'occupation du site. Ce sont principalement des céramiques, des fragments de verre, des objets métalliques ou des pièces d'armement. Ces découvertes sont d'une grande importance pour les scientifiques. Elles peuvent donner des indications de datation, notamment lorsqu'il s'agit d'une monnaie (Exemple : une monnaie émise sous Louis XI. Son expertise a permis de dater la couche stratigraphique où elle fut trouvée de la période de démantèlement du château). Les objets de la vie quotidienne nous renseigne aussi sur les modes de vie des occupants du site.

Quatre paires d'éperons à molette ont ainsi été découvertes au Roc'h Morvan, lors de la fouille de la porterie. Il s'agit d'un modèle fréquent entre la fin du XIIIè siècle et le XVè siècle. Elles ont certainement été enfouies par les occupants au moment de leur reddition en 1489. Il pourrait s'agir d'un trésor de guerre, dissimulé dans l'espoir d'être récupéré plus tard, ou simplement de l'équipement des soldats.

La présence d'armoiries non identifiées sur ces éperons a éveillé la curiosité des historiens. Il est possible de faire un lien entre ces éperons et un acte de 1495 selon lequel un vassal de Daoulas a fait don d'éperons au seigneur de La Roche-Maurice en 1487, en signe d'allégeance.

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Le trésor : éperons et pièce de monnaie.

X - Un château assiégé

Pour s'emparer d'un château comme celui de La Roche-Maurice, les assaillants mettent en place un siège. Cela consiste à encercler la place forte de manière à la couper de tout approvisionnement ou renfort et à le bombarder de projectiles. On a aussi récupéré, dans les champs des environs, des pierres qui ont été utilisées comme boulets contre les assaillants.

Les stigmates laissés par un siège peuvent compliquer la compréhension d'un site, et sont difficiles à repérer de manière précise parmi d'autres causes de destruction.

En 1489, pendant les guerres de Bretagne (1487-1491), le Roc'h Morvan est assiégé par les troupes françaises. Une canonnade sur le donjon a provoqué la disparition totale de l'escalier d'accès. Il semble donc impossible de rétablir l'état de cette partie de la forteresse avant le XVIè siècle.

Le travail complémentaire de l'archéologue et de l'historien.

Les fouilles ont montré que le château a été partiellement détruit lors d'un siège au milieu du XIIIè siècle. L'archéologue a pu l'identifier par l'étude du bâti et la datation au carbone 14. L'historien a ensuite fait le lien avec un texte de 1263 précisant que le seigneur de Léon ne pouvait poursuivre un de ses vassaux pour des "affaires" datant du décès de son père. On sait que ce décès intervint lors du conflit opposant Hervé III de Léon au duc vers 1241. C'est donc probablement à cette même date que le château a été détruit. Les différences dans l'appareillage de la tour nord témoignent d'une reconstruction rapide suite à cette destruction.

 

XI - La découverte du patrimoine

Les successions difficiles, les problèmes financiers, l'installation à la cour de France et enfin la conversion des Rohan au protestantisme expliquent le délaissement de la forteresse au XVIè siècle. Elle subit un incendie, lors des guerres de religion, vers 1590.

La ruine est abandonnée à partir du XVIIè siècle, mais les ducs de Rohan réclament toujours le paiement du droit de guet aux habitants de La Roche-Maurice et des environs.

En dépit des interdictions des ducs de Rohan, les habitants de La Roche-Maurice utilisent les pierres du château pour construire leurs maisons : il devient une carrière de pierre.

Ce n'est qu'après la Révolution que quelques voyageurs commencent à s'intéresser aux vestiges. Jusqu'ici délaissée, la ruine est redécouverte au XIXè siècle. Des écrivains, des artistes en font l'objet de leurs rêveries, livrant descriptions littéraires et représentations artistiques.

Dans le même temps, une autre préoccupation apparaît : la conservation d'un "patrimoine national". Cette nouvelle nécessité se traduit par la création en 1830 du service des Monuments Historiques. Désormais, les écrivains ne rêvent plus sur les ruines mais appellent vigoureusement à leur sauvegarde, à l'image de Victor Hugo qui dénonce les "démolisseurs".

Au delà de l'archéologie ... La littérature : une autre approche.

Ces lignes du chevalier de Fréminville à propos de La Roche-Maurice illustrent bien ce nouvel intérêt porté aux ruines : "Rien n'offre un aspect plus romantique que les ruines de ce vieux château [...]. Ce donjon consiste en une enceinte de figure à peu près triangulaire [...]. Du côté du Sud est une grosse tour carrée dans laquelle se remarque les restes d'une salle avec sa cheminée [...]. A l'angle opposé à cette tour, on en voit une autre de forme triangulaire." C.-P. de FREMINVILLE, Antiquités de Bretagne, 1832.

 

XII - De la ruine au monument

Avec son inscription aux Monuments Historiques en 1926, le château passe du statut de ruine à celui de "monument". Il s'ensuit une lente maturation pour que dans les esprits, l'idée de le conserver fasse son chemin. La renaissance s'amorce en 1987 lorsque le duc de Rohan 2 cède les ruines au département du Finistère.

2 Descendants d'Herve Ier de LEON jusqu'à Josselin de ROHAN : voir ICI

Dans les années 1990, les structures sont consolidées par le Conseil Général et déjà valorisées par l'association "Château et patrimoine rochois". Les premières démarches archéologiques, sondages et relevés des vestiges, sont entreprises sous le contrôle du Service Régional de l'Archéologie de Bretagne. Commencées en 2002, les campagnes de fouilles programmées par l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives s'achèvent en 2007. Six campagnes de fouilles ont permis d'explorer le logis seigneurial qui n'est qu'une partie d'un ensemble plus vaste. Certains espaces comme le rez-de-chaussée du donjon n'ont pas été fouillés. Cela constitue une réserve archéologique pour les fouilles ultérieures.

 

XIII - Les fiefs des seigneurs de Léon et de Rohan

La carte représente les possessions des vicomtes de Rohan : fiefs initiaux (en Bretagne centrale et est) et fiefs apportés par Jeanne de Léon (en Finistère).


Les fiefs de Léon en vert sont ceux de la branche cadette après le démembrement de la vicomté réalisé par Henri II Plantagenêt. La branche aînée, Guyomarc'h de Léon, ayant conservé les territoires plus au nord (Lesneven) et le pays d'Iroise actuel (sauf la bande de Coatmeal).

L'enceinte basse

Les textes qui suivent résultent des fouilles dirigées par Ronan Perennec dans l'enceinte basse de 2013 à 2020, 1 mois par an de mi-juillet à mi-août.
Ces fouilles doivent se poursuivre encore jusqu'en 2025, notamment sur la partie qui jouxte l'enceinte haute, et seront suivies d'une analyse par les experts.
Les textes suivants sont donc provisoires.

Un château complexe et atypique

source https://www.finistere.fr/index.php/Le-Finistere/Le-Finistere-un-patrimoine-archeologique-remarquable/Le-chateau-de-Roc-h-Morvan
 

Il s'agit d'un château à enceintes multiples, se développant sur près d'un demi-hectare, entouré de larges fossés. On dénombre trois principales enceintes :

Il aura connu 6 cycles de constructions et destructions, jusqu'à son abandon final et son utilisation comme carrière de pierres.

La forteresse en pierre construite vers la fin du XIIème siècle, adaptée à la topographie complexe du site, se composait d'un donjon au sommet du piton rocheux et de bâtiments entourés de murailles. A l'ouest et au sud, des petites tours semi-circulaires permettaient aux archers de tirer le long du rempart.

En 1489, le château est démantelé par les troupes françaises pendant les hostilités qui voient le rattachement de la Bretagne à la France. Des travaux importants sont entrepris vers 1500, par Jean II, vicomte de Rohan, pour moderniser le château et l'adapter aux récents perfectionnements de l'artillerie.

Dans son émission L'instant été du 18 août 2020, la chaîne de télévision Tébéo a réalisé un reportage sur le chantier du fouille, vous pouvez le découvrir sur le site web de Tébéo (début à 4 minutes et 20 secondes).

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Plan du château, par Bertrand Grall, 2021
Centre départemental de l'archéologie du Finistère
Mes commentaires : 1 Tours semi-circulaires encadrant l'entrée. 2 Mur de la braie. 3 Pont-levis. 4 Pont dormant. 5 Citerne. 6 Tour de la courtine nord.
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 Ce qui reste de la courtine nord, avec la tour 6 et la citerne 5.
Avec un reste de muraille au premier plan et un autre, assez large, en haut au fond. Photo A. Croguennec, le 23/8/2021.

Sur le site on peut lire l'explication suivante : "Le rempart nord était flanqué par une tour, qui servait aussi de contrefort pour stabiliser la courtine. Cet aménagement, probable au XIIIè siècle, est bien attesté dans la première moitié du XIVè. Dans la seconde moitié du XIVè siècle, les constructeurs y installèrent une citerne, indispensable à la vie sur ce piton rocheux. Elle était en partie alimentée par des caniveaux situés dans la salle la plus proche, qui récupéraient les eaux de ruissellement des reliefs de quartzite."
 

La récente cristallisation des ruines de l'enceinte basse a mis en évidence des éléments d'architecture :
1. la muraille sud,
2. la braie,
3. la base du mur de la braie.
A droite, se trouvait le fossé et le pont-levis précédé du pont dormant. Au fond, on voit les ruines de la tour d'artillerie, avec en bas à droite quelques belles pierres de schiste.


Un certain nombre de rapports ont été publiés sur le net, dont celui de 2015. Voici un extrait de la conclusion de ce rapport :

" Il paraît donc assez bien établi dorénavant qu’une occupation s’est développée très tôt sur la plateforme orientale. ... Il est même possible qu’elle puisse être peu ou prou contemporaine de l’établissement du château de pierre sur le Roc’h. Il ne s’agirait donc pas d’une extension tardive. ...

 Porte d'accès à l'enceinte basse, encadrée de deux tours, précédée d'un pont fixe et d'un pont-levis.

Deux petites tours semi-circulaires (que l'on voit représentées, en gris, sur le plan précédent) ont donc été établies sur l’aplomb de deux à-pic rocheux. Leur proximité, la topographie des lieux et la présence d’un mur joignant les deux tours sont autant d’éléments permettant d’envisager la présence d’une porte défendue par un châtelet. ... L’hypothèse de la porte de ce côté s’accorde aussi assez bien avec ce que l’on sait de l’évolution ultérieure du château : la présence d’une douve renforçant les défenses sud est bien attestée. Un pont-levis est par ailleurs mentionné dans un devis de charpente de 1493 1. Cependant, si l’identification de ces deux tours à un châtelet d’entrée est plausible et tentante, elle n’est pas encore définitivement assurée. La confirmation ne pourrait sans doute venir qu’en poursuivant la fouille des sondages entamés, et en développant la surface ouverte sous le chemin contemporain qui coupe l’enceinte basse en deux. ... "

1 Devis des travaux de charpenterie à faire au château de La Roche-Maurice, février 1493, AD56 20 J 224. (Cf. Kernévez 2005, t. 1 et Kerhervé 1982).
Voir ici, vues 115, 119 et 201.

Voir aussi le rapport de 2020, dont quelques remarques sur le pont-levis, page 77 :

 Précisions sur la localisation du pont-levis et la nécessité de poursuivre les fouilles.

" En l’état actuel des connaissances sur le château et sa topographie, le pont-levis mentionné dans un devis de charpenterie en 1493 ne pouvait qu’être en lien avec une porte dans M 2416 (mur de braie partant de la tour d'artillerie, voir sur le plan plus haut), peut-être en face de la porte de l’enceinte basse. On ne peut que regretter, de ce point de vue, l’importance des dégradations occasionnées par de nombreuses tranchées électriques à cet endroit, mais aussi la récupération assez poussée des matériaux dans le secteur : l’emplacement exact de ce pont-levis ne pourra sans doute être documenté que par une intervention dans le fossé comblé, via d’éventuels vestiges de pont dormant ".

Explications complémentaires

Schéma de principe

BRAIE, Braye. C’est un ouvrage de défense élevé en avant d’un front de fortification, laissant entre le pied des murailles et le fossé une circulation plus ou moins large, servant de chemin de ronde, et destiné à empêcher l’assaillant d’attaquer le pied des murailles.

Le mur de braie borde la braie du côté du fossé. A La Roche, le début de ce mur de braie ou ce qu'il en reste, on peut le voir distinctement, plus bas, sur la photo aérienne de la tour d'artillerie. A gauche de la photo, partant de la tour, à droite des caissons remplis de pierres.

MOINEAU. Le moineau est un petit ouvrage fortifié apparu dans l’architecture militaire au XVe siècle afin de compléter le dispositif défensif des systèmes de fortification. Casemates adossées à l’escarpe, établies au pied des courtines ou sous les arches des ponts dormants, les moineaux étaient destinés à permettre aux défenseurs de battre le fond des fossés par des tirs rasants. Les embrasures de tir qui y étaient aménagées pouvaient être des canonnières ou des arbalétrières. Dès le XVIe siècle, l’amélioration de l’armement et les progrès de l’architecture militaire firent évoluer le moineau vers le modèle plus perfectionné et mieux protégé de la caponnière.

   

Essai de représentation du pont-levis à La Roche-Maurice
en face de la porte de l’enceinte basse

- Le pont dormant (fixe), en bois, franchit une partie du fossé.
- Le mur de la braie est interrompu pour laisser place au pont-levis.
- Après avoir franchi la braie, l'accès à l'enceinte basse se fait entre les deux tours semi-circulaires.

Schéma réalisé d'après le texte trouvé aux archives :
"Le divis de ce qu'il est nécessaire à faire au château de La Roche du mestier de charpanterie. Et premièrement le pont leveix et le pont dormant et un petit huys en la porte qui joignt ledit pont leveix avecques ung petit pont pour entrer en ladite porte. Item est nécessaire faire l'uys de la porte [...] de deux pièczes et que en la plus grande [...] (on fasse un) guichet [...]." (AD56 20 J 224).

La porte d'entrée était donc en 2 parties : une grande porte charretière et une petite pour les piétons (guichet).

La porte d'entrée ne comportait probablement pas de herse, car en Léon les accès étaient obstrués en cas d'attaque par de grosses poutres. D'où les deux trous visibles sur la tour de droite pour leur insertion. On peut encore observer ces logements de poutres dans l'enceinte haute (voir plus haut) et dans l'entrée de la tour d'artillerie.


Dernières nouvelles archéologiques du château de La Roche-Maurice (29/9/2020)

source https://www.radioevasion.net/2020/09/29/dernieres-nouvelles-archeologiques-du-chateau-de-la-roche-maurice/  
 

Les fouilles programmées du château de La Roche-Maurice ont lieu tous les ans en été. Cette année aussi, le chantier a pu être mené à bien avec huit bénévoles, même s'ils étaient moins nombreux que d'habitude et même s'il a fallu composer avec les règles sanitaires anti-épidémie (en particulier pour l'utilisation des outils de fouille).

L'archéologue spécialiste du Moyen Âge, Ronan Pérennec, a dirigé le chantier qui s'est concentré cette année 2020 sur une "nouvelle" tour mise au jour l'an dernier à l'Est du donjon. Une tour d'artillerie du XIIIe siècle avec une petite cave dont il a fallu tamiser le sol en terre pour découvrir les "résidus" de l'époque, si précieux pour les archéologues.

Les multiples vies du château, dès le XIe siècle

1 Ces nouvelles campagnes de fouilles, dirigées par Ronan Perennec, font remonter un peu plus haut dans le temps, ou en tout cas plus précisément, la date de construction du château initial. Suite aux fouilles de Jocelyn Martineau (voir plus haut), cette date avait été placée au XIè siècle.

La journaliste demande à l'archéologue si l'on peut penser qu'avant la construction en pierres il y eut une construction en bois. Ronan Perennec répond que non, car le creusement de trous dans ce type de roche pour y placer les poteaux de bois est très difficile. Par contre, y construire des murs en pierre est plus aisé.

Chaque année, on en apprend un peu plus sur ce château aux enceintes multiples et aux structures superposées. On sait désormais que le premier édifice a été construit entre 978 et 1027, grâce à la datation de l'angle d'une courtine et d'un sol. 1 Le château a donc émergé en même temps que les grandes familles : les vicomtes de Cornouaille ont d'abord occupé le château, puis leurs ennemis, les vicomtes de Léon, de l'autre côté de l'Elorn, l'ont emporté et se sont emparés de la place.

Le château est en fait détruit une fois par siècle, au fil des révoltes des vicomtes contre le duc de Bretagne ou d'autres conflits. L'édifice est à chaque fois reconstruit, s'adaptant aux normes de défense des époques.

Au XIVe, c'est le vicomte de Rohan qui devient propriétaire de la forteresse et qui décale les remparts vers le bas. Posées sur les rochers, les murailles paraissent plus imposantes.

A la fin du XVe, lors de la guerre franco-bretonne, l'armée française tient Brest et décrète qu'il est impossible de tenir deux places fortes ; le château de La Roche-Maurice est jugé trop puissant et on préfère le détruire pour éviter qu'il ne tombe aux mains de l'ennemi (les Bretons). Il est cependant reconstruit encore au XVIe siècle. On rebâtit rapidement la structure pour pouvoir lever l'impôt de guet, très lucratif. Les aménagements intérieurs n'interviennent qu'ensuite.

Les vicomtes ne résident pas à La Roche-Maurice ; c'est un capitaine et une garnison qui y vivent. On sait qu'ils consommaient beaucoup de poissons et fruits de mer (surtout des huitres) et toutes sortes de viandes, y compris des oiseaux dont on a retrouvé les nombreux ossements.

Il reste encore deux étés de fouilles archéologiques au château de La Roche-Maurice.

D'après l'interview de Ronan Perennec

Le 18 juin 2022, à l'occasion de la Saint-Hervé et des journées de l'archéologie, Ronan Pérennec nous a fourni des informations
complémentaires, lors d'une conférence en mairie et d'une visite, sur les lieux, de l'enceinte basse (voir ici).

 

La tour d'artillerie et l'enceinte basse
vues d'en haut en 2020
1 Braie. 2 Mur de la braie. 3 Pont-levis : emplacement supposé. 4 Emplacement des tours semi-circulaires. 5 Entrée de l'enceinte basse. 6 Citerne. 7 Latrines.
8 Salle. 9 Escalier monumental 10 Salle orientale. 11 Tour d'artillerie.   <==    Afficher / Effacer les repères sur la photo.
11 Tour d'artillerie : la tour n'est installée qu'au XVIè siècle, partiellement sur des ouvrages antérieurs arasés. Elle protège les accès les plus vulnérables et le pont-levis. Elle était complètée au-delà du fossé sud par un boulevard d'artillerie, une fortification qui est aujourd'hui sous la route d'accès et une partie du bourg.
On y remarque l'entrée de l'escalier d'accès à la prison. En 1493, avant la construction de la tour, il existait déjà une prison qui avait besoin d'entretien. Elle aurait pu se trouver dans la salle 2, voir plus bas.
1 à 6 Voir plus haut.
7 Latrines. 8 Salle.
9 Escalier monumental : cet escalier donnait accès à la partie orientale de l'enceinte basse.
10 Salle orientale : bâtiment indépendant au XIIIè siècle, cette salle est à partir du siècle suivant intégrée dans un vaste logis, de 36 m. de longueur intérieure, pour 10 à 13 m. de largeur interne, le long du rempart nord.
Elle comprenait une cheminée, un évier, une fenêtre à coussièges, des latrines,... qui en faisait une pièce résidentielle. Le mur de façade comprenait une porte monumentale en arcade.
 

Début janvier 2021 : Initialisation du chantier de cristallisation et de valorisation des vestiges du château (phase 2) engagé par le conseil départemental du Finistère. Il porte sur l'ensemble de l'enceinte basse, située à l'Est du château, et sur les vestiges qui ont été révélés par les fouilles archéologiques menées de 2014 à 2020, notamment la tour d'artillerie. L'aménagement s'inscrit dans la continuité de la phase 1, qui portait sur la mise en valeur de la poterie, du donjon et du logis, et il comprend :
- les travaux de conservation et de restauration des maçonneries fragiles,
- l’ouverture du site au public avec la mise en place d’un parcours de visite sécurisé,
- la valorisation et la compréhension des vestiges par une mise en lumière et une signalétique adaptée (parcours d’interprétation).
Il est prévu un recalage et un rejointoiement des dallages de schistes existant, pour permettre leur utilisation (grand escalier). Une volée de marches permettra d’accéder à l’intérieur de la tour d’artillerie. Seule la première pièce sera accessible. Le chantier devrait durer 6 mois. Source Château et Patrimoine.


Les travaux sont réalisés par l’entreprise Maison Grevet de Guingamp spécialisée dans la restauration du patrimoine ancien et des monuments historiques. Ils ont déjà oeuvré sur les remparts du château de Pontivy ou encore sur une tour du château de Josselin. Information donnée par Gilles Moysan.

Lors de la cristallisation et le remontage d'une partie des murs avec les éboulis présents sur place, une marque est insérée entre les pierres pour mémoriser la hauteur réelle des murs au moment des fouilles.

La zone intermédiaire entre les deux enceintes

Des fouilles de la zone intermédiaire entre les enceintes basse et haute (le bas du donjon) se sont
poursuivies par les chantiers du 19/7 au 31/8/2021, entre mi-juillet et mi-août 2022 et lors de l'été 2023.

  Donjon  * ^  /   / 
 Découverte de fragments de vitrail 
  en 2019 (cf rapport de 2021)
 Porterie haute   Tour d'artillerie   << Chemise de la tour porte

Salle 1 : Contenait une sorte de puisard,
qui a été bouché.

Salle 2 : Aurait pu accueillir une prison
avant 1493.


Salle 3 : si la salle 3 n’a pas été fouillée exhaustivement, son assimilation à une cave/glacière ou une citerne est plus que probable. Quoiqu’il en soit, glacière ou citerne, la salle 3 est un espace accessible uniquement depuis l’étage, par la salle 5.

Salle 4 : Partie d'un complexe culinaire, associée à la salle 5. Un vaste foyer central a été mis au jour dans la salle 4, ainsi qu’un foyer secondaire contre le mur pignon, les deux aires de chauffe se rejoignant d’ailleurs. Mur en gros appareil régulier.

Salle 5 : Autre partie du complexe culinaire. Salle accolée à la courtine nord-ouest, avec une cheminée contre le mur ouest. Cette présence "permet d'envisager une fonction liée à la cuisine, dès le XIVè siècle, d’autant plus que cette salle est le seul accès à la salle 3 située en contrebas, identifiée comme une glacière ou une citerne".

Salle 6 : Mur en gros appareil régulier.

Possible salle haute au-dessus de ces salles à la fin du Moyen-Age : grande salle d'apparât.
Pour le voir Afficher / Effacer le plan de l'étage.

(d'après le rapport des fouilles de 2022)

Des inconnues de taille subsistent encore quant à la compréhension du fonctionnement des citernes, mais ces parties n’ont pas été approfondies cette année. On ne connaît en effet rien des systèmes d’alimentation de la citerne de la tour nord, ... Pour rappel, étant donné l’absence de source ou de puits sur le Roc’h Morvan, les captages alimentant les citernes étaient vitaux pour assurer l’habitabilité des lieux dans de bonnes conditions, et garantir ses occupants d’une mauvaise surprise en cas de siège" (Rapport des fouilles de 2022).

Durant le programme estival de 2023, « nous avons mis à jour, dans la cuisine de l’enceinte basse, un foyer central de l’habitation. Nous avons eu une belle surprise dans cette cuisine. Nous avons découvert un niveau de forges que nous devrons vérifier lors des fouilles de 2024 ». Pour le moment, « une masse de forgeron très cramée apparaît. Il manque tout de même des matériels pour vérifier si cet endroit a toujours été une cuisine. À l’époque, les forges se faisaient dans n’importe quelle pièce. Cette cuisine est une cuisine fonctionnelle, par rapport à celle existant dans l’ensemble architectural, à l’étage au dessus. » (d'après Ouest-France du 8/10/2023)

Le front sud de l’enceinte basse [dès le XIIè siècle] nous est désormais connu en intégralité : la courtine, deux tours formant châtelet, encadrant la porte de l’enceinte basse 1, et une tour d’angle avec l’enceinte haute. Cette dernière est une tour porte, permettant un accès à la plateforme aristocratique. Elle est défendue par une chemise... ...
Tour et chemise sont positionnées sur le socle rocheux, à mi-pente, en contrebas de la courtine sud-ouest, qui est perchée sur une falaise. (Rapport des fouilles de 2022)

1 La tour orientale sera arasée au XIVè siècle.

Les dernières fouilles ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du château : « Il est apparu un passage en hauteur, derrière le rempart sud, qui permettrait d’accéder à l’enceinte haute et à la partie orientale de l’enceinte basse. Ce cheminement établi sur des supports maçonnés semblables à des piles de pont permet de mieux comprendre le fonctionnement du château et la circulation des habitants. » - « Il peut avoir un impact sur la valorisation future du site. En effet, un pont sur arche va être réalisé. Les études de reconstitution se feront en 2024. Quant au choix des matériaux, cela pourrait être en bois ou en maçonnerie », note Ronan Perennec. (d'après Ouest-France du 8/10/2023)

Video de reconstitution des ruines à partir d'images prises par un drône accompagnée d'une belle musique moyen-âgeuse. Voir la video 

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Video de reconstitution des ruines (source Référence drône https://reference-drone.fr/ ).

Chez Référence drone, on a décidé de modéliser les ruines en 3D pour offrir un point de vue totalement différent ! Voici le résultat du traitement de plus de 500 photos par photogrammétrie.

La photogrammétrie est une technique de mesure qui consiste à déterminer la forme, les dimensions et la situation d'un objet dans l'espace à partir de plusieurs prises de vues photographiques de cet objet.

Après quelques centaines de photos traitées, quelques heures de travail pour le processeur et pour Stéphane, voici la modélisation 3D du Château de La Roche-Maurice. 😎
Ce projet ambitieux lui a permis d'aborder tous les aspects de la photogrammétrie pendant sa semaine de formation, de la préparation du vol à la génération d'un maillage 3D, en passant par la prise de vue par drone, le traitement du nuage de points et la géolocalisation du projet.
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Voir la video originale    

(A SUIVRE)

Les capitaines de La Roche-Maurice

par Patrick Kernevez et Robert Le Roy
(source http://www.tudchentil.org/spip.php?article551)

Dans son mémoire de 1479, Jean II de Rohan, attache une importance particulière au château et à la capitainerie de La Roche-Maurice : « Est-il que de tout temps ladicte seigneurie a esté emparée d'un très-bon, fort et grand autre chasteau fort et puissant de deffense autant ou plus que chasteau de Bretagne, nommé la Rochemaurice, qui grandement a servy et peut servir quand le cas en adviendra à la tuition et garde des biens subjets de tout le païs. Auquel chasteau y a eu de tout temps et a capitaine, lieutenant et garde cotidiennement, laquelle capitainerie vault communs ans audit capitaine de trois à quatre cens livres et mesme n'est le guet en icelle seigneurie levé qu'en la dixième partie d'icelle seigneurie. Auquel chasteau et capitaine lors que la mer ou costé devers la terre dudit vicomte est pris aucun morhotz, les preneurs sont subjets sous peines de grosse amendes les apporter et offrir audit capitaine qui les pourra prendre et retenir à juste prix pour ledit vicomte. Et est tout ce vray et notoire au païs et en la partie ».

On voit parfois ce capitaine apparaître dans les actes notamment passés à Landerneau à la fin du XVe siècle : il était un des hommes de confiance du vicomte de Rohan, assisté d'un lieutenant car le capitaine pouvait cumuler cette fonction avec d'autres.

Sources d'information



logo André Croguennec
 Compilation de textes et de photos par André J. Croguennec le 1/12/2020, mise à jour 30/11/2023