Vers le bilinguisme à l'école de La Roche |
L'école a la réputation d'avoir "interdit" la langue bretonne. Les choses ne sont pas si simples, et si on les examine depuis le 19è siècle, on peut observer des comportements différents selon les périodes. | Mes remarques |
Au niveau des principes les intentions sont claires : primauté est bien donnée au français comme langue nationale. Mais la loi n'évoque jamais la question des langues régionales et se contente de définir l'obligation de l'enseignement du français. Les règlementations, par contre, sont tout de suite plus précises et plus contraignantes. Ainsi le "Règlement pour les écoles primaires élémentaires de l'arrondissement de Lorient" stipule en 1836 qu'il "est défendu aux élèves de parler breton, même pendant la récréation... Aucun livre de breton ne sera admis ni toléré". En 1857, l'inspecteur d'académie du Finistère avait décidé de faire du breton la langue auxiliaire de l'enseignement : "Dès que les enfants entrent à l'école, on leur fait suivre un exercice qui consiste à leur indiquer en breton les objets qu'ils connaissent et le nom français correspondant, puis on fait l'inverse." Comme le reconnaît l'inspecteur primaire de Brest en 1863, "nous ne pouvons interdire de manière absolue l'usage du breton même dans nos écoles publiques. Il faut bien, dit-il, que le maître emploie cet idiome pour se faire comprendre des commençants". L'enquête effectuée en 1864, à la demande du ministre de l'instruction publique V. Duruy, révèle que l'école tient compte de la langue des enfants. Dans le Finistère, 70% des écoles emploient conjointement le breton et le français, il y en a même 6% qui n'utilisent que le breton en classe. Il n'y a réellement que 25% des classes où seul le français est utilisé. | Période de tolérance |
Le règlement du 18/3/1881 officialise l'interdiction de la langue locale à l'école. Il a fallu attendre la fin du 19è siècle pour réussir à expulser le breton de l'école. L'éviction du breton en plusieurs étapes : l’invention du "symbole", la mise au point de la "méthode directe" (explication du français par le français, sans recours à la langue locale) et l’interdiction absolue de la langue régionale . Cette "période dure" d'exclusion va se prolonger pendant un demi-siècle environ, jusqu'à la dernière guerre. | Période d'interdiction |
La loi Deixonne est votée en 1951 : c'est la première fois qu'une loi organise l'enseignement facultatif des "langues et dialectes locaux". Malgré l'application restrictive qui en est faite, elle marque une rupture par rapport à la période précédente. | Période de transition |
Il faudra attendre 1983, pour voir des filières bilingues dans l'enseignement public, et plus récemment dans l'enseignement privé. | Période récente |
Si l'interdiction absolue de la langue régionale à l'école publique était réelle, et parfois aussi à l'école privée, le "symbole" et les punitions n'étaient pas toujours une réalité. Voici ce qu'en dit Charles Le Gall, le professeur et l'homme de radio et de télévision bien connu. Nous ne sommes pas à La Roche, mais pas loin, à l'école publique de L'Hôpital-Camfrout :
N'am-eus gwelet skolaer ebed du-mañ, er bloavezhioù 1925-30, er skol genta, o kastiza eur bugel diwar-goust e komze brezoneg ; ar pez a zo anvet ar simbol ne oa ket anezañ, e hellan hen toui. Gourdrouzet e vezem pa gomzem brezoneg er skol, setu toud. Evel-se eo bet ; a-hend-all, nebeud-tre a vugale a oa hag a ouie eun tamm galleg bennag. Ar pez a zo fentus, n'eo ket ni a zeske galleg er-mêz euz ar hlas, med int eo, ar hallegerien, an nebeud a oa anezo, a zeske eun tamm brezoneg war ar porz ; soñj 'm-eus euz eur paotrig na ouie tamm brezoneg ebed, koulz lavared ; med tri bloaz goude, pa oa deuet mare ar santifikad, e oa deuet da veza eur brezoneger ampart !
Ar skolaerien o doa urz da viroud ouz ar vugale da gomz brezoneg, med darn a oa strikt, darn all ne oant ket ; n'em-eus bet skolaer ebed e-nefe bet ma gourdrouzet na kastizet dre ma komzen brezoneg e porz ar skol. Forz penaos, den ahanom ne grede komz brezoneg er hlas, na zoken, nebeutoh c'hoaz a halleg ! D'an amzer-ze, ar vugale ne gomzent ket, n'eo ket evel bremañ ! Ar brezoneg a oa evel-se ar yez nemeti a veze gand ar vugale er porz-skol, ha da houde war an hent da vond d'ar gêr, hag en o zi goude...
Tennet euz eur gaozeadenn etre Charlez ha Paolig Combot.
On voit que la langue bretonne du temps de Nicolas Cornec à La Roche-Maurice n'était pas dans la situation dramatique que nous avons connue plus tard. Ce qui explique l'enseignement qu'il a pu mettre en oeuvre, même s'il était limité.
Elle fut présentée aux députés au cours de l'été 1870. Les signataires demandent "en ce qui concerne l'enseignement primaire, l'autorisation pour les maîtres et maîtresses d'écoles communales exerçant leur profession dans les communes où l'on parle une langue autre que le français, de se servir de l'idiome provincial afin d'enseigner le français aux élèves et d'employer dans leur enseignement des livres rédigés dans l'idiome provincial. L'autorisation, pour les mêmes maîtres et maîtresses d'école, d'enseigner, aux élèves qui le désireraient, à écrire et parler correctement l'idiome provincial." (source Diwan par Jean-Charles Perazzi - Ed. Coop Breiz 1998)
Le Charles de Gaulle de la pétition était le grand-oncle du général. C'est de lui que parle le président de la république dans son discours de 1969 à Quimper, en lisant ces vers :
« Va c’horf a zo dalc’het,
Med daved hoc’h nij va spered,
Vel al labous, a denn askell,
Nij da gaout e vreudeur a bell. »
(Mon corps est retenu mais mon esprit vole vers vous, comme
l’oiseau à tire d’aile vole vers ses frères qui sont au loin.)
Le discours de Quimper est le dernier grand discours prononcé par Charles de Gaulle en tant que Président de la République française, le 2 février 1969. Après avoir insisté, de manière peu habituelle pour un Président de la République Française, sur le caractère spécifique de la Bretagne et des autres régions françaises, après avoir évoqué l'histoire de la Bretagne, ainsi que sa contribution significative à l'Histoire de la France, il détaille les ambitions qu'il voit pour celle-ci en matière économique, infra-structurelle, technologique, universitaire et politique. Il annonce, enfin, en en donnant la primeur aux bretons, la tenue d'un référendum portant sur la régionalisation.
Légende de la photo : Auteur de l'Appel aux Celtes et de publications sur la littérature bretonne, Charles de Gaulle, né le 31 janvier 1837, mourut à Paris, le 1er janvier 1880. Frappé de paralysie en sa prime jeunesse, se mit à l'étude des langues celtiques. Il apprend le breton et s'en sert comme de sa langue matermelle. Ecrit plusieurs poésies, en breton, et prend le nom de "Barz Bro C'hall". Apprend aussi le gallois. Commence, en 1864, à publier ses articles. Il rêva de la résurrection des langues celtiques, comme langues littéraires. Devient secrétaire du Breuriez Breiz, société de poètes bretons. Cependant sa maladie progressait, ses articles se firent plus rares, son activité littéraire s'éloignait peu à peu, mais il conserva jusqu'à la fin sa lucidité d'esprit et put suivre les progrès de ses chères études. Avec ses rares qualités, il eut été, s'il avait eu la force et la santé, un de ceux qui auraient fait le plus honneur aux études celtiques en France.
En 1934, Yann Fouéré créée l'association Ar brezhoneg er skol et 346 communes bretonnes adoptent le voeu de l'association pour l'enseignement du breton dans le primaire et le secondaire.
L'article 75.1 créé par la révision constitutionnelle du 23/7/2008 et qui stipule : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » n'a pas pesé lourd.
La suppression de ces 2 points prépondérants est vue, à juste titre, comme une dénaturation de la loi.
L'indicatif de l'émission de Charles Le Gall était donc celui-là :
Un amzer 'zo bet e veve e Breizh tost Ploneiz, un toullad tud geienn (?) a save war o elloù hag a daole fuloù gwenn kerkent hag a-zioc'h o beg e tarzhe ur gomz vrezhonek. Me 'gred eo aet ar c'houenn da get, pe ma n'e-deo ket taget eo gant ar pistig an diwezhañ hini chomet 'n e di berr-alanik. | Il fut un temps vivait en Bretagne près de Ploneiz un groupe d'imbéciles qui montaient sur leurs ergots aussitôt qu'au-dessus de leur tête éclatait un mot breton. Je crois que la race s'est éteinte, ou si ce n'est pas le cas, elle a été attaquée par un point de côté, le dernier d'entre eux demeuré dans sa maison quelque peu essouflé. |
Et Charlez ar Gall terminait par :
Emañ deuet abaoe ar mare d'en em guitaad. Mar deo bet abadenn hirio diouzh ho krad, arabad deoc'h, tud vad, kanañ din meuleudi, med m'ho-peus kavet ganti tech pe zi ho pezit ar vadelezh d'am digareziñ. | Le moment est venu de nous quitter. Si l'émission d'aujourd'hui vous a convenu, ne me chantez pas de louange, bonnes gens, mais si vous y avez trouvé vice ou défaut, ayez la bonté de m'excuser. |
Rappel de quelques informations concernant les langues présentes à l'école de La Roche-Maurice à cette période (extrait du chapitre L'enseignement au 19è siècle).
En octobre 1902, Mgr Dubillard, évêque de Quimper, demande aux curés et aux recteurs de lui fournir des renseignements très précis sur la langue bretonne ou française utilisée aux prônes et dans la prédication dominicale, ainsi que dans l'enseignement du catéchisme. Cette enquête a son origine dans la politique d'Emile Combes, président du Conseil et ministre des cultes, pour imposer la langue nationale sur l'ensemble du territoire et dans un contexte de sanction de la part du ministère des cultes pour les prêtres usant du breton dans leurs prédications et le catéchisme. A partir de septembre 1902, les prêtres reconnus comme usant du breton peuvent voir le versement de leur traitement mensuel bloqué.
L'évêque veut par cette enquête mesurer la capacité des fidèles finistériens à comprendre ou non les instructions si celles-ci n'étaient qu'en français.
Enquête diocésaine sur la pratique du breton | Réponses | ||||||
Monseigneur l'évêque prie MM. les Curés et Recteurs de vouloir bien lui fournir, dans le plus bref délai possible, les renseignements suivants : | La Roche B. Dréau | Ploudiry Abjean | La Martyre L. Maguet | Loc Eguiner Jean Perrot | Lanneuffret Duedal | Le Trehou Guiziou | Treflevenez Y. Madec |
1° Quel est le nombre exact des enfants de 9 et 10 ans qui sont appelés, d'après les nouveaux règlements, à suivre dans la paroisse le catéchisme de première communion ? | 38 | 58 | 40 (19+21) | 12 | 6 | 30 | 13 |
2° Combien y en a-t-il parmi eux qui soient capables d'entendre facilement et avec fruit le catéchisme français ? | 4 | 2 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 |
3° Quel est le nombre de ceux qui, connaissant un peu la langue française, ne pourraient abandonner le cathéchisme breton, sans sérieux détriment pour leur instruction religieuse ? | 20 | 56 | 2 | -- | -- | -- | -- |
4° Combien compte-t-on qui sont absolument incapables d'appendre un autre catéchisme que le catéchisme breton ? | 14 | 56 | 37 | 12 | 6 | tous | tous |
5° Sans parler des répétitions particulières faites à quelques enfants, y a-t-il dans la paroisse deux catéchismes, l'un donné en breton et l'autre en français ? Quel est le nombre respectif des enfants qui les fréquentent ? | breton | breton 97 | breton | breton | breton 10 | breton | breton |
6° Les instructions paroissiales se font-elles en breton ou en français, ou bien encore dans l'une et l'autre de ces langues ? | breton | breton | breton | breton | breton | breton | breton |
Le tableau ci-dessus centralise les réponses données par les paroisses du diaconé de Ploudiry, et permet donc de situer La Roche par rapport à ses voisines.
La question 2 nous permet de connaître le nombre d'enfants qui parlent assez bien le français. Et la question 3 ceux qui le parlent un peu, mais il faut là se méfier de la manière dont le curé ou recteur a perçu la question. Pour toutes les paroisses, sauf La Roche et La Martyre, le desservant a voulu avant tout dire que le catéchisme français serait une mauvaise chose quelle que soit la connaissance de cette langue, en ce sens le 56 de Ploudiry n'est pas très significatif.
Je pense que le desservant de La Roche a été rigoureux et honnête et donc sur 38 enfants de 9 ou 10 ans |
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Donc, après tous les espoirs suscités au 20è siècle et souvent déçus, la filière bilingue de La Roche a été opérationnelle à la rentrée 2016-2017. Elle est suivie aujourd'hui en 2020 par 1/3 des élèves en maternelle et presque 1/4 en élémentaire.
Quelle est la spécificité de l'école bilingue par rapport à l'école Diwan ? Voir Wikipedia et les articles de presse plus bas.
- dans une école bilingue, l'enseignement se fait selon le principe de la parité horaire entre les deux langues,
- alors que dans les écoles Diwan :
Quelques étapes dans la création de l'école bilingue, et la suite... illustrées par des articles de presse :
1 Ouest-France du 10/11/2015. Ouverture d'une classe bilingue en 2016 à La Roche ?
Une discussion est lancée entre la commune, l'office public de la langue bretonne et les inspecteurs de l'Éducation nationale.
Le maire Laurence Fortin, Dominique Olaya (adjointe aux affaires sociales), Bruno Tanguy (directeur de la maternelle), Laetitia Le Cam (directrice de l'élémentaire),
M. Blandin, M. Jezequel, Claude Damazie-Edmond et Gwenola Sohier-Ropars de l'IEN.
« Dans le cadre de notre projet communal lié au patrimoine, nous avions fait une émission en breton sur la rénovation de l'église et du château », confie le maire Laurence Fortin. Puis l'idée de signer une charte avec l'Office des Langues Bretonnes (OLB) a suivi. « C'est alors que nous avons été interpellés par M. Blandin, parent de deux élèves de maternelle, sur l'ouverture d'une classe bilingue breton. »
Ce papa défend son idée en avançant la proximité d'une école bilingue pour éviter aux enfants de se rendre à Landerneau. Les élus ont réfléchi sur ce dossier. « Nous avons cinq élèves rochois scolarisés à Landerneau. Ce qui représente un coût pour la commune car nous participons à ces scolarisations. »
Pour envisager une ouverture, « nous avons adressé un courrier à l'inspection d'académie dans l'objectif de développer l'apprentissage des langues », souligne Laurence Fortin. De son côté, Fañch Jézequel, de l'OLB, annonce qu'un protocole est à suivre pour une telle ouverture. « Nous sommes très présents dans l'accompagnement du développement des écoles bilingues. Quand on propose aux mairies de travailler sur ce sujet, après une réunion de travail, il y a une réunion publique avec un sondage qui évalue le projet. »
Du côté de l'inspection, « on rencontrera, bien sûr, les enseignants. Pour une ouverture en septembre, le projet devrait être présenté lors de la carte scolaire au printemps ».
Pour ouvrir une classe, « pas de minima d'élèves, note Fañch Jézequel, et nous tenons à une communication soutenue pour que cette filière mène les enfants jusqu'au CM 2 ». Si création il y a, cela « démarrerait en maternelle avec des enfants de 2 à 5 ans », note Gwenola Sohier-Ropars, de l'IEN en charge des langues bretonnes.
Une réunion publique, probablement en janvier, présentera le fonctionnement des classes bilingues.
2 Le Télégramme du 17 janvier 2016. Classe bilingue. Projet à l'école maternelle.
Une assemblée à l'écoute des différents acteurs du projet de classe bilingue.
Mardi, une trentaine de personnes a pris part à la réunion publique, organisée par l'Éducation nationale, l'Office public de la langue bretonne (OPLB) et la municipalité, sur le projet de création d'une filière bilingue à l'école maternelle. Claude Damazie-Edmond, inspectrice de l'Éducation nationale, a précisé que les filières français-breton fonctionnent au sein des écoles publiques. Les enseignements dispensés sont ceux des programmes nationaux en vigueur. L'enseignement se fait dans la parité horaire, en français et en breton. Auparavant, l'ouverture était conditionnée, avec un minimum de quinze élèves, et ne prenait pas en compte les moins de 3 ans. La décision d'ouverture est à l'appréciation du recteur d'académie. « C'est lui qui tranche, en fonction d'un contexte global », a-t-elle précisé.
Témoignage positif : Jérôme Palud, conseiller pédagogique langue bretonne et Fañch Jézéquel, de l'OPLB, ont exposé les avantages d'un enseignement bilingue dès la maternelle. À ce jour, « nous avons six inscriptions d'enfants nés entre 2011 et 2014, a précisé le maire, Laurence Fortin. Techniquement, l'école maternelle de La Roche-Maurice est parfaitement adaptée à l'accueil d'une telle classe ». Annaëlle, aujourd'hui élève en classe de première, a partagé son expérience positive dans la filière bilingue français-breton et Simone, la doyenne de l'assistance, a fait part de son bonheur de parler sa langue maternelle dans sa famille.
3 Le Télégramme du 14 septembre 2016. École maternelle. Une rentrée chargée.
Après une semaine de cours, c'est l'occasion de faire le point sur la rentrée. Le personnel n'a pas chômé, avec la mise en place du PPMS (plan de sécurité demandé par l'Éducation nationale, du fait de la menace d'attentats), l'intégration des nouveaux instituteurs et l'ouverture de la classe bilingue. Ce sont 85 élèves (contre 77 l'an dernier) qui ont fait leur rentrée, en quatre classes.
Chez les instituteurs, trois nouveaux intègrent le dispositif pédagogique. Marine Le Guennec et Chloé Ruiz dirigeront les petite et moyenne sections, tandis que Barbara Pion s'occupera de la filière bilingue. Bruno Tanguy, directeur, aura en charge les moyenne et grande sections et Nathalie Guéret les petite et très petite sections.
Classe bilingue : déjà 24 inscrits - La grande nouveauté de cette rentrée scolaire est l'ouverture de la classe bilingue français-breton. Avec un effectif de 24 inscrits dont 17 présents à la rentrée (les enfants de PS1 intégreront le groupe à la Toussaint, puis en janvier), cela est déjà une belle réussite.
Les élèves sont répartis en trois groupes, par niveau d'âges, dans la nouvelle classe, comme l'expliquait Mme Pion, l'institutrice en charge de l'équipe. Cette année de rodage sera l'occasion, pour les familles (pas forcément bretonnantes), de tester cette nouvelle forme d'apprentissage par leurs enfants.
4 Le Télégramme du 10 juillet 2017. École. Être bilingue dès la maternelle.
Photo : La classe bilingue avec Barbara Pion, l'enseignante, et Valérie Thépaut.La classe maternelle bilingue en breton a accueilli 21 élèves, âgés de 2 à 6 ans, cette année. Cette nouveauté dans la commune est née d'une demande de parents. La mairie a fait une enquête qui s'est avérée positive et l'inspection académique a donné son feu vert. Cette classe offre un double intérêt. D'une part, elle est multiniveaux : « Les grands expliquent aux petits », précise Barbara Pion, l'enseignante bilingue. D'autre part, « le bilinguisme s'apprend très facilement dès l'enfance et c'est une ouverture sur les langues ».
« Ils ne se rendent pas compte qu'ils apprennent »
Barbara Pion parle uniquement en breton aux élèves. « La vie de la classe, tout ce qui est rituel, comme des comptines, est en breton. Ils ne se rendent pas compte qu'ils apprennent. Ils analysent eux-mêmes : pourquoi est-ce féminin ou masculin ? ». Les questions viennent naturellement et leur faciliteront l'apprentissage d'autres langues. « Les enfants sont des éponges. Ils absorbent tout, sans se poser de questions d'accent ou autre. Ils sont magiques », commente Bruno Tanguy, directeur de l'école maternelle et enseignant de grande section. L'année prochaine, l'école accueillera 19 enfants de petites et moyennes sections, avec la création d'une classe de 12 élèves en CP/moyenne section bilingue pour septembre. Les inscriptions se feront jusqu'en janvier 2018. « Même les enfants qui n'ont jamais appris le breton peuvent s'inscrire », ajoute Bruno Tanguy.
5 Le Télégramme du 31 août 2018. Prérentrée. Une nouvelle école numérique.
Photo : Les équipes réunies vendredi, jour de prérentrée.Depuis plus d’une semaine, les équipes préparent la rentrée scolaire. Un effectif stable dans l’ensemble : trois enseignants et quatre ATSEM composent les équipes de la maternelle, huit enseignantes dont deux nouvelles enseignantes en bilingue, Léna Barré, Morgan Faligot pour les grandes sections, les CP et le nouveau CE1. Du côté des élèves, ils seront au total 190. 68 en maternelle et 122 à l’école élémentaire.
Bruno Tanguy, directeur de l’école maternelle a évoqué vendredi le projet pédagogique « les transports » avec une sortie prévue avec l’association « à Fer et à Flots », la découverte de Brest en téléphérique et le retour en bateau avec la compagnie le Brestoà. La nouveauté de l’école élémentaire « c’est une nouvelle école numérique, avec une isolation phonique et thermique », commente Cécile Le Guirriec. Deux classes de CM1-CM2 sont à compter désormais afin d’équilibrer les effectifs. L’axe principal sera celui de l’an dernier « le climat scolaire ». Le projet du « bien vivre ensemble » et du développement durable se perpétuera commente la directrice « avec la composition de chansons en français et en breton par les élèves et l’aboutissement de l’enregistrement d’un CD ». Les temps forts seront maintenus : le trail avant la Toussaint, les ateliers de Noël, les petits-déjeuners du monde en janvier/février tous les mardis. Le thème de l’orientation remplacera le « run and bike ».
Nombre d'enfants dans la filière bilingue | ||
Année | Maternelle | Primaire |
2016 | 24 inscrits / 85 | |
2017 | 21 élèves / ?? | |
2018 | 19 / 68 | 12 en CP/CE1 |
2019 | 27 | 15 |
2020 | 22 / 59 | 24 en CP-CE1-CE2-CM1 / 110 |
2021 | une vingtaine / 67 | 28 / 105 |
2022 | ?? / 68 | 32 / 113 |
2023 | 26 / 71 | 28 / 100 |
2024 | 23 / 61 | 30 / 106 |
(source : articles de presse)
La directrice a tenu à souligner l’investissement de l’Association de parents d’élèves qui a permis de nombreuses sorties pédagogiques l’année passée. Elle apprécie cette étroite collaboration.
6 Le Télégramme du 31 août 2019. Écoles publiques. La filière bilingue a le vent en poupe.
Photo : Cécile Le Guirriec, directrice de l’école primaire, et Thibaut Pape dans sa classe.Depuis plusieurs jours, les équipes enseignantes préparent la rentrée. Thibaut Pape est le nouveau professeur chargé des classes bilingues CP, CE1 et CE2 : « Trois niveaux qui nécessitent beaucoup de préparation, car il faut anticiper », explique vendredi le nouvel enseignant. « C’est ma quatrième année d’enseignement. Mon objectif est de développer l’autonomie chez les élèves et de leur faire respecter les consignes ». L’enseignant brestois, qui était sur deux établissements l’année dernière, à Plouguerneau et à Plougonvelin, est enchanté d’avoir un poste définitif à la Roche « Je vais pouvoir suivre mes élèves durant tout leur cycle ».
« C’est une filière qui fonctionne très bien : 27 enfants, de la PS à la GS, seront accueillis par Barbara Pion, et Thibaut enseignera le breton à quinze élèves », constatent, satisfaits, la directrice Cécile Le Guirrec et Bruno Tanguy, directeur de l’école maternelle. Ils espèrent la création d’une nouvelle classe bilingue à la rentrée 2020.
7 Le Télégramme du 1er septembre 2020. La rentrée 2020. Voir ici.
"Div Yezh" est l'association des parents d'élèves des écoles bilingues publiques, alors que "Dihun" est celle des écoles bilingues catholiques.
Div Yezh. L'asso bilingue s'étend sur le pays.
Élèves et parents de La Roche et de Landerneau ont rapidement noué des liens (Télégramme du 11/1/2017).
Active dans les écoles landernéennes Jean-Macé/Jules-Ferry et du Tourous, au collège de Mescoat et au lycée de l'Élorn, l'association de parents d'élèves soutiens de la filière bilingue publique « Div Yezh » (deux langues), propose ses services à la nouvelle classe bretonnante de La Roche-Maurice, depuis la rentrée. Logiquement, cette extension du périmètre géographique s'accompagne d'une évolution du nom de l'association. À présent, il convient de l'appeler « Div yezh Bro Landerne » (pays de Landerneau).
Déjeuner participatif le 5 février. « Le lien et l'intégration dans l'association a rapidement été créé », apprécie une responsable. Preuve en a été donnée, vendredi dernier, à l'occasion d'une rencontre marquant la nouvelle année, à la Roche. « Des parents de Landerneau, de La Roche, l'enseignante, les élus de la commune ainsi que des parents intéressés par la filière ont pu échanger autour d'un pot de l'amitié ». Entrée en matière motivante avant les premières échéances importantes de 2017 : journée d'initiation au breton et déjeuner participatif le dimanche 5 février, à la Maison de quartier de Kergreis, festig-noz et fest-noz le samedi 4 mars, au Family et les portes ouvertes dans les écoles publiques bilingues de Landerneau et de La Roche-Maurice, au printemps.
1988 - Création d'une école bilingue à Landerneau ou à La Roche ? (Télégramme du 25/2/1988)
Landerneau - Enseignement du breton - Le maire suggère que l'école publique bilingue soit ouverte à La Roche-Maurice.
Nous évoquions samedi (en page Finistère) le projet de création d'une école bilingue (français-breton) proposée par l'inspection d'académie à la municipalité de Landerneau. Cette suggestion faisait suite à une enquête effectuée auprès des parents d'enfants scolarisés dans les écoles maternelles publiques du SIVOM de Landerneau. Les résultats du sondage ne convainquent pas le maire, Paul Jarry. "La plus forte demande émane des familles rochoises, qui désirent que cette école soit ouverte à La Roche-Maurice, suggère le conseiller régional. Notre ville participera aux frais de fonctionnement, sur le même principe adopté pour les enfants venant de l'extérieur qui fréquentent les écoles landernéennes". C'est dans ce sens que le maire entend répondre à l'inspecteur et au recteur d'académie. Toutefois la question sera évoquée lors de la séance du conseil municipal fixée au vendredi 18 mars.
Une école du SIVOM
Cette idée d'une école bilingue n'est pas neuve. Le conseiller général Jean-Pierre Thomin, lui-même bretonnant, l'a souvent évoquée. Mais c'est, semnle-t-il, Michel Fichou, inspecteur du primaire dans le secteur, qui a fait avancer les choses.
A son avis, les conclusions du sondage effectué à la demande de parents sont significatives : 25 familles se déclarent favorables à cet enseignement bilingue. "Oui, mais 6 seulement habitent Landerneau", rétorque le maire. Onze foyers demeurent à La Roche-Maurice, sept à Ploudiry et un à Pencran. De plus, il ne s'agit que d'intentions et non de pré-inscriptions. En effet, 17 enfants seraient susceptibles de fréquenter la classe maternelle et seulement 8 élèves seraient en âge d'entrer en cours préparatoire à la rentrée 88-89. Ces derniers se répartissent comme suit : 4 de La Roche-Maurice, 3 de Ploudiry et 1 de Landerneau. Dès lors, il s'agirait bien d'une école du SIVOM et non locale.
Des garanties
Bien sûr, les défenseurs du projet mettent dans la balance l'existene à Landerneau de locaux adaptables. Ils pensent particulièrement aux classes non désaffectées de l'école maternelle Jean Macé. Mais là encore le maire précise que dans le projet de modernisation de cet établissement ne figurent pas de structures pour une école bilingue. M. Fichou est clair : "L'école bilingue ne se réalisera que si la municipalité est d'accord". Il précise qu'il a pris des garanties et agit en homme répondant aux besoins du service public. Si, au départ, on partait avec une classe maternelle associée au cours préparatoire, l'enseignement se ferait ensuite par niveaux et non pas dans une classe unique, afin de déboucher progressivement sur un enseignement bilingue au collège public. Il faudrait, bien sûr, que les parents confirment leur attirance pour cette filière et la concrétisent par des inscriptions fermes. Des maîtres compétents et formés pour l'enseignement bilingue seraient désignés.
Et Diwan ?
Ce projet d'école bilingue, qui reste bien française, ne concurrence-t-il pas les écoles privées Diwan ? M. Fichou parle de "complémentarité". Mais, le maire, qui n'a jamais caché son penchant pour Diwan, y voit une réponse du berger à la bergère. Selon lui, l'école maternelle Diwan, qui fonctionne avec 11 élèves à Kergreis, ne coûte rien à la ville, sinon la mise à disposition des locaux. Il préfère que le problème Diwan soit véritablement résolu à l'échelon national. Cette divergence de vue fera certainement l'objet d'une discussion au conseil municipal. Dominique Le Bian.
Résultat : La première école bilingue de Landerneau sera ouverte à la rentrée 1988-1989 dans les locaux de l'école Jules Ferry, avec 12 élèves. L'année suivante, il y aura 14 élèves, de la maternelle au CE1. (source Div yezh er skol - L'école bilingue N°2 juin 1990 sur IDBE)
1943 - Confrontation d'idées entre Georges Thomas et René Jezequel
Cette confrontation est particulièrement intéressante. Si Georges Thomas n'est pas opposé au breton par principe, il pense que le temps manque à l'instituteur pour l'enseigner, tout en considérant que la langue bretonne peut être un être un précieux auxiliaire pour apprendre le français. Cependant, il est plus que favorable à l'enseignement du breton dans le secondaire.
Quant à René Jezequel, il considère que, sans aller vers un enseignement poussé de la langue bretonne en primaire, l'apprentissage méthodique de la lecture et de l'orthographe du breton est indispensable pour faire des comparaisons utiles avec le français. Par ailleurs, l'expérience, qu'il nous rapporte venant d'instituteurs qui ont enseigné à des bretonnants et à des patoisants, est aussi très intéressante.
Opinion sur le breton à l'école par Georges Thomas, instituteur public
Eost n° 12, décembre 1943
Georges-Michel THOMAS. Né en 1913 à Brest, mort en 1991 à Brest ; professeur de collège ; militant du SNI ; auteur d’études historiques.
Fils d’un commis de Marine, G.-M. Thomas entra à l’École normale d’instituteurs de Quimper en 1931. Nommé instituteur en 1934 à Locmélar, il fut instituteur à Landivisiau, à partir de 1936, après son service militaire. Il se maria en juillet 1937 à Saint-Derrien avec une institutrice. Nommé en 1945 à Kerglof, puis à Quéméneven, en 1953, il devint instituteur au cours complémentaire des Quatre Moulins à Brest puis enseigna, à partir de 1966, comme professeur d’histoire au collège d’enseignement général de Lanredec à Brest. Il prit sa retraite en 1969.
Avec son épouse, utilisant les méthodes de l’école Moderne (Célestin Freinet), ils les appliquèrent en installant notamment une imprimerie à l’école. Il dirigea ou élabora la publication d’au moins 14 numéros de Bibliothèque du Travail, revue pédagogique de l’Institut coopératif de l’école moderne entre 1948 et 1956 sur des sujets concernant la Bretagne, dont le n° 151, “Les phares“ ou le n° 233, “Corentin, le petit paysan bas-breton“, ou des sujets du l’époque médiévale dont le n° 319, “Saint-Louis, roi pacifique et très chrétien“.
Militant du Syndicat national des instituteurs, il fut pendant quelques années élu au conseil syndical de la section départementale du SNI. Mais surtout son activité syndicale se manifestait par son intervention dans la partie pédagogique de L’École libératrice à partir d’octobre 1952. Ses articles sur l’enseignement du français et de l’histoire de la civilisation s’accompagnaient de fiches pédagogiques sous un titre général à partir d’octobre 1956, « En passant par ... ». Parfois il abordait des sujets plus politiques, ainsi le 16 février paraissait un article intitulé « Dictature du prolétariat ? Oui, mais conditionnée ».
D’autre part Georges-Michel Thomas, après avoir publié en 1942, une plaquette de 87 pages sous le titre Notes d’histoire locale, Landivisiau fille du Léon inaugurait ses interventions sur la Bretagne, avec parfois un co-auteur ou à partir d’expériences pédagogiques avec des élèves de son CEG.
Il collabora au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français et écrivait des chroniques historiques dans le quotidien Le Télégramme sous le pseudonyme “Jean Ollivier“. Il soutint une thèse sur l’histoire de Brest en 1980.
Georges-Michel Thomas présidait la Société d’études de Brest et du Léon depuis 1980 qui publiait une revue périodique Les Cahiers de l’Iroise.
Les journaux et les revues de langue bretonne et même de langue française font du problème linguistique la condition sine qua non de la Renaissance bretonne et demandent l'enseignement du breton à l'école primaire.
Je ne me pose pas en ennemi acharné de la langue bretonne. Celle-ci existe. Il faut compter avec elle. L'instituteur qui exerce en pays bretonnant a tout intérêt à la connaître ; il peut ainsi gagner la confiance de l'indigène, se mêler aux conversations et arriver de la sorte - lui qui n'est d'aucun pays - à se sentir un peu chez lui. Mais de là à introduire le breton à l'école, il y a de la marge.
Tout d'abord, l'étude de la langue bretonne n'intéresse pas toute la péninsule armoricaine, mais uniquement la Basse-Bretagne. Dans le Haut-Pays, on parle le patois gallot qui est, selon G. Dottin, "essentiellement un dialecte romain, c'est-à-dire une transformation du latin au même titre que le dialecte parisien". Aussi, je ne vois pas pourquoi on irait imposer, à la Haute-Bretagne, une langue qui n'est pas la sienne.
Par contre, en Basse-Bretagne, le breton est encore la langue des campagnes ; je dis des campagnes, car en ville à Brest, à Landerneau ou à Quimper, cette langue est, soit abandonnée, soit en régression.
Le cultivateur, lui, utilise à peu près uniquement la langue bretonne et pourtant, dans son ensemble, il n'est pas partisan de l'enseignement du breton. Il voit dans cette mesure une tentative pour le ramener une centaine d'années en arrière. Il sent bien que, transplanté dans un milieu francisant, par le service militaire, le commerce ou toute autre occasion, il manie gauchement le verbe français qu'il a abandonné depuis l'école. Il a alors le sentiment de son infériorité et craint de paraître ridicule.
Interrogez les gens qui parlent breton et comptez ceux qui savent le lire et l'écrire : ils sont assez rares. La langue bretonne est en effet une langue parlée et non une langue littéraire.
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Au point de vue pédagogique, je suis hostile à l'entrée du breton à l'école primaire comme seconde langue. Non par routine, mais uniquement parce que huit années de scolarité ne permettent pas à un élève moyen de se familiariser suffisamment avec la langue française pour rédiger une lettre, un rapport ou un devoir quelconque de C.E.P.
M. Mocaër, ardent partisan du bilinguisme, convient lui-même que les programmes sont chargés et "y faire place à la langue maternelle (le breton) ne semble pas aisé". Les programmes de l'enseignement primaire n'ont jamais été, en effet, prévus pour deux langues. Il n'en est pas de même au secondaire où je verrais fort bien le breton détrôner le latin comme deuxième langue. Ne croyez-vous pas qu'elle serait plus utile au vétérinaire, au docteur, au notaire et, comme je le disais tout à l'heure, à l'instituteur, qui, chaque jour, sont par leur métier, en contact direct avec la couche bretonnante, que le latin ou l'espagnol ?
Sans être pour un enseignement suivi de la langue bretonne, je dois cependant avouer qu'elle peut devenir un précieux auxiliaire, un procédé pédagogique de valeur. Il est courant au C.P. de partir du mot breton pour apprendre le mot français, selon l'excellent principe qui veut que l'on aille du connu vers l'inconnu. Il arrive même que certaines règles grammaticales s'ancrent plus aisément dans les têtes des réfractaires en faisant appel au breton - c'est le cas pour différencier "cela" de "ceux-là". En géographie locale, c'est encore au breton que l'on a recours pour expliquer les noms de lieux, par exemple.
Mais il y a aussi le revers de la médaille, ces fameux "bretonnismes" si difficiles à déraciner : "les arbres de pommes", "les arbres de chêne", les "j'ai dit à elle", lorsque l'on ne rencontre pas de superbes perles comme celle-ci : "On a dit à elle (la mère) de rester couchée pendant huit jours avec le docteur" (C.E.P. Saint-Pol-de-Léon, 1941).
Par ces quelques réflexions sur le breton à l'école, je n'ai pas la prétention d'avoir résolu le problème posé dès 1666 par Colbert, repris sous la Révolution, puis sous la IIIè République, celui de l'unification linguistique. Une expérience est en cours, tentée par l'enseignement libre, qui unanime s'y est lancé. Suivons-la avec attention.
Le breton à l'école par René Jezequel
Eost n° 13, janvier 1944
René Pierre JÉZÉQUEL. Né le 27 novembre 1899 à Penvénan (Côtes-du-Nord), mort le 3 avril 1969 à Maisons-Laffitte (Yvelines) ; instituteur ; militant de la SFIO puis du Parti communiste dans les Côtes-du-Nord.
Instituteur, René Jézéquel fut, en 1935, secrétaire de la section socialiste de Penvénan (Côtes-du-Nord), à laquelle appartenait Augustin Hamon. Il siégea au bureau du SNI (1939-1940). Après guerre, il fut membre du comité de la fédération du PCF des Côtes-du-Nord en 1946-1947.
Je n'ai pas le dessein d'entreprendre une réfutation en règle de "l'opinion sur le breton à l'école" que mon ami Georges Thomas a publiée dans le dernier numéro d'An Eost, d'autant que sur plusieurs points je suis tout à fait d'accord avec lui. Par exemple, sur les écoles où il ne peut être question d'enseigner le breton : celles des régions et des villes de Bretagne où l'on ne parle pas le breton. Je voudrais seulement discuter avec lui au point de vue pédagogique.
Le principal argument de Georges Thomas est le suivant : "Huit années de scolarité ne permettent pas à un élève moyen de se familiariser suffisammment avec la langue française pour rédiger une lettre, un rapport ou un devoir quelconque de C.E.P.".
C'est malheureusement vrai. Mais le breton n'a pas grand'chose à faire ici. Les lamentables résultats obtenus dans l'enseignement du français sont un fait général, qu'on constate aussi bien à Montpellier qu'à Lille, dans le Léon que dans la Limagne. Les raisons de cet état de choses sont multiples. Je les ai étudiées pendant dix ans, j'ai lu des milliers de devoirs, entendu des centaines de leçons de français, interrogé des centaines d'instituteurs, d'inspecteurs, de directeurs d'école normale. Je ne prétends pas détenir la clé du problème que d'autres ont tant cherchée avant moi. Je ne prétends pas guérir le mal : je suis sûr néanmoins d'y avoir trouvé quelques remèdes. Il ne saurait être question de résumer ici l'ouvrage que j'ai préparé et qui verra le jour quand viendront des temps meilleurs pour l'édition. Je me bornerai ici à quelques remarques que je crois instructives.
L'unité linguistique de la France est un mythe. La langue maternelle des petits Français n'est jamais le français qu'on leur enseigne à l'école. Les uns savent une langue : basque, flamand, breton et langue d'oc, les autres un dialecte ou un patois : alsacien, picard, gallot. Beaucoup parlent simplement un français très impur. J'entendais l'autre jour une famille des environs de Troyes. Sans exagération aucune, ces gens ne disait pas deux phrases sur cent qui fussent correctes. L'argot, un jargon veule et ignoble, sans fermeté et sans sel, est parlé à Paris et dans les villes où il se substitue immédiatement aux langues et dialectes qu'on laisse aux "plouks" de la campagne. Le Brestois Georges Thomas n'en disconviendra pas. Le résultat c'est que "Yanniks" (à tout seigneur tout honneur), Parigots, Toulonnais et Limousins écrivent à 14 ans, vingt lignes de pauvretés en une heure, dans un français pénible.
Je ne vois pas ce qu'on peut tirer de positif du français incorrect et de l'argot. Les "mecs" qui "se rendent drôlement compte" condamnent les maîtres qui ont la prétention de leur enseigner la langue d'Anatole France à leur répéter "ne dites pas... mais dites" et à n'obtenir que des sourires de pitié.
Il est certain que des patois on peut tirer quelques enseignements. Plusieurs ne sont que du vieux français plus ou moins fixé. Mais le fait que ces patois sont très près du français entraîne des confusions et procure aux maîtres bien des soucis. Tous les instituteurs des Côtes-du-Nord et du Morbihan qui ont exercé et, dans la partie bretonnante et dans la partie gallote de ces départements, déclarent qu'ils préfèrent nettement enseigner le français aux petits bretonnnants.
Que les abonnés d'An eost qui ont toujours pratiqué leur ministère en pays bretonnant en jugent. Voici un devoir d'élève de cours moyen, 2è année, d'un chef-lieu de canton gallot, que je copie dans un cahier. Ce jeune homme était invité à décrire une averse :
"Un avait un parapluie. On voulait se fourrer dessous. On, un qui foutit un coupier dessus et il le cassit. On n'a lit pour nous en aller moi et mon copain en courant. On était trempé en dérire quand on arrivit à la maison. On tirit notre manteau, notre sabot, notre chaussette et notre veston. Et après, on buvit une bolée de café qui nous réchauffit."
Alors, puisque c'est un fait que le français parlé ou plus exactement que les français parlés sont très loin de la langue littéraire et de la langue parlée par une partie de la bourgeoisie qu'on enseigne à l'école, ne vaut-il pas encore mieux, comme le pensent les instituteurs des Côtes-du-Nord et du Morbihan, dont je parlais plus haut que les enfants parlent une langue nettement différente du français qu'on va leur enseigner.
Car il s'agit avant tout d'enseigner le français. Encore ces instituteurs qui estiment le travail plus facile en pays bretonnant n'ont-ils jamais employé (ils n'en avaient pas le droit) au profit du français, la connaissance qu'avaient ces enfants d'une autre langue puisque la "méthode directe" était le dogme sacro-saint d'une pédagogie qui a le tort de faire faillite et le plus grand tort de persister.
Cette ânerie pédagogique qui fut tant à la mode est abandonnée dans l'enseignement des langues vivantes. Les cuistres sont morts qui ont prétendu nous enseigner l'anglais en ne nous parlant que l'anglais dont en sixième nous ne savions pas un traître mot et en négligeant ce simple détail que nous parlions couramment le français ! Georges Thomas reconnaît donc qu'on peut utiliser la langue bretonne, qu'elle "peut devenir un précieux auxiliaire". Je dis qu'elle doit l'être. Notre pédagogie est avant tout réaliste. La langue bretonne existe, c'est un fait. Si elle présente des inconvénients, ils sont moindres que le patois ou l'argot qui la remplacerait inévitablement et ne serait qu'inconvénients. Mais, surtout, en regard de ces inconvénients, elle peut présenter des avantages considérables. Il faut l'utiliser pour l'enseignement de la grammaire et de la syntaxe en particulier.
Cela peut-il se faire sans que soit organisé un enseignement méthodique de la lecture et de l'orthographe bretonne ? Nous disons "lecture" et "orthographe" et non "enseignement du breton", comme on a tort d'écrire d'ordinaire, car il n'est nullement question d'enseigner le breton à des enfants qui l'ignorent mais d'apprendre aux petits bretonnants à lire et à écrire leur langue maternelle. Je crois que cet enseignement méthodique est indispensable.
Indispensable, car on ne peut faire de comparaisons utiles, en grammaire par exemple, que si des éléments des deux grammaires sont connus. Je sais un instituteur qui parle couramment le breton et découvrit à 40 ans, avec une touchante stupéfaction qu'il existait en breton des adverbes, des formes verbales, etc... Que Georges Thomas, qui a étudié la psychologie, s'imagine ce qu'est dans l'esprit enfantin cette langue qu'il n'a jamais vu écrite. C'est un magma informe dont il n'y a pour ainsi dire rien à tirer au profit du français. Le bénéfice qu'on peut en tirer justifie-t-il qu'on passe des heures à enseigner lecture et orthographe bretonnes ? Oui, sans aucun doute, car l'orthographe bretonne est simple, phonétique, et qu'il suffit d'heures peu nombreuses.
Indispensable, car le jeune bretonnant, quittera l'école avec cette richesse incomparable qu'est la connaissance de deux langues. C'est une lapalissade que de dire qu'un homme qui sait deux langues en vaut deux. Et nous ne nous plaçons pas au point de vue utilitaire mais au point de vue culturel : on ne sait vraiment à fond une langue que lorsqu'on en possède une autre. On ne peut songer, à l'école primaire, à enseigner deux langues. Mais il n'est pas question de faire apprendre le breton aux enfants dont nous parlons : ils le savent ! L'effort demandé est infime à côté de la moisson à récolter.
Est-ce là l'unique remède au mal dont je parle, les mauvais résultats en français ? Non, en Basse-Bretagne comme ailleurs, bien d'autres peuvent être essayés. Nous en reparlerons.
André Croguennec - Page créée le 11/10/2020, mise à jour le 7/9/2023. | |