Le Chevalier de Freminville

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Biographie

Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville (né le 24 janvier 1787 à Ivry-sur-Seine - décédé le 12 janvier 1848 à Brest), est un officier de marine, savant, archéologue et écrivain français. Capitaine des frégates du roi, il est fait chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis et de celui de l'ordre du Christ de Portugal. Il sera par ailleurs membre des sociétés de philomathique et d'histoire naturelle de Paris.

Engagé dans la marine à 14 ans, il est muté à Brest en 1803. Le 3 octobre 1815, il épouse Adélaïde de La Nouë, 28 ans, fille de Guillaume XIII-Toussaint, comte de La Nouë des Aubiers, seigneur des Salles, en Ploubazlanec, près de Paimpol. Il en aura deux enfants, Raoul et Elisa.  Puis le couple se séparera et Adélaïde partira vivre avec leurs enfants auprès de sa soeur et de sa mère au château des Salles. Le chevalier continuera à naviguer.

Jeune encore, il se trouvait lieutenant de vaisseau sur la Néréide. Un jour le bateau séjourna aux Antilles, et plus précisément aux Saintes. Fréminville, passionné d’histoire naturelle, passait ses journées à s’intéresser aux plantes, aux insectes, aux coquillages. On l’avait surnommé Monsieur Coquille ou Monsieur Papillon.  Il ne regardait même pas les jolies créoles de l’île. Il menait une vie qu’il trouvait passionnante jusqu’au jour où, en essayant de cueillir une branche de corail, il manqua se noyer. Après avoir été roulé par les vagues et projeté sur des rochers, il se réveilla dans une jolie chambre.

Il avait été recueilli par une jeune et riche veuve qui vivait là avec sa soeur Caroline. Sa convalescence fut agréable et rapide. Il passa des moments délicieux à se promener, à parler ou à écouter de la musique... et, on s’en doute, il était devenu très amoureux de Caroline lorsque brutalement il reçut l’ordre de rembarquer. On était alors en 1822. Caroline tomba évanouie en apprenant la nouvelle. Puis elle passa des jours et des mois sur la plage à guetter le retour du bateau. Un jour, enfin, elle vit la Néréide au loin, mais le navire n’approcha pas de l’île et poursuivit son chemin : il avait encore une certaine mission à remplir. Caroline crut que le navire repartait en France et fut désespérée.

Lorsqu’un peu plus tard, Fréminville revint aux Saintes, il se dirigea vers la maison de Caroline. Il entra, mais il n’y avait personne. En passant près du cimetière, il vit une tombe toute fraîche. Sur la dalle se trouvait gravé le nom de celle qu’il aimait. Elle avait cru que le bateau ne reviendrait plus jamais et elle s’était noyée le soir du 3 novembre 1822 en tenant serrées contre elle les lettres qu’il lui avait écrites.

Fréminville tomba malade, il eut une fièvre très violente, il délira plusieurs jours. On eut peur qu’il perde la raison.

X

Dessins de Fréminville

X Christophe-Paulin de LA POIX de FREMINVILLE, né le 24 janvier 1787, Ivry-sur-Seine, décédé le 12 janvier 1848, Brest (à 60 ans).
Marié le 3 octobre 1815, Ploubazlanec, avec Adélaïde de LA NOUE, dont

Une fois guéri, il semblait normal mais, en retournant à Brest, il rapportait avec lui la robe avec laquelle on avait retrouvé Caroline. Et cette robe, il lui arrivait souvent de la vêtir. Il en arrivait parfois à se croire être la jeune fille qu’il avait aimée, comme s’ils ne formaient plus qu’un. Il signait souvent Caroline et écrira même un petit livre sous ce nom. « Parfaitement raisonnable sur tout ce qui concernait et sa profession et la science, écrira Lenotre, il était devenu fou du seul amour qu’il avait connu. » On le verra même signer ses lettres "La chevalière de Fréminville".

 

       La chevalière de Fréminville.

Ecrivain prolixe et érudit, il fait l'éloge du costume féminin et produit de nombreux ouvrages sur la navigation. En 1836, il organise la réédition de l'ouvrage de Cambry Voyage dans le Finistère ou État de ce département en 1794 et 1795 publié une première fois en 1799, en y ajoutant des notes personnelles. Parallèllement, en plusieurs tomes, il publie son ouvrage Les antiquités de Bretagne. Amoureux de la Bretagne, il réside à Brest entre deux campagnes et y prend sa retraite. Il décède de maladie en cette ville en 1848.

"Fréminville, nous dit Gilbert Siou, est encore cité aujourd'hui pour ses observations archéologiques. Celtomane, romantique, naturaliste, "antiquaire", franc-maçon, marin et chouan à l'occasion, il laisse dans la mémoire des Brestois, qui l'acceptent tel qu'il est, l'image d'un travesti savant, et d'un Templier d'un autre âge".

Mais, ce qui nous intéresse beaucoup en lui, c'est son apport à notre histoire de Pont-Christ Brezal, La Roche-Maurice et ses environs.

Les textes de Fréminville sont écrits sur fond jaune clair.

En résumé : Passionnante figure que celle de Christophe-Paulin de la Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville (1787-1848). Officier de marine, voyageur, naturaliste, érudit et archéologue, le Chevalier de Fréminville entreprend dès 1810 et jusqu'à sa mort en 1848 une exploration des monuments de la Bretagne qu'il dessine. Il publie de nombreux ouvrages entre 1827 et 1844 sur des "antiquités de la Bretagne", département par département (Morbihan, Finistère et Côtes-d'Armor). Il y fait paraître quelques uns de ses dessins mais la très grande majorité devait rester inédite. La vision du Chevalier de Fréminville s'inscrit bien dans la période romantique qui privilégie les temps reculés, les monuments celtiques, propices au mystère et le Moyen âge. La fiabilité des dessins comme témoignage archéologique reste toutefois sujette à caution tant dans le détail que dans l'aspect général.

Antiquités de la Bretagne

 La Roche-Maurice :

En 1832, le chevalier de Fréminville décrit les vestiges de la place forte :
« Rien n'offre un aspect plus romantique que les ruines de ce vieux château ; le rocher sur lequel il est bâti domine une vallée dans laquelle serpente la rivière d'Elorn ; les escarpements, les pointes de ce rocher, les tours ruinées et couvertes de lierre qui le couronnent, ont une âpreté sauvage qui contraste fortement avec le riant aspect du paysage environnant.»

De Fréminville écrivait encore : "Il est assez difficile, d'après ce qui en reste, de juger quel a été l'ensemble du plan de La Roche-Morice ; des pans de murs à demi-écroulés, des massifs de maçonnerie qui se voient ça et là sur le flanc du rocher du côté de l'Est, semblent indiquer qu'il y avait une enceinte extérieure, et que toute la bâtisse placée au sommet n'était que le donjon ou réduit principal du château. Ce donjon consiste en une enceinte de figure à peu près triangulaire et dont le mur, formé de larges quartiers de granit et de schiste, a huit pieds d'épaisseur. Du côté du Sud est une grosse tour carrée dans laquelle se remarque les restes d'une salle avec sa cheminée. On voit encore dans les angles de cette salle la partie inférieure de la retombée des voûtes qui soutenaient la plateforme. L'escalier par lequel on y montait est pratiqué dans l'épaisseur du mur. Ce même escalier se prolongeant inférieurement, descendait dans un souterrain creusé dans le roc vif et que l'on a comblé il y a une vingtaine d'années. A l'angle opposé à cette tour, on en voit une autre de forme triangulaire et qui est comme suspendue sur la partie la plus à pic du rocher. Une troisième tour de figure carrée présente ses débris sur un monticule attenant au rocher, elle paraît avoir fait partie de l'enceinte extérieure dont on voit les restes bien marqués du côté qui donne sur le village de La Roche ; on y remarque les bases de deux énormes tour rondes qui défendaient le portail."

C.-P. de FREMINVILLE, "Antiquités de la Bretagne : Finistère", Brest, 1832, p. 261-266.


Lire des compléments sur
Les antiquités de la Bretagne, Finistère, vol. 1, page 261.

Voir le château de La Roche sur le site de Pont-Christ Brezal.



Tombeau de François du Com :

L'église de Lannilis date du 16è siècle. Dans le cimetière qui l'environne on voit un tombeau remarquable, celui de François du Coum ou du Com, écuyer, seigneur de Kerangars. On ignore la date de sa mort, mais il vivait en 1534, ainsi que le prouve une montre datée de cette année et sur laquelle il figure. Sur ce tombeau est couchée sa statue dans l'attitude ordinaire, c'est-à-dire les mains jointes. Elle représente ce guerrier armé de toutes pièces. Au-dessous des tassettes qui sont le bas de sa cuirasse, paraît le haubergeon ou cotte de maille que beaucoup de militaires portaient alors encore par dessous leurs armures de lames (voyez dans la 3è partie de nos Antiquités du Morbihan la description de ce genre d'armures) ; à gauche de la statue est posée son épée et à sa droite sa dague ou miséricorde. Ses pieds sont appuyés sur un lion qui tient un os dans ses pattes de devant. La tête de François du Com est nue, elle paraît reposer sur une sorte de suaire que deux figures d'anges tiennent étendu.

Ce monument n'était point originairement en ce lieu, mais dans la chapelle particulière du Com d'où il fut transporté dans le cimetière de Lannilis.

Aujourd'hui, le gisant se trouve dans la chapelle du château de Kerjean.

Famille Du Com

 Tanguy du COM. Marié avec N. COETMENEC'H, dont

La famille Du Com blasonnait d'or au pélican en sa piété d'azur : Le pélican, se déchirant la poitrine pour nourrir ses petits, symbolise le sacrifice du Christ pour sauver les hommes.

La mère de François du Com était une Coetmenec'h et, de plus, François épousa Isabelle de Brezal en 1511. Nous sommes donc en pays de connaissance : voir généalogie de Brezal et le combat de la Cordelière.

Le château de Quimerc'h à Bannalec :

Ce château fut entièrement rasé en 1828. Heureusement, le chevalier de Fréminville a eu le temps de le connaître, d'en faire ce beau dessin et la description qui suit :

... le beau château de Kymerc'h ; sa situation est admirable entre la lisière d'une belle forêt de hêtres et les bords d'un vaste étang. Au nom de ce château, véritable forteresse, se rattachent les souvenirs des brillantes époques de la chevalerie, et ses tours majestueuses portent l'empreinte de la gloire et de la puissance féodales. Son plan est carré et le portail se trouve du côté qui regarde l'étang, en face de la chaussée qui le traverse. Il y a grande et petite porte à arcades ogives, et qui étaient fermées chacune par une herse et un pont-levis. Le corps de garde est pratiqué à droite, sous la voûte de la petite porte ou porte de rondes. Deux tours rondes, jointes par une courtine, à galeries saillantes et machicoulis, forment la défense du portail. Au-devant de la tour de droite lui a été adossée, dans des temps moins anciens, une forte tour hexagone. Ces tours surmontées de toits en flèches, avec de grandes fenêtres accompagnées d'ornemens gothiques.

 

A l'angle droit de la façade est une tour ronde, moins forte que celles du portail ; aux angles opposés du carré sont deux autres tours rondes, dont celle de gauche, qui est la plus forte de toutes, était le réduit ou donjon. Une tourelle qui lui est jointe y sert de cage d'escalier. Les remparts, qui unissent toutes ces tours l'une à l'autre, ont huit pieds d'épaisseur ; le tout est parfaitement bien construit en pierres de taille, et eût bravé pendant des siècles encore les efforts destructifs du temps.

Tout annonce dans le château de Kymerc'h une construction du 13è siècle, mais quelques additions paraissent y avoir été faites dans le 14è et 15è.

Tel était ce château, dans l'état où on a pu le voir encore il y a quelques années  mais aujourd'hui, au moment où je publie la description, le voyageur, l'artiste, l'antiquaire le chercheraient en vain aux lieux que dominaient ses tours seigneuriales. Entièrement rasé, en 1828, par celui qui le possédait, on ne trouve plus à la place qu'une maison de plâtras, un édifice moderne, bâti sans goût, sans règle, et de la plus bizarre architecture. Détournons les yeux, et reportons notre attention sur les souvenirs qu'a laissé l'ancienne forteresse. ...

Lire la suite sur Les antiquités de la Bretagne, Finistère, volume 2, page 157 et Cotes-du-Nord rectificatif, page 396.

Sur le site de Pont-Christ Brezal, on trouvera dans le chapitre des veillées de Brezal, l'histoire du coq de Quimerc'h qui s'est noyé dans l'étang et des précisions sur la famille de Hyacinthe de Tinténiac qui épousa une fille de Brezal.
 

Le château de la Joyeuse-Garde :

En quittant Beuzit, je traversai la forêt de Landerneau (Land-Ternok, pays de Ternok) ; cette forêt est souvent indiquée dans les chroniques de la table ronde. A sa sortie, je trouvai les ruines du célèbre château de la Joyeuse-Garde, non moins fameux dans les mêmes chroniques. C'est en ce lieu qu'habitait Lancelot du Lac et la blonde et charmante Yseult, et ce château encore existant quoiqu'en ruines est un monument de plus pour prouver que les romans appelés de la table ronde et composés dans la Bretagne armorique par les bardes armoricains, ne sont que d'anciennes histoires qui célèbrent les héros du pays...

Lire la suite sur Les antiquités de la Bretagne, Finistère, vol. 1, page 266.

Le château de la Joyeuse-Garde sur le site de Pont-Christ Brezal.

Recueil de dessins

Les antiquités de Bretagne ne contiennent pas d'illustrations. Les dessins présentés ici proviennent de ce recueil conservé à la Bibliothèque Municipale de Brest.
Quand on a lu la biographie de Fréminville on comprend sa remarque "le poids des maux que j'ai souffert".

Les armes et la devise, présentes ici, sont celles de la famille de Robien :
« D'azur à 10 billettes d'argent, 4, 3, 2 et 1 » avec la devise « Sans vanité ni faiblesse ».


 

Voyage dans le Finistère de Cambry, notes de Fréminville

Les chapitres qui nous intéressent s'appellent "District de Landerneau" et "District de Lesneven". Ils correspondent au découpage administratif de la fin du 18è siècle. Mais je n'ai pas trouvé de passages particulièrement intéressants, de mon point de vue, relatif à notre histoire de Pont-Christ Brezal et de ses environs. L'édition que j'ai consultée est celle rééditée en 2000, avec une préface d'Alain Boulaire - Ed. Du Layeur, Paris.

District de Landerneau :
p. 213 Les principales communes du district sont Landerneau, Plougastel, Ploudiry, Sizun, Irvillac, Hanvec, Landivisiau, Le Faou. Le territoire de Ploudiry est riche en terre de labour, en prairies ; il est coupé de landes, de vallons, de côteaux, de prairies. Le principal commerce du pays se fait en toiles ; ...

Le château de la Joyeuse-Garde
sur le cadastre napoléonien

 

p. 231
p. 232
... le château de la Joyeuse-Garde 6, la forêt qui jadis servait d'asile à tant d'ermites, où, sans doute, Pélias, Méliadus, Tristan-le-Léonnais éprouvèrent tant d'aventures, séjour d'amour et de merveilles ...
Le château de la Joyeuse-Garde se présente sous l'aspect de pans de murs épars, au milieu desquels est un tertre circulaire couvert d'un joli gazon : de là on aperçoit l'Elorn, la forêt et les rochers saillans, brisés, suspendus sur l'abîme de la côte de Plougastel. Ces rochers sont des schistes mêlés de grands filons de quartz ...
6 Le château de la Joyeuse-Garde, dont les ruines se voient encore, est célèbre dans les romans de Lancelot et de Tristan-le-Léonnais (romans qui, nous le répétons, ne sont que des chroniques historiques de l'ancienne Bretagne). Les légendes des Saints bretons en font aussi mention (voir, dans le P. Albert Le Grand, la vie de Saint Thenenan) mais les ruines actuelles de ce château ne sont sûrement pas celles de l'édifice qui existait du tems des héros de la table ronde, tout y prouve qu'elles sont les restes d'un édifice du 12è ou du 13è siècle ; la forme ogive de son portail, qui est encore debout, la figure carrée de son plan, dont on peut suivre les fondations, ne peuvent laisser de doute à cet égard dans l'esprit de tout Antiquaire exercé. Cet édifice du reste a été incontestablement reconstruit sur l'emplacement même du château primitif. On voit aussi dans son enceinte un souterrain voûté en pierre, qui peut peut-être remonter à l'époque où Tristan et la belle Yseult ont habité ce lieu célèbre.
La lithographie qui, dans la 2è édition de Cambry, représente le portail de la Joyeuse-Garde, est tout à fait infidèle.

District de Lesneven :
p. 142 Le district de Lesneven ne possède aucune manufacture. Il existe une papeterie à Brezal, commune de Plounéventer ; mais faute de chiffon elle ne travaille plus.


 

Annexe - Le chevalier de Fréminville par Louis Le Guennec

Vieux souvenirs bas-bretons - Le chevalier de Fréminville et les antiquités du Finistère dans La Dépêche de Brest du 15/10/1932

Avant que l'année s'achève, la Société archéologique du Finistère serait bien inspirée de commémorer, tout au moins dans le procès-verbal d'une de ses séances d'automne, le centenaire de la publication du premier ouvrage exclusivement consacré aux antiquités du département. Cet ouvrage, édité à Brest en 1832, chez Lefournier et Deperiers, libraires, rue Royale, n° 86, a pour titre : « Antiquités de la Bretagne, par M. le chevalier de FRÉMINVILLE, capitaine des frégates du Roi, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, de l'Ordre militaire et hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, membre de la Société royale des Antiquaires de France. »

Au-dessous d'une épigraphe empruntée à Ossian, ou plutôt à Mac-Pherson : « O Pierres ! de concert avec les chants des Bardes, préserverez-vous mon nom de l'oubli ? », apparaît le mot essentiel : Finistère, indiquant que, dans la série entreprise par l'auteur, ce volume concerne le plus occidental des cinq départements bretons. En regard du titre, une vignette lithographiée représente « Guillaume Tanguy (sic) du Chastel », grand-pannetier du roi Charles VII, tué au siège de Pontoise en 1441, l'épée à la main, couvert d'une armure complète et muni d'un écu chargé des armes de sa maison : fascé d'or et de gueules de 6 pièces, que surmonte la devise : S'il plaist à Dieu ; plus connue sous la forme bretonne : Mar car Doe.

Dès l'an VII (1798-99), Cambry avait publié, à Paris, en cinq volumes illustrés, d'après les dessins de Valentin, le récit du voyage effectué par lui, en 1794 et 1795, dans le Finistère, pour rechercher, cataloguer et sauver les objets d'art échappés au vandalisme de la Terreur. Mais cette oeuvre estimable, sorte d'inventaire plein de renseignements curieux d'aperçus originaux, d'impressions personnelles présentées avec agrément, ne fait à l'archéologie, à la description des monuments du passé, qu'une place secondaire. Le chevalier de Fréminville s'assigna un but plus restreint, conforme au goût passionné qui s'était éveillé en lui, dès les premiers mois de sa résidence à Brest, pour les mégalithes, les églises les châteaux et les manoirs finistériens. Il voulut relater les trouvailles et les constatations qu'il avait faites en parcourant, un peu au hasard, certaines parties du département.

Ces sondages lui révélèrent une telle richesse archéologique qu'une fois parvenu au bout des 324 pages in-8° de son livre, il se rendit compte qu'un second tome encore plus volumineux serait indispensable, non pour compléter la statistique monumentale du Finistère — qui à l'heure actuelle n'est pas encore achevée — mais seulement pour signaler et décrire les édifices anciens qu'il lui avait été donné de rencontrer au cours de ses pérégrinations érudites.

¤ ¤ ¤

C'est le 15 avril 1826 que le capitaine des frégates du Roi, alors âgé de 39 ans, entama, par une belle matinée printanière, l'exploration méthodique de notre département. Il était très qualifié pour une besogne de ce genre. « Curieux de tout, entreprenant, instruit, appliqué, depuis son engagement dans la marine à (...) recueillir, sur les contrées vers lesquelles les hasards de sa carrière le poussaient, des notes et des observations ethnographiques de tout genre, il dessinait agréablement et pratiquait avec une égale ardeur l'entomologie, la botanique, la minéralogie et la zoologie », dit de lui son dernier biographe, M. Lenôtre.

A ce zèle pour la science, il avait dû, quatre ans auparavant, au cours d'une croisière à travers les Antilles françaises, devenir le héros d'une aventure sentimentale et tragique qui influa singulièrement sur le reste de sa vie. Mais en 1826, Fréminville n'avait pas encore pris l'habitude excentrique de s'habiller en femme, et c'est sans doute vêtu du classique costume de voyage de l'époque, blouse serrée à la taille, guêtres, casquette à visière, souliers ferrés aux pieds, bâton à la main, sac au clos, portefeuille sous le bras, qu'il franchit le Douron entre Plestin et Lanmeur pour entamer pédestrement sa courageuse randonnée.

Aujourd'hui que des routes bien frayées s'entrecroisent partout dans nos campagnes, que l'usage des automobiles a pour ainsi dire supprimé les distances, et que la publication de guides détaillés informe à l'avance le visiteur de toutes les curiosités d'ordre archéologique ou pittoresque dignes d'attirer son attention, nous pouvons très difficilement nous rendre compte des difficultés qu'offraient, il y a un siècle, les voyages de ce genre. Sauf en quelques endroits où il eut la chance d'être renseigné et guidé par des amateurs locaux, on a l'impression que le chevalier de Fréminville cheminait presque à l'aveuglette, très souvent par des pistes vicinales franchement détestables ou des sentiers frayés au milieu de la lande, se fiant à sa bonne étoile pour rencontrer soudain la pierre levée, le « carneillou », la motte féodale, le vieux manoir gothique dont la vision imprévue le dédommagerait de ses fatigues.

Que de fois, faute d'indications, il a passé, sans les découvrir, près de monuments intéressants ! Que de mauvais gîtes aussi il a dû affronter ! Bien qu'il soit en général fort discret sur ces misères contre lesquelles sa rude vie de marin avait dû l'aguerrir. Il trouvait d'ailleurs des compensations dans la cordiale hospitalité de divers châtelains près desquels le gentilhomme de race, le royaliste ardent et le savant antiquaire se sentait, de prime abord, triplement recommandé.

Il serait attrayant, mais trop long, d'emboîter le pas à Fréminville. Contentons-nous de fixer certains points de son itinéraire et d'en noter les étapes les plus saillantes. Il passe a Lanmeur une grande partie de la journée du 15, étudie et dessine la crypte fameuse de Saint-Mélar, qu'il n'est pas éloigné le dater des « temps du paganisme », puis il prend la direction de Morlaix, passe sans les voir près du joli manoir fortifié de Kervézec et des chapelles de Saint Hubert et Sainte Geneviève, confond le château du Boiséon avec le hameau du Bois-de-la-Roche, et s'en va chercher « un asyle honorable » au château de Kéranroux en Ploujean, chez son « digne ami », le comte de la Fruglaye, pair de France, auquel l'unissait un penchant commun pour la minéralogie, la botanique et les antiquités bretonnes.

Il fait du domaine et de son propriétaire un éloge aussi bien senti que mérité, dont les termes, après un siècle, n'ont pas cessé d'être exacts, et pourraient servir encore à caractériser l'hospitalité généreuse, l'aménité parfaite de M. le comte de Gouyon-Beaufort, « de qui l'homme d'honneur, quel que soit son état et sa fortune, est toujours accueilli avec une égale distinction. »

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En revanche, quel ton maussade et dédaigneux emploie notre auteur pour parler de la bonne ville de Morlaix ! Il la déblaie, histoire comprise, en moins de trois pages, et n'y trouve rien â signaler que l'église Saint Melaine « édilice pesant et de mauvais goût », et que l'hôtel-de-ville, « qui n'offre rien de bien remarquable ». Pas un mot du beau clocher de Saint-Mathieu, l'un des plus anciens monuments de la Renaissance en Bretagne, ni de l'élégante rosace des Carmélites, ni de la porte de Bourret, ni de la Tour d'Argent ni de tant de curieuses maisons aux pignons ouvrés du XVè et du XVIè siècles, encore debout en 1826, mais dont la plupart ne survivent malheureusement plus que dans les lithographies romantiques de Cicéri, de Saint-Germain et des frères Rouargue ! Ce silence dénote un parti pris évident. Morlaix passait alors pour la ville la plus libérale du Finistère ; elle avait acclamé d'enthousiasme la Révolution de Juillet, et le légitimiste fougueux qu'était Fréminville, faute d'un meilleur moyen de l'en punir, usait de celui-là.

Après 5 jours passés près de M. de la Fruglaye, qui le conduisit au Dourdu, mais négligea de lui montrer les nefs romanes de Ploujean et de Locquénolé, ainsi que la chapelle gothique de Cuburien, Fréminville se dirigea vers Saint-Pol-de-Léon. Peuplée de partisans convaincus des Bourbons, l'ex-cité épiscopale devait plaire à son coeur. Aussi ne consacra-t-il pas moins d'une cinquantaine de pages à sa description et à celle de ses alentours, en les truffant de listes d'évêques et de gentilshommes, de dissertations sur Occismor, l'apostolat de Saint-Paul-Aurélien et le dragon de l'Ile de Batz, qu'il estime n'avoir été qu'un vulgaire crocodile. Il logeait chez M. de Lézeleuc, et le colonel du Dresnay, botaniste distingué, mais « d'une laideur amère », et dont les mauvais plaisants disaient qu'il s'occupait des « simples » par affinité d'esprit, se constitua son obligeant cicérone.

Ensemble, ils visitèrent les anciens châteaux et manoirs du pays. Kermorus, Penhoat, Kerangouez (depuis amputé de sa belle tour), Kersaliou, Kerautret, Pontplancoët, Kerc'hoent, Kerouzéré, Kergournadec'h, Kerliviry en Cléder et Kermilin en Tréflaouénan, ces deux derniers aujourd'hui démolis, et dont la description est d'autant plus précieuse. Beaucoup d'autres lui échappèrent, Tronjoly en Cléder, Maillé en Plounévez, Keruzoret en Plouvorn, Kerharn et Coatangarz en Plouzévédé, mais on ne peut tout voir ! A Lambader, Fréminville rencontra l'une de ces prétendues commanderies de Templiers dont il était friand, au point de s'imaginer en rencontrer trois ou quatre, rien que dans les environs immédiats de Quimper. Bien qu'il tourne en dérision la franc-maçonnerie, nous savons qu'il était affilié à une loge écossaise, et adepte fervent des rites secrets hérités de l'Ordre du Temple, ce qui ne l'empêcha point, à Plouescat, de se faire héberger par le recteur et guider par le vicaire.

Le 6 mai, l'officier de marine archéologue prend la route de Lesneven. Dans l'église de Lochrist, il relève l'épitaphe d'Alain de Villemavan ou Kermavan, mort en 1263, mais en donne une lecture fautive. Il exécute l'infortuné Lesneven en quelques lignes, se bornant à décrire la statue turnulaire d'Alain Barbier, seigneur de Kernao, s'en va coucher aux Isles, chez M. de Châteaufur, et le lendemain explore les monuments mégalithiques de la Paganie, sous la conduite de M. Massard, contrôleur des douanes et sauveteur intrépide.

Obligé de regagner Saint-Pol, il en profite pour visiter le château de Kerjean, dans l'architecture duquel il remarque « quelque chose de lourd et de roide qui penche vers le mauvais goût », patauge à travers la généalogie de ses possesseurs, ne trouve à noter, dans la charmante église de Berven, que les deux figurines formant cornières au pignon du chevet et qu'il croit provenir d un temple « consacré au culte Priapique », et découvre, parmi les ruines de Saint-Jean Keran, la tombe d'un chevalier actuellement enfouie sous le dallage en ciment de la chapelle restaurée.

Faute de place, nous ne pouvons accompagner Fréminville au Folgoat et à Gouesnou, ni surtout le suivre dans sa longue notice historique et descriptive sur Brest, ville qu'il habitait et où il a pu faire diverses constatations intéressantes. Le 6 juin, il reprit son bâton de voyageur, parcourut le Bas-Léon, depuis Penmarc'h jusqu'à Trémazan et Saint-Mathieu, voyant beaucoup de onoses, négligeant ou ignorant toutefois bien des manoirs comme Recervo, le Carpont, Lestrémeur, Kerenneur, Keriar, Coaténez, Le Curru, bien des églises et chapelles comme Lampaul-Ploudaimézeau, Saint-Jean-Balaznant, Saint-Urfold, N.-D de Botdonou.

A Landerneau, traité comme Lesneven en quantité négligeable, il déchiffre, en l'estropiant, l'inscription du moulin des Rohan, confond la tombe de Troïlus de Montdragon avec celle de son beau-père Olivier de la Palue, disserte, à propos de Joyeuse-Garde, sur les romans de la Table-Ronde, puis se met en route pour Quimper par Le Faou et Châteaulin. De toute la Cornouaille, il ne décrit, dans son premier volume, que le chef-lieu du Finistère, Concarneau, quelques pseudo-commanderies et la pierre branlante de Trégunc. C'était manifestement insuffisant, et il s'en rendit si bien compte qu'encouragé, d'autre part, par l'accueil favorable au public, il se décida, en 1836, à publier un second tome dans lequel il donna place à de nombreux monuments encore inédits.

L'ouvrage du chevalier sur notre département n'est pas un chef-d'oeuvre. Ses descriptions sont sommaires et souvent imprécises : il erre plus d'une fois en voulant dater les édifices d'après leur style ; il commet bien des bévues historiques ; il élimine des édifices de grand mérite, sous prétexte qu'ils sont « modernes », c'est-à-dire du XVIIè siècle, mais il y a cependant de quoi glaner dans son travail, et il faut surtout lui savoir gré d'avoir été, en Basse-Bretagne, le précurseur et l'initiateur des études archéologiques. Souvestre et Pol de Courcy lui doivent beaucoup, sans lui avoir suffisamment, semble-t-il, témoigné de gratitude.

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Fréminville est mort à Brest en 1848. Les visiteurs qu'attirait son renom de science et l'intérêt de ses collections ethnographiques, demeuraient stupéfaits de se voir accueillir, au deuxième étage d'une maison de la rue Royale, par une « femme mince et minaudière, vêtue d'une robe de soie, coiffée d'un chignon à la maréchale, une mouche sur la joue rasée de près et fardée ». Sans paraître voir l'ahurissement de l'étranger devant un docte membre de la Société des Antiquaires de France ainsi affublé de jupons et de falbala, le chevalier mettait vite son interlocuteur à l'aise, le renseignait obligeamment, vidait avec lui un verre de vieux rhum des Antilles et le reconduisait jusqu'au seuil, « ébahi et charmé ».

Fréminville s'exhibait volontier au dehors dans ses atours féminins : on le voyait ainsi au bal et à la comédie. Son extravagance restant inoffensive, ons'en amusait indulgemment. Les gens bien informés assuraient qu'il portait à sa façon le deuil d'une jeune créole morte jadis d'amour pour lui, et les Brestois sentimentaux trouvaient cette folie presque touchante. L. LE GUENNEC

Sources



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 André Croguennec - Page créée le 8/2/2021, mise à jour le 12/2/2021.