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Yan' Dargent - 2 (1824-1899) | ![]() |
Le premier chapitre et
Les artistes que Pont-Christ a inspirés
Yan' Dargent dans la grotte de l'ermite
Quand j'ai commencé à écrire l'histoire de Pont-Christ Brezal, mon village natal, je n'ai pas pu ignorer Yan' Dargent qui l'a longuement fréquenté. Ce lieu a été pour lui une grande source d'inspiration : il a peint les grands arbres de Brezal et la campagne environnante (voir le chapitre intitulé "Les artistes que Pont-Christ a inspirés)". Il a même été photographié dans la grotte de l'ermite au pied du bloc rocheux qui supporte la chapelle du château.
De plus, il ne faut pas oublier que Pierre Robée, le grand-père maternel de Yan' Dargent, était "marchand et cultivateur" au château de Brezal au début de sa carrière, avant de s'installer à Saint-Servais.
Par la suite, je me suis intéressé encore davantage à notre artiste de Saint-Servais, en rassemblant sur ce site quelques photos supplémentaires de ses oeuvres avec des textes explicatifs.
Aujourd'hui, en cette année 2024, j'ai voulu participer à ma manière aux manifestions qui célèbrent le 200è anniversaire de sa naissance, et j'ai donc composé ce nouveau chapitre, avec d'autres aspects de son oeuvre.
Avant que Guillaume Le Roux ne détruise l'ancien château de Brezal vers 1860, les fermiers qui exploitaient la "réserve" résidaient dans l'aile ouest. Voir ICI pour situer les métairies de Brezal.
Pierre Robée, le grand-père maternel de Yan' Dargent, était "commis de bureau civil de la marine" lors de son premier mariage à Brest en 1794. On le retrouve ensuite, en 1817, au manoir de Brezal où il est qualifié de "marchand et cultivateur" dans une affaire qui l'oppose à Jean Boderiou de Leslem Bihan en Saint-Servais (minute de la justice de paix de Landivisiau du 27/7/1817).
Les 20 et 21 octobre 1817, à Brezal, Pierre Robée, "débitant de tabac au bourg de Saint-Servais et y demeurant, fermier sortant du château de Brezal", fait vendre aux enchères les "meubles et effets" qui lui appartiennent. Il s'agit des outils nécessaires à son ancienne profession, dont charettes et charrues, et les ustensiles de ménage. Ils sont achetés par les habitants des environs de Brezal et de Pont-Christ pour la somme de 253,27 francs.
Mais déjà, dès le 5 février 1817, Pierre Robée avait signé, devant la justice de paix de Landivisiau, son engagement de débitant de tabac conformément à la loi. En 1817, il était donc domicilié et exerçait son activité au bourg de St-Servais.
C'est plus tard qu'il fit construire son auberge-relais de poste, dans un lieu isolé, sur le bord de la grande route, près de Kerivin. Cette ancienne route qui menait notamment de Landivisiau au pont de La Roche, et que beaucoup appellent "la vie romaine". Elle n'est pas "romaine" pour deux sous, car elle a été construite vers 1750 sous la houlette du Duc d'Aiguillon, alors "commandant en chef" de Bretagne.
Dans les recensements de Saint-Servais, Pierre Robée apparaît en ce lieu jusqu'en 1846. Voir quelques explications complémentaires dans un autre chapitre.
I - Assemblage de quelques tableaux de l'église St-Houardon à Landerneau (photos A. Croguennec)
1 - Défilé des saints et des saintes, assemblage des 3 tableaux de la nef
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On peut aussi faire défiler manuellement la vue dans le sens horizontal.
Positionner l'instrument de pointage sur le nom du personnage pour en savoir plus sur lui.
2 - Cortège de saints, évêques et moines, assemblage des 4 tableaux du choeur
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On peut aussi faire défiler manuellement la vue dans le sens horizontal.
Positionner l'instrument de pointage sur le nom du personnage pour en savoir plus sur lui.
Dans cette procession, Yan' Dargent a peint saint Bonaventure sous les traits de Jacques-Théodore Lamarche, évêque de Quimper et Léon de 1888 à 1892. Il était né à Paris le 15/3/1827 et mourut à Quimper le 15/6/1892.
Ci-contre les deux portraits réalisés par notre artiste.
II - Saint Houardon traversant la Manche, tableau de l'église St-Houardon à Landerneau
Belle toile de 2,35 x 4,87 m représentant Un Miracle de Saint Houardon traversant la mer par un moyen classique pour nos saints patrons venus d'Outre-Manche. L'abbé Madec l'avait décrite ainsi en 1909 :
"An daolen gaer a zo en iliz a ziskouez d'eomp Sant Houardon, kenta patron kear, azezet dispount var eul laouer hag a ia var an dour. Eun eal gallouduz a heñch ar vag-se a c'hiz nevez varzu traoñ Elorn".
Le peintre avait exposé le tableau au salon de 1859 et en avait fait don à l'église paroissiale. Une étude préparatoire de cette oeuvre, une huile sur bois de 14,5 cm x 29 cm existe au musée de Saint-Servais.
III - Fresques dans l'ossuaire de Saint-Servais
Ar bedenn hag an aluzen a denn an eneoù eus ar boan - Voir plein écran - Voir aussi
Restauration en 2015
Les peintures de l’ossuaire, a priori altérées dès le vivant de l’artiste, ont été rapidement occultées par un tableau qu’il réalisa lui même à cet effet.
Après dépose du tableau dans les années 1990, les peintures murales furent redécouvertes puis partiellement restaurées en 1998, mais les peintures se sont de nouveau rapidement altérées et présentaient de profonds blanchiments qui nuisaient à leur lisibilité. Après différents travaux d’entretien du bâtiment, visant à l’assainir et à stopper les infiltrations, la présente opération de restauration visait à rétablir l’état original de la peinture en retirant les restaurations anciennes et les voiles blancs, afin de pouvoir procéder ensuite à sa mise en valeur.
L’intervention a consisté dans un premier temps à débarrasser la peinture des différents consolidants qui avaient été appliqués en excès sur certains panneaux et qui avaient fortement blanchis en raison de l’humidité et des sels. Les repeints largement débordants et désaccordés ont également été retirés afin de retrouver le maximum de peinture originale. Les parties qui n’avaient pas été restaurées dans les années 1990 ont été refixées et nettoyées afin de les stabiliser.
L’ensemble a ensuite été homogénéisé à l’aide d’une résine perméable et stable pour pouvoir procéder à la retouche de l’ensemble.
(Géraldine Fray - 2015)
Ne pouvant supporter la dégradation de son triptyque Yan' Dargent l'avait fait recouvrir, il y a 150 ans, par une huile de même dimension représentant la légende du Folgoët. « C'est en 1995, lorsque nous avons descendu la toile, que nous avons découvert cette oeuvre colossale », raconte Jean Berthou. La fresque murale de 2,50 m de haut et 5,5 m de large aura nécessité l'intervention d'une équipe de trois personnes et trois ans pour la restaurer en 2015 .
Ecce homo
Sommer par les chefs religieux de condamner Jésus, Pilate s'est fait aisément son jugement : le prévenu est innocent des crimes de subversion dont ses coreligionnaires l'accablent. Mais devant cette foule hostile, Pilate prend peur et n'ose imposer son verdict d'innocence. Il tergiverse et louvoie pour amener cette horde non pas à entériner son jugement, mais du moins à accepter la remise en liberté de leur victime pitoyable.
"Ecce homo !". "Voilà l'homme, votre loque d'homme !".
Quel danger pour vous présente-t-il réduit à cet état ?
Pilate pourtant le savait : une foule d'hommes, rameutée par des meneurs, est incapable de sentiments humains. Elle n'est propre qu'à hurler et à se gorger de sang. Il fallait que Jésus connût les bas-fonds de l'injustice en succombant à l'arbitraire absolu d'un tribunal populaire. (Jean Feutren)
Pourtant cet "homme" représenté par Yan' Dargent
rayonne d'une force divine.
La mort et le vif : Rongée par l'humidité, cette fresque a été recouverte en 1895 par une boiserie portant une toile de Yan' Dargent La Sainte Famille. Elle nous est connue par une photographie. Une gravure sur bois parue dans La Semaine Illustrée du 23 février 1873 reprend le même motif, le mercredi des Cendres.
Les Vrais Robinsons - Dessins de Yan' Dargent
Photo n° | | |
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Avance manuelle |
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- Les vrais Robinsons (1)
- Anonyme (2)
- Saturne (3)
- Philoctète (4)
- Le cénobite (5)
- Mildus (6)
- Dom Sébastien (7)
- Hernandez (8)
- Anna d'Arfet (9 et 10)
- Fernand Lopez (11)
Pour chaque illustration le livre vert permet d'accéder à un résumé du texte précisant le contexte du dessin (résumé réalisé par l'auteur de ce site).
Ces résumés des textes contextuels à chaque illustration restent à compléter.
Notre artiste n'a pas vécu qu'à Saint-Servais, même lors de ses séjours finistériens. Vers 1865-1866, il se fait construire le manoir de Creac'h-André entre Roscoff et St-Pol de Léon, près de la mer. D'abord, il y passera tous les étés. Après le décès de son épouse, Eugénie, en 1885, c'est là que Yan' Dargent se retira définitivement. Voici quelques dessins de cette période et de cet endroit, publiés dans la presse de l'époque.
Creach-André aujourd'hui
Ajouts le 15/6/24, cliquer sur les livres verts.
Eugène Mathieu, beau-père et disciple de Yan Dargent, a peint également
une Vue de Creac'h-André qu'il exposa en 1868.
Alfred Nettement, historien et littérateur prolifique, ami du couple Dargent et témoin à leur mariage, séjourna aussi
à Creac'h-André en 1868. Dans sa biographie, on nous livre la vision d'Alfred Nettement sur ce lieu idyllique, tant
par son paysage et la maison, que par le talent de Mme Dargent jouant au piano de belles oeuvres classiques.
Le musée de St-Servais possède une partition musicale de l'épouse du peintre, « Violette abandonnée », un
document doublement intéressant car la couverture est illustrée d'une lithographie signée de l'artiste.
On remarquera sur l'acte de mariage les noms de témoins prestigieux, amis des époux :
- Charles Furne, éditeur, âgé de 40 ans, demeurant à Paris, rue St-André des Arts n° 45
- Jules Hetzel, éditeur, âgé de 48 ans, demeurant à Paris, rue Jacob n° 18
- Alfred Nettement, littérateur, âgé de 58 ans, demeurant rue de Belle-Chasse 51
- Aristide Cavaillé-Coll, facteur de grandes orgues, chevalier de la légion d'honneur, âgé de 53 ans, demeurant avenue du Maine 7
Alfred Nettement, sa Vie et ses Oeuvres par Edmond Biré.
Dans l'été de 1868, Alfred Nettement, que la grande chaleur avait un peu fatigué et qui avait besoin de respirer l'air de la mer, décida d'aller avec sa famille passer quelques semaines chez un de ses amis, M. Yan' Dargent, le peintre de la cathédrale de Quimper, qui avait un chalet dans le Finistère, au bord du golfe creusé entre la côte de Morlaix et Roscoff. Nos voyageurs partirent de Paris le 8 août, s'arrêtèrent quelques heures à Saint-Brieuc chez Mlle Zénaïde Fleuriot, visitèrent Morlaix et, après une courte station à Saint-Pol-de-Léon, arrivèrent au chalet de Creach'André, où les attendait l'aimable hospitalité de M. et Mme Yan' Dargent.
Creach'André est à mi-côte d'une plage magnifique, au bas de laquelle s'étend une nappe d'eau immense. Quand on est sur la terrasse qui forme une promenade de plus de 300 mètres, dont les deux extrémités descendent vers la mer, à gauche dans la direction de Roscoff, à droite dans celle de Saint-Pol-de-Léon, on voit devant soi une baie qui a plusieurs lieues de profondeur ; directement en face, l'île de Calot et le château du Taureau ; plus loin, l'embouchure de la rivière de Morlaix ; à droite, au delà de la mer, on aperçoit, quand le temps est beau, la ligne des montagnes d'Arrée, à gauche, les perspectives sans limites du grand Océan.
Quand Alfred Nettement se pouvait arracher aux enchantements de cet admirable spectacle, quand il rentrait à la maison, c'était pour y trouver de nouvelles jouissances. Il aimait passionnément la peinture et la musique il passait donc des heures charmantes dans l'atelier de son hôte, et surtout dans le salon au-dessous de l'atelier, où l'on faisait de délicieuse musique, où un châtelain du voisinage, de première force sur le violon, M. de Kermoysan, ancien officier de la garde royale, accompagnait avec un vrai talent Mme Yan' Dargent, elle même musicienne accomplie. La fête, certes, était complète d'entendre les chefs-d'oeuvre de Beethoven, de Haydn, de Mozart interprétés avec un charme, une suavité d'exécution qu'on rencontre rarement dans les meilleurs concerts de la capitale, et de les entendre, non plus dans une salle étouffante, à la lumière du gaz, mais au bord de l'Océan, quand on voit, par la fenêtre ouverte, la lune qui se mire sur les flots et les barques voilées qui rentrent au port.
C'était trop beau pour durer. Un jour, après un bain trop prolongé, pris de grand matin par un temps très froid, il sortit de la mer avec un rhumatisme dans les reins. On devait aller ce matin même déjeuner dans le voisinage, au château de Kerouzéré. Malgré tout ce qu'on put lui dire, il ne voulut pas renoncer à cette partie. C'était quatre lieues à faire, dans un break, par de mauvais chemins quand il arriva dans la cour du manoir, il était au moment de s'évanouir. Il tremblait la fièvre, mais sa gaieté naturelle ne l'avait pas abandonné. Il adressa de gracieuses excuses à la châtelaine, et fit lui-même les honneurs de sa physionomie de chevalier de la triste ligure, venant comme don Quichotte frapper à la porte d'un château enchanté. Sa femme et sa fille durent demander un lit pour lui et veiller à son chevet. Le soir, on le ramena à grand'peine à Creac'h-André, où sa maladie se prolongea pendant plusieurs jours. Enfin il se rétablit, ne gardant, semblait-il, de cette rude atteinte qu'un peu de faiblesse. Malheureusement ce n'était qu'une fausse apparence en réalité, il venait de contracter là le germe de la maladie qui l'emportera quelques mois plus tard. Quarante ans d'un travail sans relâche l'avaient laissé debout il tombera victime d'une semaine de vacances. Après un court repos à Creac'h-André, il se crut assez fort pour pouvoir continuer son voyage. En quittant M. et Mme Yan' Dargent, qu'il devait retrouver à Paris l'hiver suivant, il visita Brest et ses environs et gagna le Morbihan, où l'attendaient ses amis Cadoudal. ...
"En annonçant la mort de M. Yan' Dargent le peintre bien connu (Semaine religieuse du 1/12/1899), l'hebdomadaire écrivait que "toujours profondément attaché à la foi chrétienne à laquelle il doit ses meilleures inspirations, il avait été complètement ramené à Dieu par la souffrance et la maladie". Un numéro des Annales Salésiennes (8/1/1900) contient d'émouvants détails sur les derniers jours de l'artiste et sur sa mort édifiante.
Par suite d'un travail excessif Yan' Dargent "subit, vers la fin de sa vie, une douloureuse épreuve physique et morale : sa raison vacilla. Une crise d'âme, terrible entre toutes, en fut la conséquence. Celui dont le pinceau a écrit tant d'actes de foi, fut torturé par le doute ; le Breton, qui avait appris le Credo sur les genoux d'une mère pieuse, sentit l'idée religieuse s'évanouir dans un chaos où les saintes figures prennent un aspect indécis et flottant comme les êtres de la légende. Tous les grands problèmes de la vie et de la mort se posèrent ensemble dans son esprit fatigué, et sa raison révoltée refusait de les résoudre par la solution de la foi. Il combattait contre les fantômes des ténèbres, mais une protection céleste veillait sur Yan' Dargent : la prière de sa mère, pour le souvenir de laquelle il gardait une affection touchante, et celle d'une pieuse compagne enlevée prématurément à son amour.
" Dieu, devant lequel aucun bien accompli ne se perd, secourut l'artiste qui lui avait voué son talent, et Celui qui envoya un ange à Tobie pour le ramener dans la maison de son père, ramena Yan' Dargent au foyer de ses enfants qu'Il chargea de le faire rentrer au bercail du Bon Pasteur. M. Ernest Yan' Dargent et sa pieuse épouse se consacrèrent à cette oeuvre filiale avec un dévouement chrétien que rien ne rebuta ; ils soignèrent le corps dont les désordres annonçaient une une désorganisation prochaine ; ils entreprirent doucement la cure de l'âme troublée.
" Ils amenèrent le malade à Troyes où il vécut pendant trois semaines, sous les frais ombrages de Saint-Bernard, de l'hospitalité si dévouée du bon P. Brisson, supérieur fondateur des Oblats de Saint-François de Sales. Il parla de ses doutes au vénéré religieux ; le saint prêtre comprit que ses troubles existaient seulement dans l'imagination ; il rappela l'artiste à la foi de l'enfant et à la confiance filiale en Dieu.
" L'épreuve continua, pendant le séjour de Yan' Dargent à Soyhières [en Suisse] ; mais si l'action miraculeuse ne fut pas immédiate, l'air ambiant que respirait le malade était saturé de senteurs surnaturelles ; il vivait dans une atmosphère de foi, de pureté et de prière ; son âme se remplissait des impressions fécondes. Combien de fois l'aspect de cette ravissante vallée de Mettemberg, en ranimant les idées de l'artiste, apportait une réponse aux souffrances de l'âme.
" C'était la promenade favorite du malade ; il y fit, pendant que son fils traduisait les effets de couleurs, plusieurs dessins que sa main découragée avait peine à terminer, et qui resteront les dernières traductions du maître.
" La semence mise en terre ne germe pas instantanément, mais elle produit des fruits sous l'action du soleil et de la rosée. En quittant Soyhières, Yan' Dargent inscrivit son nom sur le livre des pélerins et y formula ses demandes. Il demanda instamment aux religieuses qu'elles priassent pour lui. M. Le Curé lui dit adieu en l'assurant qu'au Saint Sacrifice de la Messe, il penserait à lui. Yan' Dargent en resta tout ému jusqu'aux larmes et partit confiant, sentant que la prière seule serait son sauveur.
" L'heure de la grâce de Dieu approchait. Dieu exauçait les prières de ses enfants, récompensait leur dévouement : cette belle intelligence retrouvait peu à peu sa lucidité, et la raison son équilibre. Le Breton croyant s'agenouilla devant Dieu. Il demanda qu'on l'aidât à dire ses prières et il aimait à ce que son infirmier et ses enfants les lui fissent réciter souvent. Le 12 novembre, Yan' Dargent demanda au Père de M***, Oblat de Saint-François de Sales, de l'entendre en confession. L'absolution rendit le calme à cette âme torturée, le pardon de Dieu dissipa les obsessions sous lesquelles elle se débattait, la vérité lui apparut de nouveau dans sa splendeur sereine, le nuage qui lui cachait la lumière s'était éclipsé, il sentait que croire n'est pas comprendre. La nature de la maladie ne permit pas qu'on lui donnât le saint viatique, mais quand le prêtre fut au moment de se retirer, Yan' Dargent lui baisa la main droite en disant : "C'est cette main qui donne la Sainte Communion". Dieu lui inspira la communion du désir, et lui accorda la paix que le chrétien demande avant de communier. Il lui épargna aussi les terreurs suprêmes qu'il avait tant redoutées.
" Yan' Dargent avait exprimé le désir d'être inhumé dans l'église de Saint-Servais, située en Finistère. Il était né dans ce village, sa mère y dort son dernier sommeil, il voulait reposer près d'elle, au milieu des peintures dont il a décoré la chapelle obituaire ; son fils a exaucé ce voeu.
" L'arrivée du cercueil par une nuit d'hiver eût tenté le pinceau de Yan' Dargent ; il aurait aimé à peindre le long chariot précédé d'une lanterne, dont la clarté mobile agitée par le vent automnal rappelait l'âme humaine troublée par des impressions en dehors de sa volonté, et qu'une seule lumière guide sûrement, celle de la foi. Il lui aurait plu de représenter la levée du corps, si imposante dans sa simplicité, faite en pleine nuit par le recteur de Saint-Servais, entouré de Bretons, qui semblaient détachés d'un tableau de Yan' Dargent. Venus au-devant du cercueil de celui qui fut la gloire de leur pays, ils le portèrent à bras, à la clarté des lanternes et des falots de résine jusqu'à la chapelle obituaire, transformée en chapelle ardente. Yan' Dargent passa là sa dernière nuit, veillé par ses compatriotes qui assistèrent nombreux et recueillis au service solennel célébré le lendemain pour son âme. Il repose en paix dans sa Bretagne bien-aimée, près de sa mère, dans le doux rayonnement de l'autel sur lequel Jésus-Christ est immolé chaque jour pour le salut des hommes."
(La Semaine Religieuse de Quimper et de Léon du 16/3/1900)
Pour en savoir plus, c'est par ICI, le dépliant officiel.
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André J. Croguennec - Page créée le 3/6/2024. | |