Robert Gourlaouen |
Parents
Mariage et enfants
1. Biographie et oeuvres : pâtissier, imagier, châtelain-restaurateur, poète. 2. La pâtisserie de Landerneau. 3. Sources des informations.
Robert est d'abord pâtissier, comme son père, dont il prendra la succession, à La Duchesse-Anne.
Vers 1963, il crée, rue du Gaz à Landerneau, une boulangerie-pâtisserie industrielle, qui emploiera jusqu'à 27 personnes. Robert Gourlaouen fut le premier du Finistère à se lancer dans la fabrication industrielle du pain. L'établissement fermera en 1977. "Dans la région brestoise, la concurrence avait pris des dimensions telles que pour rester compétitifs il fallait pratiquer des prix trop bas".
Imagier
Mais, déjà dès ses 25 ans, il s'était lancé dans une aventure singulière et artistique.
Il n'a jamais fréquenté aucune Ecole des Beaux-Arts, il n'a jamais reçu de conseils de personne, il n'a pas eu une vocation précoce et impérieuse : tout au plus peut-il se rappeler que, tout enfant, il était impressionné profondément par le Christ de l'église de Saint-Houardon. Il attend ses 24 ans pour commencer à tailler dans le bois, "comme ça, pour s'amuser".
De la première racine de pommier qu'il travaille, il fait surgir une tête de Christ ; d'un bois de rose qui suit, un autre visage de Christ et des saints bretons ; d'un tronc de marronnier, sort une Pieta. Une mise au tombeau, un Saint-Joseph, un Christ en Croix, le premier, naîtront d'un if venu d'un talus de la route de Rumengol. D'un bois exotique, il fait un Christ grandeur nature qu'il a offert à l'Eglise Saint-Thomas de Landerneau. Et l'aventure ne fait que commencer.
On se trouve ici devant un phénomène d'art populaire rejaillissant des sources de l'instinct d'une race d'artistes. Pas d'études, pas de croquis, pas de projets lentement élaborés sur le papier à dessin. L'imagier tape directement dans la masse, avec une sorte de force tranquille et sûre. Son grand Christ, il l'a sculpté en onze jours. Sans fièvre, mais aussi sans remords de ciseau, l'artiste projette sa vision intérieure.
Robert Gourlaouen va à l'expression la plus aigüe de la souffrance. Son grand Christ, par exemple, il ne l'a pas choisi à ce moment - souvent choisi par les sculpteurs - où le Crucifié, ayant dépassé les affres de l'agonie, est entré dans la paix du sommeil. Il le voit et le fait voir au moment le plus haletant de la lutte de la vie et de la mort, quand les bras se sont distendus sous le poids du corps, quand les pieds se crispent sur les clous de la croix, quand le supplicié hurle sa douleur. Cette vision saisissante a été exprimée avec un art rude et mâle. (d'après Jean Christian - 1954)
"Deux hommes, par leurs conseils, m'ont incité à persévérer, avoue-t-il. Ce sont M. de Solminihac, sous-préfet de Brest et le chanoine Tanguy, curé-doyen de Landerneau. Je leur en suis profondément reconnaissant".
En 1956, cet archipel du sud de l'Océan Indien, station de recherche scientifique et base militaire, ne possédait pas d'église. L'idée de sa construction fut spontanée. Sous la tutelle d'un prêtre, l'édifice fut érigé sur un plateau rocheux en pente douce vers la falaise et la mer.
La première pierre fut scellée en février 1957. La chapelle se construisit autour de l'autel, un bloc de bazalte de deux mètres cubes, aux clivages naturel à angles droits, qui fut trouvé aux abords. C'est sans architecte qu'un plan simple, en double carré, fut adopté. Quatre piliers enserrés dans une dalle qui abrite le portail s'élevèrent en clocher vers 1962.
C'est donc aux artistes que l'on demanda de rendre à cette structure, moderne par sa simplicité, une allure plus humaine, une atmosphère plus intime. Robert Gourlaouen, le sculpteur, fut l'un d'entre eux. (source Le Télégramme du 11/8/1993)
"La vierge placée dans l'église est l’oeuvre de Royer au Trez-Hir de Saint-Renan dans le Finistère. La grille en fer forgé placée aux pieds de cette statue porte une inscription, INTROUN VARIA AN AVEL".
En septembre 1958, Robert réalise pour les îles Kerguelen, un Christ en croix, de grandeur naturelle, et l'année suivante une statue de "Notre-Dame-du-Vent". Cette dernière oeuvre a été taillée dans un énorme bloc d'iroco, mesurant deux mètres de haut et ne pesant pas moins de 500 kg et représente la Vierge serrant dans ses bras l'enfant Jésus.
Ces deux oeuvres ont été réalisées à la demande de l'abbé Bogé, aumônier des îles Kerguelen. Elles se trouvent à Port aux Français. Le Christ en croix est hébergé dans la chapelle et la statue de la Vierge, à proximité au bord de la falaise. Le 1er janvier 1983, un timbre à l'effigie de Notre-Dame-du-Vent, fut émis par les P.T.T.
En 1965, il crée son bel et imposant homme nu (Arthur de son prénom) autour du thème "Amour, espoir et liberté". Haute de 3,4 mètres, la statue est réalisée en cèdre du Liban.
Notre artiste a sculpté aussi de nombreuses Pietas.
En 1991, après une esquisse préalable sur papier, il a débité le tronc d'un vieux cèdre. Muni de sa trentaine de gouges (ciseaux à bois), il s'est acharné à sculpter la vierge tenant entre ses bras le Christ mourant. Après 350 heures de travail, dans le parc de son château de Brezal, l'oeuvre fut terminée, pour rejoindre l'église de Plouneventer.
Mgr Guillou, évêque de Quimper, est venu admirer la piéta du châtelain. L'ecclésiastique a trouvé à la vierge un air trop fier. Mais l'artiste estime, quant à lui, que les "vierges bretonnes" sont ainsi. Par contre, quand on lui rétorque que les jambes du Christ ont quelque chose d'érotique, Robert Gourlaouen ne s'étonne pas : "Le Christ a été crucifié nu nous disent les évangiles... moi, je lui ai tout de même mis un pagne". Décidément, Robert Gourlaouen ne manque pas d'humour, c'est aussi un grand artiste.
En 1993, Gourlaouen se trouve aux frontières du païen et du sacré, avec saint Edern et son cerf.
"Saint Edern était un moine-prêcheur au 7è ou 8è siècle, de la vague des évangélisateurs gallois ou irlandais qui déferlait sur la Bretagne. Un jour une voix lui enjoint de créer une paroisse, dont il devra délimiter le tour en une nuitée", selon Robert Gourlaouen. Miracle, un cerf de bonne composition vint se mettre à sa disposition pour optimiser la distance couverte. Edern enfourcha l'animal, et c'est sur son dos qu'il accomplira ce qui lui avait été demandé.
Aujourd'hui trois communes portent le nom du saint : Plouedern, bien sûr, mais aussi Lannedern et même Edern tout court, dans le Sud-Finistère.
"C'est une habitante de Plouedern qui a eu l'idée de cette statue", avoue le sculpteur. Résultat, un Saint Edern en robe monacale, crucifix autour du cou, rendant grâce, accoté à un cerf agenouillé qui semble surgir du tronc d'un arbre.
Une superbe représentation en bois massif que Robert Gourlaouen a tiré de la fourche d'un chêne, un arbre mort du parc de son château de Brezal. Avant de s'offrir au ciseau et à la massette du sculpteur, qui travaille toujours sans modèle ni photo, la pièce de bois mesurait 1,10 mètre de diamètre et pesait 500 kg.
L'oeuvre reste physiquement impressionnante, malgré sa cure artistique d'amaigrissement, et pour une hauteur de plus d'un mètre, elle fait ses 120 kg. Couronné des bois véritables que son auteur s'est procuré à la vallée des cerfs, le dix-cors semble prêt à emmener le saint sur sa croupe émergeant du tronc, ses antérieurs fléchis, frémissants encore de la vie du bois.
Commentaire d'Yves-Pascal Castel : "Taillé vers 1990 dans le tronc d'un grand cèdre foudroyé par la tempête le saint Edern de Robert Gourlaouen est original. L'artiste a pris le parti d'agenouiller son ermite le visage levé, comme perdu dans la contemplation. A ses côtés, agenouillé lui aussi, l'inséparable cerf légendaire. La position des protagonistes, bien particulière, se double d'une seconde curiosité : la ramure du cervidé est empruntée à un véritable animal."
En 1996, il crée un nouveau Christ, il est destiné à l'église du Conquet. C'est son 12è Christ. Mais, hélas, celui-ci est refusé par la Commission Diocésaine d'Art Sacré.
"Reste la blessure profonde ; une souffrance intime qui noue la gorge du généreux sculpteur. Et une envie simple, humaine, de montrer son oeuvre au public l'espace d'une petite journée. Adossé à la façade de la Duchesse Anne, le Christ de tilleul blond se fond dans la couleur des pierres, résistant aux assauts du soleil, aux averses et aux coups de vent qui ont rythmé cette journée douce-amère. La météo ne lui fait ni chaud ni froid. "Il n'est pas beau mon Christ ?..." Sans fierté démesurée, Robert Gourlaouen interroge ses amis, discute avec les passants et renseigne les curieux, racontant inlassablement son histoire. Car devant la statue, il y a l'homme. Fragile, comme un oiseau blessé, ce n'est pas tellement son oeuvre qu'il expose ainsi. C'est sa foi, sa prière ; deux mois de recueillement dans son atelier. "Je suis obligé de sculpter, le bon dieu m'a fait pour ça. Je n'y peux rien." (Le Télégramme du 23/8/1996).
Est-ce ce Christ que l'on trouve dans l'ossuaire de Saint-Servais ?
Un jour, il imagine cette statue de la vierge avec le visage de sa mère.
Châtelain-restaurateur
1982 - De Guerrus à Brezal, une route enchantée pour Robert Gourlaouen, Châtelain-Restaurateur
Sur le pignon de la maison "La Duchesse Anne", la devise de Brezal ; à l'intérieur de cette pâtisserie, le blason de Guerrus. S'agit-il de signes prémonitoires ? L'enfant des lieux, Robert Gourlaouen, est prêt à le croire, puisque le voici propriétaire de ces deux châteaux qui ont marqué l'histoire landernéenne et même de France.
"Pourtant je n'ai pas forcé le destin, le hasard a présidé à l'acquisition, à quatre ans d'intervalle, de ces deux superbes propriétés. Je m'étonne encore d'y vivre", confie Robert Gourlaouen. Travailleur infatigable et doué de multiples talents, il ne se contente pas d'y couler des jours paisibles. Le boulanger-pâtissier, devenu traiteur, s'apprête à porter très haut la restauration locale. Il la dotera de lettres de noblesse dans les années à venir. Une ambition qui n'apparaît pas démesurée en regard des outils qui sont désormais à la disposition de cet homme d'action.
Des destinations complémentaires
Lorsqu'il avait acheté le château de Guerrus en La Forest-Landerneau, Robert Gourlaouen avait répondu aux besoins d'une clientèle aimant les grandes réunions, cérémonies et banquets s'y déroulent régulièrement. Dans ce décor grandiose qui avait jadis la réputation de lieu paradisiaque, le Landernéen sert jusqu'à 300 couverts.
La destination du château de Brezal, en Plouneventer, est différente, mais finalement complémentaire. "J'envisage de l'ouvrir au public tous les week-ends à partir de la fin du mois d'août. Sur réservation, il sera possible d'y venir déjeuner ou dîner. Deux menus adaptés quotidiennement aux marchés, et une petite carte, telles sont mes intentions". Les petites cérémonies ou séminaires n'excédant pas la centaine de convives bénéficieront du charme indéfinissable des trois salons contigus du rez-de-chausée. Dès demain d'ailleurs, le premier mariage sous les immenses lustres scintillants de cristaux.
L'acharnement d'une famille
Pour parvenir à ses fins, la famille Gourlaouen n'a pas ménagé sa peine. Inoccupé depuis quelques années, le château de Brezal réclamait des soins et même une restauration. Berceau de la famille de Penanster, il fut reconstruit en 1841 (ou plutôt en 1861, dis-je). Son dernier locataire, M. Vincent Huon de Penanster, l'ancien maire de Plouneventer, est aujourd'hui installé à Nantes.
"Nous n'avons pas hésité à remodeler l'intérieur" avoue Mme Gourlaouen, elle-même armée d'un courage à toute épreuve. Et puis, il y a Philippe, 25 ans, et Marc, 20 ans, deux des trois enfants du couple, conscients du bel avenir qui leur est préparé, ils encadrent efficacement leurs parents. Avec l'aide d'un seul employé, Gérard Bonniec, la société familiale s'acharnait encore lundi, à la tâche. Dorures, polychromies, moquettes murales, peintures et même fuites d'eau... Tout est assumé par elle afin que cette demeure retrouve la gaité, la folie du XIXè siècle. Dans les onze chambres aménagées sur deux niveaux, M. et Mme Gourlaouen se fabriqueront un appartement douillet. Au sous-sol, ils ont enfin créé une cuisine fonctionnelle d'où sortiront des mets raffinés.
Le 9/8/2012, je rencontrai à la brocante du Conquet, un homme de 40 ans qui avaient été cuistot à Brezal à l'âge de 14 ans, donc vers 1986. Bien qu'il y fut mal payé il ne tarissait pas d'éloges sur Robert et Mimi. Robert savait tout faire, il chantait aussi et captivait son public. Il savait déstresser son personnel dans les moments d'urgence. A part leurs biens, ils n'étaient pas riches, la trésorerie était limitée, mais Mimi arrangeait ces problèmes, secondée aussi par Jacques, l'avocat. En ce temps-là, Marc était maître d'hôtel. A cette époque, la propreté des cuisines laissait à désirer ("sans doute, par manque de temps à cause de la préparation du nouveau restaurant ?" dis-je). Il convint qu'aujourd'hui cela avait changé, d'ailleurs la règlementation tâtillonne ne l'eût pas permis.
(André Croguennec, souvenir)
Mille couverts
Robert Gourlaouen n'est pas seulement propriétaire de cette maison-mère cachée dans les bois au-dessus de Pont-Christ. Il arpente également seize hectares de terre sur lesquels on ne finit pas de découvrir des bâtiments en ruine. Désignant les écuries construites en pierres de taille, il rêve déjà aux concerts, aux diverses animations culturelles qu'il aimerait organiser. Quand on est soi-même sculpteur, peintre, chanteur, homme de lettres, on se plait à ouvrir sa porte aux artistes. L'étang de Brezal est enfin sien. Il envisage de le curer de le rendre plus touristique, et ne désespère pas d'y trouver un trésor...
Il est évident que l'ensemble ne s'embellira que petit à petit... "Tout cela coûte très cher. J'ai mis en vente plusieurs de mes biens pour faire face aux échéances. Si je parviens à conserver Guerrus, Brezal et La Duchesse Anne, je contribuerais au développement économique de Landerneau", conclut le restaurateur.
Il faut savoir en effet que mille couverts pourraient être servis simultanément. La capacité d'une ville de congrès en somme. La municipalité ne sera certainement pas hostile à cet avenir. Puisse-t-elle même l'encourager !
Le premier à faire un cadeau sera cependant Robert Gourlaouen. "J'ai hérité d'une tonne de livres, de magnifiques ouvrages reliés, écrits à la plume d'oie et pesant chacun jusqu'à 40 kg. J'offrirais quelques uns à la ville pour ses archives". Généreuse intention à l'image du personnage. Dominique RIVIER in Le Télégramme du 11/8/1982.
1987 - Les écuries de Brezal.
Après la rénovation du château et la création d'un restaurant réputé, l'objectif de Robert Gourlaouen était de transformer le vieux bâtiment des écuries. La rénovation des écuries du château prit fin en mai 1987, après 3 ans et demi de travaux. Robert Gourlaouen conserva la magnifique cheminée, qui servait autrefois au maréchal-ferrant. Mais il décala celle-ci de deux mètres pour agrandir la salle du bas. Les émaux que l'on admire au-dessus du manteau ne sont pas d'origine, ce sont des vestiges de l'ancien PAC de Brest qui avait brûlé. Le nouveau châtelain de Brezal les acheta ainsi que d'autres éléments de construction (dalles de marbre ou baies vitrées) qui prirent place dans le bâtiment.
Poète
Il a écrit notamment des Rimailleries dont on peut trouver, sur ce site, des extraits consacrés à Pont-Christ. Le texte intégral est disponible sur Internet dans la Bibliothèque Numérique Bretonne et Européenne.
Robert Gourlaouen est mort d'un accident cérébral à Brezal, alors qu'il attaquait
à la tronçonneuse une bille de six mètres destinée à devenir un Christ pour le Vatican.
Suivant acte reçu par Me Izenic, notaire à Landerneau, le 28 mai 1919, Mme Louis GALON, veuve de M. Jean Pouliquen, pâtissière, demeurant à Landerneau, place du Marché, n° 10, a vendu à M. Auguste GOURLAOUEN, pâtissier, demeurant à Lesneven, avenue de la Gare,
Le fonds de commerce de confiserie et de pâtisserie exploité à Landerneau, place du Marché, n° 10, comprenant l'enseigne et le nom commercial, la clientèle et l'achalandage, le droit au bail des lieux où il est exploité et le matériel qui en dépend.
Les oppositions devront être faites, à peine de forclusion, dans les dix jours de la présente insertion, et seront reçues en l'étude de Me Izenic, notaire à Landerneau.
Cette insertion est faite en renouvellement de celle parue dans le même journal à la date du 6 juin 1919. Pour 2è insertion : L. IZENIC.
(La Dépêche de Brest du 16 juin 1919).
La patisserie, dans le bout de la Maison de la Duchesse Anne, appelée aussi Maison de la Sénéchaussée. |
Le Christ ressuscité.
Au milieu de la façade de la maison, dans une niche de la tourelle ronde, se trouve une statue de l'atelier de Bastien et Henri Prigent de Landerneau (1527-1577).
Il s'agit clairement du Christ après la Résurrection : de la main droite, il nous montre la plaie créée au côté droit par la lance du soldat et dans sa main gauche apparaît très nettement le trou laissé par le clou de la crucifixion.
En nous promenant dans le temps et dans l'espace, de la Maison de la Duchesse Anne à Brezal, avec Robert Gourlaouen ; de Brezal à Kerbeneat, avec Albert Le Roux et de Kerbeneat au Calvaire de Landerneau, avec les Bénédictines, nous avons rencontré un autre "Christ ressuscité" du même atelier.
Il se trouve dans le cimetière de Kerbeneat et il a été transporté là par les religieuses du Calvaire lors de leur déménagement.
André J. Croguennec - Page créée le 15/5/2022. | |