|
Le pont de Pont-Christ | |
"Le vieux pont de Pont-Christ sur l'Elorn n'est pas un ouvrage important puisqu'il ne comporte que deux arches en plein cintre, de 4 m d'ouverture, séparées par une pile à becs circulaires. Construit au XVIIIè siècle ou au début du XIXè siècle 1, il a le mérite de s'intégrer parfaitement à son pittoresque environnement, que les ruines de la chapelle voisine teintent au crépuscule d'une touche de romantisme un peu fantomatique", ainsi le décrit Marcel Prade dans son livre "Les ponts monuments historiques".
Son type de construction est un pont en arc, le matériau de construction est de la pierre pour les arcs, la pile et les culées. Les dimensions du tablier sont les suivantes : longueur des travées 2 x 4,00 m et largeur de la poutre 3,28 m. Voir dessin ci-contre.
1 En fait, le pont dans son état actuel, présenté sur le plan et la photo de cette page, date de 1861. En effet, les travaux du chemin de fer de la ligne de Rennes-Brest, avec les charrois qu'ils ont induits, avaient tellement dégradé le pont qu'il fut nécessaire de le reconstruire. En ce qui concerne la description des ponts antérieurs, voir plus bas l'histoire du pont.
La pile centrale est protégée par un avant-bec et un arrière-bec circulaires, éperons destinés à améliorer l'écoulement de l'eau et à écarter les corps flottants susceptibles d'endommager la pile. Par rapport à la fausse voute, cette technique permettait une augmentation considérable de la portée tout en étant plus robuste. Mais son exécution était parfois périlleuse : les piles devaient être assez solides pour ne pas s'écarter et s'effondrer sous la poussée de l'arche. (source http://qrbrest.fr/fr/lieu/pont-christ-42).
Ce pont est classé "Monument Historique" depuis le 10/5/1925, comme constituant un des éléments essentiels d'un site protégé (cf Marcel Prade). Des travaux ont été menés en 1986, par la municipalité rochoise, pour la consolidation du pont dont une pile menaçait de s'effondrer (Le Télégramme du 12/8/90). Cet ouvrage est parfois qualifié de "pont gothique".
Le tablier en léger dos d'âne est doté de deux parapets maçonnés qui rétrécissent la voie de circulation au droit du franchissement du fleuve. Il donne le passage à un très ancien chemin qui, partant de Kerilien, en Plouneventer, traverse l'Elorn à Pont-Christ donc, remonte vivement sur le plateau pour atteindre La Martyre, continue vers Le Trehou, St-Eloi et, au-delà, vers Quimerc'h et l'embouchure de l'Aulne. Cette piste, qui a encore par endroits 12 m de largeur ne semble pas correspondre au réseau romain et pourrait dater de l'époque gauloise.
(source Marcel Prade -
Les ponts monuments historiques vue amont, ph. DDE)
Histoire du pont
1 - Préambule :
Ancien chasse-roues du pont de Pont-Christ, placé maintenant au moulin de Brezal, en bas de la terrasse, près de la route D712.
Mon histoire commence au 19è siècle, car je n'ai pas d'informations antérieures. Certains auteurs ont cité la construction du "pont neuf" de Pont-Christ en 1730, construction pour laquelle les Etats de Bretagne auraient accordé 10.000 livres.
Il s'agit, notamment, d'une brochure sur La Roche-Maurice qui dit : "Village de paysans "journaliers" et "occupés d'industrie" travaillant à façon le lin et le chanvre pour des "fabriquants" qui revendaient les toiles à des négociants, Pont Christ est pauvre. Est-ce pour cela que les états de Bretagne accordent 10.000 livres pour la construction du pont ? Des vérifications s'imposent, concernant ce document".
J'ai fait ces vérifications depuis très longtemps, voir le paragraphe qui suit. Le texte précédent ne s'applique pas au pont de Pont-Christ à La Roche mais à celui de Pont-Christ en Plounevez-Lochrist !
Après quelques recherches aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine, je peux affirmer que ces informations proviennent des documents cotés C.4769 : ils ne concernent pas le pont de Pont-Christ Brezal, mais celui de Pont-Christ entre Plounévez-Lochrist et Plouescat. Voici un petit extrait des documents retrouvés :
"1732 - Pont-Christ, évêché de Léon - La somme de dix mil livres que les etats ont ordonnés pour la réfection du pont christ n'étant pas suffisante pour une pareille entreprise on suplie Monsieur Le maréchal D'Estrées d'ordonner que les paroisses voisines de ce pont fourniront les corvées pour ayder et accelerer cette partie d'ouvrage dont elles sont les premieres a retirer le proffit tant pour fournir des journaliers que des charois de pierre, gravois sable chaux, etc. Les paroisses sont d'un côté Plougoulm, Sibiril, Cleder et Plouescat, et de l'autre coté Plouneves, Trefflés, Goulven, Plouyder et Plouneour-treas".
De plus, on trouvera en ligne sur le site des ADIV et sous la même cote, le plan du pont projeté : C 4769 (3) Projet de construction du pont de Pont-Christ près de Plouescat, sur la route de Saint-Pol-de-Léon à Lesneven.
L'Elorn, à Pont-Christ, délimite les communes de La Roche-Maurice et de Plouneventer. Il a donc fallu rechercher les archives de ces deux communes. Par ailleurs, La Roche et Plouneventer dépendent respectivement de l'arrondissement de Brest et de celui de Morlaix, l'investigation s'est donc poursuivie dans les archives des sous-préfectures de Brest et de Morlaix, sans oublier celles de la préfecture de Quimper, car à cette époque rien ne se faisait par les conseils municipaux qui n'ait été avalisé par les administrations supérieures. Il ne fallait pas non plus oublier les archives des communes avoisinantes, dont les habitants utilisaient le pont, et auxquelles il fut demandé des contributions pécuniaires ou en nature (voir sources des informations en annexe).
2 - Résumé pour les lecteurs pressés :
- Ancienneté d'un pont à Pont-Christ : Il est probable que dans les temps reculés, l'Elorn se franchissait à gué. Mais, il paraît assez évident que dès que l'église fut construite par les seigneurs de Brezal en 1533, le pont existait déjà. Je n'imagine pas nos châtelains traverser l'Elorn les pieds dans l'eau pour se rendre dans leur église. Les pieds fussent-ils ceux de leurs chevaux ou les roues de leurs carrosses. De plus, Pont-Christ s'appelle ainsi depuis au moins 1618, la date du document le plus ancien que j'ai pu trouver (sauf omission de ma part) qui cite ce nom, et qui dit Pont-Christ dit pont.
- Il y a eu 3 versions du pont au cours du 19è siècle : 4 arches ; 2 arches de 5 mètres + la digue remplaçant 2 arches ; 2 arches de 4 mètres + la digue
- 1821 : dégradation du pont, constitué de 4 arches, et nécessité de le restaurer
- 1831 : écroulement de l'arche principale par suite de la crue des eaux
- 1832 : devis des Pont-et-Chaussées et demande de subvention au préfet
- 1833 : établissement du projet définitif de reconstruction
- 1834 : nouvelle crue, l'état du pont s'aggrave, mais on attend toujours le retour de la demande adressée au préfet
- 1834 : le préfet demande de faire classer le chemin, qui passe sur le pont, en chemin vicinal pour pouvoir bénéficier d'une aide du département.
- la procédure de classement est lancée immédiatement par les communes concernées et achevée en une semaine
- mais reste lettre morte
- 1835 : une négociation est en cours avec les communes avoisinant le pont, concernant leur participation au financement,
- mais le conseil d'arrondissement de Brest s'oppose à toute reconstruction
- 1836 : les travaux n'ont pas encore été exécutés
- 1837 : un article critiquant l'administration paraît dans le journal L'Armoricain
- la réponse de l'administration ne tarde pas : le blocage était le manque de classement du chemin vicinal (étonnant, non ! voir détails plus bas)
- le préfet vient de classer le chemin, on va pouvoir lancer les travaux
- mais, le "projet" a été perdu, il faut en faire un autre
- 1838 : novembre, le chantier a été confié à l'entrepreneur Darras, la reconstruction commence
- on constate rapidement des malfaçons
- l'agent des Ponts-et-Chaussées reconnait son manque de surveillance des travaux
- le pont est plus court (2 arches) et plus haut que le précédent
- 1840 : il faut donc remblayer les abords du pont et créer la "digue" qui remplace les deux arches supprimées
- ce chantier est plus lourd que celui prévu, la commune de Plouneventer ne peut assumer sa partie.
- on recherche donc de nouvelles contributions auprès des communes circonvoisines
- 1846 : le 19 janvier, le pont était terminé et receptionné. Mais le 25 janvier, une crue a fait "qu'une moitié du pont s'est affaissée sur la pile du milieu".
- 18xx : achèvement du pont : il est constitué de 2 arches de 5 mètres + la digue de 40 mètres environ vers le nord jusqu'à la route royale N° 12
- Il aura fallu attendre au moins 15 ans pour voir cette reconstruction achevée.
Bien sûr, sur cette période, les sous-préfets de Brest et de Morlaix, ainsi que le préfet du Finistère et les agents-voyers des Ponts-et-Chaussées, ont changé. Ceci n'a, sans doute, pas arrangé les choses.
- 1861 : les charrois divers occasionnés par la construction du chemin de fer détériorent gravement le pont (constat en février)
- 1861 : en octobre, commence la démolition du pont en vue de sa reconstruction
- 1861 : en novembre, le pont est reconstruit par l'entrepreneur Grand'homme.
- 1861 : malheureusement, une crue exceptionnelle de l'Elorn se produit avant la fin du chantier. Les cintres provisoires qui supportaient les arches en construction n'étaient pas encore enlevés. "De là s'en est suivi une surcharge en amont, à laquelle n'a pu résister une maçonnerie encore fraîchement faite". Cette surcharge d'écoulement des eaux occasionna une rupture du pont.
- 1863 : le département contribue largement à financer la nouvelle reconstruction du pont, mais la commune de La Roche manque de fonds pour terminer l'ouvrage (voir : Annales du Sénat et du Corps législatif)
- 18xx : achévement du pont : il est constitué de 2 arches de 4 mètres + la digue jusqu'à la route impériale N° 12
- 1986 : des travaux ont été menés, par la municipalité rochoise, pour la consolidation du pont dont une pile menaçait de s'effondrer
3 - Le pont au début du 19è siècle :
A cette époque, le pont était constitué de 4 arches : une arche en pierre et 3 arches en bois, avec la répartition suivante : du côté de Pont-Christ, une première arche en bois, puis une arche en pierre au milieu de la rivière, une arche en bois et une troisième arche en bois du côté de Plouneventer. Il y avait donc plus d'arches qu'aujourd'hui, car leur élévation était moins importante : leur nombre essayait de compenser leur manque de hauteur lors des crues de l'Elorn, qu'on sait capricieuse, et également lors du grossissement du flux provenant du déversoir droit de l'étang et du canal de fuite du moulin de Brezal.
4 - La dégradation de 1821 :
- 1821 : Le 1er octobre, le maire de La Roche-Maurice écrit au sous-préfet à Brest pour lui signaler la dégradation du pont et la nécessité de le restaurer. Les dégats doivent être importants car il faut réparer les culées de l'arche en pierre et les trois arches en bois.
- 1822 : Après un plan et devis, réalisés en février 1822 par le sieur Frimot , ingénieur des Ponts-et-Chaussées, de Landerneau, la répartition des charges entre les communes de La Roche et Plouneventer donne lieu à un consensus finalisé le 17 septembre : "la dépense des ouvrages à y faire est évaluée à 430 F. La commune de Plouneventer convient à y contribuer pour les deux tiers de cette somme, faisant 286,67 F. L'autre tiers qui est de 143,33 F reste à la charge de la commune de La Roche".
FRIMOT Jacques-Joseph
Né le 10.06.1790 à St-Germain le Gaillard (Manche)
Décédé le 03.06.1866 à Landerneau
Il entre à l'Ecole Polytechnique en 1808 puis à l'école des Ponts et Chaussées et s'installe à Landerneau le 17 juin 1820. Il va créer une usine qui sera un modèle et produira des machines à vapeur en 1826, en particulier une pompe pour l'élévation de l'eau et l'épuisement des bassins de radoub de Pontaniou. Deux machines à vapeur marines équipèrent le "Flambeau" et l'"Ardent", mais ces machines sans doute en avance sur leur temps ne furent pas retenues. En 1834, il quitte Landerneau pour Paris où il enseigne à l'Ecole des Ponts et Chaussées, en 1841-1842. En 1848 il reprend ses recherches sur les machines marines à l'Arsenal de Toulon.
X
5 - Le pont après la réparation de 1822 :
Voici un plan du pont après la réparation précédente, il est extrait du plan cadastral du 01/11/1828, réalisé par Ponsard, géomètre (source cadastre de Plouneventer - ADQ 3 P 205/1). On constate, comme le confirment les archives relatives aux événements qui vont suivre, que
- Le pont a toujours 4 arches, il "a trois petites arches (de 2 mètres chacune) sur le cours de la rivière et une de décharge dans la longue culée du nord, toutes [sont] voutées. Le tout n'ayant que 2,50 mètres de largeur.
- Il y avait une arche principale, toute en pierre au milieu de la rivière, "les 3 autres arches [avaient] été recouvertes avec des pièces de bois et des pierres par dessus". En 1831, ces dernières "sont prêtes à tomber de vétusté, il y a déjà des trous très dangereux".
- Du côté de Plouneventer, "la 4è arche sert seulement à la décharge des grandes eaux".
- "L'eau, dans les fortes crues, passait par dessus la chaussée à une hauteur de 0,60 à 0,80 m." Par rapport à aujourd'hui, la route et le tablier du pont se trouvaient plus bas de 1,20 m.
Les usagers du pont par localités sont les suivants :
- Pont-Christ : Ce sont eux les principaux utilisateurs, non seulement pour leurs relations de voisinage, mais aussi pour rejoindre le "grand chemin" de Landerneau à Landivisiau.
- La Roche-Maurice : Ils l'utilisent très peu. Mais Pont-Christ est un hameau de La Roche, la commune intervient donc dans les travaux du pont ou dans leur financement.
- Plouneventer : L'usage principal reconnu est pour se rendre aux foires de La Martyre, pour eux c'est la route directe. De plus, la moitié nord du pont est sur la commune de Plouneventer
- St-Servais : Idem.
- Bodilis : Le maire de Plouneventer les citent aussi comme utilisateurs du pont. Sans doute, pour la même raison que Plouneventer et St-Servais.
- Ploudiry : "Le passage leur est très utile pour communiquer avec les communes voisines de l'arrondissement de Morlaix".
- Loc-Eguiner : "Mêmes avantages que pour Ploudiry, quoique les habitants fréquentent un peu moins ce passage que ceux de Ploudiry". Cet avis de l'agent-voyer sera contesté par les habitants de Loc-Eguiner, qui disent utiliser le pont de l'Ariagon.
- La Martyre : "Ils ne l'utilisent pas directement, mais cette communication lui est très avantageuse en ce qu'elle offre une voie plus directe pour arriver à ses foires".
6 - La succession de malheurs à partir de 1831 :
- 1831 : le 25 juin, le maire de La Roche informe le sous-préfet de Brest que "le pont construit en pierre sur la rivière d'Elorn à Pont-Christ vient de s'écrouler".
- 1831 : le 1er juillet, le préfet annonce qu'il n'accordera aucun financement pour la reconstruction du pont car les usagers de Plouneventer et de St-Servais peuvent utiliser le pont de La Roche pour aller à La Martyre et Ploudiry, et il engage les "communes intéressées à sa conservation à se concerter entr'elles pour subvenir à la totalité des dépenses".
Dans le trimestre qui suit, La Roche essaie vainement d'intervenir par ses propres moyens, Plouneventer se rend compte que la tâche est immense et demande à son sous-préfet, celui de Morlaix, "la descente d'un ingénieur des ponts-et-chaussées pour venir apprécier l'état du pont".
- 1832 : en août, un projet est "dressé par l'ingénieur Frimot qui consiste en deux feuilles de dessin, un devis, un détail estimatif et un mètré des ouvrages, dont la dépense est estimée 3.244 F non compris les transports de matériaux et plusieurs main-d'oeuvres" qui restent à la charge des communes.
- 1833 : le 16 janvier, suite à quelques critiques de son supérieur l'année précédente, Frimot a revu sa copie : "les 4 arches anciennes seront remplacées par deux de cinq mètres d'ouverture, ... les deux nouvelles arches ont été calculées pour suffire seules au débit des plus grandes crues de la rivière".
- 1834 : le 25 janvier, le maire de La Roche informe son sous-préfet que "les grandes eaux qui règnent depuis longtemps ont tellement dégradé les murs du Pont-Christ que la metresse (sic) arche est écroulée au point que les piétons peuvent passer à peine : aucune voiture ni bettes ne peuvent plus y passer. Ce qu'il reste de l'arche déjà entamée est en danger de finir de tomber par la continuation des grandes eaux et qu'alors nul ne pourra y passer et toutes communications seront interceptées".
Il rappelle aussi qu'en 1832 les conseils municipaux de Plouneventer et de La Roche ont voté un accord de dépenses, qui a été transmis à Mr le préfet avec plan et devis. "Ce premier magistrat a dû le soumettre à Mr le ministre des travaux publics. Depuis cette époque nous n'avons eu aucune réponse des décisions qu'il en ait résulté". Le maire de Plouneventer "Monsieur Dubreuil
M. Louis Nicolas François Dodin du Breuil, acquiert Brezal en 1818. Il demeurait alors au château de Trébodennic en Ploudaniel, il était l'époux de Joséphine Malin. M. Dodin du Breuil a été maire de Plounéventer de 1830 à 1834.
X
a offert de permettre d'extraire la pierre nécessaire dans sa propriété de Brezal et très à portée dudit pont". Les communes et les particuliers font des efforts, que fait le gouvernement ?
- 1834 : en février, le maire de La Roche "donne avis au sous-préfet que l'arche principale du Pont-Christ s'est écroulée dernièrement, par suite d'une crue des eaux" comme il l'avait donc prévenu le mois précédent. Le nouveau sous-préfet de Brest, Cocagne, relance la préfecture.
- 1834 : fin mars, "M. le Préfet répond qu'avant de donner aucune suite audit projet il est nécessaire que le chemin qui communique de la commune de La Roche à celle de Plouneventer et dont Pont-Christ fait partie soit classé au nombre des chemins vicinaux conformément au titre 2 de son arrêté du 1er juillet 1833". Le chemin passe sur les deux arrondissements, il faut donc maintenant que les sous-préfets de Brest et de Morlaix se coordonnent pour faire procéder conjointement par leurs agent-voyers respectifs "aux opérations dont il s'agit".
- 1834 : le 3 avril, après instruction par les agent-voyers des deux arrondissements, celui de Brest écrit à son sous-préfet : "Ce chemin porté depuis 1828 à la 3è classe est très fréquenté par les habitans des communes de Plouneventer et de St-Servais lorsqu'ils se rendent aux foires de La Roche et de La Martyre. ... Conformément à l'article 20 du 1er juillet 1833 ledit chemin de La Roche à Plouneventer doit être classé à la 2è catégorie sous le n° 3". (Il était donc déjà classé depuis 1828 !)
Il dit aussi : "La commune de La Martyre, à cause de sa foire annuelle qui dure trois jours, doit également être intéressée à l'exécution immédiate du projet [la reconstruction du pont] puisque le chemin que nous venons de classer est le seul dans cette direction qui soit (tel qu'il est maintenant) praticable pour les voitures..."
- 1834 : le 22 mai, "le conseil municipal de la commune de Plouneventer, considérant que le pont de Pont-Christ sur la rivière d'Elhorn qui sert de communication entre la commune de La Roche et celle-ci, sur une route vicinale de 2è classe", (ça y est le classement est confirmé !) vote une somme de 600 F et "exprime à Monsieur le Préfet le vif regret de ne pas voir encore figurer l'adjudication de la construction du pont de Pont-Christ sur la liste des travaux à exécuter cette année".
- 1835 : fin juillet. On était au terme des négociations avec les communes avoisinant le pont, concernant leur participation au financement, lorsque le conseil d'arrondissement de Brest se rassembla à la fin de juillet 1835, il s'occupa de cette affaire et consigna dans son procès-verbal l'opinion que voici : "Le conseil, dans sa sollicitude que doit justement lui inspirer tout ce qui concerne son arrondissement, croit devoir témoigner sa surprise de ce que les travaux du Pont-Christ, dont le payement est effectué et constaté par le Budget du Département, n'aient encore reçu aucun commencement d'exécution ; mettant à profit ce retard inexplicable, le Conseil exprime le voeu que les travaux ne soient même pas entrepris étant convaincu de leur inutilité par la discussion qui eût lieu dans son sein en 1834, à la suite de laquelle la demande de toute allocation, pour cet objet, fut écartée".
- 1836 : les travaux n'ont toujours pas été effectués, pour cause de financement. Plouneventer a largement augmenté sa participation, mais (et peut-être sous ce prétexte) par sa lettre du 2/8/1836, le sous préfet de Brest demande un effort supplémentaire à la commune de La Roche :
"Les travaux que nécessite la reconstruction du Pont-Christ n'ont pas encore été exécutés faute de ressource suffisante.
D'après le projet, la dépense totale est évaluée à une somme de ... | 3.844 F |
Par délibération du 11 7bre 1832, le conseil municipal de Plouneventer a voté
en prestation en nature et fourniture de pierres une valeur d'environ ... | 1.100 F |
Idem du 16 mai 1836, ce même conseil a voté en argent ci ... | 300 F |
Idem du 14 8bre 1832, celui de La Roche a voté ... | 300 F |
Le conseil général a alloué sur les fonds départementaux, exercice 1833 un secours de ... | 1.200 F |
En conséquence les ressources s'élèvent jusqu'à ce jour à ... | 2.900 F |
Il reste donc a réaliser une somme de ... | 944 F |
|
Je pense que la commune de La Roche pourrait fournir cette somme, soit une partie en prestation en nature et l'autre en argent. Je vous prie de faire délibérer votre conseil municipal sur cet objet dans sa session ordinaire du mois d'août courant. La commune de La Roche a autant d'intérêt à la reconstruction du Pont Christ que celle de Plouneventer et elle ne peut rester en arrière de cette dernière dans les sacrifices qu'elle fait pour cette reconstruction. Si les travaux tardaient plus longtemps à être exécutés, il serait à craindre que le conseil général ne retire le secours de 1.200 F qu'il a accordé."
- 1837 : le 25 mai, rien n'a bougé. Un article, écrit par un abonné, paraît dans le journal L'Armoricain :
Monsieur le Rédacteur,
J'ai lu avec intérêt, dans l'un de vos derniers numéros, un article relatif à l'établissement de salles d'asile à Quimper. La sollicitude qu'a montrée à ce sujet M. le Préfet Boullé me fait espérer que ce magistrat s'empressera d'accélérer l'exécution de beaucoup de projets d'une grande utilité, qui dorment dans les cartons, et je vous prie de me permettre ici de lui en signaler une des plus urgents, la reconstruction du pont de Pont-Christ, dont l'état de délabrement accuse bien haut la négligence de l'administration. Le plan et les devis en sont faits depuis 1832 ; depuis 3 ans, les fonds reçus du département pour cet objet sont déposés au trésor, et les fonds votés annuellement par les communes de Plouneventer et de La Roche-Maurice, ont été plusieurs fois annulés, faute d'être utilisés. D'où vient cet état de choses ? et quand cessera-t-il ? En attendant, les malheureux contribuables des deux rives sont obligés de décharger leurs charettes près de ce pont, pour y passer à bras, sur des civières, leurs fumiers, leurs bois, leurs denrées, etc. Nul doute que, lorsque M. le Préfet Boullé en sera informé, il ne provoque enfin l'adjudication de travaux aussi pressants.
Il y a dans nos communes rurales beaucoup d'autres travaux analogues à exécuter et qui ne s'exécutent pas. De deux choses l'une, ou des fonds suffisants sont faits et rien n'empêcherait qu'on les commençât, ou les fonds sont insuffisants, et alors même ces travaux pourraient encore être mis en adjudication, vu qu'il ne manque pas d'entrepreneurs inoccupés, qui consentiraient à les soumissionner payables dans un ou deux ans.
Agréez, etc... Un de vos abonnés.
- 1837 : le 31 mai, suite à l'article de L'Armoricain le préfet écrit au sous-préfet de Brest pour le réprimander :
"Il résulte de l'examen que je viens de faire du dossier relatif à cette reconstruction que vous n'avez donné aucune suite à la lettre qui vous fut écrite par l'un de mes prédécesseurs le 4 mars 1834, et d'après laquelle vous deviez faire procéder sans aucun retard au classement du chemin servant de communication entre la commune de La Roche et de celle de Plouneventer en passant par Pont-Christ.
La même lettre vous recommandait de procéder à l'adjudication des travaux, suivant le projet qui vous était envoyé approuvé. Le chemin sus-désigné étant actuellement classé par suite de l'approbation que j'ai donnée tout récemment au tableau de classement des chemins vicinaux de la commune de La Roche, je vous prie de faire toutes les diligences nécessaires pour que l'adjudication des travaux ait lieu dans le plus bref délai."
- 1837 : le 3 juin, L'Armoricain publie la réponse que lui fait le préfet (sans que celui-ci n'attende les explications du sous-préfet qui ne viendront que le 8 juin, voir plus bas) :
"Nous avons inséré dans notre n° du 27 mai la réclamation d'un de nos abonnés sur les lenteurs apportées à la reconstruction du pont de Pont-Christ. Nous apprenons avec plaisir qu'un état de choses, si préjudiciable aux riverains, est enfin au moment de cesser. Voici les renseignements que nous avons recueillis à ce sujet. Le projet de cette reconstruction est en effet approuvé depuis 1832, et depuis 1833 une subvention de 1.200 fr. votée par le conseil général du département pour y être affectée, est demeurée sans emploi dans les caisses du trésor. Une circonstance avait arrêté l'administration : c'était le défaut de classement du chemin, sur lequel ce pont est situé, au rang des chemins vicinaux. Cet obstacle n'existe plus ; le chemin dont il s'agit vient d'être classé au nombre des chemins vicinaux de la commune de La Roche, en exécution de l'arrêté de M. le préfet du Finistère du 20 janvier dernier, et nous pouvons donner à tout ce canton l'agréable nouvelle, que ce magistrat vient d'ordonner qu'il soit procédé, dans le plus bref délai possible, à l'adjudication des travaux à exécuter pour la reconstruction du pont de Pont-Christ.
- 1837 : le 8 juin, le sous-préfet de Brest répond au préfet, en résumé, ceci :
- que le dossier est égaré
- qu'il manquait des fonds, les 944 F cités précédemment, le quart de la somme, donc une adjudication était impossible
- que le conseil d'arrondissement, contre son gré, en juillet 1835, s'est opposé à la réalisation des travaux
- qu'il avait donc décidé de laisser l'affaire de côté en attendant des réclamations
- que depuis le conseil d'arrondissement avait changé d'avis en 1836
- que la commune de La Roche a ajouté une participation de 300 F
- qu'il ne manque plus que 644 F, et "qu'un rabais joint aux intérêt des 1.200 F. donnés par le département et placés au trésor depuis plusieurs années diminuera grandement le déficit et permettra d'entreprendre ce travail".
Le sous-préfet de Brest demande donc au préfet "si l"ajudication est possible". On pouvait s'attendre à une réponse favorable, vu l'argumentation du sous-préfet, la préconisation de L'Armoricain dans son premier article... et surtout l'assurance donnée par le préfet et rapportée dans le deuxième article de L'Armoricain... et bien non...
- 1837 : Fin août - début septembre, voici la réponse du préfet :
"Je ne vois pas la possibilité de mettre immédiatement cette construction à l'adjudication. Il faut d'abord s'assurer des ressources. Cela est d'autant plus nécessaire aujourd'hui, qu'il serait très difficile d'obtenir un nouveau secours du département. Les secours votés par le conseil général devant, d'après la nouvelle loi, être spécialement affectés aux chemins vicinaux de grande communication. Les autres chemins vicinaux ne peuvent obtenir de secours qu'avec autorisation particulière du ministre et dans des circonstances extraordinaires.
Je vous engage donc à faire de nouvelles démarches auprès des communes en les prévenant que le secours de 1.200 francs qui a été alloué sera réintégré dans la caisse du département si elles ne se mettent pas en mesure de pourvoir au complément des dépenses. Il sera nécessaire de recueillir de nouvelles délibérations et de faire dresser un nouveau projet ; mais la rédaction de ce projet serait inutile si les communes ne prenaient pas l'engagement formel de réaliser les ressources nécessaires."
- 1837 : le 7 septembre, une lettre du sous-préfet au maire de La Roche, nous apprend qu'un nouveau projet a été élaboré, car le précédent avait été perdu, comme on le sait !
D'après le nouveau projet la dépense totale présumée s'élèverait aux environs de | 2.500 F à 2.600 F |
Le secours du département est toujours de (*) ... | 1.200 F |
Le conseil municipal de Plouneventer a voté une somme de ... | 600 F |
Ce qui porte les ressources à ... | 1.800 F |
Il ne resterait donc à réaliser pour complément qu'une somme de ... | 700 à 800 F |
Les communes de La Roche, La Martyre et Ploudiry sont appelées à fournir ce complément. |
(*) Les intérêts de l'argent placés au Trésor se sont donc évaporés ! |
|
- 1837, 1838 : il y aura encore beaucoup de discussions et de lettres échangées... les travaux vont commencer en octobre 1838.
Notons la générosité de Mr Veron
Louis-Désiré Véron, ce parisien, qui fut successivement médecin, journaliste, directeur de l'opéra, voulut se présenter à la députation dans la circonscription de Brest 'extra-muros' en 1837. Il acheta donc Brezal, mais repartit à Paris, après son échec électoral.
X
, le 12 juin 1838, qui offre 200 F à la municipalité de Plouneventer pour aider au financement des travaux.
- 1838 : le 29 novembre, une lettre du sous-préfet de Brest au préfet, nous apprend que le chantier a été confié au Sr Darras, entrepreneur, que l'adjudication s'élève à une somme totale de 2.950 F. et les ressources affectées à cette dépense consistent dans :
1° Le secours accordé sur les fonds départementaux ... | 1.200 F |
2° Le contingent voté par ladite commune ... | 600 F |
3° Idem par celle de la Roche, ci ... | 600 F |
4° Idem par celle de La Martyre, ci ... | 165 F |
5° Idem par celle de Ploudiry, ci ... | 137 F |
6° Le contingent assigné à la commune de Loc-Eguiner (arrêté du 26 octobre 1838), ci ... | 100 F |
7° Celui assigné à la commune de St-Servais, arrondissement de Morlaix | 148 F |
Total... | 2.950 F |
|
Le chantier est donc mis en route par l'entrepreneur Darras.
- 1838 : le 14 décembre, le maire de La Roche se plaint en autres choses que "la maçonne (sic) n'est pas bien faite. La chos (chaux) y a été un peu trop ménagée puisqu'en ce moment l'eau passe au travers la maçonne. Si l'ingénieur se fut donné la peine de veiller, cela aurait été mieux fait mais il a lessé l'entrepeneur faire comme il a voulu, aussi tout a été mal fait."
Mentionnant cette accusation par lettre du 24 décembre, l'agent-voyer de l'arrondissement de Brest, Duchateau, répond tranquillement : "Peut-être l'ai-je un peu méritée en n'allant pas plus souvent voir les travaux en exécution, mais ayant à deux reprises examiné les matériaux dont se servait l'entrepreneur et les ayant trouvés de bonne qualité, je n'avais pas de raison pour le surveiller davantage. Je ne puis trouver de défauts que dans la confection du travail, ce dont on peut toujours juger après son achèvement".
- 1839 : le 8 octobre, l'agent-voyer-chef Salaun visite les travaux exécutés à Pont-Christ :
"Je n'ai pas été satisfait de la manière dont les travaux de construction du pont ont été exécutés : la maçonnerie est loin de ce qu'elle devrait être, sous le rapport de la régularité des assises et de la taille des parements vus, l'appareil de raccordement des claveaux avec les assises horizontales des têtes de pont n'a pas été observé, les parapets qui devaient être construits en moëllons piqués l'ont été en moëllons bruts. L'entrepreneur rejette tous ces défauts sur la mauvaise qualité de la pierre, mais nous pouvons lui répondre qu'il n'a pas exploité la carrière désignée au devis, et qu'il en a choisi une autre plus à proximité du travail, afin d'éviter les transports.
Il y a sans doute là beaucoup de la faute de l'entrepreneur, mais je suis forcé de rejeter une grande partie du blâme sur l'agent-voyer, qui n'a pas suivi le travail d'assez près, et qui n'aurait pas dû le laisser continuer et surtout terminer dès qu'il s'est aperçu que l'on observait pas les prescriptions du devis. Je lui ai témoigné, à cet égard, tout mon mécontentement, et j'ai donné des ordres pour que toutes les parties défectueuses du pont fussent démolies et refaites avec tout le soin convenable, et suivant les conditions du marché. L'entrepeneur doit sans tarder s'en occuper", écrit-il dans sa lettre du 22 novembre au sous-préfet de Brest.
Dans cette lettre, on apprend aussi qu'il y a un problème de remblais entre les culées du pont et les rives, remblaiement qui m'incombait pas à l'entrepreneur, mais aux communes de La Roche et Plouneventer : "La commune de La Roche, qui n'a en effet que la plus petite part dans l'exécution des remblais du Pont-Christ, paraît disposée à les commencer incessamment, mais la commune de Plouneventer s'y refuse, objectant que lorsqu'elle s'est engagée à exécuter les abords du pont, elle pensait n'avoir à élever les remblais qu'à la hauteur de ceux de l'ancien pont, tandis que d'après les nouvelles dispositions prises, afin de placer le pont projeté au-dessus des plus hautes eaux (l'ancien pont était submergé lors des fortes crues) les remblais se trouvent considérablement augmentés. Cette dernière commune demande en conséquence que le département vienne à son secours au moyen d'une nouvelle subvention.
Je ne crois pas qu'il soit bien nécessaire d'accorder cette subvention, attendu que le travail dont il s'agit n'est que d'un intérêt local, et que le département y a déjà contribué pour la plus grande partie de la dépense. il serait plus convenable, si l'insuffisance des communes de La Roche et de Plouneventer est reconnue, de faire concourrir à l'exécution de ce travail, les communes de St-Servais et de Ploudiry, pour lesquelles le pont est aussi d'un grand intérêt, c'est aussi je crois, l'avis de M. le Sous-préfet de Brest, mais avant tout la commune de Plouneventer doit fournir son contingent, sauf à n'exécuter d'abord que la partie la plus urgente du travail, et je vais charger M. Duchâteau de faire de suite les démarches nécessaires, pour qu'un atelier y soit établi aussitôt que les eaux permettront d'exécuter les remblais."
- 1840 : 9 février, la situation est décrite ainsi dans une lettre du sous-préfet de Brest au préfet : "J'ai eu l'honneur de vous informer que le passage du Pont-Christ ne serait praticable qu'après des travaux urgents dont je vous priais d'ordonner la prompte exécution. Cette demande étant restée jusqu'à ce jour sans réponse et les mauvais temps n'ayant donné que plus d'importance à la crue des eaux qui a mis en mauvais état les abords de ce pont, je viens la rappeler à votre attention et vous renouveler ma prière de vouloir bien donner les ordres nécessaires pour que les travaux de remblais à faire aient lieu immédiatement".
- 1840, le 8 mars. Par une lettre du maire de Plouneventer au sous-préfet de Morlaix, 9 ans après l'écroulement du pont, nous pouvons résumer la situation ainsi : Les remblais ne sont pas faits, mais le pont lui-même n'est pas fini.
"Je vous ai informé que la communication était interceptée, ne recevant pas de réponse, nous avons été obligé d'aviser aux moyens les plus prompts de la rétablir ; attendu que le travail de l'entrepreneur étoit suspendu". Les moyens les plus prompts étaient précisés dans le compte-renu de la réunion du conseil municipal du 14/3 : "6 poutres de 22 à 25 pieds de longueur, poutrelles et 280 pieds de planches employées pour rendre praticable le passage intercepté dudit pont pour les communes de Plouneventer, St-Servais, Bodilis, Ploudiry, La Martyre, La Roche et autres. La dite dépense ... a été faite pour faciliter provisoirement le passage des hommes et des chevaux sur les deux arches suprimées pour arriver aux deux arches neuves commencées et qu'il serait très urgent d'achever".
Dans la même lettre, il continue : "Lors de votre tournée avec messieurs les commissaires délégués pour l'enquête de la nouvelle grande route, vous avez pu vous convaincre par vous même, Monsieur le Sous-préfet, de l'importance du pont et du mauvais état dans lequel il étoit.
Quant au rapport de Mr l'agent-voyer en chef, il seroit facile de le réfuter, il convient qu'il y a beaucoup de la faute de l'entrepreneur et qu'il est forcé de rejetter une partie du blâme sur l'agent-voyer qui n'a pas suivi le travail d'assez près, en effet si la maçonnerie est loin de ce qu'elle devroit être, si tout est irrégulier et mauvais, si les matériaux ne conviennent pas, à qui la faute et sur qui doit peser la responsabilité, n'existoit-il pas un devis auquel l'entrepreneur auroit dû se conformer sous la surveillance de Mr l'agent-voyer.
Mr l'agent-voyer-chef dit bien qu'il ne pense pas qu'il soit nécessaire d'accorder une subvention à la commune de Plouneventer attendu que le travail dont il s'agit n'est que d'un intérêt local. Le mot local est mal appliqué étant placé sur un chemin vicinal N° 5. L'ancien pont de Pont-Christ avait 4 arches, deux dépendant de La Roche et deux de Plouneventer. Les deux premières, qui restent inachevées, ont été placées dans la direction des anciennes, et il résulte de la suppression des deux autres qu'il faut combler leur emplacement et faire des remblais conséquents auxquels nous sommes prêts à participer, aussitôt que les communes circonvoisines auront reçu ordre d'y contribuer, la commune de Plouneventer dénuée de ressources ayant déjà payé 600 francs pour cet interminable pont.
- 1840 : le 26 avril, L'agent-voyer fixe la contribution de chaque commune à la charge de réalisation des remblais. La charge totale de 1.656,31 F, montant du devis, est répartie entre les communes de La Roche, Ploudiry, La Martyre, Loc-Eguiner, Plouneventer et St-Servais. La Roche doit s'acquitter de 496,89 F en argent et en prestations, ainsi que Plouneventer, Loc-Eguiner de 49,70 F.
La Roche demande une réduction en invoquant les raisons suivantes : "Ce pont sert seulement aux habitants de la section de Pont-Christ pour aller à Landivisiau et à Plouneventer, mais que ce nombre n'est pas très grand ; d'un autre côté les communes de Ploudiry et de La Martyre n'ont pas contribué dans la même proportion que celle de Plouneventer et La Roche à la construction dudit pont, et que cependant elles y sont au moins aussi intéressées, et ce à cause de leurs foires. La commune de Plouneventer n'est imposée qu'au même taux que celle de La Roche, compte cependant une population presque quadruple de cette dernière, ce qui rend la charge de chaque habitant beaucoup plus lourde pour La Roche."
Le conseil municipal de Loc-Eguiner "considérant que le Pont-Christ n'est fréquenté par aucun habitant de sa commune ; que ce pont est situé sur la rivière l'Elorn, limite entre la commune de Ploudiry et celle de Plouneventer ; que les habitants de Loc-Eguiner ont un autre pont, dit pont Ariagon, au levant de [Pont-Christ] et situé près le Vieux Moulin, limite entre cette commune et celle de Ploudiry, le seul fréquenté par les habitants de Loc-Eguiner, [en déduit] que c'est par erreur que la somme de 49,70 F [lui] a été assignée."
- 1840 : le 25 juin, le maire de La Roche annonce au sous-préfet de Brest qu'il considère avoir rempli ses obligations :
"J'ai l'honneur de vous prévenir que j'ai appliqué les prestations en nature à effectuer les remblais du Pont-Christ, ainsi que vous m'avez autorisé à le faire par votre lettre du 1er juin N° 2822 F. Les travaux ont duré 8 jours entiers et j'y ai appelé 30 hommes chaque jour, soit 240 journées d'hommes. J'y ai employé aussi toutes les journées de voitures, de chevaux et de boeufs. Il me reste seulement 23 ou 24 journées d'hommes à employer pour la 2è saison.
Le résultat du travail consiste :
1° dans le nivellement du terrain situé depuis le pont jusqu'aux maisons situées au bord du chemin vicinal n° 3 ;
2° dans le remblai de la coupure existante au-delà du pont et située sur la commune de Plouneventer et
3° dans le curage de la rivière en amont des arches dudit pont.
D'après ces indications, il sera facile à Monsieur l'agent-voyer de calculer si nous avons fait la moitié des travaux de remblai, ce qui pour moi n'est pas douteux. Mr Lehideux, adjoint-maire de la commune de Plouneventer, est venu plusieurs fois voir les travaux et convient que nous avons fait notre part.
D'après cela, je demande, avec instance, que la commune de La Roche soit libérée de la part qui lui était imposée.
Je saisis aussi cette occasion pour vous prier, Mr le Sous-préfet, de vouloir bien faire accélérer les travaux qui restent à exécuter pour l'achèvement dudit pont, et ce afin de profiter du moment favorable produit par la baisse des eaux."
Malheureusement l'occasion ne sera pas mise à profit.
- 1843 : le 10 novembre, "les travaux du Pont-Christ exécutés par Monsieur Darras n'ont point été reçus définitivement à cause de la mauvaise confection des parapets, lesquels étaient composés de matériaux trop petits pour résister, dans une maçonnerie isolée, aux efforts des passants, et des enfants surtout qui, dans cette localité sont en très grand nombre", l'agent-voyer de l'arrondissement Brest a écrit à l'entrepreneur Darras et l'a "mis en demeure d'achever ces parapets, afin d'en finir avec le Pont-Christ".
- 1846 : 19 janvier, ça y est c'est fini, fini, fini !!! Le sous-préfet de Brest écrit au préfet : "M'étant assuré par M. l'agent-voyer que les travaux du Pont-Christ sont entièrement exécutés et reçus, et que les comptes établis par cet agent et acceptés par le Sr Darras ont été transmis à Quimper avec toutes les pièces à l'appui, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien faire mandater au profit du dit entrepreneur le solde de ce qui lui est dû".
- 1846 : 2 février. Catastophe !!! Nous trouvons une lettre de l'agent-voyer de l'arrondissement de Brest dont voici le contenu : "Monsieur le Sous-préfet, Pour me conformer à l'avis que vous m'avez donné par votre lettre du 30 janvier dernier N° 222.O, je me suis rendu au Pont-Christ. J'ai remarqué qu'une moitié du pont s'est affaissée sur la pile du milieu. Cette pile est en partie enlevée à la base de la tête en amont de sorte que la moitié du pont de ce côté n'est soutenu que par les voûtes. La tête en aval n'est nullement endommagée et permet un passage de 1,60 m environ. J'ai fait barrer et intercepter la communication du côté où il y a du danger. Monsieur le maire de Plouneventer, que j'ai vu, s'est chargé de faire exécuter les travaux que je lui ai indiqué. ... Aucune réparation n'est possible en ce moment, le gonflement de la rivière ne permet même pas de poser des étançons
étançon = grosse pièce de bois qu'on met sous un mur, sous une charpente, sous un navire en construction, sous des terres minées, pour les soutenir.
X
pour appuyer les parties qui me menacent de tomber, mais je suppose que les choses resteront en l'état où elles sont, s'il ne survient pas de crues extraordinaires du moins jusqu'au moment des basses eaux. Les eaux dans la nuit de dimanche 25 janvier ont enlevé différents ponts de bois placés en amont du Pont-Christ ; ces bois ont été chariés jusqu'à notre pont, se sont appuyés contre les voûtes et les eaux, étant retenues, ont par leur remou affouillé au-dessous de la pile, en ont enlevé une partie et ont occasionné l'affaissement du pont jusqu'à l'axe de la voie. En supposant qu'il ne survienne pas de nouvelles dégradations une moitié du pont sera à reconstruire.
- 1846 : fin de l'hiver - début du printemps, y a-t-il eu de nouvelles dégradations ? Sans doute pas, car elles auraient suscité d'autres courriers que je n'ai point vus.
- 1846 : été. L'administration refait le tour des communes concernées pour demander une contribution à "l'excédent de dépenses résultant des travaux de construction du Pont-Christ".
- Le 9/7, le conseil municipal de Plouneventer vote "les 200 F demandés ... mais seulement pour la reconstruction du Pont-Christ, qui s'est écroulé l'hiver dernier, et dont le passage est rendu presqu'impraticable et même très dangereux, et non comme excédent des travaux de construction.
- La Roche refuse dans un 1er temps de voter ce qui lui est présenté comme un excédent de travaux. Le sous-préfet se lance dans des explications douteuses. Finalement, le 9/8, le conseil municipal de La Roche prenant en considération les observations de Monsieur le Sous-préfet est d'avis, pour ne pas embarasser l'administration, de voter les sommes demandées pour la construction de Pont-Christ, pour les travaux non prévus au devis primitif. Mais en même temps le conseil espère que l'administration supérieure fera examiner au plus tôt l'état du pont et exercera son recours pour forcer l'entrepreneur à le rétablir, s'il résulte de cet examen que le pont a manqué par mauvaise construction.
Le conseil municipal saisit aussi avec empressement l'occasion d'insister pour la reconstruction du pont au compte de qui de droit, afin de profiter de la saison des basses eaux qui durent jusqu'à fin d'octobre, car il est évident que le pont ne résisterait pas à des eaux fortes, s'il n'était pas promptement réparé."
- Le 23/8 : Le conseil municipal de St-Servais ne se prononce pas, mais évoque toutes les difficultés qui se présentent à lui. "Le conseil, d'après ces considérations, témoigne son mécontentement de ce surcroît de dépenses qui lui incombent et qui n'auraient pas eu lieu si la dépense primitive avait été employée et dirigée avec soin ; il laisse forcément à Mr le Préfet toute faculté à cet égard."
- Quand s'est terminée la reconstruction ? Dans la multitude de documents compulsés, je n'ai pas trouvé cette information. Peut-être l'entrepreneur et l'administration se sont-ils empressés de résoudre le problème en évitant toute publicité. En tout cas, dans cet épisode, on assiste à des fautes graves et à une lenteur de réaction assez incroyable. Mais en 1861, ça va recommencer !!!
7 - Le pont après la reconstruction :
Le pont a donc été construit par le sieur Darras, sur des plans de l'ingénieur Frimot, mais qui n'ont pas été complètement respectés.
Il comporte deux arches de 5 m de portée, si les plans de Frimot ont été respectés sur ce point, car il indiquait "les 4 arches anciennes seront remplacées par deux de cinq mètres d'ouverture". La largeur utile du tablier est de 4 m.
8 - Les événements de 1861 :
L'année 1861 (ou peut-être la fin de l'année 1860) voit le début du chantier de construction du chemin de fer à Pont-Christ. En effet, dès le 28 juillet 1860, les études du chemin de fer de Rennes à Brest dans le Département du Finistère sont à peu près achevées. Les projets définitifs, sauf celui de Plouégat-Moysan, ont été approuvés ou sont soumis à l'approbation de l'Administration Supérieure.
Déjà, l'atelier de La Roche a été attribué au sieur Grand'homme par adjudication du 16 mars 1860. Les expropriations nécessaires dans la commune ont été notifiées dans un jugement rendu par le Tribunal civil de Brest, le 7 mars 1860.
L'ingénieur en Chef, N. Planchat, a pour objectif de réaliser l'ensemble des ateliers en deux ans, 1861 et 1862, sous réserve de trouver simultanément, pour l'ensemble des ateliers, les ouvriers nécessaires, surtout les maçons, les tailleurs de pierre risquent de manquer. Les ouvriers et les spécialistes seront nombreux. L'ingénieur en dénombrera plus de 6.000 sur les 82 km qui séparent l'entrée dans le Finistère de la gare de Brest, dont 900 hommes mobilisés pour le seul viaduc de Morlaix. Il comptera aussi 486 chevaux. La réalisation de ces gigantesques travaux de terrassement mettra en oeuvre les moyens les plus modernes pour l'époque : pelles, pioches, tombereaux tirés par des chevaux ou des boeufs !
Le conseil municipal de Plouneventer fera une réclamation au préfet contre les dégradations faites sur les chemins vicinaux de la commune par suite des charrois extraordinaires nécessités par la construction du chemin de fer. Et ceci, sur les six chemins vicinaux alternativement exploités par les charretiers du sieur Grandhomme, entrepreneur de l'atelier de La Roche-Maurice. Il émet donc le voeu qu'il plaise à M. le Préfet de faire apprécier par les agents de la vicinalité les chiffres des dommages causés et des travaux de réparation que la commune s'est trouvée dans la plus stricte nécessité de faire pendant l'hiver dernier pour ne pas intercepter les communications et d'en rendre responsable envers la commune qui de droit (conseil du 10/5/1961).
A Pont-Christ, ces travaux ne seront pas négligeables : il y a la tranchée du Frout à creuser et, à sa suite vers Brest, le long remblai à constituer. On vit donc un important apport de personnes et de matériel, dont les tombereaux pour travailler sur place ou pour y apporter les blocs de granite nécessaires à bâtir le pont du Frout (granit de Plouneour-Menez) et la maisonnette du passage à niveau 289 (kersanton).
Ce qui devait arriver, arriva ! Dès la mi-février 1861, les charrois divers occasionnés par la construction du chemin de fer, dans le cadre de l'atelier dirigé par l'entrepreneur Grand'homme, détériorent gravement le pont.
- 1861 : le 23 février, l'agent-voyer d'arrondissement de Brest écrit au maire de La Roche : "Je me suis rendu hier à Pont-Christ pour constater le dommage survenu à cet ouvrage depuis quelques jours. Je vous engagerai fortement, Monsieur le Maire, à défendre toute circulation sur ce pont du moins en voiture jusqu'à [ce] que des mesures aient été prises pour conjurer tout danger. Il y a aujourd'hui péril de s'y engager avec une voiture.
Je viens d'écrire à Monsieur l'Agent-voyer de Lesneven pour qu'il se rende lundi sur les lieux afin de s'entendre avec l'entrepreneur sur les mesures à prendre pour prévenir toute détérioration ultérieure et pour réparer le dégât déjà fait. Il sera nécessaire de rétablir solidement, à mortier de ciment, le contrefort ruiné endossé contre la pile en aval. Il est également urgent que des cintres soient établis sous chaque arche sur une longueur de trois mètres au moins. Ils devront rester en permanence tant que les grands transports nécessités par les travaux du chemin de fer ne seront pas entièrement terminés. La réparation de la voûte devra être faite au moyen de moëllons, tous posés en carreaux et non en boutisses, avec mortier de ciment. Moyennant ces précautions, je crois que nous préviendrons un plus grand désastre.
Il sera néanmoins nécessaire de songer avant peu à la reconstruction entière de la moitié du pont, je ne doute pas que le département ne vienne en aide à la commune pour ce travail. Quant à la dépense relative au travail à faire actuellement, elle sera à partager entre l'entrepreneur et la commune, aide du département s'il y a la possibilité".
- 1861 : le 24 février, le lendemain donc, le même agent-voyer est plus explicite dans la lettre qu'il envoie à son chef à Quimper, il y dessine même un croquis : "J'ai visité le Pont-Christ et ai constaté le détachement d'une partie de la voûte de la première arche, à la clef entre les parapets, il en est résulté une ouverture de 1 m. de longueur suivant l'axe du chemin sur 0,60 de largeur.
Vous aviez, sans doute, remarqué le tassement général qui s'est produit en amont et qui date déjà de quelques années, tassement qui a motivé sans doute la construction après coup d'un contre-fort adossé contre la pile en amont. Bien que l'on puisse considérer ce tassement comme la cause principale du détachement qui vient de se produire, j'ai la conviction que les nombreux transports de matériaux destinés aux travaux du chemin de fer pour le compte de Mr Grandhomme n'y sont pas non plus étrangers ; cet entrepreneur l'a du reste compris car un certain nombre de bardages que j'ai vus près le pont ont été, m'a-t-on dit, transportés en cet endroit par ses soins pour procéder à la réparation du dégât causé.
Il est incontestable qu'avant peu d'années il faudra songer à faire reconstruire complètement la moitié de l'ouvrage située en amont. En attendant, voici les mesures que j'ai cru devoir indiquer à l'entrepreneur pour prévenir un nouveau désastre et lui permettre d'effectuer sans danger les nombreux transports qui lui restent à faire. J'ai chargé M. Bacquené d'en assurer l'exécution,
1° rétablissement du contrefort au mortier de ciment,
2° établissement de cintres sous les deux arches, cintres qui devront être placés à poste fixe pour tout le temps que dureront les transports de l'entrepreneur,
3° rétablissement de la partie de voûte détachée au moyen de moellons de choix formant parpaings employés avec mortier de ciment et réparation de la partie de la seconde voûte où se remarque un gonflement à l'entredos.
... J'ai cru devoir engager l'entrepreneur à ne rien ménager dans les travaux à faire et lui promettre la coopération de la commune ou du département dans la dépense : il y a véritablement urgence à ce que ce travail se fasse.
- 1861 : le 2 mars, lettre de l'agent-voyer de l'arrondissement de Brest à l'agent-voyer en chef à Quimper : "J'ai l'honneur de vous adresser la réponse de Monsieur Grand'homme à nos propositions relatives aux travaux du Pont-Christ. Je vous prierais de me dire ce que vous voulez qui soit fait.
Il serait peut-être sage de reconstruire le pont en entier, l'ancienne maçonnerie a été très mal faite, on n'y trouve guère qu'en trace de mortier de chaux, il serait à craindre qu'après avoir fait une dépense relativement considérable pour la construction d'une partie de l'ouvrage, l'autre partie ne réclamât, peu de temps après, une reconstruction semblable ; il n'est même pas certain que la démolition des parties attaquées aujourd'hui puisse de limiter facilement.
Ce pont réclamait d'ailleurs des voûtes en arc de cercle surbaissés ou en anse de panier plutôt qu'en plein cintre, afin de permettre l'application d'une couche de remmblai de 0,95 au moins sur la clé, partie qui dans le pont actuel est presque dénudée.
Dans tous les cas, le régime de la rivière actuellement rendra le travail plus difficile et plus onéreux".
- 1861 : le 12 mars, autre lettre de l'agent-voyer de l'arrondissement de Brest à l'agent-voyer en chef à Quimper : "J'ai l'honneur de vous faire connaître le résultat de la visite que je viens de faire au Pont-Christ avec M. Grandhomme. Cet entrepreneur a pris des dispositions pour établir un autre passage sur l'Elorn et donnerait suite à ce projet si la part contributive qu'il consent à donner pour les travaux du Pont-Christ ne semble pas suffisante à l'administration : cette part contributive est de 150 F.
Il consentirait à se charger des travaux de réparations que nous lui indiquerions aux mêmes prix que ceux relatifs à son adjudication du chemin de fer et exécuterait nos travaux au moment qui lui semblerait le plus opportun.
Je vous prierais de le répondre par le retour du courrier si je peux accepter ces conditions afin que je réponde le plus possible à cet entrepreneur.
J'estime à 1.200 ou 1.500 F la dépense à faire pour la reconstruction de la moitié du Pont-Christ. De l'aveu de M. Lehideux le pont actuel aurait été construit sans mortier de chaux et avec de la terre délayée seulement. J'ai trouvé au bureau toutes les pièces relatives à ce pont, le metré, le procès verbal de réception, etc.
L'ouverture qui s'est produite dans la voûte a été bouchée par le cantonnier et les voitures des fermes voisines passent aujourd'hui par cette voie.
J'ai engagé Mr Grandhomme dans le cas où nous accepterions ses propositions à établir ses bordages sur le pont tel qu'il est actuellement et sans rien démolir, en remblayant un peu aux extrémités sauf à avoir une r??? un peu plus forte.
Le régime de la rivière ne permet pas de songer aux travaux de reconstruction avant l'été prochain. Je suis d'avis qu'il y a lieu d'accepter le concours offert par Mr Grandhomme. Il paraît que les prix d'application de son entreprise en ce qui regarde les travaux d'art sont très réduits".
- 1861 : début octobre, commence la démolition du pont en vue de sa reconstruction.
- 1861 : le 22 octobre. La préfecture reçoit la soumission du sieur Grand'homme à l'adjudication pour la reconstruction du pont. Son dossier est accepté. La somme de 3.500 F à laquelle s'élève la dépense sera prélevée sur les fonds du département. Le préfet demande que les travaux soient entrepris immédiatement.
Il semble que l'entrepreneur se soit mis à l'oeuvre sur le champ. Il est vrai qu'il était lui-même très interessé par la reconstruction du pont pour poursuivre ses travaux sur le chemin de fer, et les pierres ou une partie des pierres nécessaires à la construction étaient sur place suite à la démolition qu'il avait effectuée, lui-même, le mois précédent.
- 1861 : malheureusement, dans la nuit du 13 au 14 novembre, se produit une crue exceptionnelle de l'Elorn. Le pont est bâti, mais les cintres qui soutiennent les arches sont toujours en place car la maçonnerie est encore fraîche. Cette surcharge d'écoulement des eaux occasionna la rupture du pont.
L'agent-voyer de l'arrondissement de Brest, fait son rapport à son supérieur à Quimper, le 25 novembre : Je viens de procéder à la visite minutieuse du Pont-Christ, assisté de Mr Grandhomme, l'entrepreneur. Il résulte de cet examen la constatation de l'arrachement complet de l'avant-bec en amont de la pile et d'un détachement d'une partie de la pile et des voûtes, aussi en amont à un mètre du parement intérieur des murs de tête et se terminant de part et d'autre aux angles extérieurs d'amont de chacune des culées.
La fente produite par ce détachement présente une largeur de dix centimètres dans sa partie la plus ouverte, c'est-à-dire dans la pile et les parties des voûtes contigües, elle va en s'amoindrissant jusqu'aux angles des culées où elle se termine. Les culées sont restées intactes ainsi que toute la partie avale de la fente. Le radier est affouillé en amont sous la pile, vu la hauteur des eaux de la rivière, je n'ai pu m'assurer où s'arrêtait cet affouillement.
Ces dégats, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous annoncer par ma lettre du 16 du courant, ont été produits par une crue extraordinaire dans la nuit du 13 au 14 de ce mois, les cintres étant encore en place, le débouché du pont s'est trouvé obstrué, il en est résulté une surcharge considérable en amont, à cette cause de destruction est venu s'ajouter le choc contre la pile des bois provenant des ponts de service établis plus haut sur la rivière et que les eaux charriaient.
Il n'est pas étonnant que, sous l'action destructive de toutes ces eaux, la maçonnerie n'ayant pas encore fait prise, il en soit résulté un désastre.
La partie amont du pont est donc à reconstruire, l'entrepreneur et moi n'avons pas cru qu'il fut sage de faire procéder maintenant à cette reconstruction, nous avons à craindre les gelées et de nouvelles crues qui compromettraient encore de nouvelles constructions.
Les cintres sont toujours en place, mais je crois qu'il serait opportun de les enlever afin de donner aux eaux un débouché plus grand et de préserver autant que possible ce qui reste du pont d'une entière destruction. Veuillez me donner votre avis à cet égard.
Il est fâcheux que l'obligation où nous sommes de compter avec les ressources ne nous ait pas permis de projeter un pont à une seule arche en arc de cercle ou en anse de panier ; il est à craindre que la violence du courant qui existe en cet endroit de la rivière ne produise encore une fois, l'ouvrage terminé, de nouveaux affouillement en amont de la pile et n'amène un nouveau désastre.
Il est indispensable que nous fassions reconstruire la pile d'amont en gros blocage et que nous défendions l'ouvrage en amont à l'aide d'enrochement.
J'ai prié l'entrepreneur de m'avertir quand la baisse des eaux permettra de reconnaître d'une manière plus précise que je n'ai pu le faire les affouillements qui se sont produits.
Une tranchée est restée ouverte dans le chemin afin de soulager l'ouvrage en cas de nouvelle crue.
Je ne crois pas prudent de recommencer le travail avant le printemps ; c'est sans doute une gêne pour la circulation qui se trouve interceptée quant aux chevaux et voitures, mais il y a urgence selon moi à prendre cette mesure.
Rien ne m'a révélé que l'entrepreneur pût être mis en cause et rendu solidaire de l'accroissement de dépense qu'entraînera le dégat qui a eu lieu, je n'ai constaté aucune malfaçon soit dans le mortier soit dans la maçonnerie. On ne peut y voir qu'un cas de force majeure qu'il n'était donné à personne de prévoir ni de prévenir.
- 1862 : le 3 janvier, le sous-préfet de Brest demande au maire de La Roche de prendre "à sa charge la construction d'une passerelle en bois pour rétablir la circulation par le Pont-Christ".
- 1863 : Le département a largement contribué à financer la nouvelle reconstruction du pont, mais la commune de La Roche manque de fonds pour reconstruire le pont (voir : Annales du Sénat et du Corps législatif)
- 18xx : Quand ce nouveau pont a-t-il été achevé ? Il y a certainement encore des archives à retrouver.
C'est ce pont-là, reconstruit après 1862, qui est toujours en place. On le voit sur le dernier croquis, qui correspond au plan présenté en début de page. Le croquis précédent concerne le pont construit avant 1850, il paraît avoir été bâti beaucoup plus simplement.
9 - Le pont après la dernière reconstruction :
Il a été bâti par l'entrepreneur Grand'homme. Ses caractéristiques sont celles indiquées sur le plan au début de cette page : 2 arches de 4,00 m et largeur utile du tablier 3,28 m. C'est ce pont que l'on qualifie de "gothique", qualificatif qui laissait présager une ancienneté plus lointaine.
Le 15 mars 1862, avant de reprendre la construction de la partie endommagée, l'agent-voyer d'arrondissement avait proposé de substituer aux deux arches une seule ouverture en arc de cercle : cette modification au projet primitif aurait entraîné une augmentation de l'épaisseur des culées, augmentation qui aurait pu être prise au dépend de l'ouverture pour n'avoir pas à reprendre derrière les culées, mais impliquait aussi un achat de matériaux neufs, moelons de choix pour la construction de la voûte. Il craignait que, malgré les enrochements qui devaient être exécutés en amont de la pile, la violence du courant, si grande en cet endroit de la rivière, ne produise dans un temps donné de nouveaux affaissements, car ces enrochements auraient d'un autre côté pour effet, en diminuant la section d'écoulement, d'accroître la vitesse du flux.
Visiblement cette proposition n'a pas été suivie d'effet.
En 1986 : des travaux ont été menés, par la municipalité rochoise, pour la consolidation du pont dont une pile menaçait de s'effondrer
Le pont et le moulin vers 1950 - source "Archives et patrimoines de Landerneau"
Le pont avec ses chasses-roues bien visibles.
10 - La légende :
Paul Sebillot
raconte une histoire de pont du diable qu'il attribue à Pont-Christ. En voici un résumé :
Paul Sébillot : 1843 - 1918, né à Matignon, Côtes d'Armor, le 6 février 1843, écrivain, peintre, ethnographe et traditionniste, ainsi que poète et auteur dramatique. Le livre duquel est extrait le paragraphe ci-après a pour titre
Les travaux publics et les mines dans les traditions et les superstitions de tous les pays : les routes, les ponts, les chemins de fer, les digues, les canaux, l'hydraulique, les ports, les phares, les mines et les mineurs. Paul Sébillot (ed. J. Rothschild, 1894 - 623 pages) - page 150.
Quoique les événements que nous venons de raconter soient relativement récents, le livre a bien été écrit postérieurement à ceux-ci. Il n'est pas surprenant que ces épisodes, aussi gênants pour la vie locale et qui se sont éternisés sur près d'un demi-siècle si l'on prend en compte les 3 dégradations successives, aient créé la légende et soient parvenus à notre écrivain.
X
"Avant de construire le pont du Pont-Christ, en Plounéventer, il avait fallu promettre au Diable de lui livrer le premier être qui y aurait passé. Le pont achevé, on n'y avait fait passer qu'un chat : ce qui avait tellement mystifié Satan, qu'il avait juré, sur le pont même, qu'il l'aurait détruit sans cesse, et que de plus, à ses côtés, il aurait formé deux trous, dont l'un aurait été pour les marquis et l'autre pour les papes. Il détruisait la nuit ce qui avait été édifié le jour ; enfin, de guerre lasse, il a donné la paix à la digue, qui remplace aujourd'hui le vieux pont".
Avant de rassembler la documentation ci-dessus sur le pont, je me disais : "C'est encore certainement une légende qu'on impute volontiers à beaucoup de ponts. Cela me rappelle l'attribution fantaisiste de la chanson 'La petite église' à beaucoup de villages situés près d'une rivière. Et, puis, ce conte 'diabolique' est d'autant plus étonnant qu'il concerne un pont dont le nom évoque le Christ, et non le Diable".
De plus, comme le pense Mikael Madeg (Légendes du pays de Landivisiau, Em. Keredol), je m'étais dit qu'il ne s'agissait pas du pont sur l'Elorn, mais du pont sur le ruisseau de Brezal, entre Plouneventer et Saint-Servais, puisque ce pont a été remplacé par une digue : celle qui retient actuellement l'étang de Brezal ?
Mais non, il s'agit bien du pont de Pont-Christ sur l'Elorn. Après avoir lu, ci-dessus, l'histoire de ce pont, histoire somme toute assez mouvementée en 40 ans, de 1822 à 1862, on n'est pas surpris d'apprendre que ces événements aient suscité la création d'une "légende" qui correspond exactement à ce qui s'est passé :
- "Le diable avait juré qu'il l'aurait détruit sans cesse" : c'est bien le cas et pour cela il utilise différents moyens : les crues de l'Elorn à des moments trop bien choisis... pour lui, les charrois du chemin de fer. Il gêne sa reconstruction en paralysant les procédures administatives et le contrôle des Ponts-et-Chaussées et en poussant le maître d'oeuvre à réaliser une construction bâclée, pour le pont reconstruit après 1831. On est dans le surnaturel, on peut donc lui imputer tout cela. Tout au long de l'histoire, j'ai positionné, plus haut dans cette page, l'icône de Satan à droite du paragraphe décrivant son action.
- "Il aurait formé deux trous" : bien sûr, ce sont les trous qui ont perduré longtemps du côté de Plouneventer tant que les remblais n'ont pas été faits, trous qui correspondaient aux deux arches de la partie nord de l'ancien pont.
- "... pour les marquis et pour les papes" : vu l'inertie de l'administration, les anciens villageois ont, plutôt, pensé y mettre quelques hauts fonctionnaires
- Quant "à la digue qui remplace le vieux pont" : il s'agit, bien sur, des remblais qui ont remplacé deux arches sur quatre, et qui constituent aujourd'hui encore une vraie digue. Elle barre plus de la moitié du lit du fleuve aux moments des crues, et retient une grande quantité d'eau.
Le pont avait-il eu à souffrir des colères "diaboliques" avant le 19è siècle ? On note, en 1755, le baptême à Pont-Christ d'un "naigre" né à Pondichéry, il avait 7 ans. Il avait, sans doute, été amené au château de Brezal par Alexandre Marie Joseph Barbier de Lescoet, chevalier de l'ordre de Malte, et qui fut son parrain. Il lui donna le nom d'Alexandre Marie Jean NEPOMUSAINE. On sait que Saint Jean Népomucène est le protecteur des ponts. Coïncidence ? ... ou bien, était-ce une façon d'attirer les bonnes grâces du saint et sa protection sur le pont de Pont-Christ ?
Plus on lit, plus on fait des découvertes, voici la dernière faite le 6/1/2014 dans La vie des saints de la Bretagne-Armorique par Albert Le Grand - édition de 1837 avec des notes de M. Daniel-Louis MIORCEC de KERDANET, de Lesneven, avocat et docteur en droit.
On trouve dans le chapitre EGLISES ET CHAPELLES DE N.D. EN L'EVESCHE DE LEON le texte suivant, relatif à Plounevez-Lochrist, près de Plouescat :
"Dans la paroisse de Guicnevez... A l'une des extrémitez de ceste paroisse, est la chappelle de Nostre Dame du Pont-Christ (1), près du passage de mer qui est fort dangereux ; priez Dieu & sa bonne mère qu'il ne vous arrive ny peur, ny douleur (2); ...
(1) Dates et inscriptions répandues autour de cette chapelle : . . . K.
(2) Veut-on savoir pourquoi ce pont était si dangereux ? c'est qu'avant de le construire, il avait fallu promettre au diable de lui livrer le premier être qui y aurait passé. Le diable avait compté sur quelque bon chrétien ; mais, le pont fait, on n'y avait fait passer qu'un chat : ce qui avait tellement mystifié satan, qu'il avait juré, sur le pont même, qu'il aurait détruit sans cesse, et que, de plus, à ses côtés, il aurait formé deux gouffres, dont l'un aurait été pour les marquis et l'autre pour les pages (toul ar marquis, toul al laquez). Effectivement, depuis, le pont n'a jamais pu se conserver ; satan détruisait la nuit ce qu'on y avait édifié le jour ; il n'y laissait que des dangers ; mais enfin, de guerre lasse, il a donné la paix à la digue qui remplace aujourd'hui le vieux pont. K. "
Le texte de Miorcec de Kerdanet concerne le pont de Pont-Christ au Kernic, entre Plounevez-Lochrist et Plouescat. Comme il date de 1837, cela veut dire que Sébillot l'a copié, à quelques mots près, a changé son affectation pour l'attribuer à Pont-Christ Brezal en Plouneventer. Mais cela change-t-il quelque chose ? Sans doute, les avanies de notre pont étaient-elles parvenues jusqu'à lui et beaucoup devaient penser que ce pont méritait bien de se voir attribuer la légende.
Sources principales des informations
ADB = Archives Départementales du Finistère à Brest
ADQ = Archives Départementales du Finistère à Quimper
ADIV = Archives départementales d'Ille-et-Vilaine
- Préfecture du Finistère - Plouneventer (ADQ 3 O 751)
- Préfecture du Finistère - La Roche (ADQ 3 O 786)
- Sous-Préfecture de Brest (ADQ 1 Z 138)
- La Roche (ADB 592 E DEPOT 37)
- Plouneventer (ADB 585 E DEPOT 3 - ADB 585 E DEPOT 4 - ADB 585 E DEPOT 5 - ADQ 585 E DEPOT 43) incluant des copies des délibérations des conseils municipaux de La Martyre, St-Servais, Loc-Eguiner, Ploudiry.
- Annales du Sénat et du Corps législatif, Volume 2 (source google books)
- Journal L'Armoricain
- Chemin de fer (ADQ 5 S 33 - ADQ 5 S 38)
- Commission intermédiaire des Etats de Bretagne (ADIV C.4769).
- Projet de construction du pont de Pont-Christ près de Plouescat, sur la route de Saint-Pol-de-Léon à Lesneven (ADIV C.4769 - 3)
- "Les ponts monuments historiques" - Marcel Prades.
- Page Internet : http://qrbrest.fr/fr/lieu/pont-christ-42
|
|
A. Croguennec le 01/02/2012, màj le 6/1/2014 |
|
... GA ...