La générosité d'Albert Le Roux de Brezal

La générosité d'Albert Le Roux est légendaire. J'ai rencontré des personnes dont la famille était originaire de Plouneventer ou de Saint-Servais qui en témoignaient, par exemple : "Ma grand-mère, née en 1861 et décédée en 1935, qui vivait à Keriven en St Servais, a bien connu les largesses de "an Aotrou Rouz".

Il est vrai qu'Albert Le Roux, ancien banquier à Morlaix, était issu d'une famille riche (voir la fortune des Le Roux), fortune que le châtelain de Brezal a encore accrue en tant que dirigeant de la société linière de Landerneau.

Cependant des événements familiaux importants et graves vont le conduire dans cette voie de charité. Il avait épousé, en 1866, Zoé Puyo, fille de notables morlaisiens, qui lui donna deux enfants, Marthe et Anne. En 1879, Zoé décède à l'âge 30 ans seulement. Peu après, en 1882, Marthe décède à l'âge 14 ans, et puis Anne en 1887, à l'âge de 14 ans également. Albert n'a plus ni femme, ni enfant. Il envoie un télégramme à son frère Léon : "Je viens d'embrasser un troisième front glacé", et met en oeuvre le programme que lui a confié sa fille mourante : tu donneras mes biens aux pauvres.

Le vestiaire des pauvres

Ce méticuleux organise des distributions de vêtements, de draps, de couvertures, et de costumes pour les enfants qui vont faire leur première communion à l'âge de 12 ans. Il note méthodiquement, année après année, sur des petits carrés de papier, ce qu'il a offert aux nécessiteux.

Voir le détail sous couvert du livre vert

Les distributions ont lieu au château de Brezal. Sa nièce Marguerite Le Roux évoque : "le clergé des paroisses, même assez éloignées, les lui envoyait en groupes à des jours convenus. J'ai assisté vers 13 ou 14 ans [donc vers 1904] à deux de ces distributions servant les pauvres à la cuisine. Une de ces vieilles ne dit : c'est la fille de monsieur Léon ? Oui, ai-je répondu, et elle m'a embrassé".

Le recteur de Plounéventer, bien évidemment, envoyait au châtelain de Brezal sa liste personnes méritant d'être aidées car il fallait le mériter :

"Le 28 mars 1896. Très cher Monsieur Le Roux.
Le jour de la communion des enfants à Plouneventer est fixé au dimanche 19 avril. Je vous adresse, ci-joint, les noms des plus méritants parmi les enfants de la 1ère communion : Jean Moalic du Bourg ; Guillaume Vourc'h de Kersiou ; Yves Roudaut de Bourlogot ; François Bodonnec de Botcornou ; Mie Anne Jaouen de Botcornou ; Mie Jeanne Roudaut de Keradoret.

François Marie Théoden pour lequel vous faites une exception m'a dit son père, est méritant, mais son père et sa mère sont à réprimander, car tous deux se livrent à la boisson et si cette famille est tombée dans la misère, c'est la faute de l'un et l'autre. Vous pourriez peut-être, cher Monsieur Le Roux, profiter de cette occasion pour essayer de faire changer de conduite à ces malheureux, ce sera un acte de charité de plus de votre part, et j'espère que votre ascendant sur cette famille lui fera du bien. ...

J.L. Simon, recteur de Plouneventer.

Pour les couvertures, Albert Le Roux les commandait chez Louis Vérine, tannerie et corroirie, à Landivisiau. En 1908, il en avait acheté 295. En 1909, il en prévoyait 330 à 3,25 francs l'une.

Certaines couvertures étaient offertes aux conscrits lors de la "retraite" à laquelle ils participaient à Lesneven (voir plus bas).

Retraite des conscrits et des soldats libérés

La religion catholique recommande à tous l'exercice annuel d'une retraite spirituelle. La retraite est plus particulièrement opportune lors de moments importants de la vie. Il est évident que le départ de conscrits sous les drapeaux et leur retour sont des moments importants. Encore plus important pour des jeunes bretonnants à l'époque d'Albert Le Roux qui allaient affronter une vie différente dans une langue parfois étrangère. Quant au retour, ne fallait-il pas, des fois, redresser la barre ?

Dit autrement dans la Semaine Religieuse de Quimper et de Léon du 22/9/1899 :
"Les retraites de soldats. - Le moment approche où vont se donner les retraites de soldats et conscrits, il est temps de les annoncer et de recueillir les adhésions.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance de ces retraites ; tout le monde aujourd'hui convient que rien ne prépare aussi les gens jeunes gens à affronter les dangers de la caserne, ou à reprendre, dans leurs foyers, une vie sérieusement chrétienne. On l'a compris chez nous ; la meilleure preuve en est le nombre toujours croissant de conscrits et de soldats libérés qui sont venus prendre part à ces salutaires exercices".

Dans un autre numéro de l'hebdomadaire (1893), il est dit : "Avant d'arriver à la caserne, ils sont déjà initiés à la vie militaire ; nos conférences, faites en partie par d'anciens sous-officiers, et les différentes instructions leur apprennent plus en quelques jours qu'ils ne pourraient apprendre en quelques mois passés sous les drapeaux".

Lettre du recteur de Plouneventer, le 14/10/1893.

Bien cher Monsieur Le Roux. Selon votre désir, je me suis occupé sérieusement de l'oeuvre que vous teniez à propager, celle de la retraite des soldats. Il y a 15 jours, j'ai annoncé cette retraite au prône de la Grand'Messe en exigeant que tous les conscrits et les soldats libérés suivent les exercices de la retraite à Lesneven, à cause des conditions favorables qe vous leur proposiez. Demain je parlerai encore en chaire de ce sujet, et le soir je vous enverrai la liste définitive.

Le nombre des conscrits de cette année est de 15 et celui des soldats libérés est de 11, plaise à Dieu que tous prennent part à la retraite et en profitent surtout. ... ...

J. L. Simon, recteur

P.S. Déjà j'ai prévenu la maison de retraite de Lesneven qu'elle doit compter sur 30 retraitants de la paroisse de Plouneventer.

Lettre du recteur de Plouneventer, le 18/10/1901.

Mon cher Monsieur Le Roux. Je viens de recevoir les dernier noms, du moins je le pense, des conscrits et de soldats libérés, et je me hâte de vous les transmettre. Vingt-neuf de mes paroissiens suivront la retraite la semaine prochaine à Lesneven. Je vous prie, cher Monsieur Le Roux de m'envoyer de bons de "moitié pension" pour ces jeunes ens quand il vous plaira. Dimanche dernier, j'ai tenu à faire connaître publiquement votre intention dans le secours que vous avez l'obligeance de donner à cette occasion à mes paroissiens ; voilà pourquoi si dans le nombre quelques-uns refusaient la proposition charitable que vous leur faites, leurs bons vous seront retournés. Suivent les noms des conscrits (22) .... des soldats libérés (7) ... ....

J. L. Simon, recteur de Plouneventer.

Les retraites duraient 5 jours. Albert Le Roux payait la "pension" ou la "demi-pension" pour ces jeunes, qui n'étaient pas seulement ceux de Plouneventer, car on voit sur les 2 exemples ici une personne de La Roche-Maurice et une autre de Saint-Derrien.

Dons spontanés pour l'enseignement, et les oeuvres religieuses et sociales

"La question des écoles chrétiennes, à tous les degrés, lui tenait à coeur. Nombre de jeunes gens lui sont redevables de leurs études secondaires, préparatoires au Grand Seminaire ; d'autres lui doivent leur entrée dans maintes carrières libérales : sa générosité était loin d'être exclusive, à condition de trouver des garanties du côté chrétien". (Le Courrier du Finistère du 21/09/1912)

• En 1888, il rejoint la Société Anonyme à Capital Variable pour l'Ecole Chrétienne de Landivisiau (Ecole Saint Joseph) et devient membre du Conseil d'administration, puis président. Non seulement, le châtelain de Brezal était le porteur du plus grand nombre d'actions parmi les actionnaires, mais de plus, pendant ces années, il fit des dons importants pour l'entretien de l'école et le salaire des enseignants.
• En 1891, il fait don de l'Ouvroir à la commune de Landivisiau.
• Son caractère généreux et sa foi chrétienne l'amena à se préoccuper des églises proches de Brezal mais de beaucoup d'autres très éloignées :
  • Don pour l'église de Plouneventer :
    "En 1895, la seconde cloche fut refondue. C'est Albert Le Roux de Brézal qui en fit tous les frais".
  • Don pour l'église de Landivisiau :
    en 1894, il offrit à cette église le gros bourdon, l'une des quatre cloches.
  • Don pour le monastère de Kerbeneat :
    le jeudi 30 août 1900 a lieu la bénédiction d'une cloche à Kerbeneat. Le parrain et donateur est Albert Le Roux et la marraine, Mlle Félicie de Rodellec du Portzic.
  • Don pour l'église d'Audierne en 1912. Il ne se limitait donc pas au Léon, ce qui montre l'extension de son champ d'action et de générosité.
  • Il fut président du comité paroissial de Plouneventer.
• Paiement d'honoraires de médecins ou de pharmaciens.
  Par exemple, on trouve dans ses papiers trois Accusés Réception d'honoraires payés du docteur Tanguy de Landerneau : le 01/12/1910, 12 francs d'honoraires pour Mérer de Pont-Christ, et 10 francs pour Paugam de Brezal, et 01/12/1911, 10 francs pour Mérer de Pont-Christ.
• Don à la Maison du soldat (cf le 02/06/1909, accusé réception d'un don de 20 francs).
• Albert Le Roux est membre honoraire de l'association "le pain gratuit" (voir attestation du 13/03/1907 ci-contre)
  But de la société : La Société fournit à ses membres participants moyennant une cotisation mensuelle de 0,30 francs (soit un centime par jour) en cas de maladie du chef de famille 500 grammes de pain par jour et par tête composant le ménage. Les mêmes secours sont donnés pendant 20 jours lors des couches des femmes des Sociétaires. En cas de décès du Sociétaire les secours sont continués à la veuve et aux enfants pendant un mois. Les membres honoraires paient une cotisation annuelle dont le minimum est de 3 francs ou, une fois versée, celle de 30 francs. Ils peuvent être élus membres du Conseil.

Sollicitation par des associations ou des autorités religieuses

• En 1893, Albert Le Roux est contacté par les autorités chrétiennes pour défendre la candidature d'Albert de Mun au siège de député de la 2è circonscription Morlaix. Celui-ci n'a aucune attache locale, mais il est un atout indéniable pour défendre la religion catholique à l'assemblée nationale. Albert Le Roux oeuvre donc dans ce sens pour faciliter l'intégration locale d'Albert de Mun. Tout ceci nécessite du temps et de l'argent, réunions politiques et réception de nombreuses personnes à Brezal. Cette implication d'Albert Le Roux sera efficace et Albert de Mun sera élu le 21 janvier 1894, face à Claude Caill de Plouzévédé.
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  Elu à Pontivy depuis 1876, bien que n'ayant pas d'attache en Bretagne, Albert de Mun est battu en 1893. "Ce défenseur de la religion va manquer cruellement à la tribune de la Chambre. Il faut au plus vite qu'il retrouve un siège. Il s'en présente un à pourvoir en Finistère l'année suivante, celui de Morlaix-Landivisiau. M. Le Roux n'a aucune ambition personnelle, aucune arrière-pensée terrestre, et sa fortune est déjà mise au service des bonnes oeuvres. Acceptera-t-il de servir de base arrière à ce grand dessein ?

  Il accepte et l'affaire se met en marche. Albert Le Roux ne lésine pas sur les moyens. A l'époque il faut frapper les esprits en leur montrant la grâce qui leur est faite d'avoir à voter pour un grand homme qu'on leur envoie de Paris et qui ne parle même pas le breton. Quand la calèche, qui est allée le chercher à la gare de Landerneau, remonte les derniers 1.500 mètres formant l'avenue montant au château, des locataires de la famille Le Roux et des bénévoles se tiennent tous les trois mètres de chaque côté du chemin avec au bras un chandelier pour en assurer l'éclairage. De grands dîners sont donnés à Brezal, où l'hôte s'efface derrière son illustre visiteur, puisque tout ce qu'il a est mis à sa disposition. Toutes les notabilités du pays sont invitées à venir rencontrer le grand défenseur du catholicisme social. Et l'affaire tourne bien. Albert de Mun va être élu et réélu député du Finistère jusqu'à sa mort en 1914, deux ans après celui que dans sa correspondance il appelle "son cher et excellent ami". Il gardera ses aises à Brezal où il a sa chambre". Vincent Huon de Penanster.

• 14/10/1897 - Lettre de frère Louis, visiteur des écoles chrétiennes d'Indochine :
  

  Il sollicite un don pour construire 2 orphelinats au Tonkin (il avait connu Léon, le frère d'Albert, quand il était consul à Hong-Kong). Il aurait besoin de 50.000 francs. Après de longues explications sur la vie là-bas, et le besoin par rapport à la population, il conclut : "Ayant entendu parler de parler de la charité et de la générosité de votre coeur compatissant à tous les besoins, je m'adresse à vous, Monsieur le Directeur, pour que vous me veniez en aide, dans la mesure de vos ressources, pour l'établissement d'une oeuvre à laquelle je serai heureux de pouvoir consacrer ce qui me reste de force et de vie et qui est appelée à réaliser un si grand bien devant Dieu et devant les hommes ! Comptant sur votre charité, bien connue, je me dis déjà, Monsieur le Directeur, votre reconnaissant et respectueux en N.S. Frère Louis, 17 rue Oudinot Paris."

• 19/01/1904 - Lettre de l'Armoricaine de Brest, société de gymnastique, demande de don sur la recommandation de Calvez, vicaire à St-Louis.
  

  Notre "oeuvre s'appelle L'Armoricaine, elle a pour devoir accepté d'assurer l'instruction régulière de la gymnastique parmi nos jeunes gens. N'ayant parmi ses membres que des ouvriers, les charges sont très lourdes pour payer un professeur de gymnastique, l'entretien d'une salle, les agrès, l'éclairage, etc ..."

• 08/05/1909 - Lettre de L. Soubigou notaire à Lesneven : son objet est une demande d'aide pour l'école secondaire libre de Lesneven.

  Elle vient d'être construite et Mgr Duparc l'a bénie. Mais il reste un déficit de 20.000 francs à couvrir. Le châtelain de Brezal accepterait-il d'accorder un prêt de ce montant avec remboursement progressif sur 9 ou 10 ans ?

• 25/03/1907 - Lettre de M. Sauret, missionnaire à Kurumé au Japon
  

  Monsieur et cher Bienfaiteur, étant un bienfaiteur de mes oeuvres multiples, je vous envoie l'état imprimé de notre mission, afin que vous puissiez connaître les résultats de l'évangélisation de mon district en 1906. Cette année-ci j'ai été bien éprouvé sous le rapport de mon personnel et de moi-même et l'évangélisation sera probablement peu fertile en résultats. La principale de mes catéchistes femmes, baptisant les enfants de payens en danger de mort est malade depuis plus de quatre mois et la seconde est obligée de la soigner. Elles n'ont donc pu s'occuper ni des chrétiennes ni des payennes. Les cathéchistes hommes aussi à tour de rôle ont été malades pendant l'hiver. Pour surcroît de malheur, moi-même j'ai été presque invalide depuis novembre dernier et c'est un jeune missionnaire envoyé par Monseigneur qui s'est occupé de mon ministère. Je vais bientôt reprendre l'administration de mon district. Le manque de ressources m'a obligé à placer les cathéchistes dans deux de mes postes et de me contenter, à mon grand regret, de l'administration des malades. Puisse Notre-Dame de Lourdes obtenir bientôt de son divin fils la résurrection spirituelle de notre cher pays. En me recommandant à vos prières, je vous prie d'agréer l'hommage de mes profonds sentiments de respect et de reconnaissance. Votre très humble serviteur, M. Sauret. Kurumé, le 25 mars 1907.

  Albert Le Roux a noté au crayon sur la lettre : envoyé 10 francs le 14 juillet 1906.

• 01/02/1909 - Lettre de Don Bosco à Turin - AR d'un don de 100 fr.
  

  Turin, le 1er février 1909. M. A. Le Roux, c'est avec les sentiments de la plus vive gratitude que je vous accuse réception de votre offrande de 100 francs destinée à mes oeuvres. Nous prions bien de coeur le bon Dieu à toutes vos intentions, lui demandant de vous rendre le centuple en faveurs spirituelles et temporelles et de faire aussi participer tous les vôtres, vivants et défunts, au mérite de votre charité. Daigne la Vierge auxiliatrice vous assister ainsi que tous ceux qui vous sont chers, vous bénir dans vos affaires, et vous garder en bonne santé bien long temps. Veuillez enfin agréer l'hommage de mon religieux respect et me croire pour jamais Votre reconnaissant et dévoué en N.S. abbé Michel Rua.

• 05/08/1912 - Lettre de Berthou, curé doyen de Landivisiau - liste de pauvres (100/145) + école chrétienne, Joseph Mazé
  

  Landivisiau, le 5 août 19125. Bien cher M. Le Roux. Je viens de terminer la liste des pauvres, avant de partir moi-même pour la retraite ecclésiastique. Les demandes sont toujours de plus en plus nombreuses, 145 cette année, au lieu de 128 en 1911. Je vous adresse la liste des 100 que nous avons choisis conformément à vos désirs. Pourvu que ces mêmes pauvres secourus et soulagés se rappellent du moins la bonté de M. Le Roux, et s'efforcent de la récompenser par des prières plus ferventes et plus assidues ! J'ai appris, en effet, hier et ces derniers jours, par J.M. Abgrall et par Mme la Supérieure de l'Ouvroir, que, s'il y a un peu de mieux dans votre état, vous êtes toujours souffrant, et que vous avez toujours besoin de secours du bon Dieu. Je ne vous oublie pas pour ma part. Je continue tous les jours de prier pour vous, et je vous recommande aux prières de ceux qui vous sont principalement obligés.
  Vous trouverez dans le même pli, les bulletins de nos deux élèves de St Vincent : François Elies et Alexandre Rolland. Ils vont bien, semble-t-il, d'après leurs notes et d'après le palmarès, que vous avez sans doute reçu cette année comme l'année dernière. Elies a 6 prix, Rolland en a 13. C'est très bien. Elies a gagné des places, en perdant malheureusement un peu le dernier mois du côté de la piété et de la régularité. C'est un reste de jeunesse qui a voulu se manifester sans doute à l'approche des vacances. Tous deux sont au tableau d'honneur pour le mois de juillet, quoique le bulletin ne le porte pas, il est expédié avant la fin du mois. Mais ils ont tous deux 9 inscriptions, c'est le total des mois scolaires.
  Permettez-moi de vous faire remarquer une légère inexactitude dans les calculs du mois de mai ; vous l'avez peut-être rectifiée déjà. Il s'agit de la somme que vous devez pour ces deux enfants. Vous avez versé au mois de février 60 fr. pour chacun d'eux, au mois de mai 70 fr. Vous annoncez 60 fr. pour la fin de l'année. C'est 70 fr. qu'il faut dire pour atteindre les 200 fr. = 60 + 70 + 70 = 200 fr. Excusez-moi d'attirer votre attention sur un si petit détail.
  L'école prospère de plus en plus avec M. Mazé. Il dépasse de 2.000 fr. tout près les recettes de l'année dernière. C'est qu'il a l'oeil à tout, et qu'il tire parti de tout. Cette année, c'est la basse-cour surtout qui lui apporte un sérieux appoint. Pourvu que nous le conservions ! Des bruits circulent d'avancement, de déplacement... il serait pour nous souverainement fâcheux de le perdre.
  J'au dû verser à la caisse de M. Tréanton les 5.000 fr. que vous m'aviez donnés pour le patronage. Il l'a fait servir à payer sans doute les dettes du patronage, mais aucun reliquat des dettes de l'école. En sorte que nous nous trouvons encore sans le sou avec cette petite avance de 1.000 ou 1.500 fr. immobilière à l'école pour les dépenses courantes. Et c'est encore M. Mazé qui désire des agrandissements.
  Veuillez excuser, bien cher M. Le Roux, ma trop longue lettre, et veuillez croire à mes sentiments, très humbles, très respectueux et très dévoués. Berthou, curé de Landivisiau.

• 26/06/1912 - Lettre de Soeur Ste Germaine, religieuse du St-Esprit à Landerneau - demande de 60 fr. pour l'ouvroir + 300 fr. pour l'intégration d'une postulante + liste d'indigents (dans une lettre complémentaire du 01/08/1912 : 68 sur une première liste + 56 sur la deuxième)
  

  Landerneau, 26 juin 1912. Bon Monsieur. La fin du trimestre m'amène à solliciter encore votre bienveillance et à vous demander de vouloir bien gratifier notre petit ouvroir de votre secours de 60 fr., destinés comme toujours à rétribuer 2 des meilleures ouvrières.
  De nouveau aussi, je me mets à votre disposition, bon Monsieur, pour remplir les listes d'indigents pour l'année courante. Soyez assuré que ce m'est une douce tâche de travailler à cette oeuvre, y trouvant un faible moyen de vous témoigner ma sincère gratitude.
  Une grande bonté me pousse encore à vous exposer une autre demande. Une jeune fille de Landerneau est venue prier de la prendre comme postulante afin d'entrer dans notre Congrégation. La connaissant d'avance, j'ai accédé à son désir et j'en ai référé à nos Supérieurs. On l'admettra donc au Noviciat, seulement la question de la pension et du trousseau arrêtent quelque peu la famille. Celle-ci n'est pas dans une situation aisée, vu que le père et un petit jeune homme seuls gagnaient avec notre future postulante, et qu'il y a 3 tous jeunes enfants. Presque tous les ans, ces personnes ont été secourues par vous, car les enfants n'ont pas manqué, je crois bien, à être du nombre de ceux que vous habilliez pour la Communion. Devant donc l'impossibilité des parents à ne rien, ou presque rien, pouvoir donner à leur fille, et les charges de plus en plus lourdes de la Congrégation, j'ai pensé, bon Monsieur, à vous tendre la main et à vous demander la somme de 300 francs pour aider à cette vocation. Si ma requête est trop forte pour votre budget déjà bien obéré, je vous serais quand même des plus obligées de ce que vous aurez la bonté de me donner.
  Nous avons appris, par nos Soeurs de Plouneventer, les jours derniers, que l'état de votre santé laissait à désirer. Nous aimons à espérer que l'amélioration qu'elles nous annonçaient en même temps se sera accentuée et que le bon Dieu vous gardera encore longtemps à cette région que vous couvrez de vos bienfaits. C'est le désir que chacune de nous exprimait et exprimera encore au bon Maître.
  Veuillez avoir la bonté d'agréer, bon Monsieur, l'expression de notre profond et religieux respect, auquel je joins les sentiments de notre vive reconnaissance tant ceux de mes Compagnes que ceux de nos petites ouvrières. Toute la Communauté redit à Mademoiselle Augustine, son plus sympathique et respectueux souvenir. Soeur Ste Germaine, religieuse du St Esprit.

Sollicitation par des personnes

• 18/01/1898 - Lettre de l'Abbé Le Stum, professeur au collège de Lesneven, qui demande une aide pour l'élève Alain Tanguy, originaire de Ploujean.
  "Sa mère est une ouvrière, veuve, qui ne possède rien" et mon élève "a un fort arriéré de compte, on craint de ne pouvoir lui faire continuer son collège. Et pourtant il est digne de tout intérêt : intelligent et pieux, il est exemplaire en tout ; il rêve de pouvoir rentrer au séminaire".
  Le 30/01/1898, l'Abbé Le Stum, écrit une lettre de remerciement :
  "Je suis bien vivement touché du don si généreux que vous avez voulu faire pour assurer l'éducation de l'élève Tanguy. Maintenant le bon enfant est sûr de pouvoir réaliser ses voeux". "Vous m'aviez demandé, Monsieur, de n'en rien dire à personne. Je vous ai désobéi sur un point. J'ai tenu à ce que mon élève connut le nom de son bienfaiteur, afin qu'il ne l'oublie jamais dans ses communions et ses prières. Je ne vous oublierai pas non plus ..."
• 21/07/1895 - Lettre de Mme Vve Salliou, qui a travaillé à la distillerie de Brezal.
  Havre, le 21/7/1895. Mon Cher Monsieur, je prierai Monsieur de mescuser si je me permets d'écrire à Monsieur c'est que c'est la plus grande misère qui me le fait faire je dirai à Monsieur que j'abbite Le Havre depuis plusieurs années que j'ai eu le malheur de perdre mon mari et mon jeune homme de 21 ans qui était mon seul soutien ici bas. Je dirai à Monsieur que je suis réduite dans la plus grande misère depuis la mort de mon enfant, je dirai à Monsieur que j'ai la vue presque étint qui me rend incapable de gagner mon existance je dirai à Monsieur que j'ai travaillé très longtemps chez votre défunt Père à la distillerie et dans vos champs je prierai Monsieur si ce serait un effet de la bonté de Monsieur de bien vouloir jeter un regard de pitié sur ma triste situation et de bien vouloir me venir en aide car je suis à la veille d'être sans domicile vue que je ne puis pas arriver à payer mon loyer mon propriétaire me menace de m'expulser et me mettre à la rue si pour la fin du mois je ne trouve pas d'argent pour le payer. Je vous salue Monsieur Le Roux Albert, j'espère que vous exaucerez ma demande et je prierai Monsieur de bien vouloir me rendre réception de ma lettre et je vous serai toute ma vie reconnaissante. Voici mon adresse : Madame Veuve Salliou au Havre rue Cassaro n° 5 Seine-Inférieure.
• 24/09/1895 - Lettre de Mme Vve Stéphan, ancienne salariée de la filature;
  Brest, le 24/9/1895. Monsieur, connaissant vote extrême bonté, je viens me recommander à vous, sachant toute votre sollicitude pour vos anciens serviteurs. Mon mari et moi, nous avons travaillé pendant 36 ans dans votre filature ; nos livrets y sont restés. Mon mari Alain Stéphan, a été blessé trois fois dans la fabrique et il ne s'en est jamais bien rétabli. Je suis veuve et âgée de 67 ans, n'ayant que mon travail pour vivre : triste ressource à mon âge ! Recevez, Monsieur, l'assurance de mon profond respect et de ma considération la plus distinguée. Votre très humble servante. Vve Stéphan, née Marie Gabrielle Guiader Rue de Paris, n° 60 Brest.
• 06/11/1900 - Lettre de Soiny de Morlaix, ancien salarié - demande d'aide pour les études de son fils (médecine coloniale)
  Morlaix, 6/11/1900. Cher Monsieur Le Roux, je viens vous annoncer que mon fils André, lauréat de philosophie au Collège de Morlaix, a été déclaré admissible à la faculté de Rennes. Il doit passer prochainement l'oral, et j'espère que Dieu aidant il sera reçu. comme il se destine à la médecine coloniale, ce qui demande 5 à 6 ans d'études, je me permets d'avoir recours à vous, persuadé que vous ne voudrez pas me laisser dans l'embarras. Sur mon budget, qui est relativement minime, nous sommes sept personnes à vivre, et comme je tiens à faire honneur à mes engagements, je prends la liberté de m'adresser à vous. Voici bientôt 33 ans que j'ai l'honneur de faire partie de votre maison, jusqu'ici je ne vous ai demandé aucune faveur, mais maintenant je me vois dans l'obligation de m'adresser à vous pour me permettre de faciliter à mon fils l'accès d'une carrière. Comme je vous l'ai dit plus haut, il se destine à la médecine. Je suis donc dans la nécessité de l'envoyer à Rennes, Bordeaux et Brest. Vous comprendrez facilement que mes ressources ne me permettent pas un tel sacrifice, et il serait bien pénible pour mon fils après avoir passé ses examens, de ne pouvoir prétendre à un emploi important, après quelques années de travail. Aussi, je ne doute point, cher Monsieur, que vous ne preniez ma demande en considération. Dans cet espoir, veuillez agréer, cher Monsieur, l'expression de mon profond respect. Soiny A. 5 rue du Collège.
  Albert Le Roux a noté au crayon : 4 enfants : 2 fils et 2 filles.
• 14/07/1904 - Lettre de Louise Soubigou, directrice de l'école du Sacré-Coeur de Plouneventer
  Elle invite Albert Le Roux à distribution à la distribution des prix. Mais Albert Le Roux lui fait savoir qu'il ne pourra y être (il doit être à Landivisiau pour des motifs graves), et lui transmet un don par "bons de poste". La lettre de 19/07/1904 de Louise Soubigou est le remerciement qu'elle lui adresse en lui précisant qu'un des prix d'honneur sera offert en son nom.
• 18/10/1909 - Lettre de Marie Saleun de Landerneau - demande d'aide avec mot de l'abbé Fleury. Le 6/11/1909 - lettre de remerciement.
  

  Landerneau, le 18 novembre 1919. Monsieur Le Roux. Ayant si souvent entendu parler de votre grande bonté envers les malheureux, permettez Monsieur que je vienne, moi aussi vous prier de faire quelque chose en ma faveur. Je suis la fille de feu Saleun Tugdual, et la mort de mon père m'a laissée dans une triste situation. Sans doute c'était dans les desseins de Dieu, qui permet tout pour notre plus grand bien spirituel et je dois me soumettre, et bénir sa volonté toujours adorable malgré ses rigueurs. J'ai toujours travaillé, et pourtant aujourd'hui je me vois réduite à demander aide et assistance, car pauvre repasseuse mon travail n'est plus guère rétribué et je ne puis désormais n'en faire que peu, car ma santé est quelque peu chancelante, n'étant plus jeune. Pardonnez-moi Monsieur de vous parler tant de moi, si je le fais c'est pour vous prier d'avoir pitié de moi. Si, comme j'ai la douce confiance, vous me tendez une main secourable, soyez persuadé Monsieur que vous n'obligerez pas une ingrate, et vous aurez chaque jour une large part dans mes prières. Agréez, Monsieur, l'assurance de mon profond respect. Marie Saleun.

  Landerneau, le 6 novembre 1909. Monsieur Le Roux. Je viens de recevoir, il y a à peine 2 heures votre lettre, ainsi que les bons que j'ai touchés à la poste, sans difficulté. Mon coeur déborde de reconnaissance, comment pourrai-je assez vous remercier pour tant de générosité sans aucun mérite de ma part. Je n'ai renconté chez les miens qu'indifférence, aussi je suis profondément touchée. Aussi, bien vénéré bienfaiteur, permettez-moi de vous donner ce titre, mes prières vous sont acquises, ainsi que le mérite du peu de bien que je peux faire autour de moi, toutes les fois que j'aurais le bonheur de communier, j'aurais une intention particulière pour vous. Je prie le bon Dieu de vous bénir, et vous conserver longtemps aux malheureux dont vous êtes véritablement le père. Que le bon Dieu vous rende au centuple Monsieur Le Roux tout le bien que vous me faites, grâce à vous je pourrai maintenant affronter les rigueurs de l'hiver. Ainsi donc, encore une fois merci. Veuillez agréer, Monsieur Le Roux l'expression de ma profonde reconnaissance, et l'assurance de mon profond respect. Marie Saleun.

  Il semble bien que les lettres de Marie Saleun aient été écrites par l'abbé Fleury.

• 17/10/1910 - Lettre de Corentin Seznec du Grand Séminaire - il a besoin de livres et de vêtements chauds.
  Le 09/03/1911, il donne des informations sur ses études et sur le Grand Séminaire qui doit déménager à Quimper et aussi sur ses ennuis de santé. Ces deux lettres sont contenues dans un très gros paquet (non photographié) qui traduit bien les nombreux échanges que le séminariste avait avec Albert Le Roux
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  J M J - Grand Séminaire, le 17 octobre 1910.

  Bien cher Bienfaiteur, je vous remercie très cordialement de votre bonne et intéressante lettre. J'ai depuis le 14 courant les volumes de L'Histoire de l'Eglise : ils ne sont pas encore payés. J'étais obligé de les avoir, puisque les classes étaient commencées. Je les ai pris chez M. Derrien, le libraire qui s'est chargé de fournir les livres voulus au Grand Séminaire. Pour ce qui concerne le Cours de Philosophie scolastique, je ne peux pas vous indiquer l'éditeur car les professeurs de Philosophie du Grand Séminaire l'ont fait venir d'Allemagne ; il est vendu à la boutique du Grand Séminaire.

  Je suis et je suivrai toujours les conseils du docteur Auffret. Le mauvais temps étant venu, je me trouve dans l'obligation d'avoir un manteau ou une douillette : un manteau me coûtera de 25 à 30 francs, une douillette 50 francs. Une douillette m'est la plus avantageuse parce que je pourrai la garder pendant toute la journée.

  Je prie pour vous tous les jours, et dans mes prières je demande au Bon Dieu de vous accorder spécialement toutes sortes de grâces et de bénédictions.

  Votre très respectueux et bien obéissant obligé en N.S. Corentin Seznec, élève de Philosophie.

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  J M J - Grand Séminaire, le 9 mars 1911.

  Cher Bienfaiteur, j'ai tardé à vous écrire ; ce sont les grandes compositions de Pâques qui ont causé ce retard. Ce matin j'ai composé en sciences naturelles (biologie animale et paléontologie), la veille j'avais composé en philosophie. Lundi prochain a lieu la composition de liturgie. Ces compositions ayant des matières, surtout les deux premières, demandant beaucoup de travail et surtout un travail sérieux. Le 20 mars a lieu l'examen oral et le lendemain 21 commencent les vacances de Pâques. Cette année, elles commencent plus tôt que d'habitude. La raison en est que l'établissement qui sert actuellement de séminaire doit être complètement vide et complètement mis en état pour le 1er avril jour où finit le bail.

  Dans quelques jours, cher bienfaiteur, je vais quitter le Carmel de Brest. Pendant tout le temps que j'ai passé ici, j'ai toujours eu de la dévotion à prier dans la pieuse chapelle du Carmel sanctifiée par les ferventes prières qui y ont été faites unies aux généreux sacrifices qui y sont éclos et à tous ceux qui ont eu leur entier accomplissement du temps des Carmélites. Une pensée de tristesse s'empare de moi en pensant que bientôt tout cela va être silencieux, plus de chants, de rares prières peut-être si la chapelle reste ouverte, là où Jésus a été tant aimé.

  Je me réjouis pourtant en pensant que les vifs désirs de Monseigneur de posséder son grand séminaire dans sa ville épiscopale, vont avoir leur réalisation.

  Oui, cher bienfaiteur, après Pâques le Grand Séminaire sera à Quimper dans l'ancien couvent des Ursulines, situé dans la rue Verdelet. Monsieur le Supérieur annonce de temps en temps aux séminaristes que tout dans le nouveau séminaire plaît et surtout est de bon goût. Une fois même, il a dit à peu près ces mots : "Une belle campagne, une vue agréable, un peu d'azur activent l'intelligence, et ajoutent un brin de poésie aux questions les plus abstraites et y font mordre de meilleur entrain".

  Je me porte bien. Je peux donc dire que j'ai servi le programme du semestre sans trop de fatigue. Oui, cher bienfaiteur, je remercie Dieu et Notre Dame de Lourdes de ce que j'ai la santé suffisante pour faire mes besognes quotidiennes. On a toujours, il est vrai, quelque chose à souffrir soit du côté du corps, soit d'ailleurs. C'est ainsi qu'au commencement de février j'ai souffert beaucoup de maux de dents. J'ai eu d'abord des abcès dans les gencives ; le pus des abcès attaque les dents ce qui a donné lieu à une carie très rapide. Aussi j'ai dû d'en arracher plusieurs.

  Votre souvenir, cher bienfaiteur, m'est journellement présent. Jamais je ne me couche sans dire trois Ave Maria à votre intention devant une petite statue de Notre Dame de Lourdes. Puisse cette bonne Mère qui a été si bonne pour moi, l'année écoulée, vous obtenir de son Divin Fils les grâces dont vous avez besoin pendant le cours de cette année. Votre très respectueux obligé en N. Seigneur J.C., Corentin Seznec, clerc tonsuré, Gd Séminaire Lambézellec.
   

  P.S. Nous sommes au saint temps du carême. Pendant tout ce temps, unissons-nous aux intentions de l'Eglise : elle demandera pour nous au Seigneur l'esprit de Pénitence, la grâce de pratiquer avec fruit et fidèlement le jeûne du Carême et de nous préparer à recevoir avec de saintes dispositions la Sainte Communion pour le temps Pascal.

  Le mois de mars est sanctifié sous le vocable de mois de Saint Joseph. Tout le monde peut avoir une vénération et une confiance particulière pour lui, puisqu'il a été le modèle accompli d'humilité, de charité, de discrétion, d'amour du travail et d'inviolable pureté.

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• 16/08/1912 - Lettre de Barthélémy Dréau, recteur de La Roche, demandant une aumône pour Thénénan Lagadec qui "garde le lit depuis 3 mois", ainsi qu'un secours pour lui-même afin d'acquérir un harmonium.
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  La Roche 16 août 1912.
   

  Mon cher Monsieur Le Roux,
  Je viens de voir au Bas-Bourg de La Roche, Thénénan Lagadec, âgé de 71 ans. Il garde le lit depuis trois mois. Sa femme me disait en pleurant qu'ils sont dans une grande indigence. Leurs enfants sont établis ailleurs et trouvent qu'ils ont beaucoup à faire pour eux-mêmes.

  Aussi je vous demande, mon cher Monsieur Le Roux, une aumône de 25 ou 30 francs que je leur donnerai, en votre nom, pour les soulager dans leurs besoins.

  Permettez-moi aussi, mon cher Monsieur Le Roux, de vous demander un secours pour moi-même. Je désire avoir au presbytère un harmonium afin de styler les enfants de choeur pour rehausser le chant de l'église. J'ai commencé avec un jeune homme qui montre des dispositions peu ordinaires, il fait l'admiration du peuple de La Roche qui voit un enfant de 8,5 ans jouer déjà pour la bénédiction du Saint-Sacrement. Mais il ne peut, hélas, s'exercer guère à l'église parce qu'il troublerait les fidèles qui y viennent faire leurs prières. J'ai trouvé un harmonium de 300 francs et si vous pouviez me donner une somme de 200 francs je pourrai compléter le reste. Voyez, mon cher Monsieur Le Roux, si vous pouvez m'aider dans cette occasion. Je ne recherche en cela que la gloire de Dieu.

  Je termine en priant le bon Dieu de vous accorder la santé afin que vous restiez encore, pendant plusieurs années, pour soulager les misères des indigents.

  Veuillez accepter, mon cher Monsieur Le Roux, le nouvel hommage de mon plus profond et plus sympathique respect.

  Dréau, Recteur de La Roche.

• 02/12/1900 - Lettre de Yves Marhic, soldat à Morlaix, a besoin de 15 francs pour payer sa baïonnette (l'intercession de Le Roux lui évitera la prison).
  Mon cher Monsieur Le Roux, je vous écris ces quelques mots pour vous dire que je suis toujours en bonne santé, Dieu merci, et je désire que vous êtes de même. La semaine dernière j'avais été faire une marche, manoeuvre pour instruire les jeunes soldats. C'était une marche de nuit, on était parti de la caserne à 6h12, on est revenu à minuit. J'étais placé de sentinelle au milieu d'un grand bois. Quelque temps après on avait sonné le rassemblement. J'étais venu au pas de gymnastique à travers les bois et les garennes. Il faisait tellement nuit, on ne savait pas trop ousquon allait.
  Quand je suis arrivé à l'endroit ousquon faisait le rassemblement, le capitaine m'a demandé ousqu'elle votre baïonnette. Je lui avais répondu probablement je l'ai perdue en route. Aussitôt il m'avait fait retourner sur mes pas pour la chercher. On avais couru beaucoup des bois et des garennes et comme il faisait très nuit, je ne savais pas trop ousque j'allais.
  Le lendemain, le capitaine m'a envoyé encore chercher ma baïonnette. J'étais parti au réveil et suis resté toute la journée la chercher sans venir manger. Et encore je n'avais pas pu la trouver. Le capitaine avait écrit au colonel que j'avais perdu ma baïonnette.
  Le colonel m'a donné à choisir : la payer 30 francs ou bien avoir deux mois de prison. Aussitôt j'avais écris à mes parents pour m'envoyer un mandat de 30 francs mais comme ils sont très pauvres ils n'ont pu me donner que 15 francs. Mon père à l'âge de 74 ans et ma mère a 60 ans. Ils ne peuvent pas gagner beaucoup à présent.
  Mon cher Monsieur Le Roux, si vous auriez l'obligeance de m'envoyer un mandat de 15 francs S.V.P. pour aider mes pauvres parents à payer ma baïonnette. Dieu vous bénira pour l'aumône que vous aurez faite pour moi. Il y a quelque temps j'avais demandé d'aller à la maison pour aider mes parents à vivre, on ne m'a pas laisser. Ayez pitié d'un pauvre militaire qui va coucher sur la planche pendant deux mois si je ne peux pas payer ma baïonnette, ayez pitié aussi de mes pauvres parents, on m'a donné 6 jours de temps de demander l'argent. Envoyez-moi une réponse le plus tôt possible S.V.P. Aussitôt que j'aurais eu mes 30 francs, je serai délivré de mes deux mois de prison.
  Adresse : Marhic Yves, soldat au 118è de ligne 6è compagnie à Morlaix Finistère.
  Je vous serre la main de loin, votre ami Yves.
• 17/10/1904 - Lettre de Jean-Marie Miossec de Bodilis qui veut rentrer au séminaire, demande de don
  Bodilis, 17 octobre 1904. Mon bon Monsieur Le Roux, vous avez reçu l'autre jour la visite d'un nommé Miossec et vous avez considéré son cas. Voici le motif qui l'avait amené vers vous. Ayant entendu parlé de votre bonté et de votre générosité, je suis accouru vers vous comme vers un père, poussé que j'étais par la voix de ma conscience qui ne me laissait plus de repos. Je vous demande mon bon Monsieur Le Roux d'aider mes parents et une autre personne charitable qui s'intéresse à moi, pour pouvoir m'envoyer à Plouguernevel. Comme vous avez bon coeur et bonne volonté, je vous laisse faire votre volonté. Ce que vous pouvez me donner, je les recevrai de très bon coeur et je tâcherai de vous faire plaisir par mon travail et ma conduite. A supposer que je ne rentre pas au grand séminaire de Saint-Brieuc l'année prochaine, je pourrai du moins me faire missionnaire et peu m'importe le lieu et l'endroit pourvu que je puisse gagner des âmes à Dieu. Mais comme il faut avoir une instruction suffisante, je tiens à l'avoir au prix de beaucoup de peine. Si donc un jour je parviens au but que je veux atteindre, vous ne regretterez pas votre argent, d'ailleurs vous serez payé de ce superflu par les prières que j'offrirai chaque jour pour vous sur le saint sacrifice de la messe. D'autre part, votre couronne sera d'autant plus brilllante au ciel que vous aurez rendus de services. Agréez, je vous prie, l'expression de mes sentiments respectueux et dévoués. Signé : Miossec Jean-Marie à Kerandivez (Bodilis).
• 10/10/1905 - Lettre de Gabriel Lagadec, instituteur libre à Landivisiau, demande un don pour sa soeur
  

  Landivisiau, le 10 octobre 1905. Monsieur le Président 1. Me trouvant dans une situation tout-à-fait pénible, je me suis décidé à vous adresser ces quelques lignes. Ma soeur, se trouvant dans le besoin s'adresse à moi pour avoir quelque secours ; je lui ai envoyé tout ce que je pouvais ; mais c'est bien peu de chose ; maintenant je ne puis plus rien pour elle ; mais je lui ai promis que j'en parlerai à une personne bien charitable de Landivisiau ; cette personne c'est vous-même M. le Président, et c'est pourquoi à ma lettre j'ai voulu y joindre celle de mon cousin, lequel me fait connaître la situation où ma soeur se trouve en ce moment. J'aurais bien voulu pouvoir aller vous voir à Brézal, mais vous le savez bien, je ne suis libre que le jeudi dans la soirée. Je vous serai bien reconnaissant, M. le Président, si vous vouliez bien venir au secours de cette pauvre fille qui m'est si chère, et au bonheur de laquelle je m'intéresse tant. Recevez, M. le Président, l'assurance de mes sentiments respectueux et dévoués. Lagadec Gabriel, instituteur libre à Landivisiau.

  1 Albert Le Roux était président de la Société Anonyme à Capital Variable pour l'Ecole Chrétienne de Landivisiau
            (Ecole Saint Joseph) où enseignait Gabriel Lagadec.

• 21/01/1907 - Lettre de la veuve Macabée, élevée à l'ouvroir de Landivisiau
  

  Brest, le 21 janvier 1907. Monsieur. Je viens avec confiance m'adresser à vous connaissant vos bontés pour les malheureux. Je vous ai connu ayant été élevée à L'Ouvroir de Landivisiau où je suis restée neuf ans. Je me trouvais avec votre ancienne femme de chambre Marie Ropars. J'avais été envoyée pendant que j'étais à L'Ouvroir chez Madame votre soeur Madame Huon de Penanster pour aider la femme de chambre pendant les vacances. Je me suis mariée mais le malheur a voulu que je perde mon mari. Voila neuf ans que je suis veuve avec deux petites filles l'une âgée de huit ans et l'autre de 6 ans. Que malheureusement la petite derrnière est née pendant mon veuvage. Je préfère Monsieur être franche avec vous car je ne veux pas vous tromper. Je me suis trouvée dans une situation très malheureuse étant atteinte de rhumatismes, j'ai dû rentrer à l'hôpital où je suis restée six mois sans pouvoir bouger du lit et maintenant je suis restée infirme à la suite de ces rhumatismes. Je ne puis donc pas gagner ma vie. Je n'ai pour toutes ressources Monsieur que le Bureau de Bienfaisance qui m'accorde onze bons par semaine et un bon de pain de 3 livres, et 3 francs par mois pour m'aider à payer mon loyer. Tout cela m'aide à vivre mais ne me suffit pas pour nourrir et entretenir mes deux enfants. Je n'ai jamais osé dans ma misère demander rien à personne n'étant pas hardie, j'ai bien souffert. Si c'était un effet de votre bonté, Monsieur, pour améliorer ma triste position, de placer mes deux petites filles soit à L'orphelinat de Landerneau ou Landivisiau ou à L'Adoration Perpétuelle de Coat-ar-Gueven à Brest. Dans ce couvent elles seraient plus près de moi et j'aurai la consolation de les voir. Je vous serai bien reconnaissante, je vous remercie d'avance avec l'espoir que vous me prendrez en pitié et vous prie d'agréer, Monsieur, mes sentiments respectueux. Votre dévouée servante, Veuve Macabé 78 Grand'rue 3è étage Brest.
  

  Albert Le Roux a noté au crayon : 400 pour deux enfants à l'Adoration.

• 29/08/1909 - Lettre de Aline Quintric, religieuse ursuline de Quimper, demande de l'argent pour aller à Lourdes
  

  Quimper, le 29 août 1909. Cette année, je n'aurais pas le bonheur d'aller vous voir vu que je n'irai pas à Landivisiau à moins qu'il n'y ait quelque arrangement à faire pour la maison des religieuses. Je souhaite que la persécution les laisse tranquilles, quant à nous, nous n'avons pas ce bonheur. Depuis le 25 juin, nous sommes sécularisées afin de pouvoir plus facilement nous occuper des enfants du patronage, faire le catéchisme. Notre situation est toujours la même que l'année dernière. Nous nous occupons au travail manuel pour gagner notre vie. Hélas, cher Monsieur, je vois avec peine que bientôt, si je ne prends pas de force, je serai à charge à mes compagnes ; malgré que je suis très près de l'église, souvent je puis aller à la messe avant d'avoir pris quelque chose, ainsi voyant l'état de santé où je suis réduit, on m'a permis de faire le voyage de Lourdes, si je trouvais un homme charitable comme vous Monsieur dont je connais la bonté de payer les frais du voyage peut-être que notre bonne Mère du Ciel aurait pitié encore de moi et me donnerait une meilleure santé, afin de pouvoir servir son Divin Fils et ensuite gagner le pain de chaque jour. J'espère Monsieur que vous aurez pitié de moi.
  Je ne veux pas terminer ma lettre sans offrir mon profond respect à Mademoiselle Augustine et lui dire que je ne l'oublie pas dans mes prières. Mademoiselle connaissant votre coeur, je crois vous entendre dire à Monsieur Le Roux, d'avoir compation de la religieuse des Ursulines renvoyée de sa Communauté, afin qu'elle puisse encore une fois avant de mourir voir Notre Dame de Lourdes. Daignez agréer, Monsieur, l'hommage respectueux de votre bien reconnaissante Aline Quentric.

• 03/04/1911 - Lettre de Thénénan Le Scour, qui fait des reproches plutôt violents à Albert Le Roux car il ne lui a pas donné d'argent en contrepartie des prières qu'il dit pour lui au Folgoet !!! depuis 11 ans déjà !!!
  

  Keranden, lundi 3 avril 1911.

  Mon cher Monsieur Albert Le Roux, je viens de vérifier toutes les lettres que vous m'avez écrites depuis 1899, année dans laquelle j'avais formé un voeu pour vous dans l'église Notre-Dame du Folgoët, c'est à dire que je vais faire cette année ma onzième communion pour votre âme et laissez-moi à vous dire que c'est honteux et ridicule pour moi d'avoir été abandonné l'année dernière car vous n'aviez pas voulu même me remercier pour ce jour.
  Je n'aurai plus besoin de vous répéter cent fois votre ingratitude envers moi, car vous savez bien ce que vous m'avez fait dans le temps passé quand je vous demandais de me rendre service.

  Aujourd'hui mon cher M. Albert Le Roux je viens vous dire franchement malgré ma peine que si vous n'acceptez pas de me donner une petite somme de 100 francs par an jusqu'à votre mort, si je reste en vie, et une petite pension de 400 francs après vous si Dieu me permettra.
  Je vous prie sans faute de me répondre bonne ou mauvaise dans huit jours.
  Laissez-moi vous dire encore que si vous me refusez, vous n'êtes pour moi qu'un homme sans connaissance, et aussitôt mon voeu va être revoqué sans résistance, au contraire si vous me donnez une bonne réponse, je continue jusqu'à ma mort selon ma formule.

  Réfléchissez-donc de ne pas vous laisser perdre tant de fruit pour votre âme, Dieu vous a-t-il affirmé jamais que vous pourriez vous sauver sans mes prières.

  Bonne santé en attendant votre réponse, votre dévoué et fidèle serviteur Thénénan Le Scour Chez sa belle-soeur Madame Le Scour à Keranden (route du cimetière) près de Landerneau (Finistère).

  

  Ne m'écrivez pas après huit jours.

Persistence du souvenir la générosité d'Albert Le Roux

En 1970, Vincent Huon de Penanster, neveu à la 3è génération d'Albert Le Roux, s'installe à Brezal dont il avait hérité. Voulant s'impliquer dans la vie communale de Plouneventer, il se présente aux élections de mars 1971 et il est élu maire. Il a reconnu que sa position d'arrière-petit-neveu d'Albert n'y était pas pour rien.

"De l'efficacité discrète et effacée de l'oncle Albert, j'ai moi-même ressenti les traces soixante ans après sa mort. J'ai rencontré, au cours de mes tournées, plusieurs personnes âgées qui se souvenaient... et qui évoquaient avec pudeur, car il s'agissait toujours d'une autre famille, n'est-ce pas : "An Aotrou Rous avait donné un costume neuf pour le mariage du fils du voisin", ou bien il avait aidé une famille dans le besoin, ou encore il avait payé l'hôpital de tel ou tel... Un seul a témoigné directement : "C'est lui qui m'a offert mon costume de première communion, en 1901".

Lors des élections de 1971, cet élément parmi d'autres a joué en ma faveur : "Le souvenir d'Albert Le Roux n'était pas éteint, bien des familles étaient contentes de voter pour lui, on s'acquittait d'une dette, je l'ai compris ensuite. En tout cas, j'ignorais tout de l'action sociale de l'oncle Albert - et puis c'était si loin...".

Source des informations

• Fonds Huon de Penanster - correspondance Le Roux (ADQ 269 J 1 à 4)
• Les Huon et les Huon de Penanster par Vincent Huon de Penanster
• La Semaine Religieuse de Quimper et de Léon du 4/11/1898
• La Semaine Religieuse de Quimper et de Léon du 22/9/1899
• Retraite des soldats, voir aussi SRQL de 1897
• Le papier à lettre des courriers permet de récupérer des dessins anciens.

André Croguennec - Page créée le 9/1/2025.