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Yves Mahyeuc

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Yves Mahyeuc (en breton Eozen Maeeuc), né en 1462 dans une famille de marchands à Kervoyec, paroisse de Plouvorn, diocèse de Léon, fut évêque de Rennes.

C'est dans cette famille de Plouvorn que naîtra aussi, beaucoup plus tard, au début 17è siècle, Catherine Mahieu, qui épousera Guillaume Le Pontois, sieur dudit lieu, en La Roche-Maurice.

Voilà ce qui nous ramène à notre sujet initial.

A - Sa vie (1462-1541)

 Vue partielle du vitrail de l'annonciation (1536) - Eglise collégiale de La Guerche de Bretagne - Yves Mahyeuc très dévot vint y prier. Il est représenté à genoux aux pieds de la Vierge (qu'on ne voit pas ici), derrière lui saint Yves, son patron, revêtu d'un surcot d'hermines.
 
 Fresque de Le Hénaff (XIXè siécle) - Cortège de saints bretons dans le déambulatoire qui entoure le choeur de la cathédrale de Rennes. Au premier plan, Yves Mahyeuc.
 

"Ses parents, qui étaient de riches marchands, lui apprirent de bonne heure à craindre Dieu, et l'envoyèrent à Saint-Paul s'instruire des belles-lettres et de la philosophie... Les louanges de Dieu avaient plus de charmes pour lui que les jeux et les plaisirs qui touchent si vivement la jeunesse, et il mettait son plaisir à se rendre assidu au service divin, tantôt dans l'église cathédrale, et tantôt dans celle des religieux carmes..." (Dom Guy-Alexis Lobineau)

Ayant terminé ses études, il quitta St-Pol-de-Léon pour se rendre à Morlaix en qualité de précepteur chez un riche bourgeois de la rue Bouvet. A 22 ans, il embrassa la vie religieuse au couvent des Frères Prêcheurs, Dominicains, de Morlaix avant que de rejoindre celui de Bonne Nouvelle, en 1489, à Rennes.

Anne de Bretagne y résidait à cette époque depuis que le maréchal de Rieux retenait injustement la ville de Nantes. Frère Yves devint son confesseur et les historiens s'accordent à relater l'influence décisive exercé par celui-ci pour déterminer la bretonne à épouser Charles VIII. Il lui était permis en effet de la rassurer en montrant que les empêchements qui s'opposaient à son mariage avec le roi de France pouvaient être levés par Rome.

Yves Mahyeuc resta le confesseur du roi et de la reine pendant 14 ans, et "toutes ses occupations à la cour ne diminuèrent en rien ses exercices ordinaires d'oraison et de pénitence". Anne trouvait "dans cet excellent religieux tant de ressources pour la consolation de son esprit et le règlement de ses moeurs".

Yves Mahyeuc accompagna la reine lors du voyage triomphal qu'elle fit en Bretagne (1505-1506). Ce voyage permit à Frère Yves de revoir le pays de son enfance, la seule fois peut-être qu'il eut l'occasion d'y revenir au cours de sa longue vie de religieux et d'évêque. Il est au Folgoët, où l'on chante le "Veni Creator" en latin... et en breton sur un texte de sa main. Ce cantique en langue bretonne est considéré comme le plus ancien qui nous soit parvenu (voir plus bas). Le Dominicain figure aussi dans la relation du pélerinage qu'Anne fit à Saint-Jean-du-Doigt.

En 1504, le 12 février, il est nommé prieur de Saint-Maximin en Provence. Les religieux de ce couvent, en effet, ne respectaient plus la règle de l'ordre, se comportaient de façon indisciplinée et avaient besoin d'être repris en main. Le nouveau prieur assumera sa fonction juqu'en 1508, mais sans délaisser celle de confesseur de la reine de France et de Bretagne.

Au départ de l'évêque de Rennes, Robert Guibé pour Nantes en 1502, le chapitre de Rennes, "doucement" influencé par la reine-duchesse, élut Yves Mahyeuc comme nouvel évêque. Dès qu'il apprit qu'il était question de lui pour le siège de Rennes, Frère Yves mit tout en oeuvre pour faire annuler l'élection. Auprès de la duchesse Anne d'abord, puis auprès des chanoines et de ses supérieurs. La Reine resta inébranlable. Il fut nommé évêque de Rennes par le pape Jules II le 29 janvier 1507.

Quand il reçut les bulles du pape de la main du délégué du chapitre, au milieu de ses frères en religion, assemblés dans le réfectoire du couvent de Bonne-Nouvelle, Yves se tenait "à genoux, tête nue, les yeux pleins de larmes". Il n'avait pas désiré cette croix.

Contrairement au protocole alors en vigueur, Yves Mahyeuc voulut que le jour de son sacre et de son intronisation, tout se passât dans la plus grande simplicité. Il s'avança à pied, les mains jointes sur la poitrine, les yeux baissés ou de temps en temps levés vers le ciel tandis que partout retentissaient des acclamations de joie. Après la cérémonie, il tint table ouvert en son manoir épiscopal, mais ses invités furent des pauvres qu'il servit lui-même et qu'il congédia après avoir remis à chacun une pièce d'argent.

Le manoir épiscopal, dans lequel il allait résider désormais, se trouvait près du bas-côté nord de la cathédrale. Toutefois Yves Mahyeuc, désirant vivre dans la retraite autant que sa nouvelle charge le permettait, demanda au prieur de Bonne-Nouvelle de lui garder une cellule dans le couvent, "afin de pouvoir venir de temps en temps y vivre dans le silence et la retraite". Pour vivre davantage dans la solitude et le recueillement, il se retirait aussi parfois dans le manoir de Bruz, qui avait été donné à l'épiscopat par Geffroy, le comte de Rennes, en 1076.

Dominicain, il était dans l'âme, et pour bien montrer que, même évêque, il restait religieux, il continua à porter l'habit des Frères Prêcheurs. La personnalité d'Yves Mahyeuc avait de quoi surprendre à Rennes en 1507. Après plusieurs évêques grands seigneurs, voici un «frère mendiant» qui continue de signer «Frère Yves, évêque de Rennes». Il ne se dérobe pourtant pas à ses fonctions : il pose la première pierre de la façade de la cathédrale (il est représenté portant sa cathédrale sur la fresque ci-contre) mais il jette surtout les bases de la réforme qu'appliqueront ses successeurs du siècle suivant.

En 1532, il couronne le dernier duc de Bretagne, sous le nom de François III, l'année même de l'union du duché avec le royaume. Pourtant, la mémoire diocésaine retient d'abord sa charité active envers les pauvres. Après sa mort, survenue en 1541 au manoir épiscopal de Bruz, son tombeau attire les pèlerins, plusieurs décennies durant.... et des miracles se produisent.

Si son procès en canonisation, demandée en 1638, n'a pas abouti, le pape Jean-Paul II, à Auray en septembre 1996, le qualifia de « bienheureux ».


Un colloque (voir sources) s’est tenu à Rennes en novembre 2007 à l’occasion du cinquième centenaire de la consécration épiscopale d'Yves Mahyeuc. Il a permis de réunir Église catholique, collectivités locales, archives, bibliothèques et chercheurs universitaires de tous horizons pour faire le point des recherches sur l'évêque de Rennes.

B - Son cantique en breton

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En 1505, la Reine Anne fit son "Tro Breizh" de juin à septembre. Voici l'itinéraire qu'elle suivit en partant de Blois, pour y revenir :

1. Blois
2. Ancenis
3. Nantes
4. Guérande
5. Vannes
6. Quimper
7. Locronan
8. Brest
9. Le Folgoët
10. St-Pol-de-Léon
11. Morlaix
12. St-Jean-du-Doigt
13. Tréguier
14. Guingamp
15. St-Brieuc
16. Lamballe
17. Dinan
18. Vitré
19. Blois.

Elle était accompagnée de son confesseur, Yves Mahyeuc. Sa présence est attestée notamment au Folgoët et à St-Jean-du-Doigt, étapes 9 et 12.
 

Les souverains bretons avaient coutume de venir prier au pardon du Folgoët, l’un des plus célèbres du duché. Anne de Bretagne ne déroge pas à la tradition ducale. Le 19 août 1505 elle est accueillie dans la basilique par le Veni Creator réservé aux grands dignitaires. Mais, surprise, l’hymne séculaire composé en latin au IXème siècle est ici chanté en deux langues : chaque couplet latin est suivi de sa version en langue bretonne.
 

Ce cantique arrangé était l'oeuvre de notre Frère Yves. Le manuscrit ci-contre est une copie de celui qu'il avait écrit à cette occasion. Je l'ai retranscrit plus bas, en insérant la traduction littérale, en français, des deux versions, latine et bretonne, pour mettre en évidence quelques différences.
 

Ce manuscrit fut découvert en 1976 dans un livre de la bibliothèque de Yann Vari Perrot, alors que l'abbé ne s'était pas rendu compte de sa valeur.

Explications sur le site "Ar Gedour" - LA DECOUVERTE D’UN MANUSCRIT
En décembre 1976, Herry Caouissin qui fut durant 10 ans le secrétaire de l’abbé Perrot et son héritier-légataire, découvrit par hasard, d’une façon assez curieuse un « Veni Creator » dédié à Anne de Bretagne. Ce manuscrit, semble-t-il inconnu jusqu’à cette découverte, se trouvait inséré dans la doublure de la couverture d’un exemplaire de l’édition de 1709 de « Ar Vuez Devot » du célèbre prêtre écrivain bretonnant du 18ème siècle, Charles Le Briz, livre qui faisait partie de la bibliothèque de l’abbé Perrot.

Le directeur de « Feiz ha Breiz », expliqua Herry Caouissin, n’avait pas eu connaissance de cet hymne latin-breton du 16ème siècle, chanté sur la mélodie grégorienne du 9ème siècle, car il l’eût sûrement publié et avec quelle joie dans sa revue. « C’est en l’examinant que j’ai discerné des lignes manuscrites au verso de cette page noircie par le temps et l’usage. Avec un soin minutieux, ma femme réussit à le décoller sans le détériorer. Aussi quelle fut notre surprise d’y découvrir un Veni Creator latin-breton, composé par surcroît, en l’honneur d’Anne de Bretagne et de son vivant comme l’indiquait cette note : « Cempenet gant Ivo Caervoyec, enn henor an Ytroun Anna, hon ducgez-roanez, o pardony er Foll-Coet » (Arrangé par Yves Caevoyec, en l’honneur de Madame Anne, notre Duchesse-reine, en pélerinage au Folgoat).

L’hymne comprend neuf couplets mi-latin, mi-breton, dont deux spécialement dédiés à la souveraine. Le transcripteur spécifie l’avoir copié sur un vieux manuscrit conservé au Folgoat : « Copyet diouc’h ar scrid coz miret er Folle-Coat ». Cette copie daterait donc de 1765, à en juger par cette marque manuscrite : « Ce présante livres est pour servires à Jean Pinvidic, était l’année mil sept cant soixante cinq ».

« Au Folgoat il ne subsiste aucune trace de ce précieux document qui devait être sur parchemin et peut-être même enluminé fait remarquer Herry Caouissin. Dans les nombreuses pages que l’érudit Monsieur de Kerdanet consacre au Folgoat, dans l’édition de 1834 de « La Vie des Saints de Bretagne » du P. Albert Le Grand, nous n’avons relevé aucune référence. De son côté, Monsieur Avril, conservateur de la Bibliothèque Nationale, nous a déclaré n’avoir pas trouvé, d’après l’index du fonds de manuscrit celtiques de la B.N., de mention de ce Veni Creator latin-breton. On peut donc penser que ce document dut hélas être volé ou détruit lors des pillages et actes sacrilèges des révolutionnaires iconoclastes de 1793.

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VENI CREATOR an Ytroun Anna, e latin-brezounec
LatinTraductionBretonTraduction
1  Veni Creator spiritus
Mentes tuorum visita
Viens en nous, Esprit Créateur
Visite les âmes des tiens
Deryt speret croeer quen glan
E eneffou guan ho pugale
Venez esprit créateur si pur
Dans les âmes faibles de vos enfants
Quis diceris payclito
Altissimi donem dei
Toi qu’on appelle Conseiller
Don du Seigneur de Majesté,
Ar gonforter ny ho quervel
Donaezon doé en neffou
On vous appelle notre consolateur
Don de Dieu dans les cieux
Fons vivus, ignis, caritas
Et spiritualis patris unctio
Source vive, feu, Charité
Toi qui es onction spirituelle,
Mammen beff, tan ac carantez
Ha sacradurez spirituel
Source vive, feu et amour
Et consécration spirituelle
Tu septiformis munere
Digitus paternae dexterae
Toi le Donateur aux sept Dons,
Puissance de la main de Dieu,
Huy sperett ar seiz donaezon
Huy a zo bys dehou an tat
Vous esprit des sept dons
Vous êtes le doigt droit de Dieu.
Tu rite promissum patris
Sermone ditans guttura
Toi que le Père avait promis,
Qui fais jaillir notre louange,
Promecza guyr an tad hep mar
Huy a lac helavar hon teaud
Vraie promesse du père sans aucun doute
Vous rendez notre langue diserte
2 Ora pro Anna Regina
Et de Britonum dussica
Prions pour Anne Reine
Et duchesse des Bretons
Pidomp (e)vyt Anna Roanez
Ha ducgez vat ar Vretonet
Prions pour Anne Reine
Et bonne duchesse des Bretons
Salve protector patriae
Anna micantem nomine
Salut gardienne de notre pays,
Anna à jamais miroir
Ni hoz salut, myrer hon glen
Anna, bizuicquen, mellezour [an neñvoù]
Nous vous saluons gardienne de notre pays,
Anna à jamais miroir [des cieux]
Rorate, caeli, désuper
In gratiae pro Brittania
O cieux, versez votre rosée
En grâces sur le pays de Bretagne
O neffou, scuylet oz clyzenn
E graczou puyll war bro Breytz
O cieux, versez votre rosée
En grâces abondantes sur le pays de Bretagne
1 Laudate et jubitate
Gloria tibi trinitas
Louez et réjouissez-vous
Gloire à toi Trinité
Meuleudy, leuenez, dudi
D'an Drinded gloar a letani
Louange, joie agrément
A la Trinité, Gloire et joie

1 - Couplets classiques
2 - Couplets nouveaux en l'honneur de la Reine
Le couplet huit, avant-dernier, est emprunté au « Rorate Caeli ».

Cenpenet gant Yvo Guervoyec
Enn enor dan Ytroun An(na)
Hon dugez rouanez o pardony er Follcoet
Arrangé par Yves Kervoyec
En l'honneur de Madame Anne
Notre duchesse reine en pélerinage au Folgoët.

 

C - Ses armoiries


Le sceau d'Yves Mahyeuc était rond et portait ses armes, timbré d'une crosse posée en pal derrière l'écu et d'une mitre dont les fanons flottaient. Légende : Sigillum R. P. D. Ivonis, Episcopi Redon.

Il est curieux de constater que, sur l'écu, les motifs du chef sont plutôt des fleurs ou des quintefeuilles que des épines et que sa couleur, d'après la symbolique en noir et blanc (lignes parallèles verticales), est "de gueules".



D'argent à trois hermines de sable au chef d'or chargé de trois couronnes d'épines de sinople.

En voyant cet écu et en lisant ce poème on comprendra que ces armes sont les armes personnelles d'Yves Mahyeuc, dominicain et évêque, et non pas celles qu'il aurait héritées de sa famille de Plouvorn.

Et ceci contrairement à ce que l'on pourrait déduire des armoriaux de Guy Le Borgne et de Pol Potier de Courcy (cf chapitre sur la famille Le Pontois - Mahieu).

D'après Albert Le Grand (Vie des Saints de Bretagne), Yves Mahyeuc aurait choisi ses armes alors qu'il était aumônier de la reine. Il est possible, dit Touron, que ce fait soit exact, car "il était obligé d'écrire de nombreuses lettres", surtout quand il devint prieur de Saint-Maximin.

Son écu était d'argent à trois mouchetures d'hermine, afin de montrer son attachement à la Bretagne et à la reine-duchesse, surmonté d'un chef chargé de trois couronnes d'épines en mémoire de la Passion du Sauveur pour laquelle il avait une grande dévotion. Il entoura son écu d'une autre grande couronne d'épines qui devait symboliser la charge épiscopale.

Après sa mort on a voulu dégager la pensée qu'Yves Mahyeuc avait voulu exprimer par ses armes, dans cette poésie retrouvée aux archives départementales :

Vivant en cet exil, je sers à deux grands Roys,
Tous deux bien différents et de moeurs et de loi,
L'un porte sur son chef de poignantes épines,
L'autre porte sur soy des lys et des hermines,
Que tous courant après cet abri si glorieux
Qu'ils ayent en horreur ce diadème épineux.
Pour moi, j'estime plus les affronts de mon Maître,
C'est à eux que je vis et consacre mon être.
Si par marque d'honneur et de mes grands emplois,
Je porte en l'Ecusson les hermines des Roys,
Je les mets au-dessous de l'affreuse Couronne
De Jésus, mon Sauveur, à qui tout je me donne
Et d'autant que mon corps ne dément point mon coeur,
Que dehors et dedans je n'ay que cet honneur,
Je fais aller autour de ces épines affreuses,
Ne voulant ici-bas que ces pointes fâcheuses.
Ainsi donc, mon Jésus, si je sers deux Seigneurs,
Tous les hommes sçauront quel est de mes bonheurs
Que j'aime beaucoup plus, vouant ma vie au monde,
Vous serez le premier et Anne la seconde.
Tel est le sentiment de ce pauvre pécheur
Qui tout entièrement vous présente son coeur.
Il n'ayme que Jésus, il n'ayme que sa gloire,
C'est de luy qu'il attend l'éternelle victoire.
Epines de mon Dieu, hermines de mon Roy,
Agréez cet aveu, recevez cette Foy.

 

D - Au secours des pauvres et des malheureux

1 - Quand il était aumônier de la reine :

"Frère Yves ne disposa de la pension qui lui était allouée qu'avec la permission de son supérieur. La reine lui confiait souvent de grandes sommes d'argent, et pour les employer utilement, il s'informait avec soin des nécessités des pauvres, surtout de ceux qui avaient honte de faire connaître leur misère, et il les soulageait libéralement. Il ne craignait point de se rendre importun à la reine à ce sujet, et cette pieuse princesse, de son côté, persuadé de la sainteté de son confesseur, secondait sans réseve son zèle affectueux et sa charité sans borne" (Tresvaux).

2 - Après avoir été nommé évêque :

A cette époque de nombreux pauvres étaient logés misérablement dans leurs taudis. Et puis, il y avait les périodes de disette pendant lesquelles ils ne mangeaient pas à leur faim.

Yves Mahyeuc, persuadé que le revenu des biens écclésiastiques est le patrimoine des pauvres sur lequel doit seul être prélevé l'honnête entretien dû aux ministres des autels, s'appliqua constamment à une juste répartition de son avoir. "Ses dépenses personnelles étaient presque nulles, et le train épiscopal de sa maison des plus modestes." Il se fit l'économe des malheureux. "Dans les périodes de calamités, il redoublait ses aumônes, tant à la ville qu'à Bruz".

A Bruz, on trouvait un grand nombe de petits maisonniers, vivant sous des toits de chaumes ou de gled, dans des masures aux murs de torchis. Ces pauvres gens dont la nourriture était surtout constituée de châtaignes, Yves Mahyeuc aimait les visiter. "Il les logeait dans sa maison, il les servait et mangeait avec eux" ... "il n'avait pas plutôt appris de quoi ils avaient besoin qu'il le leur donnait ou de l'argent pour l'acheter".

Yves Maheuc, père de pauvres, a été un évêque "social" avant le temps. Il fit appendre à des jeunes gens un métier capable de leur fournir le nécessaire. "Il avait en sa maison des tailleurs, cordonniers, bonnetiers et autres maîtres de métier qui tiraient tous gages de lui et ce pour deux fins : afin de mettre sous eux quantité de pauvres enfants en apprentissage à ses frais et dépens ; la seconde pour assister plus aisément les pauvres". (Reichac de Sainte-Marie). Il faisait acheter de ses propres deniers le cuir, la toile, l'étoffe et se chargeait d'écouler dans le commerce habits, chemises et souliers que ses protégés avaient fabriqués.

Lorsqu'une épidémie se déclarait et en ce temps elles furent nombreuses, il manifestait un dévouement sans bornes aux malheureux. La peste de 1507 fit de nombreuses victimes à Rennes et continua ses ravages jusqu'en 1510. Loin de fuir, Mahyeuc ne songea qu'à soulager les malades, s'exposant au danger de contracter la maladie. Non seulement il fournit des remèdes, paya des médecins, mais n'hésita pas à entrer dans les foyers infectés, consolant les malades, leur administrant les derniers sacrements, répandant des aumônes abondantes sur son passage. Yves Mahyeuc gagna dès les premières années de son épiscopat l'affection de son peuple.

 

E - Son décès

Yves Mahyeuc gouvernait le diocèse de Rennes depuis 35 ans. Depuis quelques années, sa santé s'affaiblissait. Il était allé se reposer dans son manoir de Bruz. C'est là qu'il mourut le 20 septembre 1541.

Le bruit de sa mort se répandit rapidement et jeta toute la population dans la consternation. Mais cette consternation ne tarda pas à faire place à de l'enthousiasme religieux, quand on apprit que Dieu avait marqué son serviteur d'un sceau spécial, comme une marque de sainteté et de prédestination. Quand les religieux dominicains dépouillèrent son corps pour l'ensevelir, quelle ne fut pas leur surprise de trouver marquée sur sa poitine une sorte de grande croix. Après avoir fait l'embaumement, le chirurgien, Maître Le Boucher, se mit à genoux devant la dépouille mortelle et pria instamment le serviteur de Dieu pour qu'il guérît son propre fils paralysé depuis des mois. Sur la route, en rentrant chez lui, on lui annonça la guérison de son fils.

Un pareil événement fut rapidement connu et ne fit qu'augmenter la dévotion des fidèles, si bien que les funérailles du vénéré pontife furent un véritable triomphe. On l'enterra dans la cathédrale, où la foule du peuple fut si grande qu'on eut de la peine à parfaire l'office de l'enterrement.

Plus tard, à l'occasion de l'enterrement d'autre prélat, le 17 janvier 1596, on fit ouvrir le tombeau d'Yves Mahyeuc, et l'on trouva son corps exempt de corruption et les vêtements intacts.

 

F - Reconnaissance

1 - Procès en canonisation

A sa mort, le 20 septembre 1541, à Bruz, Yves Mahyeuc est considéré comme un saint par les chrétiens de son diocèse. Ses funérailles sont une illustration de la ferveur qu’il suscitait.

Des miracles : On a raconté, plus haut, le miracle qui a concerné le fils du chirurgien le jour de la mort de l'évêque ainsi que l'état de conservation surnaturelle de son corps jusqu'en 1596. Mais ce n'est pas tout...

Peu de temps après son décès, des guérisons miraculeuses concernant des personnes dans un état souvent très grave, et parfois à l'article de la mort, eurent lieu suite à l'invocation du bienheureux Yves Mahyeuc. Albert Le Grand en cite un certain nombre qu'il a dû trouver relatées dans les actes du procès en canonisation. Par exemple :

Un gentilhomme de mérite, Louys Le Voyer, sieur de Doup, détenu d'une griefve maladie, laquelle l'avoit privé de la veuë, ouïe et fonction de ses autres sens externes, semblant plus mort que vif, recommandé par ses amis au B.H. Yves, recouvra sa santé.

En 1638, le culte de vénération rendu à Yves Mahyeuc n'avait pas cessé. A certaines époques, les fidèles faisaient d'abondantes aumônes au tombeau du Bon Yves : le 13 avril 1638, le chanoine chargé de les recueillir déposa au chapitre 2.207 francs ; le 31 août, 821 francs ; le 31 décembre de la même année 475 francs.

Le 6 décembre 1638, les États de Bretagne demandèrent à Pierre Cornulier, évêque de Rennes, d'entreprendre les démarches nécessaires à Rome en vue de la canonisation d'Yves Mahyeuc. Mais ces démarches n'aboutirent pas, pour des raisons bassement administratives à Rome et l'occupation de l'évêché de Rennes à la restauration de ses églises. Le "Bon Yves" n'a donc pas été déclaré "saint" par l'Eglise catholique.

Les actes de ce procès viennent d’être retrouvés, ils illustrent ce que fut la force de foi d’Yves Mahyeuc que le pape Jean-Paul II, à Auray en septembre 1996, qualifia de « bienheureux ».


Gravure faite par Mathoeus en 1638, au moment où Pierre de Cornulier entreprit le procès de canonisation d'Yves Mahyeuc. Ce portrait fut très répandu. On remarquera la physionomie ascétique de l'évêque et le dessin de la croix sur sa poitrine.
 

2 - Monument dans l'église de Plouvorn
 Monument élevé en l'honneur d'Yves Mahyeuc dans l'église de Plouvorn.

Pour honorer un homme d'exception tel que Yves Mahyeuc, la paroisse natale se devait de lui ériger un monument. Cela fut décidé, au début du 20è siècle, par Michel Le Guedes, recteur de Plouvorn, et le conseil de fabrique.

Le monument a été installé dans l'église Saint-Pierre en 1907, et il est l'oeuvre de l'atelier Donnart (*), sculpteur-marbrier à Landerneau. Il y a donc été mis en place pour célébrer le 400è anniversaire de la nomination du dominicain comme évêque de Rennes.

Le sculpteur a représenté Yves Mahyeuc dans son habit de moine dominicain qu'il n'a jamais quitté. Ses attributs d'évêque, une mitre et une crosse, sont posés à terre. De chaque côté du saint homme, deux inscriptions, l'une en breton, l'autre en latin expliquent le sujet de l'oeuvre :

Le recteur, Michel Le Guedes (° 29/9/1847 Hôpital-Camfrout, + 29/12/1906 Plouvorn), n'eut pas la joie de voir ce beau monument. Terrassé par une grave maladie du coeur, il mourut avant son érection.

 


 

(*) Jean-Guillaume (1867-1923) le fondateur de l'entreprise est né à Esquibien. Elève de Yann Larc'hantec, il s'installe boulevard de la Gare à Landerneau en 1900, fait venir ses frères Alain et Mathieu pour travailler avec lui et achète une carrière de kersanton à Loperhet. Il est difficile d'attribuer à l'un ou à l'autre telle ou telle oeuvre, la signature est celle d'un atelier.

G - Sources



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 André Croguennec - Page créée le 31/3/2019, mise à jour le 2/4/2019.

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