La grotte de l'ermite

La grotte de l'ermite est située dans la parcelle n° 592 du cadastre napoléonien de Plouneventer (1828). Cette parcelle est identifiée dans ce document comme "taillis" sous le nom de "Coat an ermit". On y distingue trois blocs rocheux. Sur celui du milieu se trouve actuellement la chapelle de Brezal édifiée vers 1850 par Guillaume Le Roux. A mi-hauteur du bloc de droite, sur un petit plateau, on peut découvrir le tombeau et la grotte de l'ermite. On remarquera que la croix du tombeau a bien été dessinée sur le plan du cadastre.

La grotte de l'ermite remplie de feuilles. Après être monté en haut de l'escalier, on se trouve face au tombeau, faire quelques pas dans le sens opposé et voici la grotte de l'ermite. L'escalier menant au tombeau tout droit et à la grotte de l'ermite complètement sur la gauche. Photos A. Croguennec. ...et merci à mon geocacher préféré pour sa participation.

Le tombeau. Voici ce qu'en dit G.M. Thomas dans une coupure presse, datant peut-être des années 1950, concernant le château de Brezal : "De la vieille chapelle, on jouit d'une vue superbe, découvrant dans le lointain le vieux castel de La Roche-Maurice, perché sur un piton rocheux, tandis qu'en contrebas on peut encore voir un tombeau surmonté d'une fruste croix de granit, bien dissimulé dans un lit de mousse."

 
La photo ci-contre représente Yan' Dargent, le célèbre artiste-peintre de Saint-Servais, qui s'est fait photographier dans, ou plutôt à côté, de la grotte de l'ermite (*). Pont-Christ et Brezal ont beaucoup inspiré cet artiste, comme plusieurs autres, par ailleurs.

Mais qui était donc cet ermite ?
Qui est enterré dans le tombeau ? L'ermite lui-même ? Aucune inscription n'est présente sur la croix.
Voyons quels sont les ermites que nous rencontrons dans notre histoire locale :

• Saint Riok :
  On connait l'histoire de Saint Riok, fils d'Elorn, seigneur du château de La Roche. Une fois que les généreux chevaliers, Neventer et Derrien, eurent délivré le pays du fameux dragon, Riok et sa mère se tournèrent vers la religion de Jésus-Christ. Elorn, lui, ne voulut pas quitter son idolâtrie et chassa sa femme et son fils qui s'établirent au manoir de La Forest. Ce seigneur respecta, cependant, sa promesse de construire une église en remerciement de l'aide apportée par les saints hommes. Cette église fut construite à Barget, aujourd'hui Plouneventer, dont elle fut l'église paroissiale.
  A la mort de sa mère, Riok, "se voyant libre de tous empeschemens, se résolut de se retirer en quelque lieu désert et éloigné de la fréquentation des hommes, pour vacquer plus librement aux affaires de son salut. Il estoit lors âgé de 15 à 16 ans ou environ". Cela arriva en l'an 352.
  Mais, ... "il choisit pour sa retraite un rocher dans la mer, ... au rivage de la paroisse de Kamelet (Camaret), lieu entièrement désert et écarté, ceint de la mer de toutes parts, forts aux basses marées qu'on en peut sortir et venir en terre ferme". Il y vécut 41 ans avant que Saint Guenolé ne le prie de le rejoindre à Landevennec. "Il y décéda et fut ensevely par Saint Guennolé et ses religieux".
  Saint Riok n'est donc pas notre ermite.
  Mais que sait-on en fait de la vie de Riok ? "Des indications éparses dans la Vie de saint Guénolé, on déduit que Riok, sans doute originaire de Camaret, entra à Landevennec assez jeune, y mena une vie exemplaire et y reçut les ordres sacrés. C'est tout ce qu'on sait d'assuré" (Michel de Mauny).
  Quant à l'histoire d'Elorn, de Neventer et Derrien rentrant de terre sainte et maîtrisant le dragon, tout cela ne serait qu'une invention de Missire Yves Le Grand, recteur de Plouneventer en 1472, pour répondre aux questions de ses ouailles sur la création de leur paroisse par saint Neventer dans la première moitié du VIè siècle. Cette invention serait pleine de contradictions temporelles. Et même si Albert Le Grand l'a recopiée dans sa Vie des Saints de la Bretagne Armorique, cela ne lui ajouterait aucun crédit ? (Selon le texte de René Couffon dans BSAF vol. 97 p. 167 - 1971). Pas sûr ! Voir l'écrit d'Albert Le Grand et mon commentaire. FERMER X
  
   
• Saint Herve :
  Fils de Hyvarnion, barde venu de Grande-Bretagne, et de Rivanone, Hervé, né vers 520, est aveugle de naissance. Ses parents auraient vécu au manoir de Lanrioul (Lanrigoul ou Lanrigour) en Plouzévédé. Après la mort de son mari, Rivanone se serait établie sur le territoire de Keran (la trève de Tréflaouénan), où elle aurait élevé son fils encore en bas-âge.
  Bien qu'il ait voyagé dans toute la Bretagne, Saint Herve a surtout vécu dans le Bas-Léon et le nord du Haut-Léon. Il mourut à Lanhouarneau, peut-être le 22 juin 566, entouré de ses disciples.
  Saint Herve n'est pas l'ermite du bois de Brezal.
  
  
• Saint Edern :
  Le saint homme est patron de Plouedern, tout proche. On aurait pu imaginer que cet ermite eût fréquenté le bois de Brezal. Mais il semble bien que non. "Natif d'Irlande, ... Edern quitta son pays et vint aborder vers l'an 894, au canton du Juch, d'où il se rendit en une forêst et lieu qu'on appelle Quistinit, à près de trois lieues de Quimper-Corentin et y fist bastir un hermitage en un coin de la forest, y bastit une petite chapelle, laquelle fust depuis érigée en église paroissiale qui se nomme aujourd'hui Lannédern".
  Pour éviter des problèmes causés par sa vache voleuse, ou soupçonnée de l'être, "l'anachorète s'avança plus loin dans le pays entre Brasparts et Loqueffret, dans le bois de Coat-ar-Roc'h, non loin du bourg actuel de Lannédern. Là, tout près d'une fontaine, il établit son ermitage et construisit un oratoire à la Sainte Vierge, à l'endroit où se voit maintenant la chapelle Notre-Dame du Bois de la Roche".
  Le duc de Bretagne ayant giflé Saint Edern, alors qu'il était en contemplation, il attira le châtiment divin. Dieu frappa sa troupe entière d'aveuglement. Le duc ayant fait le voeu de bâtir une église au lieu où il recouvrirait la vue, ceci se produisit au lieu qui se nommera plus tard Plouédern. Le nom de Plouedern n'est donc pas dû à une fréquentation de la localité par l'ermite.
  Le saint serait mort à Lannedern, où se trouve son tombeau.
  Saint Edern n'est donc pas l'ermite du bois de Brezal.
   
• Je crois qu'il va falloir en rechercher un autre et, peut-être, plus humble, moins connu et plus proche de nous.
  
  

André J. Croguennec - Page créée le 13/12/2012, mise à jour le 18/11/2013.